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Observation (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Bélarus (Ratification: 1956)

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La commission prend note des observations du Congrès des syndicats démocratiques du Bélarus (BKDP), reçues les 24 et 31 août 2023, et de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 27 septembre 2023, se rapportant aux questions abordées dans le présent commentaire.

Suivi des recommandations de la Commission d ’ enquête nommée en vertu de   l ’ article 26 de la Constitution de l ’ OIT

La commission prend note de la Résolution concernant les mesures recommandées par le Conseil d’administration au titre de l’article 33 de la Constitution de l’OIT au sujet du Bélarus, adoptée à la 111e session (juin 2023) de la Conférence internationale du Travail. La commission note que la Conférence avait prié instamment le gouvernement du Bélarus d’accueillir de toute urgence une mission tripartite de l’OIT, afin que celle-ci puisse recueillir des informations sur l’exécution des recommandations de la commission d’enquête et des recommandations ultérieures des organes de contrôle de l’OIT, y compris dans le cadre d’une visite auprès des dirigeants et des militants de syndicats indépendants qui sont emprisonnés ou placés en détention. La commission note en outre qu’à sa 349e session (octobre-novembre 2023), le Conseil d’administration avait examiné le suivi de la résolution de la Conférence (voir GB.349/INS/13(Rev.1)) et avait instamment prié le gouvernement de faire de même.
La commission rappelle que, dans ses précédents commentaires, elle s’est déclarée profondément préoccupée par la situation des libertés publiques au Bélarus et par l’application de la convention en droit et dans la pratique, et a prié instamment le gouvernement de prendre un certain nombre de mesures pour y remédier. Tout d’abord, la commission note avec un profond regret que, dans son rapport, le gouvernement se contente une fois de plus de réitérer les informations qu’il avait déjà fournies et considère que la commission comprend mal et interprète mal la situation sur le terrain.
Libertés publiques et droits syndicaux. La commission rappelle qu’elle avait prié instamment le gouvernement de libérer immédiatement tous les dirigeants syndicaux et membres de syndicats arrêtés pour avoir participé à des rassemblements pacifiques ou pour avoir exercé leurs libertés publiques dans le cadre de leurs activités syndicales légitimes, et d’abandonner tous les chefs d’accusation qui s’y rapportent. La commission avait également prié instamment le gouvernement de fournir des informations détaillées sur la situation de ces syndicalistes, y compris sur les accusations retenues contre eux, et de donner accès, de manière urgente, aux visiteurs, notamment les fonctionnaires du BIT chargés de s’assurer des conditions d’arrestation et de détention ainsi que du bien-être des personnes susmentionnées. Au cas où, entre-temps, un des plusieurs syndicalistes susmentionnés aurait été traduit en justice, la commission a prié instamment le gouvernement de fournir des informations sur l’issue de toute procédure engagée contre eux et de communiquer copies de toute décision de justice rendue en l’espèce.
La commission note avec une profonde préoccupation la liste de 47 dirigeants et militants syndicaux, actuellement détenus ou dont la liberté de mouvement est restreinte, transmise par le BKDP. La commission note également avec une profonde préoccupation la détérioration des conditions de détention du président du BKDP, M. Aliaksandr Yarashuk. Après avoir été condamné, en décembre 2022, à une peine de quatre ans d’emprisonnement dans une colonie pénitentiaire à régime ordinaire, M. Yarashuk a été transféré dans un établissement appliquant un régime rigoureux, dans le cadre duquel il ne sort quasiment jamais de sa cellule, hormis pour de courtes promenades dans la cour de la prison, et les autres privilèges habituellement accordés aux détenus – comme passer des appels et recevoir des visites de membres de la famille – font l’objet de restrictions. La commission note également avec une profonde préoccupation les informations fournies par la CSI au Conseil d’administration à sa 349e session pour illustrer les conditions de détention des syndicalistes. La CSI indique également que si plusieurs dirigeants syndicaux, arrêtés en avril 2022, ont été libérés, ils sont toujours poursuivis en justice. La CSI affirme en outre qu’au cours des derniers mois, la police a procédé à des arrestations massives, sur l’ensemble du territoire, et a placé en détention des travailleurs considérés comme «déloyaux envers le régime». La CSI fait également référence à l’instruction que les autorités biélorusses ont adressée aux ambassades, soit d’interdire le renouvellement des passeports des citoyens biélorusses à l’étranger, ceux-ci se trouvant alors contraints de retourner au Bélarus, où ils courent le risque d’être persécutés.
