Note de synthèse

Une mission commune de l'OIT et de la Banque Mondiale au service de la protection sociale universelle

En ce début de XXIe siècle, c’est avec fierté que nous faisons nôtre le consensus qui s’est dégagé: la protection sociale est une priorité fondamentale du développement. Des systèmes de protection sociale qui sont adéquatement conçus et mis en œuvre sont un puissant moyen pour les pays de valoriser le capital humain et d’accroître la productivité, d’éliminer la pauvreté, de réduire les inégalités et de contribuer à la paix sociale. Ils font partie intégrante des stratégies nationales de développement qui visent la croissance inclusive et le développement durable allant de pair avec l’équité sociale.

La couverture sociale universelle et l’accès universel à la protection sociale sont déterminants pour venir à bout de la pauvreté et favoriser la prospérité partagée, objectif double que s’est fixé la Banque mondiale à l’horizon 2030. La couverture sociale universelle est au cœur du mandat de l’OIT, basée sur ses normes relatives à la sécurité sociale, parmi lesquelles la recommandation (nº 202) sur les socles de protection sociale, adoptée par 185 Etats en 2012. De nombreux pays se sont engagés dans un processus d’extension de la couverture sociale et font état de progrès significatifs.

Depuis les années deux mille, l’universalité figure à nouveau dans le programme pour le développement. Il y a d’abord eu l’éducation: en 2000, assurer l’éducation pour tous devient un objectif du Millénaire pour le développement. Puis c’est le tour de la santé: en décembre 2013, la Banque mondiale et l’OMS s’engagent en faveur de la couverture sanitaire universelle. Le moment est maintenant venu de passer à la protection sociale universelle.
Pour la Banque mondiale et l’OIT, la protection sociale universelle désigne un ensemble intégré de politiques visant à assurer à tous – et notamment aux plus pauvres et aux plus vulnérables – la sécurité et le soutien du revenu, tout au long du cycle de vie. Toute personne ayant besoin d’une protection sociale devrait être en mesure d’y avoir accès.

La protection sociale universelle comprend les éléments suivants: transferts monétaires d’un montant suffisant pour tous ceux qui en ont besoin, en particulier les enfants; prestations et aide aux personnes en âge de travailler, en cas de maternité, d’invalidité ou d’accident du travail, et aux personnes sans emploi; pensions pour toutes les personnes âgées. Cette protection peut être fournie par le biais de l’assurance sociale, de prestations sociales financées par l’impôt, de services d’assistance sociale, de programmes de travaux publics et d’autres régimes garantissant la sécurité élémentaire de revenu.

Pourquoi promouvoir la protection sociale universelle?

Il est amplement et scientifiquement démontré que des systèmes de protection sociale adéquatement conçus et mis en œuvre peuvent constituer la base d’un développement social et économique durable – pour les individus, les collectivités, les nations et les sociétés.
  • La protection sociale prévient et limite la pauvreté, œuvre pour l’intégration sociale et la dignité des populations vulnérables.
  • Elle contribue à la croissance économique: l’augmentation des revenus accroît la consommation, l’épargne et l’investissement au niveau des ménages, ainsi que la demande intérieure au niveau macroéconomique.
  • Elle favorise le développement humain: les transferts monétaires facilitent l’accès à l’alimentation et à l’éducation, ce qui se traduit par une amélioration de l’état de santé, une augmentation des taux de scolarisation, une diminution des taux d’abandon scolaire et le recul du travail des enfants.
  • Elle améliore la productivité et l’aptitude à l’emploi en valorisant le capital humain et les actifs productifs.
  • Elle protège les individus et leur famille contre les conséquences des crises, que celles-ci soient provoquées par des pandémies, des catastrophes naturelles ou des récessions économiques.
  • Elle renforce la stabilité politique et la paix sociale, réduit les inégalités, atténue les tensions sociales et les conflits violents; elle est un gage de cohésion sociale et de participation sociale.
  • La protection sociale est un droit humain dont devraient jouir tous les membres de la société, y compris les enfants, les mères, les personnes handicapées, les travailleurs, les personnes âgées, les migrants, et les personnes issues de populations autochtones ou de minorités.
  • La couverture sociale universelle aujourd’hui
De nos jours, près de 30 pays à revenu faible ou intermédiaire disposent de programmes de protection sociale universelle ou quasi universelle. Plus d’une centaine d’autres prennent des mesures pour étendre la protection sociale à des groupes de la population qui en étaient exclus et pour leur ouvrir rapidement droit aux prestations correspondantes. C’est dans la branche des pensions de vieillesse que la protection sociale universelle est le plus souvent une réalité. Dans certains pays, elle l’est aussi pour les enfants. En outre, le principe de l’universalité de la protection a été entériné dans des déclarations faites au niveau international par l’Union africaine, l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), la Commission européenne, le G20, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et les Nations Unies.

