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Observation (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

Convention (n° 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957 - Cambodge (Ratification: 1999)

Autre commentaire sur C105

Observation
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  3. 2018
  4. 2017
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La commission prend note des observations de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), reçues le 1er septembre 2023. Elle prend également note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 27 septembre 2023. La commission prie le gouvernement de fournir sa réponse à ces observations.

Suivi des conclusions de la Commission de l ’ application des normes (Conférence internationale du Travail, 111 e session, juin 2023)

La commission prend note de la discussion détaillée qui a eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes (ci-après «Commission de la Conférence»), lors de la 111e session de la Conférence internationale du Travail (juin 2023), au sujet de l’application de la convention par le Cambodge.
La commission note que la Commission de la Conférence a vivement déploré que les dispositions de la législation nationale, y compris du Code pénal, continuent à être utilisées pour poursuivre et condamner des personnes qui expriment des opinions politiques ou manifestent une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi, ou pour sanctionner ceux qui participent à des grèves, ce qui entraîne l’imposition de peines de prison impliquant du travail pénitentiaire obligatoire. La Commission de la Conférence a également noté avec une profonde préoccupation l’arrestation et l’emprisonnement de syndicalistes et d’autres personnes pour avoir exercé leurs libertés publiques et exprimé des opinions politiques différentes de celles du gouvernement. La Commission de la Conférence a instamment prié le gouvernement de prendre des mesures pour libérer immédiatement et sans condition, annuler les condamnations et abandonner toutes les charges contre des personnes qui ont exprimé des opinions politiques ou manifesté leur opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi, ou qui ont été sanctionnées pour avoir participé à des grèves.
Article 1 a) de la convention.Peines comportant une obligation de travail sanctionnant l’expression de certaines opinions politiques ou la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. La commission rappelle que des peines d’emprisonnement, qui impliquent une obligation de travail conformément à l’article 68 de la loi sur les prisons de 2011, peuvent être imposées en vertu de diverses dispositions de la législation nationale dans des circonstances relevant de l’article 1 a) de la convention, y compris:
  • l’article 42 de la loi sur les partis politiques, dans sa teneur modifiée en 2017, en vertu duquel plusieurs infractions relatives à l’administration ou à la gestion d’un parti politique qui a été dissous, ou dont les activités ont été suspendues par un tribunal, ou dont l’enregistrement a été refusé, sont passibles de peines d’emprisonnement pouvant s’élever à une année de prison;
  • les articles suivants du Code pénal: les articles 494 et 495 sur l’incitation à troubler la sécurité publique par des discours, des écrits, des images ou toute communication audiovisuelle en public ou à destination du public; l’article 522 sur la publication de commentaires visant à exercer une coercition illégale sur les autorités judiciaires; et l’article 523 sur le discrédit des décisions judiciaires;
  • les articles 445 et 437 bis du Code pénal, introduits en 2018, relatifs à l’insulte au Roi et à la critique du Roi.
La commission note que, à l’instar de ses demandes antérieures, la Commission de la Conférence a prié instamment le gouvernement de prendre des mesures efficaces et assorties de délais pour: i) garantir que le droit d’avoir ou d’exprimer certaines opinions politiques ou de manifester son opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi, sans menace de sanctions impliquant du travail obligatoire, est pleinement respecté; et ii) abroger ou modifier les dispositions pertinentes du Code pénal et de la loi sur les partis politiques prévoyant, et débouchant sur, des sanctions impliquant l’obligation de travailler, en consultation avec les partenaires sociaux, afin de les mettre en conformité avec la convention.
La commission note que le gouvernement indique à nouveau, dans son rapport, que les citoyens cambodgiens jouissent des libertés fondamentales, notamment du droit d’exprimer pacifiquement leurs opinions et de se livrer à des activités politiques, qui sont consacrées par la Constitution. Il ajoute qu’il n’existe pas de mesures punitives pour les personnes qui expriment pacifiquement leurs opinions politiques, y compris les membres de l’opposition, les défenseurs des droits de l’homme ou les journalistes, dès lors que leurs activités restent dans le cadre légal et ne portent pas atteinte aux droits d’autrui. Le gouvernement indique que les poursuites judiciaires engagées contre les militants ne sont pas fondées sur l’exercice des droits de l’homme et des droits sociaux ou sur leur statut de militants, mais sur le fait qu’ils ont enfreint des lois spécifiques, notamment celles relatives à la délation, à la diffusion de fausses nouvelles, à l’incitation à provoquer des troubles à la paix sociale, et à la trahison, entre autres. Toutes les personnes faisant l’objet d’une action en justice sont assurées de bénéficier d’une procédure régulière. Le gouvernement ajoute que les dispositions législatives sont fondamentalement conçues pour préserver l’ordre, la sécurité, la sûreté, les intérêts et les droits de tous les citoyens. Il déclare en outre que la loi sur le travail interdit le travail forcé ou obligatoire et que le travail en prison est avant tout un processus de réadaptation visant à faciliter la réinsertion des prisonniers dans la société, et qu’il n’est pas assigné en raison de de l’opposition politique, de la défense des droits de l’homme ou d’une activité journalistique.
