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Observation (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Mexique (Ratification: 1934)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Mexique (Ratification: 2023)

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La commission salue la ratification par le Mexique du protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930. La commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur son application, conformément au formulaire de rapport adopté par le Conseil d’administration.
La commission prend note des observations formulées par la Confédération authentique des travailleurs de la République mexicaine (CAT) et la Confédération des travailleurs du Mexique (CTM), communiquées avec le rapport du gouvernement.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes. 1. Action systématique et coordonnée. La commission avait prié le gouvernement de poursuivre ses efforts de lutte contre la traite des personnes notamment en vue de renforcer la capacité et la coopération des organes compétents. La commission note l’adoption en 2021 du règlement interne de la Commission interministérielle pour prévenir, réprimer et éradiquer les délits en matière de traite des personnes et assistance des victimes (Commission interinstitutionnelle), qui a pour fonctions de définir, coordonner et évaluer la mise en œuvre de la politique de l’État en matière de traite des personnes. Cette Commission adopte des rapports annuels ainsi qu’un programme de travail (PACTI) pour définir les activités à mettre en œuvre pendant l’année en cours.
La commission salue en outre les informations détaillées fournies par le gouvernement concernant: i) le renforcement des programmes de soutien social et économique, en vue de réduire la marginalisation et la pauvreté qui augmentent les risques pour les personnes d’être victimes de différentes formes de travail forcé; ii) les nombreuses activités de communication et de sensibilisation menées par les autorités ainsi que la production de matériel informatif; iii) l’adoption du programme national de formation sur la traite des personnes dont l’objectif principal est l’obtention des compétences et connaissances pour améliorer les actions des autorités en matière de prévention, d’identification, de poursuite des délits et de protection des victimes; iv) le renforcement du cadre législatif et/ou la mise en place de commissions de coordination au niveau des états (20 sur 32); v) l’adoption du guide simplifié pour l’assistance des victimes qui décrit de manière synthétique le processus devant être suivi, du Protocole d’assistance consulaire pour les victimes mexicaines de traite des personnes à l’extérieur du pays ainsi que du Protocole pour l’identification et la prise en charge des migrants victimes de situations relevant de la traite au Mexique; vi) les mesures destinées à informer et assister les migrants en transit dans le pays.
La commission note que dans ses observations la CAT souligne que malgré les lois en vigueur, la traite des personnes reste un problème dans le pays et que le gouvernement doit maintenir des actions de contrôle dans les zones à risque et poursuivre ses efforts pour informer et sensibiliser la population, le secteur des affaires et les institutions gouvernementales aux enjeux liés à la traite des personnes.
La commission note que dans son rapport de 2023 consacré à la traite des personnes, la Commission nationale des Droits humains (CNDH) souligne que la traite des personnes demeure un défi complexe dans la mesure où le Mexique est à la fois un pays d’origine, de transit et de destination des victimes de traite. Cette situation complexe exige une réponse globale et davantage de collaboration. La CNDH considère également que le manque d’information et de consensus sur l’ampleur réelle du phénomène de la traite constitue l’un des obstacles les plus sérieux à son éradication.
À cet égard, la commission observe d’après les informations disponibles sur le site internet de la Commission interministérielle qu’un Programme national pour Prévenir, Sanctionner et Éradiquer les Délits en Matière de Traite des Personnes et pour la Protection des Victimes a été adopté qui couvre la période 2022-2024 (le dernier programme datait de 2018). Le programme part du constat que, comme cela a été établi dans différents documents de diagnostic, il y a eu des lacunes dans la manière dont le phénomène de la traite des personnes a été abordé au Mexique. Ceci tant au niveau de l’application de la loi générale de 2012 visant à prévenir, sanctionner et éradiquer les infractions relatives à la traite et à protéger et aider les victimes, qu’au niveau des réponses opérationnelles dans un pays où coexistent des situations telles que la migration, la discrimination historique de certaines populations, l’inégalité entre les sexes et la criminalisation de la pauvreté, entre autres aspects. La commission salue le fait que sur la base des différentes évaluations produites et des rapports annuels des autorités compétentes, le Programme national cherche à répondre aux défis subsistant et oriente l’action nationale autour des cinq objectifs prioritaires suivants:
  • promouvoir la réforme du cadre législatif;
  • établir les bases de la coordination pour l’éradication de la traite;
  • renforcer l’attention, la réintégration sociale et la réparation intégrale des victimes à travers la mise en œuvre de nouveaux instruments;
  • promouvoir la production de données sur la traite;
  • promouvoir les droits humains des victimes et victimes potentielles dans une perspective de genre.
