Chapitre 7 - Suivi des effets du salaire minimum

7.5 Effets sur l'emploi formel et informel

Une caractéristique fréquente des pays en développement est la coexistence de l’emploi formel et informel. Selon les définitions adoptées en 2013 par la 17e Conférence internationale des statisticiens du travail, l'emploi informel inclut les emplois dans les petites entreprises ou les sociétés non enregistrées, ainsi que les emplois non déclarés dans les entreprises enregistrées.

Sur la base de cette définition, la Figure 1 ci-dessous montre que la part des salariés dans l’emploi informel va d’environ 20 pour cent dans les zones urbaines de l'Uruguay à plus de 80 pour cent en Inde, où les estimations font état de quelque 135 millions de travailleurs occasionnels en 2009-10, soit beaucoup plus que les travailleurs salariés1.


Figure 1. Pourcentage d'employés dans l'emploi informel, dernière année disponible

Source: BIT, «Women and men in the Informal Economy: A Statistical Figure», Deuxième édition, Genève, 2013.

Dans la plupart des pays, la législation sur le salaire minimum s'applique en principe aux petites entreprises, aux entreprises non enregistrées ou aux emplois non déclarés (voir le Chapitre 4 sur le champ d’application de la loi). Toutefois, presque par définition, l'application des dispositions législatives ou réglementaires est beaucoup plus difficile lorsque l'emploi n’est pas déclaré, ou concerne une entreprise non enregistrée.

Prenant acte de cette réalité, les économistes ont longtemps considéré que, dans les pays en développement, les salaires minima trop élevés et effectivement appliqués ne provoquent pas une baisse de l’emploi, mais qu’ils peuvent entraîner un déplacement des travailleurs de l'économie formelle vers l’informalité, ce qui fait augmenter les taux de non-conformité et baisser les salaires dans l'économie informelle2.

Données empiriques

Si plusieurs études font état de baisses de l'emploi formel, l’analyse des effets du salaire minimum sur l'emploi en Amérique latine montre que la réalité est souvent plus complexe. Ainsi, une étude menée en Argentine conclut que les augmentations du salaire minimum n’ont eu que peu d'impact sur l’économie formelle, mais ont fait augmenter les salaires dans l'économie informelle3; cette étude souligne que le non-respect de la législation (p. ex. les obligations liées à l’enregistrement d’une entreprise ou aux cotisations de sécurité sociale) ne signifie pas nécessairement que le salaire minimum n’a aucun effet.

Une explication à l’impact du salaire minimum sur les rémunérations dans l'économie informelle, où les inspections du travail sont rares, est l’effet «d’entraînement», qui constitue en quelque sorte une indication du niveau de salaire minimum socialement acceptable, à l’intention des travailleurs et employeurs de l’économie informelle4.

Il est nécessaire d’effectuer des recherches individualisées par pays pour identifier l’impact prédominant qui s’y fait sentir ‒ effet de «déplacement» ou «d’entraînement». Pour mieux comprendre l’impact global du salaire minimum sur l'économie informelle ou souterraine, les chercheurs devraient s’intéresser aux échelles salariales et à leurs effets sur l'emploi.

Le BIT poursuit actuellement ses travaux sur la transition de l’économie informelle à l'économie formelle.


1 Concernant l’Inde, voir U. Rani, P. Belser: «The effectiveness of minimum wages in developing countries: the case of India», 2012, International Journal of Labour Research, Vol. 4, n° 1.
2 S. Nataraj, F. Perez-Arce, S.V. Srinivasan, K. B. Kumar: «The impact of labor market regulation on employment in low-income countries: A meta- analysis», 2014, Journal of Economic Surveys 28(3), pp. 551-72.
3 M. Khamis: «Does the Minimum wage Have a Higher Impact on the Informal than on the Formal Labor Market? Evidence from Quasi-Experiments», 2008, Document de travail, IZA, n° 3911, Institute for the Study of Labor, Bonn, Allemagne.
4 Voir, par exemple: P. Souza, P. Baltar: «Salario minimo e taxa de salaries no Brasil», in Pesquisa e Planejamento Economico, 1979, 9, pp. 629-60; L. A. Bell: «The impact of minimum wages in Mexico and Colombia», 1997, Journal of Labor Economics 15 (3), pp. 103-35.