La commission note que, dans ses observations, la CSI déplore le climat de répression qui règne actuellement, et depuis longtemps, au Cambodge et qui n’est pas propice à l’exercice des libertés publiques, y compris la liberté syndicale et la liberté d’action collective, compte tenu notamment des arrestations et des poursuites engagées contre des membres de partis d’opposition, des représentants d’organisations non gouvernementales, des syndicalistes et des défenseurs des droits de l’homme. La CSI déclare que les dispositions de la législation susmentionnées sont utilisées pour emprisonner et condamner des dissidents politiques, des journalistes, des blogueurs et des syndicalistes, qui peuvent ainsi être soumis à une obligation de travailler. La SCI souligne qu’un examen approfondi de ces dispositions et de la pratique nationale concernant le contrôle de l’application du droit pénal est essentiel.
La commission note également que, dans ses observations, l’OIE reproduit les déclarations des membres employeurs lors de la discussion à la Commission de la Conférence et exprime l’espoir que des progrès seront réalisés dans l’application de la convention conformément aux conclusions de la Commission de la Conférence, et en étroite consultation avec l’organisation d’employeurs la plus représentative au Cambodge.
La commission note en outre que, dans son rapport du 20 juillet 2023, le Rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme au Cambodge indique qu’il n’a cessé de recevoir des informations faisant état d’attaques, d’arrestations injustifiées et de poursuites à l’encontre de défenseurs des droits de l’homme, de journalistes et de professionnels des médias, de dissidents politiques et d’autres personnes considérées comme des opposants aux autorités. Il indique qu’au début de l’année 2023, on estimait que des dizaines de défenseurs des droits de l’homme et d’écologistes étaient en détention, et que ce nombre avait augmenté par rapport à l’année précédente. Le Rapporteur spécial mentionne également quatre procès collectifs entre mars 2021 et décembre 2022, principalement contre des membres de l’ancien Parti du salut national du Cambodge (CNRP), sous des chefs d’accusation tels que l’incitation (articles 494 et 495 du Code pénal), le complot (article 453) et la conspiration avec une puissance étrangère (article 443), qui ont abouti à un certain nombre de peines d’emprisonnement (A/HRC/54/75, 20 juillet 2023).
Par conséquent, la commission déplore profondément une nouvelle fois l’utilisation continue de plusieurs dispositions de la législation nationale pour poursuivre et condamner des membres de l’opposition, des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes en raison de leur travail, ce qui conduit à l’imposition de peines d’emprisonnement qui impliquent un travail obligatoire en prison. La commission prie instamment et fermement le gouvernement de prendre des mesures immédiates et efficaces, tant en droit qu’en pratique, pour mettre fin à toute violation de la convention, en s’assurant qu’aucune personne qui exprime des opinions politiques ou manifeste une opposition idéologique au système politique, social ou économique établi, y compris les membres de l’opposition, les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes, ne puisse être condamnée à une peine d’emprisonnement impliquant une obligation de travail. La commission prie à nouveau instamment le gouvernement de modifier l’article 42 de la loi sur les partis politiques et les articles 437 bis, 445, 494, 495, 522 et 523 du Code pénal en limitant clairement le champ d’application de ces dispositions aux situations liées à l’usage de la violence ou à l’incitation à la violence, ou en abrogeant les sanctions impliquant un travail obligatoire (travail pénitentiaire obligatoire). Enfin, la commission prie instamment le gouvernement d’assurer la libération immédiate de toute personne condamnée à une peine d’emprisonnement impliquant du travail obligatoire, pour avoir exprimé pacifiquement des opinions politiques ou s’être opposée au système politique, social ou économique établi.
En ce qui concerne le projet de loi sur la cybercriminalité, la commission prend note des informations écrites communiquées par le gouvernement à la Commission de la Conférence, selon lesquelles un groupe de travail spécialisé a organisé une réunion pour procéder à l’examen du projet de loi et un processus de collaboration a facilité la mise en œuvre de cette initiative. Le projet de loi sur la cybercriminalité fait l’objet de délibérations avec toutes les parties prenantes concernées, dans le cadre d’un effort concerté pour intégrer et harmoniser les contributions de toutes les parties afin de garantir l’efficacité, l’efficience, la pertinence et la cohérence de la loi. La commission exprime le ferme espoir que le projet de loi sur la cybercriminalité sera en conformité avec la convention, et ne laissera pas de marge d’interprétation dans son application qui pourrait conduire à l’imposition d’une peine impliquant un travail obligatoire aux personnes qui expriment des opinions politiques ou manifestent une opposition à l’ordre politique, social ou économique établi.