La commission note que le gouvernement indique qu’il a attiré l’attention, à plusieurs reprises, sur le fait que les allégations selon lesquelles les syndicats et les citoyens du pays seraient persécutés parce qu’ils mènent des activités syndicales et exercent légalement et pacifiquement leurs libertés et droits et civils sont dénuées de tout fondement et sont absurdes. Selon le gouvernement, le BIT est induit en erreur par les plaintes d’individus et d’organisations motivés par des considérations politiques et continue de supposer à tort que les manifestations de 2020 obéissaient à des considérations économiques et sociales étaient légales et pacifiques et qu’elles visaient à protéger les droits syndicaux et les libertés publiques. Le gouvernement insiste sur le fait que les événements purement politiques, sans lien avec les processus de dialogue social sur le lieu de travail et l’exercice des droits syndicaux, ne devraient pas servir de base pour évaluer le respect de la convention et ne devraient pas être pris en compte lors du suivi de sa mise en œuvre. Les manifestations de 2020 ont été artificiellement provoquées par des forces extérieures, étaient illégales et avaient pour finalité de prendre le pouvoir par des moyens anticonstitutionnels. Les revendications des manifestants (destitution du chef de l’État, nouvelles élections, mise hors de cause des contrevenants) n’avaient rien à voir avec la protection des intérêts professionnels, sociaux et économiques des citoyens ou avec les activités que les syndicats ont le devoir d’accomplir. Le gouvernement considère que les auteurs des plaintes ont délibérément porté des questions d’ordre politique à l’attention de l’OIT afin de discréditer le Bélarus sur le plan international, de justifier l’application de mesures restrictives unilatérales à l’encontre du pays, d’accroître la pression politique sur les autorités légitimes et de déclencher une nouvelle vague de sanctions fondées sur les décisions de l’OIT. Le gouvernement réaffirme que tous les citoyens et syndicats auxquels il est fait référence dans les plaintes et les observations des organes de contrôle de l’OIT ont été poursuivis pour des actes illégaux spécifiques, non liés à l’exercice licite et pacifique de leurs libertés et droits syndicaux. Par conséquent, les appels tendant à ce que toutes les poursuites soient abandonnées et à ce que les personnes concernées soient immédiatement libérées sont dénués de tout fondement juridique. Seuls les organes chargés d’appliquer la loi et les tribunaux sont compétents pour réexaminer les condamnations, interagir avec les personnes condamnées et décider de leur éventuelle libération; toute ingérence dans ces activités est inadmissible et engage la responsabilité de l’auteur d’un tel acte devant la loi. À cet égard, et au sujet de la liste susmentionnée de syndicalistes détenus, le gouvernement indique qu’il s’agit d’une nouvelle tentative visant à convaincre l’OIT de la véracité des allégations selon lesquelles les syndicats « indépendants » seraient persécutés, et ce dans le but d’accroître la pression sur le Bélarus. Le gouvernement rappelle que la Cour suprême a rendu des décisions par lesquelles elle a mis fin aux activités du BKDP et des organisations qui lui sont affiliées au motif que celles-ci enfreignaient la Constitution nationale et portaient atteinte à l’État et aux intérêts publics. Le gouvernement indique que, sur les 47 personnes dont le nom figurait sur la liste des détenus, 6 ont déjà purgé leur peine, dont 4 n’ont même pas été placées dans des établissements correctionnels. En ce qui concerne 13 autres personnes (Mme Mikhniuk, Mme Britikova et MM. Yarashuk, Antusevich (libéré après avoir purgé la totalité de sa peine et après réception du rapport du gouvernement), Mishuk, Khanevitch, Zhernak, Berasneu, Fiadynich, Areshka, Gromov, Chichmarev et Sliazhou), le gouvernement indique que ces citoyens ont été reconnus coupables d’infractions graves. Le gouvernement indique en outre que, parmi les personnes figurant sur la liste, 10 appartenaient au groupe «Rabochy Rukh» («Mouvement des travailleurs»), une formation extrémiste dont les activités ont été interdites. Compte tenu de la gravité des infractions commises (création et/ou participation à un groupe extrémiste, trahison de l’État, diffamation, actes illégaux commis à l’aide d’armes à feu, de munitions et d’explosifs, etc.), ces citoyens ont été condamnés à des peines d’emprisonnement plus longues. D’autres personnes dont le nom figurait sur la liste ont aussi fait l’objet de poursuites pour des actes illicites, par exemple pour violation grave de l’ordre public ayant entraîné une perturbation des transports et du fonctionnement des entreprises, violence à l’égard d’agents des affaires intérieures, incitation à des actes visant à porter atteinte à la sécurité nationale, incitation à l’hostilité et à la discorde nationales ou sociales fondées sur l’appartenance nationale ou sociale, ou encore incitation à la haine et à la discorde ethniques ou sociales fondées sur l’origine nationale ou sociale. Le gouvernement souligne que ces actes sont sans rapport avec l’exercice légal et pacifique de leurs activités syndicales, de leurs droits civils ou de leurs autres droits et libertés. Selon le gouvernement, dans la grande majorité des cas, les peines prononcées à leur encontre n’excédaient pas trois ans d’emprisonnement. Quatre personnes purgeaient leur peine (restriction de liberté) à leur domicile et deux personnes purgeaient leur peine dans un établissement pénitentiaire en régime ouvert.
