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Observation (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Algérie (Ratification: 1962)

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La commission prend note des observations des organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs suivantes reçues: les 12 février et le 30 août 2023 de la Confédération générale autonome des travailleurs en Algérie (CGATA), le 1er mars 2023 de la CGATA, de la Confédération syndicale des forces productives (COSYFOP), du Syndicat National Autonome des personnels de L’Administration publique (SNAPAP), du Syndicat national des travailleurs de l’électricité et du gaz (SNATEG), de L’internationale des services publics (PSI), de l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) et de IndustriALL Global Union; le 31 août 2023 de la COSYFOP; les 1er septembre 2022 et 2023 de la Confédération syndicale internationale (CSI); et le 1er septembre 2023 de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) fournissant des commentaires de nature générale. La commission prend note des réponses fournies par le gouvernement.
Mesures à l’encontre de dirigeants syndicaux. La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement en réponse aux observations de 2021 des organisations syndicales nationales et internationales. Concernant les informations demandées sur la situation de plusieurs dirigeants syndicaux (M. Kaddour Chouicha, M. Felah Hammoudi, et M. Morad Ghedia), le gouvernement indique avoir fourni des informations régulièrement aux différents organes de contrôle de l’Organisation, incluant la présente commission, la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail (ci-après la «Commission de la Conférence») et le Comité de la liberté syndicale. Observant que les informations auxquelles se réfère le gouvernement portaient essentiellement sur les mesures de réintégration des travailleurs licenciés des administrations publiques et des travailleurs du groupe SONELGAZ, et rappelant la gravité des faits allégués dont auraient été victimes les dirigeants syndicaux susmentionnés (harcèlement, arrestation, détention, jugement pour terrorisme), la commission s’attend à ce que le gouvernement fournisse sans délai des informations actualisées sur la situation de ces dirigeants syndicaux. La commission prie en outre le gouvernement de fournir ses commentaires sur la situation des nombreux membres et dirigeants syndicaux du SNAPAP et de la CGATA dont la liste figure dans les observations de la CGATA reçues le 30 août 2023 et dont copie lui a été transmise par le Bureau le 6 septembre 2023.
Inviolabilité des locaux syndicaux. S’agissant des allégations de fermeture des locaux de la CGATA et de la COSYFOP, la commission observe que le gouvernement fonde une nouvelle fois son argument sur sa contestation de la légitimité des dirigeants syndicaux de la COSYFOP et de la CGATA. Le gouvernement observe par ailleurs que ces derniers utiliseraient des locaux loués à des fins de propagande et de diffusion de fausses informations, portant atteinte à la sécurité et à l’ordre public, ce qui constituerait des actes illégaux qui ne relèvent pas d’activités syndicales. Le gouvernement déclare que ces derniers ont le droit de saisir la justice pour contester la fermeture des sièges s’ils détiennent légitimement la qualité de dirigeants syndicaux. La commission note que le gouvernement ne conteste pas la fermeture de ces locaux sur décision administrative. De manière liminaire, la commission rappelle que les organisations doivent disposer pleinement du droit à l’inviolabilité de leurs locaux, de leur correspondance et de leurs communications. Lorsque la législation prévoit des exceptions à ce principe – par exemple en raison d’une situation d’urgence ou de considérations d’ordre public –, la commission considère que les perquisitions ne devraient être possibles que sur délivrance d’un mandat par l’autorité judiciaire compétente lorsque celle-ci est convaincue qu’il existe de bonnes raisons de supposer qu’on trouvera les preuves nécessaires à la poursuite d’un délit de droit commun, et à la condition que la perquisition soit limitée aux objets qui ont motivé la délivrance du mandat (voir Étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 114). La commission attend du gouvernement qu’il garantisse pleinement le droit à l’inviolabilité des locaux aux organisations syndicales, en vertu de la convention et que toute décision de perquisition voire de fermeture des locaux de la COSYFOP ou de la CGATA soit prise par l’autorité judiciaire compétente. En conséquence, la commission prie instamment le gouvernement d’annuler toute décision de fermeture de locaux syndicaux de la COSYFOP et de la CGATA prise par l’administration sans mandat judiciaire. Elle renvoie également aux allégations de fermeture des locaux du SNAPAP depuis 2019 sur décision administrative telle que rappelées dans les plus récentes observations de la CGATA.

