Gens de mer

On estime que 90 pour cent du commerce mondial fait appel au transport maritime ou fluvial, qui dépend des gens de mer pour l’exploitation des navires. Dès lors, les marins sont essentiels au commerce international et au système économique global. Il faut souligner que le transport maritime est le premier secteur réellement mondialisé. Cela signifie que, la plupart du temps, des marins de différentes nationalités sont engagés à bord de navires enregistrés dans un autre État, appartenant à un armateur qui n’a parfois ni la nationalité du navire ni celle de l’un des marins. En droit international, l’État du pavillon – qui est le pays dans lequel un navire est enregistré et dont le navire bâtera le pavillon – est l’État internationalement responsable pour prendre et mettre en œuvre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité en mer, notamment en ce qui concerne les conditions de travail, quelle que soit la nationalité des marins ou de l’armateur.

Sur les navires battant le pavillon d’États qui n’exercent pas de juridiction et de contrôle effectifs sur leurs navires, comme cela est exigé par le droit international, les marins travaillent souvent dans des conditions inacceptables, au détriment de leur bien-être, de leur santé, et bien sûr de la sécurité du navire sur lequel ils sont engagés. Comme les marins travaillent le plus souvent en dehors de leur pays d’origine et que les employeurs ne sont la plupart du temps pas situés dans le pays d’origine des marins, des normes internationales effectives sont primordiales pour ce secteur. Il est bien entendu nécessaire que ces normes soient mises en œuvre au niveau national, particulièrement par les gouvernements possédant un registre d’immatriculation des navires et autorisant ces derniers à battre leur pavillon. L’exigence de normes internationales est d’ores et déjà reconnue et largement acceptée pour les normes relatives à la sécurité en mer et celles relatives à la protection de l’environnement marin. Il est aussi important de souligner que bon nombre d’armateurs offrent des conditions décentes de vie et de travail à leurs employés: ces armateurs et les pays dans lesquels ils opèrent payent alors le prix d’une concurrence déloyale de la part d’armateurs opérant avec des navires qui ne respectent pas les normes.

Le navire à bord duquel les marins vivent et travaillent pendant de longues périodes est à la fois leur foyer et leur lieu de travail; leurs conditions de travail et de vie sont donc d’une importance primordiale. Ils sont exposés à de multiples risques propres à leur profession. Les gens de mer font aussi face à des conditions climatiques extrêmes et courent le risque d’être abandonnés à l’étranger si l’armateur fait face à des difficultés, notamment financières. Il faut ajouter à cela l’intensification des mesures de sécurité et des contrôles aux frontières qui a rendu très difficile la possibilité pour les marins de voyager pour rejoindre ou quitter un navire en cours de voyage, mais qui limite aussi leur possibilité de descendre à terre lors des escales nécessaires pour leur bien-être et leur santé.

Instruments pertinents de l'OIT

Pour protéger les gens de mer dans le monde et la contribution qu’ils apportent au commerce international, l’OIT a adopté plus de 70 instruments (41 conventions et les recommandations s’y rapportant) dans le cadre de sessions maritimes spéciales de la Conférence internationale du Travail. Pour le secteur maritime, les normes internationales de l’OIT fixent des conditions minimales de «travail décent» et couvrent presque tous les aspects du travail: des conditions minimales requises pour le travail des gens de mer à bord d’un navire (notamment l’âge minimum, le certificat médical, la formation et la qualification) aux dispositions sur les conditions d’emploi, telles que la durée du travail ou du repos, les salaires, le droit à un congé, le rapatriement, le logement, les loisirs, l’alimentation et le service de table, en passant par la protection de la santé, le bien-être et la protection en matière de sécurité sociale. Ces normes couvrent de même les pensions et établissent les pièces d’identité des gens de mer, internationalement reconnues, afin de faciliter les contrôles aux frontières.

Consolidation des normes maritimes de l'OIT

En février 2006, lors de la 10e session maritime, la 94e Conférence internationale du Travail a adopté la convention du travail maritime, 2006 (MLC, 2006). Cette convention révise et consolide 37 conventions existantes ainsi que les recommandations qui y sont rattachées. Elle utilise un nouveau format avec des mises à jour, si nécessaire, pour refléter les conditions et le langage modernes. De cette manière, cette convention générale énonce en un seul et même document le droit de 1,5 million de gens de mer à des conditions de travail décentes pour ce qui est de la quasi-totalité des aspects de leurs conditions de travail et de vie: âge minimum, contrat d’engagement maritime, durée du travail ou du repos, paiement des salaires, congé annuel rémunéré, rapatriement, soins médicaux à bord, recours à des services de recrutement et de placement, logement, alimentation et service de table, protection de la sécurité et de la santé et prévention des accidents, ainsi que procédures de traitement des plaintes des gens de mer.