La commission déplore la réticence du gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour que les dirigeants syndicaux et les syndicalistes détenus soient libérés. La commission déplore en outre que, d’une part, le gouvernement réaffirme que des syndicalistes ont été poursuivis pour des actes illégaux spécifiques sans lien avec l’exercice légal et pacifique des libertés et droits syndicaux et que, d’autre part, il ne fournisse pas une copie des décisions judiciaires, ainsi que la commission lui avait précédemment demandé. La commission prie à nouveau le gouvernement de communiquer copie des décisions de justice rendues dans ces affaires.
La commission rappelle en outre que, depuis plusieurs années, les organes de contrôle de l’OIT, y compris la présente commission, attirent l’attention du gouvernement sur la résolution de 1970 de la Conférence internationale du Travail concernant les droits syndicaux et leur relation avec les libertés publiques, qui souligne que les droits conférés aux organisations de travailleurs et d’employeurs doivent se fonder sur le respect des libertés publiques, car l’absence de celles-ci ôte toute signification au concept de droits syndicaux. Se référant à ses précédents commentaires et au 402e rapport (mars 2023) du Comité de la liberté syndicale sur les mesures prises par le gouvernement de la République du Bélarus pour mettre en œuvre les recommandations de la commission d’enquête, la commission considère que le fait que le gouvernement n’ait pas reconnu, traité et pris des mesures face aux allégations très graves de violation des libertés publiques ou donné suite aux demandes spécifiques répétées des organes de contrôle de l’OIT, y compris celles formulées par la présente commission, renforce la réalité de la violation délibérée par le gouvernement de ses obligations découlant de son appartenance à l’Organisation. Dans ces circonstances, la commission prie à nouveau le gouvernement de libérer immédiatement tous les dirigeants syndicaux et syndicalistes arrêtés pour avoir participé à des rassemblements pacifiques ou pour avoir exercé leurs libertés publiques dans le cadre de leurs activités syndicales légitimes, et d’abandonner toutes les charges y afférentes. La commission prie instamment le gouvernement de recevoir, sans plus tarder, une mission tripartite de l’OIT, afin que celle-ci puisse recueillir des informations sur la mise en œuvre des recommandations de la commission d’enquête et des recommandations ultérieures des organes de contrôle de l’OIT, y compris dans le cadre d’une visite auprès des dirigeants et des militants de syndicats indépendants qui sont emprisonnés ou placés en détention.
Application de la convention. La commission rappelle que les questions en suspens concernant l’application de la convention portent sur les points suivants: (1) le droit de créer des organisations de travailleurs, ce qui inclut la question de l’adresse légale et le droit, dans la pratique, de constituer des syndicats en dehors de la Fédération des syndicats du Bélarus (FPB); (2) le droit des organisations de travailleurs de recevoir et utiliser une aide étrangère gratuite (financement obtenu de l’étranger); (3) le droit, en droit et dans la pratique, de manifester et d’organiser des manifestations collectives; (4) le droit de grève; (5) la consultation des organisations de travailleurs et d’employeurs; et (6) le système de règlement des conflits du travail. La commission constate avec un profond regret l’absence d’informations sur les mesures concrètes prises par le gouvernement pour donner effet aux précédentes demandes de la commission visant à répondre à ces préoccupations; au lieu de cela, le gouvernement se contente de réitérer les informations qu’il a déjà fournies et de souligner l’absence de contradiction entre la législation et la pratique nationales et la convention. La commission se voit donc dans l’obligation de prier à nouveau instamment le gouvernement de prendre des mesures pour modifier sans plus tarder le décret no 3 (sur l’enregistrement et l’utilisation de l’aide étrangère gratuite), la loi sur les activités collectives et le règlement qui l’accompagne, ainsi que les articles 342-2, 369, 369-1 et 369-3 du Code pénal prévoyant des restrictions des actions collectives et les sanctions associées, afin de les mettre en conformité avec les obligations internationales du gouvernement en ce qui concerne la liberté syndicale. En outre, elle prie instamment le gouvernement de prendre des mesures pour réviser les articles 388(1), (3) et (4), 390, 392 et 393 du Code du travail qui restreignent le droit de grève, ainsi que son article 42(7), qui autorise expressément un employeur à licencier un travailleur/résilier le contrat de travail d’un travailleur, qui s’absente du travail pour purger une sanction administrative sous la forme d’une arrestation administrative; qui force d’autres travailleurs à participer à une grève ou qui appelle d’autres travailleurs à cesser d’accomplir leurs tâches sans raison valable; ou qui participe à une grève illégale ou à d’autres formes de rétention du travail sans raison valable. La commission attend du gouvernement qu’il fournisse des informations sur toutes les mesures prises à cet égard.