Les voies possibles pour parvenir à la protection sociale universelle

De multiples voies mènent à la protection sociale universelle. L’OIT et la Banque mondiale reconnaissent pleinement:
  • l’appropriation par les pays des processus de développement tendant vers l’universalité;
  • la décision des pays de mettre en place progressivement la couverture universelle ou de l’instaurer immédiatement;
  • le caractère hétérogène de la conception et de la mise en œuvre des régimes universels.
Les pays ont à leur disposition une vaste palette de possibilités pour parvenir à la couverture sociale universelle. En général, ils assurent l’universalité en combinant des régimes contributifs et des régimes non contributifs. Par exemple, la République populaire de Chine a établi un système quasi universel de pensions en complétant le régime de l’assurance sociale par des pensions sociales dans les zones rurales. D’autres pays comme la Bolivie octroient à toutes les personnes âgées des prestations universelles financées par l’impôt. Des pays optent pour une mise en place progressive de la couverture universelle et d’autres pour son instauration immédiate.

Financer la protection sociale

Les pays ont recours à de nombreuses solutions pour financer la couverture sociale universelle. On citera entre autres possibilités:
  • la réaffectation des dépenses publiques;
  • l’augmentation des recettes fiscales, y compris des recettes découlant de l’imposition des ressources naturelles;
  • la diminution de la dette ou du service de la dette;
  • l’extension de la couverture de la sécurité sociale et des recettes contributives.
Les divers programmes de protection sociale universelle doivent être pérennes, équitables et par conséquent adaptés à la capacité contributive des différents groupes de la population. Un meilleur contrôle des obligations fiscales et des obligations de cotisations assure une assiette de revenus plus large et une progressivité suffisante, ce qui peut accélérer la mise en place de la protection sociale universelle. Le recouvrement effectif des cotisations de sécurité sociale peut entraîner une hausse des recettes fiscales, en particulier dans les pays où la pyramide des âges est jeune. Des rentrées fiscales plus élevées peuvent à leur tour faciliter la promotion de programmes obligatoires. S’agissant des personnes défavorisées dépourvues de capacité contributive, les gouvernements doivent trouver des sources durables de recettes budgétaires.

Une vision: parvenir à la protection sociale universelle pour que personne ne soit exclu

La Banque mondiale et l’OIT partagent la vision d’un monde où toute personne ayant besoin d’une protection sociale peut en bénéficier à tout moment.
Conformément à cette vision, les deux institutions reconnaissent que la protection sociale universelle est un but qu’elles contribuent à promouvoir en aidant les pays à l’atteindre. Parvenir à l’universalité faciliterait la réalisation des objectifs de la Banque mondiale, à savoir réduire la pauvreté et promouvoir une prospérité partagée, ainsi que la réalisation du mandat de l’OIT consistant à promouvoir le travail décent et la protection sociale pour tous. Cette mission commune serait un élément moteur du programme pour le développement en vue d’assurer durablement la paix, la prospérité et le progrès.

Un objectif: accroître le nombre de pays adoptant la protection sociale universelle

L’objectif commun de l’OIT et de la Banque mondiale est le suivant: «Accroître le nombre de pays susceptibles d’offrir une protection sociale universelle, en aidant les pays à concevoir et à mettre en œuvre à cet effet des systèmes durables.»
Cet objectif tient compte des éléments ambitieux sur lesquels repose la vision commune de l’OIT et de la Banque mondiale. Il est entendu que pour concrétiser cette vision il faut, d’une part, instaurer progressivement ou immédiatement la protection sociale universelle et, d’autre part, veiller à ce qu’aucune régression ne vienne compromettre les progrès accomplis.

Cet objectif part du constat suivant: si les pays élaborent des systèmes complets qui assurent une protection universelle aux individus tout au long de leur vie et s’il est suffisamment prouvé que les systèmes de protection sociale sont efficaces, efficients, équitables et accessibles financièrement, davantage de pays adopteront de tels systèmes dans le cadre de leurs stratégies nationales de développement. En outre, d’importantes synergies et de grands avantages sont possibles, si l’OIT et la Banque mondiale soutiennent conjointement l’élaboration de systèmes de protection sociale universelle dans les pays, en mettant l’accent sur un financement national et durable.

La protection sociale universelle dans le programme de développement pour l’après-2015

Au début de 2016, les Nations Unies lanceront un ambitieux nouveau programme de développement: les Objectifs de développement durable (ODD). Aujourd’hui, de nombreuses régions continuent d’être aux prises avec une pauvreté importante et persistante tandis que les inégalités se creusent à l’échelle mondiale. En établissant les priorités, puis en adoptant un programme pour l’après-2015, les Etats Membres vont déterminer l’orientation des efforts de développement au niveau international pour les quinze prochaines années. Par conséquent, il est impératif de faire les bons choix.