La MLC, 2006, s’applique à un large éventail de navires effectuant des voyages internationaux ou nationaux, à l’exception de ceux qui naviguent exclusivement dans les eaux intérieures ou dans des eaux situées à l’intérieur ou au proche voisinage d’eaux abritées ou de zones où s’applique une réglementation portuaire; des navires affectés à la pêche ou à une activité analogue; des navires de construction traditionnelle tels que les boutres et les jonques; ainsi que des navires de guerre et des navires de guerre auxiliaires.

Pour entrer en vigueur, elle devait être ratifiée par 30 États Membres de l’OIT représentant au moins 33 pour cent de la jauge brute de la flotte marchande mondiale. Le 20 août 2012, ces deux conditions ont été satisfaites et la convention est entrée en vigueur douze mois après, le 20 août 2013. Au 30 novembre 2018, la convention avait déjà été ratifiée par 90 pays représentant plus de 90 pour cent de la jauge brute de la flotte marchande mondiale et continue à être ratifiée à un rythme soutenu [Etat des ratifications].
 
Afin que la mise en œuvre ait le plus de répercussions possible au niveau national et que la convention soit promue en vue d’une large ratification, l’OIT a mis à disposition un ensemble d’activités de renforcement des capacités comme des séminaires tripartites au niveau national et a développé un éventail de ressources comme le site dédié à la convention qui rassemble des informations actualisées sur ces activités et la base de données de la convention qui contient des informations spécifiques sur les législations adoptées pour lui donner effet ainsi que des directives pour la mise en œuvre. En plus, l’Académie du travail maritime, basée au centre de formation de l’OIT à Turin, organise des ateliers de travail sur la convention, qui comprennent des cours de formation en résidence pour les inspecteurs et les formateurs des inspecteurs, des séminaires de travail en coopération avec les organisations d’armateurs et de gens de mer et des ateliers pour juristes.

En juin 2013, le Conseil d’administration du BIT a établi la Commission tripartite spéciale (STC), en conformité avec l’article XIII de la MLC, 2006, pour suivre en permanence l’application de cette convention. En vertu des pouvoirs conférés par cette convention, la commission peut adopter et transmettre à la Conférence internationale du Travail pour approbation des amendements au code de la convention, et joue un rôle consultatif, en vertu de l’article VII, à l’égard des pays dans lesquels il n’y a pas d’organisations représentatives des armateurs et des gens de mer à consulter à propos de la mise en œuvre de la convention. Cette commission a tenu sa première réunion en avril 2014, au cours de laquelle des amendements très importants au code de la convention ont été adoptés afin d’assurer la fourniture d’un dispositif de garantie financière rapide et efficace pour indemniser les gens de mer en cas d’abandon ou d’incapacité de longue durée causés par un accident du travail ou de décès. Ces amendements ont été approuvés par la Conférence internationale du Travail en juin 2014 et sont entrés en vigueur le 18 janvier 2017. Par la suite, deux séries d’amendements à la MLC, 2006, ont été adoptées, en 2016 et en 2018. Ces amendements ont notamment pour objet d’intégrer la prévention du harcèlement et de l’intimidation parmi les dispositions traitant de la sécurité et de la santé au travail et d’apporter une réponse à la situation des gens de mer victimes d’actes de piraterie ou de vols à main armée, lorsque ceux-ci se retrouvent captifs. Il s’agit alors d’assurer le maintien du contrat d’engagement maritime pendant la période de captivité, ainsi que le paiement du salaire et le droit au rapatriement. Ces amendements sont appelés à entrer en vigueur dans les prochaines années.

La Convention (nº 185) sur les pièces d'identité des gens de mer (révisée), 2003, telle qu'amendée

En parallèle, la convention n° 185 sur les pièces d’identité des gens de mer (révisée), de 2003, [ratifications] a fait l’objet d’un important travail de réflexion, afin que son contenu soit modernisé et qu’il intègre les progrès qui ont été accomplis depuis son adoption en matière de sécurisation des documents d’identité. Ces réflexions ont abouti à l’adoption d’amendements aux annexes de la convention n° 185, qui sont entrés en vigueur le 8 juin 2017. Cet instrument apporte une contribution essentielle à la sûreté du transport maritime, afin de lutter contre les menaces terroristes, mais surtout il permet de répondre aux besoins des gens de mer qui sont en transit ou en transfert pour rejoindre un embarquement ou pour être rapatriés. Il facilite aussi les permissions à terre, essentielles pour le bien-être et la santé de ces travailleurs, qui restent souvent plusieurs mois de suite à travailler à bord d’un navire.

Enfin, dans le cadre du mécanisme d’examen des normes, la STC a commencé, en avril 2018, une évaluation de la pertinence des instruments maritimes adoptés avant la MLC, 2006. L’objectif, à terme, est de ne maintenir en vigueur qu’un corpus de normes internationales du travail maritime solide et à jour, répondant au besoin de protection des gens de mer et assurant aux acteurs du transport maritime les conditions d’une concurrence loyale. À cette occasion, la STC a mis l’accent sur la nécessité de privilégier la ratification de la MLC, 2006, telle qu’amendée, qui constitue l’instrument de référence universellement reconnu par le secteur des transports maritimes.
  
Plus d’informations sur la Convention no 185 :

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