Article 1 d). Punition pour avoir participé à des grèves. La commission a précédemment noté: i) la condamnation à une peine d’emprisonnement pour délit mineur et dénonciation calomnieuse, en vertu des articles 311 et 312 du Code pénal, de deux membres de la Confédération du travail du Cambodge (CLC), après qu’ils ont participé à une manifestation à la suite du licenciement de membres du syndicat et déposé une plainte contre deux travailleurs pour violence; ii) l’arrestation et l’inculpation de quatre dirigeants de la Fédération syndicale de de l’amitié des travailleurs pour avoir organisé une grève illégale, entravé la circulation et troublé l’ordre public; et iii) l’arrestation et la détention d’au moins 29 dirigeants et militants syndicaux de casinos lors d’une grève, dont neuf ont été inculpés d’incitation à commettre un crime, en vertu des articles 494 et 495 du Code pénal.
La commission note que le gouvernement indique que les rassemblements pacifiques, lorsqu’ils se déroulent en coopération avec les autorités et dans le respect des mesures de sécurité, de sûreté et de santé publique, constituent l’exercice des droits garantis par la Constitution. Cependant, des rassemblements non déclarés ou d’autres actions qui constituent une violation de la loi obligent les autorités à intervenir. Le gouvernement indique qu’il a été nécessaire de procéder à des arrestations, suite à des violations des mesures de sécurité, de sûreté et de santé publique, ainsi qu’à des cas d’incitation à la violence et à des troubles sociaux mettant en péril l’ordre public, la sécurité et les droits à la liberté d’autrui.
La commission note également que le gouvernement a déclaré, dans les informations écrites qu’il a fournies à la Commission de la Conférence, que les deux membres de la CLC condamnés à une peine d’emprisonnement, mentionnés ci-dessus, ont actuellement un emploi. Lors de la discussion du cas par la Commission de la Conférence, le gouvernement a ajouté que leurs cas faisaient actuellement l’objet d’un appel, et les membres travailleurs du Cambodge ont précisé qu’ils avaient été condamnés en première instance à des peines d’emprisonnement de six mois avec sursis.
En ce qui concerne l’arrestation des dirigeants syndicaux du casino Naga World, le gouvernement indique, dans les informations écrites qu’il a fournies à la Commission de la Conférence, que la grève qu’ils ont menée n’a pas respecté les conditions légales d’exercice du droit de grève. Il souligne qu’en dépit de la décision de décembre 2021 indiquant que le conflit collectif du travail à Naga World devait être soumis à la procédure et au mécanisme du Conseil d’arbitrage et que toute nouvelle revendication qui n’avait pas été soumise à la procédure du Conseil d’arbitrage ne pouvait constituer une cause valable de grève, les travailleurs licenciés ont entamé leur grève à l’extérieur de Naga World. Ils ont été tenus responsables de leurs actes et inculpés en vertu des articles 494 et 495 du Code pénal, car leur participation à la grève, considérée illégale, avait créé des troubles importants à l’ordre et à la sécurité publics. Le gouvernement ajoute que ces grévistes avaient également été arrêtés, en raison de la violation des mesures préventives du COVID-19 pendant la grève. Au total, les manquements ont conduit à l’arrestation de onze grévistes. En mars 2022, le tribunal a ordonné la libération sous caution de ces anciens travailleurs. À cet égard, la commission note qu’au cours de la discussion au sein de la Commission de la Conférence, un certain nombre de délégués ont signalé que, en mai 2023, neuf membres du LRSU avaient été reconnus coupables d’incitation à commettre un crime, en vertu des articles 494 et 495 du Code pénal après avoir participé à des grèves pacifiques au casino, et condamnés à des peines allant jusqu’à deux ans d’emprisonnement.
La commission note que, dans ses observations, la CSI fait également référence aux peines de prison prononcées à l’encontre des dirigeants du Labour Rights Supported Union (LRSU) sur le fondement de dispositions du Code pénal, ce qui est contraire à la convention. La CSI ajoute qu’il semblerait que des syndicalistes aient été pénalement condamnés en raison de leur participation à des actions collectives pacifiques.
La commission a constamment souligné qu’un travailleur qui participe à une grève d’une manière pacifique ne fait qu’user d’un droit essentiel et, par conséquent, ne doit pas être passible de sanctions pénales et que, par conséquent, aucune peine d’amende ou de prison ne peut être encourue. De telles sanctions ne sont envisageables que si, à l’occasion de la grève, des violences contre les personnes ou les biens, ou d’autres infractions graves de droit pénal sont commises, et ce exclusivement en application des textes punissant de tels faits, notamment du Code pénal (voir Étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 158). La commission prie donc instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer qu’aucune disposition de la législation n’est utilisée pour condamner une personne qui organise ou participe pacifiquement à une grève à une peine d’emprisonnement impliquant du travail obligatoire. Elle prie le gouvernement de fournir copie des décisions de justice susmentionnées. Enfin, la commission prie instamment le gouvernement d’assurer la libération immédiate de toute personne condamnée à une peine d’emprisonnement assortie d’un travail obligatoire, pour avoir exercé pacifiquement son droit de grève.
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