La protection sociale et, en particulier, la protection sociale universelle sont prises en considération dans les ODD, série d’objectifs et de cibles négociés qui sera présentée aux Etats Membres au Sommet des Nations Unies en septembre 2015 en vue de l’adoption du programme définitif. Dans le document exposant ces objectifs, un rôle important est accordé à la protection sociale dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités, et des approches universelles aux fins de la protection sociale y sont préconisées tout comme l’intensification des efforts en faveur des pauvres et des personnes vulnérables. Les systèmes de protection sociale, y compris les socles de protection sociale, occupent une place éminente parmi ces objectifs:

Objectif 1. Eliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde
  • 1.3. Mettre en place des systèmes et mesures de protection sociale pour tous, adaptés au contexte national, y compris des socles de protection sociale, et faire en sorte que, d’ici à 2030, une part importante des pauvres et des personnes vulnérables en bénéficient.
Les politiques de protection sociale sont également mentionnées dans le libellé d’autres ODD qui portent sur l’égalité entre hommes et femmes et sur la réduction des inégalités de revenus, aussi bien au niveau national qu’entre les pays. La vision commune de l’OIT et de la Banque mondiale renforce la vocation universelle de ce programme destiné à s’appliquer à tous les pays indépendamment de leur niveau de revenu.

La troisième Conférence internationale sur le financement du développement, qui se tiendra à Addis-Abeba en juillet 2015, devrait être l’occasion pour les participants de prendre des engagements significatifs en vue de mettre en place des systèmes et mesures de protection sociale pour tous, adaptés au contexte national, y compris des socles de protection sociale, et de faire en sorte que, d’ici à 2030, une part importante des pauvres et des personnes vulnérables en bénéficient. Il est essentiel que les dirigeants du monde entier se mettent d’accord sur des mécanismes de financement de la protection sociale universelle.

Actions à court et moyen termes

La Banque mondiale et l’OIT déclarent qu’elles œuvreront ensemble pour que leur vision commune devienne réalité en attendant la pleine réalisation des Objectifs de développement durable. A court terme, l’OIT et la Banque mondiale mèneront les actions suivantes:
  • Lancement de l’initiative (30 juin): publication d’une déclaration de haut niveau appelant l’attention des dirigeants mondiaux sur l’importance des politiques de protection sociale universelle ainsi que des mécanismes de financement. Cette déclaration énoncera également la vision commune des deux organisations et définira brièvement des activités concrètes visant à promouvoir la protection sociale universelle dans la période qui précédera l’adoption du programme de développement pour l’après-2015 et ultérieurement au cours de sa mise en œuvre.
  • Collecte d’informations sur les expériences nationales en matière de protection sociale universelle: élaboration d’études de cas succinctes afin de présenter la manière dont des pays sont parvenus à assurer une couverture sociale universelle et de dégager des bonnes pratiques à l’intention d’autres pays.
  • Financement de la protection sociale universelle: analyser les incidences financières de la protection sociale universelle et rassembler des données probantes sur des solutions de financement novatrices ainsi que sur d’autres aspects importants de la question, par exemple l’intérêt que la protection sociale universelle présente pour l’investissement ainsi que ses avantages socio-économiques, le but étant de mobiliser la volonté politique nécessaire.
  • Cadre de suivi de la protection sociale universelle dans le programme pour l’après-2015: ce suivi s’inscrit dans la collaboration en cours sur les statistiques de protection sociale (réunion d’experts prévue en octobre 2015).
  • Conférence mondiale sur la protection sociale universelle en vue d’une croissance inclusive et durable: manifestation publique de haut niveau (2016), qui sera l’occasion de présenter les études de cas par pays ainsi que le cadre conjoint destiné à suivre les progrès accomplis, et de lancer un observatoire mondial de la protection sociale universelle permettant l’établissement d’un mécanisme public de suivi et de rapports sur la réalisation des cibles convenues.
A moyen terme (1-15 ans), la Banque mondiale et l’OIT utiliseront, individuellement et conjointement, leurs ressources et leur influence pour soutenir les pays dans leur progression vers l’instauration de la couverture universelle. A cette fin, elles apporteront conjointement leur appui aux pays pour les aider à harmoniser leurs politiques, programmes et systèmes d’administration de la protection sociale, à accroître la marge de manœuvre budgétaire en faveur de la protection sociale universelle, à surmonter les obstacles et à intégrer de façon appropriée la protection sociale universelle dans leurs stratégies nationales de développement.