Tout en saluant l’ensemble des mesures prises par le gouvernement, la commission le prie de poursuivre les efforts entrepris pour mettre en œuvre les cinq objectifs stratégiques du Programme national. Elle le prie de fournir des informations à cet égard ainsi que sur l’évaluation qui aura été faite des mesures prises dans ce contexte par la Commission interinstitutionnelle ainsi que dans les rapports de la Commission nationale des Droits humains, en précisant les recommandations formulées, les défis identifiés et les mesures envisagées pour les surmonter. Rappelant que le pays fait face à des flux migratoires importants tant de ses ressortissants que des travailleurs provenant des pays voisins, la commission prie le gouvernement de continuer à prendre des mesures pour les informer les travailleurs sur les risques d’exploitation au travail relevant du travail forcé et leur apporter assistance et protection quand ils en sont victimes afin qu’ils puissent faire valoir leurs droits. Enfin, notant que dans le Programme national il est mentionné que le Fond de protection et d’assistance pour les victimes de traite des personnes prévu dans la loi générale de 2012 n’a pas été mis en place, la commission prie le gouvernement d’indiquer comment est assurée la réparation des victimes.
Article 25. Répression et sanctions efficaces appliquées. La commission prend note des informations détaillées communiquées par le gouvernement concernant les procédures judiciaires ouvertes pour crime de traite pour la période aout 2017-juillet 2021, extraites du rapport annuel de la CNDH de 2021. Elle observe que le taux de criminalité a doublé entre 2017 et 2021. Les 32 bureaux des procureurs généraux des états et le Parquet général de la République ont enregistré un total de 3 226 dossiers d’instruction, 2 863 au niveau local et 363 au niveau fédéral. Pour sept de ces dossiers la personne mise en examen est un fonctionnaire public. Au niveau local, 296 personnes ont reçu des condamnations définitives, dont 187 hommes et 109 femmes. D’après ce rapport, 292 victimes ont été signalées dont 225 femmes et 29 hommes, et il n’existe pas d’informations concernant les 38 autres victimes. S’ajoute à cela 62 condamnations définitives prononcées au niveau fédéral. La commission note que le gouvernement indique qu’en 2019, un ex-fonctionnaire de police a été reconnu coupable du délit de traite et condamné à une lourde peine de prison. Par ailleurs, la commission observe que le gouvernement a mené un nombre important d’activités pour renforcer les capacités des autorités chargées de faire appliquer la loi en matière d’identification des cas de traite des personnes tant à des fins d’exploitation au travail que d’exploitation sexuelle et d’initiation des poursuites judiciaires. Elle note en particulier l’action du ministère public spécialisé dans les délits de violence contre les femmes et la traite des personnes (FEVIMTRA) dans ce domaine qui a notamment adopté une feuille de route concernant la coordination entre le Parquet général de la République et les bureaux des procureurs des états pour intervenir dans les lieux où l’on présume qu’il y a des cas de traite et secourir les victimes.
La commission note que dans son rapport précité la CNDH évoque la peur de dénoncer la traite des personnes et le manque de culture pour le faire, ce qui ouvre grand la porte à l’impunité pour ce crime. En outre, il n’existe pas non plus de mécanismes appropriés de prise en charge des victimes et de plainte. Par ailleurs, le Programme national fait état d’un haut niveau d’injustice et d’impunité concernant les différentes modalités de la traite des personnes dû aux difficultés liés à l’application du cadre législatif. Toujours selon le programme, la loi générale de 2012 inclut plusieurs délits liés à la traite des personnes et crée une confusion pour les opérateurs de justice. Certaines situations relevant de la traite sont qualifiées de délits connexes et vice-versa.
La commission prie instamment le gouvernement de continuer à prendre les mesures nécessaires pour renforcer la coordination et les capacités des autorités policières, de l’inspection du travail et du ministère public pour assurer une identification appropriée des cas de traite, tant à des fins d’exploitation sexuelle que d’exploitation au travail, leur investigation et l’initiation des poursuites judiciaires correspondantes. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour surmonter les difficultés identifiées dans le Programme national en ce qui concerne l’utilisation de la loi générale de 2012 par les opérateurs de justice pour poursuivre et juger les affaires de traite, ainsi que des informations statistiques sur les procédures initiées et les condamnations prononcées. Enfin la commission prie le gouvernement de continuer à prendre toutes les mesures nécessaires pour sanctionner les cas de complicité de fonctionnaire dans les affaires de traite.
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