Dans son précédent commentaire, la commission avait déploré l’effet de la dissolution du BKDP sur les activités du Conseil national du travail et des questions sociales (NCLSI) et du Conseil tripartite pour l’amélioration de la législation dans le domaine social et du travail (le Conseil tripartite). À cet égard, la commission avait noté qu’à la suite de la dissolution du BKDP, la seule représentation de la voix des travailleurs au sein de ces structures était désormais la Fédération des syndicats du Bélarus (FPB), qui bénéficiait du soutien publiquement exprimé des autorités de l’État au plus haut niveau, et dont l’indépendance par rapport aux autorités était discutable. Dans ces conditions, la commission s’est interrogée sur la légitimité de la NCLSI et du conseil tripartite. Considérant que le développement d’organisations libres et indépendantes et leur participation au dialogue social sont indispensables pour permettre à un gouvernement d’affronter ses problèmes sociaux et économiques et de les résoudre au mieux des intérêts des travailleurs et de la nation, la commission avait prié instamment le gouvernement de prendre des mesures pour réexaminer dans cette optique la situation des syndicats dissous, afin de garantir qu’ils puissent à nouveau fonctionner.
La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle le Conseil tripartite a repris ses travaux en 2023 et a tenu deux réunions (le 26 mai, pour examiner la recommandation du Comité de la liberté syndicale relative à la mise en place d’un mécanisme extrajudiciaire de règlement des conflits du travail, et au cours de laquelle il a été décidé de créer un groupe d’experts choisis parmi ses membres qui sera chargé d’examiner les demandes soumises par les syndicats ou les organisations d’employeurs; et le 22 septembre, pour examiner les informations fournies par l’OIT sur le droit de grève et l’interprétation de la convention, ainsi que sur la question de la négociation collective à différents niveaux du partenariat social). Le gouvernement informe en outre que la NCLSI s’est également réunie à deux reprises: le 14 avril 2023, pour examiner la mise en œuvre de l’accord général (2022-2024) et la mise en œuvre d’un ensemble de mesures visant à réduire la pénurie de main-d’œuvre pour la période 2022-2023, et le 26 juillet 2023, pour discuter de la réglementation du mécanisme de gestion des crises aux fins du redressement économique des organisations non solvables et de la situation du marché de la consommation. Tout en notant les informations ci-dessus, la commission note avec une profonde préoccupation l’absence de toute mesure pour réexaminer la situation des syndicats dissous afin de garantir qu’ils puissent à nouveau fonctionner et participer pleinement aux organes tripartites nationaux. La commission réitère avec la plus grande fermeté ses demandes antérieures et attend du gouvernement qu’il indique les mesures concrètes prises à cette fin.
La commission note que la loi no 225-Z du 12 décembre 2022 sur les associations d’employeurs entrera en vigueur le 16 décembre 2023. La commission note que la loi prévoit la notion de «confédération des employeurs de la République du Bélarus», définie comme l’organisation d’employeurs la plus représentative. La commission observe que deux organisations d’employeurs sont actuellement membres du Conseil tripartite et signataires de l’Accord général. La commission prie le gouvernement d’indiquer les effets de la certification d’une organisation d’employeurs en tant que confédération en vertu de la loi sur la composition du Conseil tripartite.
La commission déplore l’absence totale de progrès dans la mise en œuvre des recommandations de la commission d’enquête de 2004 et dans le traitement des recommandations en suspens des organes de contrôle de l’OIT, ainsi que la détérioration continue de la liberté syndicale dans le pays. La commission prie à nouveau instamment le gouvernement de s’engager auprès de l’OIT en vue de mettre en œuvre sans plus tarder toutes les recommandations en suspens des organes de contrôle de l’OIT.
La commission note que, dans sa résolution, la Conférence internationale du travail a décidé de consacrer, lors de ses futures sessions, une séance spéciale de la Commission de l’application des normes à l’examen de l’application, par le gouvernement, de la convention et de la mise en œuvre des recommandations de la commission d’enquête, tant qu’il ne sera pas avéré que le gouvernement s’est acquitté de ses obligations.
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