Amérique latine

Une faible protection sociale et l'invisibilité statistique augmentent la vulnérabilité de 55 millions d'autochtones

La pandémie de COVID-19 a touché de manière disproportionnée plus de 800 peuples autochtones, qui sont sur-représentés dans le secteur informel et parmi les plus pauvres, avec peu d'opportunités de travail décent, un accès limité à l'éducation et à la participation politique, indique un nouveau rapport de l’OIT.

Actualité | 15 décembre 2022
@OIT
LIMA (OIT Infos) - La crise du COVID-19 a mis en évidence la vulnérabilité de plus de 800 peuples autochtones d'Amérique latine, et a soulevé le défi de parvenir à une meilleure couverture des systèmes de protection sociale dans toute la région, selon un nouveau rapport du Bureau régional de l'OIT en Amérique Latine.

Le rapport intitulé Panorama laboral de los pueblos indígenas en América Latina: La protección social como ruta hacia una recuperación inclusiva frente a la pandemia de COVID-19 (NDLR : Panorama du travail des peuples indigènes d'Amérique latine : la protection sociale comme voie vers une reprise inclusive face à la pandémie de COVID-19) présente un aperçu des caractéristiques socio-économiques des peuples indigènes d'Amérique latine et de l'état de leur accès à la protection sociale.

Le rapport indique que la crise a affecté les peuples autochtones de manière disproportionnée, mettant en évidence les obstacles préexistants auxquels ils sont confrontés dans l'accès aux soins de santé et à la sécurité sociale, et note que cela est une conséquence de la discrimination et de la marginalisation historiques.

Le rapport souligne que les lacunes préexistantes dans l'accès à la protection sociale ont placé ces populations dans une situation de vulnérabilité accrue dans le contexte de la pandémie.

La région compte près de 55 millions de femmes et d'hommes indigènes, soit 8,5 % de la population totale de l'Amérique latine.

Le rapport met en garde contre "certaines tendances mondiales qui se reproduisent dans la région, comme la surreprésentation des peuples autochtones dans l'économie informelle et parmi les plus pauvres, le faible accès à un travail décent, ainsi que les obstacles à leur accès à l'éducation et à la participation politique".

Il est noté qu'une tendance importante chez les peuples autochtones est l'augmentation de la population autochtone vivant dans les centres urbains. Actuellement, environ 52 % de la population indigène vit dans des zones urbaines, 48 % dans des zones rurales.

La migration vers les zones urbaines est motivée, d'une part, par la recherche de meilleures opportunités génératrices de revenus et, d'autre part, par des facteurs tels que la dépossession des terres, le changement climatique, la détérioration écologique, les déplacements dus aux conflits et à la violence, entre autres.

En ce qui concerne la situation de l'emploi, les données de l'OIT montrent que 85 % des femmes et des hommes autochtones d'Amérique latine et des Caraïbes sont employés dans l'économie informelle, ce qui est bien supérieur au taux d'environ 50 % de la population active générale.

Les travailleurs indigènes ont tendance à être davantage des travailleurs indépendants et des travailleurs familiaux non rémunérés que le reste de la population. Selon les données disponibles, 16 % des autochtones en âge de travailler effectuent un travail familial non rémunéré, le pourcentage pour leurs homologues non autochtones étant de 4 %.

En outre, l'Amérique latine est la région où l'écart entre les revenus du travail est le plus important. Les salaires des indigènes représentent 33 % de ceux des non-indigènes.

Les données compilées par l'OIT proviennent des informations recueillies dans les enquêtes sur les ménages des pays. Malgré cela, sur les 18 pays d'Amérique latine et des Caraïbes qui disposent d'informations provenant d'enquêtes sur les ménages et l'emploi, seuls huit d'entre eux disposent d'informations sur l'ethnicité des individus, en s'enquérant de leur appartenance à des peuples indigènes, à savoir la Bolivie, le Brésil, le Chili, la Colombie, l'Équateur, le Guatemala, le Panama et le Pérou.

L'OIT considère que cela génère une situation d'"invisibilité statistique", qui constitue "la première étape d'une séquence de traitement inégal que ce segment de la population peut recevoir".

"Le fait de ne pas être représentés dans les statistiques officielles rend plus difficile leur prise en compte dans les indicateurs des objectifs de développement des pays, et leur statut social a moins de chances de faire l'objet de politiques publiques", avertit le document.
Garantir l'accès des populations autochtones à des possibilités de travail décent, ainsi que leur accès à la protection sociale, sont des étapes décisives pour redresser la situation des personnes défavorisées, indique le rapport.

En termes de protection sociale, les peuples autochtones de la région sont moins susceptibles d'être cotisants et retraités que les non-autochtones, et ont moins accès aux systèmes de santé, indique le rapport. Dans le même temps, "dans les pays analysés, les femmes et les hommes autochtones sont plus dépendants des systèmes d'aide sociale que leurs homologues non autochtones".

Face à ce scénario socio-économique, l'OIT considère que "la mise en place de systèmes de protection sociale, y compris de planchers de protection sociale, qui tiennent compte des particularités des peuples autochtones est fondamentale pour réduire le fossé des inégalités et des vulnérabilités qui les affectent".

Le rapport rappelle que la recommandation n° 202 de l'OIT indique que les socles de protection sociale devraient comprendre au moins les quatre garanties fondamentales suivantes :
  • La protection sociale des enfants : les prestations familiales et les allocations familiales
  • Protection sociale des femmes et des hommes en âge de travailler : prestations de maternité et d'invalidité, protection en cas d'accidents du travail, de maladies professionnelles et de chômage, pensions d'invalidité, prestations de maladie
  • La protection sociale des femmes et des hommes âgés : les pensions de vieillesse et de survivants
  • Protection de la santé
La nécessité d'assurer une plus grande sécurité sociale et une meilleure protection de la santé des peuples autochtones est également clairement établie dans la convention de l'OIT relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989 (n° 169).

L'Amérique latine et les Caraïbes ensembles sont les région qui ont le plus ratifié cette norme internationale, avec 14 ratifications sur 24 ratifications.