Petites primes pour bénéfices de longue durée: l’utilité de la micro-assurance pour les femmes pauvres

La couverture d’une micro-assurance est un important filet de sécurité pour les ménages des pays en développement, un outil de protection de leurs biens. Pour les femmes démunies cependant, cette couverture peut même devenir indispensable.

Le mari de Monica Kirunguru était un homme sociable, un membre éminent de sa petite communauté. Le couple vivait dans une ferme près du mont Kenya, où ils travaillaient dur pour subvenir aux besoins de leurs sept enfants et de leurs cinq petits-enfants.

En août 2009, le mari de Monica fut hospitalisé. Un mois plus tard, il mourait.

Faire face au choc émotionnel qui accompagne le décès d’un conjoint peut être extraordinairement difficile. Cependant, affronter en parallèle le choc financier peut rendre la situation presque insoutenable. Habituellement, une femme kenyane se trouvant dans une situation analogue à celle de Monica a deux options pour couvrir les frais d’hospitalisation et de funérailles: souscrire d’urgence un prêt à un taux d’intérêt élevé ou emprunter de l’argent à la famille et aux amis.

Monica a eu de la chance. Lors de l’admission de son mari à l’hôpital, elle a découvert qu’il avait souscrit une assurance santé et vie deux mois plus tôt. L’assurance a versé 330 dollars pour couvrir les factures de l’hôpital, un forfait hebdomadaire de 25 dollars pour les dépenses courantes de la famille pendant l’hospitalisation (Monica a utilisé cet argent pour continuer à payer les frais de scolarité des enfants) et 400 dollars pour les funérailles auxquelles ont assisté plus de mille personnes. Elle apprend maintenant à gérer seule la ferme, soulagée de ne pas avoir de dettes.

L’histoire de Monica fait certainement figure d’exception parmi les femmes pauvres frappées par le malheur. Le rôle de la micro-assurance est d’aider les personnes à bas revenus à gérer les risques et à réduire leur vulnérabilité aux chocs. Pourtant, on estime que dans les cent pays les plus pauvres du monde seuls 3 pour cent des personnes à faibles revenus bénéficient d’un produit de micro-assurance, laissant près de deux milliards de personnes sans protection. Sur ces deux milliards, plus de la moitié sont des femmes.

Tirer le meilleur parti des ressources des femmes

Les femmes représentent 70 pour cent des pauvres dans le monde. Elles gagnent moins que les hommes, sont moins souvent propriétaires et sont confrontées à davantage de violence et de vulnérabilité physique. Ce sont souvent elles qui prodiguent les soins, s’occupent de la maison et, de plus en plus fréquemment, gèrent le budget du ménage et rapportent un salaire. Pour concilier leur vulnérabilité et leur responsabilité quant au bien-être de leur famille, les femmes ont un besoin unique et pressant de maîtriser les risques.

Les stratégies traditionnelles de gestion du risque qu’utilisent les femmes pour faire face aux crises impliquent des sacrifices à long terme qui perpétuent le cycle de la pauvreté. Par exemple, l’utilisation des profits de l’entreprise pour faire face aux urgences plutôt que pour financer les investissements à long terme est l’un des principaux freins à la croissance pour les femmes entrepreneurs. De la même manière, vendre son outil de production comme le bétail ou l’équipement anéantit toute perspective de revenu ultérieur de ces biens. Une autre stratégie de gestion de crise consiste à retirer les enfants de l’école: non seulement elle retarde le développement social et intellectuel des enfants, mais elle hypothèque sérieusement leur potentiel de gain à long terme.

Concevoir des produits durables et adaptés pour les femmes

La micro-assurance offre une alternative prometteuse aux femmes pauvres pour gérer le risque et mieux rentabiliser leurs biens. Parce qu’elles tiennent les cordons de la bourse et s’occupent du foyer, les femmes sont une cible idéale pour les compagnies d’assurance. Le défi consiste cependant à créer des programmes de micro-assurance qui répondent aux besoins des femmes pauvres, minimisent les coûts de fonctionnement et maintiennent les primes à un niveau acceptable – tout cela en même temps.

Les femmes pauvres ont des besoins spécifiques qui rendent complexe la mise au point de produits d’assurance rentables. Par exemple, de nombreux programmes de micro-assurance santé excluent la maternité, prétextant les coûts élevés liés à la sélection adverse. Cependant, certains mécanismes ont utilisé avec succès des modèles innovants pour réduire les coûts et rendre ces produits plus accessibles. En Afrique de l’Ouest, une ONG française appelée Centre international de développement et de recherche (CIDR) a développé un produit d’assurance maladie qui prend en charge la grossesse. Le produit est vendu au niveau des villages, et tous les habitants paient une cotisation annuelle pour que toutes les femmes enceintes du village soient assurées. La participation étant obligatoire, la sélection adverse et les coûts administratifs sont réduits au minimum et permettent de proposer une prime extrêmement abordable: 0,40 dollar par an seulement. En Guinée, au bout d’un an, 1000 femmes ont touché des allocations maternité.

En Inde, un autre programme répond précisément et durablement aux besoins uniques des femmes. La banque SEWA offre à sa clientèle – toutes des femmes pauvres travaillant à leur compte – le choix entre trois mécanismes de micro-assurance couvrant le décès, la santé et le patrimoine. Comme pour la grossesse, la couverture de la famille tout entière est un autre volet de la micro-assurance qui compte beaucoup pour les femmes mais qui est souvent inabordable. Disponibles à différents paliers de prix pour rester accessibles, les formules de la SEWA proposent des options permettant de couvrir les maris et les enfants pour un faible supplément de cotisation. Tous les enfants d’une même famille sont couverts par une seule prime afin d’éviter que les parents n’aient à choisir quels enfants assurer. Une autre caractéristique innovante est le fait que l’assurance soit intégrée aux comptes d’épargne de la SEWA. Les clients peuvent ainsi utiliser les intérêts accumulés pour payer leurs primes, améliorant l’accessibilité et réduisant d’autant les coûts administratifs. Vimo SEWA a démarré avec 7000 clients en 1992 et assure aujourd’hui près de 200000 femmes, hommes et enfants.

L’avenir de la micro-assurance pour les femmes

La micro-assurance représente un nouvel horizon de développement et il reste beaucoup à faire pour créer un secteur de la micro-assurance qui prenne en compte la dimension de genre. Il est vital de comprendre comment les femmes conjuguent la micro-assurance avec les stratégies de gestion des risques préexistantes, en quoi leur attitude face au risque diffère de celle des hommes et quel est l’impact de la micro-assurance sur leur taux d’investissement dans leurs affaires, leur comportement d’épargne et sur la consommation du ménage. Donateurs, chercheurs et praticiens ont chacun un important rôle à jouer pour poursuivre le développement de la micro-assurance.

Quant à Monica, elle raconte que, depuis la mort de son mari, ses amis et sa famille l’ont interrogée sur son assurance et sur la façon dont elle avait réussi à éviter de s’endetter ou d’emprunter de l’argent à la communauté. Monica répand la bonne parole – elle conseille à tous ceux qu’elle rencontre d’acquérir une assurance. Et, dit-elle, elle va sans aucun doute renouveler sa police quand elle arrivera à échéance.

Sous couvert de l'Organisation internationale du Travail (OIT) et du Programme Finance et Solidarité, le Fonds pour l'innovation en micro-assurance vise à accroître la disponibilité de produits d'assurance de qualité pour les personnes à faibles revenus des pays en développement afin de les protéger des risques et rompre le cycle de la pauvreté. Le Fonds a été créé en 2008 grâce à une subvention de la Fondation Bill et Melinda Gates.