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Les travailleurs informels ont droit de cité au Costa Rica et à El Salvador

Un projet de l’OIT conseille les travailleurs informels et développe des partenariats institutionnels afin d’élaborer des stratégies collectives pour «formaliser» les travailleurs de l’économie informelle.

Reportage | 26 juillet 2016
SAN JOSÉ, Costa Rica (OIT Info) – C’est un lundi pluvieux dans la capitale du Costa Rica mais il règne une certaine agitation au Centre de suivi et de conseil sur les droits des travailleurs informels où les gens vont et viennent. La plupart d’entre eux sont jeunes, et souvent ce sont des femmes. «Beaucoup de femmes enceintes viennent seules», déclare Kattia Barquero, coordinatrice du bureau récemment ouvert.

© J.A. Reyes et R. Lobo
Ce Centre et son homologue qui se trouve à San Salvador, la capitale salvadorienne, ont pour but d’instaurer des circuits et des mécanismes qui facilitent la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle. Sur place, ils sont appelés «Maison(s)des droits». Selon Mme Barquero, les travailleurs informels qui leur rendent visite appartiennent aux catégories les plus vulnérables de la population – à savoir les femmes et les migrants.

«On y voit beaucoup de vendeurs ambulants et de travailleuses domestiques. Ils ne disposent d’aucune protection sociale et sont à la merci de leur employeur, ils subissent souvent des violences physiques et psychologiques de ce fait. La plupart d’entre eux ne connaissent pas leurs droits, même si les choses changent», ajoute Mme Barquero, qui est aussi la secrétaire administrative du SINTRACOPEA (Syndicat des commerçants patentés permanents et assimilés).

Les centres ont été fondés dans le cadre d’un projet financé par l’OIT, «Promouvoir le respect des droits au travail des employés du secteur informel au Costa Rica, à El Salvador et au Honduras», et approuvés par les conseils locaux de dialogue tripartite. Ils ont été créés avec l’aide des associations régionales de travailleurs informels de ces pays.

En plus de favoriser la transition de la main-d’œuvre du secteur informel vers le secteur formel, ils visent aussi à promouvoir le respect et la conformité aux droits au travail des travailleurs informels.

On y voit beaucoup de vendeurs ambulants et de travailleuses domestiques. Ils ne disposent d’aucune protection sociale et sont à la merci de leur employeur."

Les centres fournissent des informations sur les procédures et les formalités locales, offrent leur arbitrage en cas de litige avec les autorités locales, et apportent un conseil juridique concernant les activités professionnelles. Les travailleurs informels bénéficient aussi du perfectionnement de leurs compétences d’employabilité et de formations d’entreprenariat et de renforcement organisationnel.

Mme Barquero souligne que le projet est basé sur les principes directeurs énoncés par l’OIT dans sa recommandation n° 204 concernant la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle.

Au cours du premier mois, le Centre de San José a déjà aidé plus de 300 personnes. Pour faire sa publicité, les coordinateurs du projet ont fait appel aux nouvelles technologies. «WhatsApp et Facebook ont été très utiles pour faire connaître l’existence des centres et pour garder le contact avec celles et ceux qui les ont visités».

L’OIT a élaboré et mis en œuvre ce projet; elle a également publié des recommandations pour le pérenniser et a dispensé une formation qualifiante pour les employés du Centre qui devraient le faire fonctionner de manière autonome à partir d’août 2016.

Les employés ont été formés aux questions de migration, de législation du travail, de droits de l’homme, de politique et de renforcement du leadership.

Ampleur de l’emploi informel au Costa Rica et à El Salvador

Selon l’Enquête continue sur l’emploi au Costa Rica de 2014, 825 000 travailleurs sont employés dans le secteur informel (323 000 étant des femmes). Six sur dix travaillent pour un employeur, une société ou une institution; les autres sont entrepreneurs.

© J.A. Reyes et R. Lobo
Selon la même enquête, la plupart des personnes employées dans le secteur informel appartient aux catégories des 25-34 ans et des 45-59 ans. Ils ont tendance à avoir des niveaux d’instruction plus faibles: 76 pour cent n’ont pas terminé leur études primaires et 11 pour cent ont arrêté l’école au niveau secondaire, seuls 13 pour cent ont un diplôme universitaire (15 pour cent des femmes).

La majorité des travailleurs informels sont employés dans une entreprise ou une ferme locale (42 pour cent), 28 pour cent travaillent chez eux ou au domicile de leur employeur, 19 pour cent dans la rue en tant que travailleurs indépendants dans le commerce, le transport ou le stockage.

Trente-huit pour cent des travailleurs informels employés touchent un salaire inférieur au salaire minimum.

Pour El Salvador, en 2014, près de trois quarts (72 pour cent) des travailleurs non agricoles étaient employés dans le secteur informel. La même année, 42 pour cent des hommes et 52 pour cent des femmes des zones urbaines avaient un emploi informel dans divers secteurs (très fréquemment, le travail domestique pour les femmes).

L’une des principales causes de la prévalence de l’informalité parmi les Salvadoriennes, essentiellement dans le secteur domestique, c’est la flexibilité qu’elle permet en ce qui concerne l’équilibre entre responsabilités familiales et professionnelles (habituellement, les femmes restent encore au foyer dans ce pays). L’absence de politique publique en matière de garde ne facilite pas les choses non plus.

Les entrepreneurs sont un cas particulier: 80 pour cent travaillent dans l’économie informelle et souffrent par conséquent de l’insécurité de l’emploi et d’une vulnérabilité juridique et économique; ils peuvent rarement assumer le coût de la transition vers la formalité. Les femmes sont plus nombreuses dans ce secteur: 70 pour cent des femmes ont recours à l’entreprenariat pour gagner leur vie et sont confrontées à des difficultés supplémentaires concernant l’accès au crédit, les technologies et la formation.

A la fois au Costa Rica et à El Salvador, l’appui à la transition vers l’économie formelle a été incorporé dans les politiques nationales d’emploi actuelles et les approches des gouvernements, des syndicats et des organisations patronales ont été synchronisées.

Mais pour les gens ordinaires, selon Kattia Barquero, «la maison des droits est le lieu où vous pouvez vous rendre si vous êtes perdu. Vous y obtiendrez de l’aide si vous ne savez même pas par où commencer».