Réunion régionale pour les Amériques du 2 au 5 mai: L'emploi des jeunes en Amérique Latine: Surmonter une décennie perdue

En Amérique latine, 9 millions et demi de jeunes sur 57, âgés de 15 à 24 ans, sont sans emploi. Victimes de la "décennie perdue", ils sont nés entre 1980 et 1990 et représentent 42 pour cent du chômage officiel dans la région. Selon le rapport préparé pour la Réunion régionale de l'OIT pour les Amériques, la situation est même pire si l'on prend en considération les 21 pour cent de jeunes de la région qui "ne travaillent pas, ni n'étudient". Des millions de jeunes sont pris au piège de petits boulots temporaires qui n'offrent ni sécurité de l'emploi ni protection sociale et peu de perspectives de promotion. Reportage de BIT en ligne depuis la Bolivie.

Article | 3 mai 2006

LA PAZ (BIT en ligne) - Le paysage urbain de la capitale de la Bolivie témoigne bien de la réalité sociale du pays: un chômage élevé, une économie informelle en croissance et une pauvreté écrasante. Des milliers de jeunes gens arrivent sur le marché du travail chaque année mais ils n'ont guère de solutions pour survivre dans une économie incapable de leur fournir des emplois.

Pour le BIT, la promotion du travail à son compte et des micro-entreprises est un pas essentiel vers la création d'emplois plus nombreux et de meilleure qualité pour les jeunes. "L'idée est de générer une culture orientée vers la compétition et l'esprit d'entreprise chez les jeunes qui arrivent sur le marché du travail", explique Jorge Cabrera, expert auprès du BIT.

Confrontée à ce défi, l'OIT grâce à son programme pour l'emploi durable essaie de créer une génération de jeunes entrepreneurs boliviens. Un bataillon de professeurs et d'enseignants s'efforce de faire germer l'esprit d'entreprise dans la jeunesse. Ils utilisent des matériels spécialement conçus pour la formation professionnelle et les enseignants travaillent avec les universités, les lycées, les écoles techniques et même avec des bases militaires qui attirent les jeunes des zones les plus pauvres de Bolivie.

"L'objectif est de favoriser la culture d'entreprise pour qu'ils soient capables de devenir entrepreneurs", commente Jorge Cabrera.

Même s'il n'a que 18 ans, Miguel Limachi, un jeune soldat, semble parfaitement savoir où est son avenir. Dans l'enceinte d'une base militaire, il participe à une formation professionnelle qui combine la discipline collective de l'armée et l'individualisme de l'entrepreneur.

"Un entrepreneur doit être bien plus que tous ces gens qui veulent créer des emplois. Quand je regarde ma ville de montagne, je vois beaucoup de gens qui veulent travailler mais il n'y a pas beaucoup d'emplois, c'est le problème et c'est pourquoi je veux être chef d'entreprise", dit-il.

Selon Luciel Rios, Directeur de la formation professionnelle, "tous ces jeunes hommes et femmes qui reçoivent un enseignement professionnel ne deviendront pas des chefs d'entreprise. Mais pour certains, ces nouvelles compétences de gestion ouvrent des portes, bien plus qu'ils ne l'auraient jamais imaginé".

Des emplois décents pour les jeunes

Le rapport pour la Réunion régionale se réfère explicitement à la promotion de l'entrepreneuriat chez les jeunes comme moyen de promouvoir un emploi de qualité pour la jeunesse. Regrouper les jeunes entrepreneurs et faciliter les connections avec le gouvernement, les fournisseurs de service et les autres entreprises peut être utile dans la très difficile phase initiale de la création d'une entreprise.

"Mais cela ne suffit pas. Les pays doivent créer un environnement propice aux affaires qui permette aux jeunes de créer ou de rejoindre des petites entreprises et qui les aide à passer du secteur informel à l'économie formelle", commente José Manuel Salazar-Xirinachs, Directeur exécutif du Secteur emploi du BIT.

Plus généralement, le rapport du BIT propose deux stratégies majeures pour s'attaquer au défi de l'emploi des jeunes et réduire de moitié le nombre de jeunes qui ne travaillent pas et n'étudient pas non plus, en dix ans: réduire le nombre de jeunes gens qui quittent le système éducatif prématurément et promouvoir les possibilités d'emplois pour les jeunes.

L'éducation pour tous est un moyen efficace de combattre le travail des enfants et de réduire la pauvreté. L'accès à une éducation primaire et secondaire universelle, gratuite et de qualité, l'investissement dans l'enseignement professionnel et l'apprentissage tout au long de la vie sont essentiels pour accroître l'employabilité des jeunes et faciliter la transition vers un travail décent. Des mesures doivent être prises pour faire le lien entre éducation/formation et monde du travail et pour anticiper les compétences requises sur le marché du travail. Le rapport fait référence à un certain nombre de ces initiatives de formation et d'employabilité menées en Argentine, au Brésil, au Chili, en Colombie, au Guatemala et en Uruguay.

Le rapport mentionne aussi nombre d'autres mécanismes pour promouvoir l'emploi des jeunes dans la région, y compris des mesures qui autoriseront les employeurs à réduire les coûts du travail en échange de formation professionnelle. Dans certains cas cependant, ces initiatives ont seulement été utilisées pour réduire les coûts et ne se sont pas véritablement traduites par la formation professionnelle des jeunes travailleurs. Dans d'autres cas, ils ont manqué d'un appui financier de la part de l'Etat pour soutenir ces projets.

Selon Salazar-Xirinachs, "les jeunes gens sont confrontés à des problèmes spécifiques sur le marché du travail. En raison d'un manque de formation et d'expérience professionnelle, ils finissent souvent par accepter des petits boulots".

Le rapport pour la Réunion régionale cite le Pérou où seulement 10 pour cent des bénéficiaires de la sécurité sociale sont des jeunes de 15 à 24 ans, alors qu'ils représentent plus de 40 pour cent de la main-d'oeuvre disponible. "Deux jeunes sur trois travaillent sans avoir signé de contrat. La situation est similaire dans d'autres pays de la région", commente Salazar-Xirinachs.

Il poursuit en disant qu'il s'agit là d'une sorte de paradoxe: "De nombreux jeunes gens ont maintenant une meilleure formation que leurs parents parce que l'éducation a été considérablement étendue depuis quelques dizaines d'années dans la région. En théorie, cela devrait les rendre plus attractifs du point de vue de la demande sur le marché du travail. En réalité, ils sont précarisés, sans protection et ont des emplois mal payés, lorsqu'ils en ont. Les pays doivent allier un plus grand investissement et un meilleur accès à l'éducation et à la formation avec des possibilités d'emploi accrues. Les deux vont de pair."

"Les politiques et les programmes en faveur de l'emploi des jeunes devraient être conçues et menées en étroite concertation avec les organisations d'employeurs et de travailleurs et devraient prendre en compte les besoins et les intérêts spécifiques des jeunes comme l'a recommandé la Conférence internationale du Travail en 2005", conclut Salazar-Xirinachs.


Note 1 - Travail décent dans les Amériques: Agenda de l'hémisphère, 2006-2015, Rapport du Directeur général, 16e Réunion régionale des Amériques, Brasilia, mai 2006.