Questions législatives

Adoption d’une nouvelle législation. La commission prend note de l’adoption de la loi no 23-02 du 25 avril 2023 relative à l’exercice du droit syndical, ainsi que de la loi no 23-08 du 21 juin 2023 relative à la prévention, au règlement des conflits collectifs de travail et à l’exercice du droit de grève. La commission note que ces deux lois mettent en œuvre les dispositions de la convention, en modifiant des dispositions existantes en tenant compte de certaines des recommandations faites précédemment et introduisent des dispositions nouvelles qui apportent des précisions concernant l’exercice des droits syndicaux et la protection du droit syndical. Enfin, la commission note qu’en vertu de ses dispositions finales la loi no 23-02 abroge la loi no 90-14 relative aux modalités d’exercice du droit syndical.
La commission note toutefois avec préoccupation que les organisations syndicales susmentionnées ont formulé de nombreuses observations concernant la loi no 23-02 et ont d’emblée dénoncé, en février 2023, une élaboration sans consultation avec les partenaires sociaux. Selon les organisations syndicales, les consultations revendiquées par le gouvernement n’ont concerné qu’une minorité de syndicats du pays et n’ont pas inclus les principales organisations représentatives, y compris la principale union syndicale du pays. Les organisations syndicales ont donc demandé le report de l’adoption de la loi afin que le gouvernement engage de véritables consultations avec les partenaires sociaux et entende leurs points de vue. Elles ont partagé à cet égard des propositions d’amendement. La commission note que, malgré ces requêtes, le gouvernement a décidé de soumettre le projet de loi au Parlement qui l’a adopté en avril 2023.
La commission note que les observations des organisations syndicales contenant les propositions d’amendement ont été transmises au gouvernement qui a formulé ses réponses sur de nombreux points. La commission a tenu compte de l’ensemble de ces commentaires dans son examen des nouveaux textes de loi.
Champ d’application (article 2 de la loi no 23-02). Dans ses précédents commentaires, la commission avait demandé au gouvernement de consulter d’urgence les partenaires sociaux sur les mesures à prendre pour modifier les prescriptions résultant de l’application de l’article 2 de la loi no 90-14, ceci afin que les fonctions syndicales dans une entreprise ne soient plus limitées aux seules personnes salariées de l’entreprise, ou afin de lever la question d’appartenance à la profession ou de la qualité de salarié pour au moins une proportion raisonnable de responsables syndicaux. La commission note avec regret que l’article 2 de la loi no 23-02 demeure inchangé sur ce point en ce qu’il s’applique uniquement aux travailleurs salariés et aux agents publics exerçant au sein des institutions et administrations publiques. La commission doit à nouveau rappeler que de telles dispositions peuvent entraver le droit des organisations d’élaborer librement leurs statuts et d’élire librement leurs représentants en leur ôtant la possibilité d’élire des personnes qualifiées (telles que des permanents syndicaux ou des retraités) ou en les privant de l’expérience de certains dirigeants lorsqu’elles ne disposent pas, dans leurs propres rangs, de personnes compétentes en nombre suffisant (voir Étude d’ensemble de 2012sur les conventions fondamentales, paragr. 102). En conséquence, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer la pleine conformité de la nouvelle législation avec la convention, conformément aux principes rappelés ci-dessus.
Indépendance des organisations syndicales (articles 12 à 15 de la loi no 23-02). La commission relève que ces dispositions interdisent non seulement toute relation structurelle ou fonctionnelle entre les syndicats et les partis politiques, mais interdisent également à un syndicaliste d’exercer un mandat dans les organes dirigeants d’un parti politique. En outre, les membres fondateurs et les dirigeants syndicaux doivent s’abstenir d’exprimer tout soutien politique envers un parti ou une personnalité. La commission souhaite rappeler à cet égard qu’elle a indiqué que si la promotion des conditions de travail par la négociation collective reste un axe essentiel de l’action syndicale, l’évolution du mouvement syndical et sa reconnaissance accrue comme partenaire social à part entière exigent que les organisations de travailleurs puissent se prononcer sur les problèmes politiques au sens large, et notamment manifester publiquement leur opinion sur la politique économique et sociale du gouvernement. S’agissant des activités politiques du mouvement syndical, la commission a exprimé son avis que tant les législations qui associent étroitement organisations syndicales et partis politiques, que les dispositions interdisant toute activité politique aux syndicats soulèvent des difficultés sérieuses par rapport aux principes de la convention. Une certaine souplesse de la législation est souhaitable à cet égard, afin de réaliser un équilibre raisonnable entre, d’une part, l’intérêt légitime des organisations à exprimer leur point de vue sur les questions de politique économique et sociale intéressant leurs membres et les salariés en général et, d’autre part, le degré de séparation voulu entre l’action politique proprement dite et les activités syndicales. La commission rappelle donc que des dispositions imposant aux syndicats ou aux organisations d’employeurs une interdiction générale d’activités politiques visant à promouvoir leurs objectifs spécifiques sont contraires à la convention. En conséquence, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour revoir les dispositions susmentionnées de la loi no 23-02, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs représentatives au niveau national, en vue de les modifier de manière à assurer le respect de ce principe.
Statut et règlement intérieur de l’organisation syndicale (articles 37 à 42 de la loi no 23-02). La commission prend note de la liste détaillée des dispositions qui doivent figurer dans les statuts d’une organisation de base, d’une fédération ou d’une confédération (article 38). La commission relève par exemple l’exigence d’inclure des dispositions sur les modalités de représentation de la femme et des jeunes aux organes de direction et/ou d’administration. De même, la commission relève que l’article 40 de la loi prescrit que les statuts doivent garantir une large délibération au sein des organes de contrôle sur les décisions importantes, comme celles relatives à la grève. La commission rappelle que les législations qui régissent de façon détaillée le fonctionnement interne des organisations de travailleurs et d’employeurs présentent des risques graves d’ingérence incompatibles avec la convention. La commission rappelle en outre que, en vertu de l’article 3 de la convention, la législation nationale ne devrait prévoir que des exigences de forme en ce qui concerne les statuts syndicaux sauf pour ce qui est de la nécessité de respecter un processus démocratique et d’assurer un droit de recours aux affiliés (voir Étude d’ensemble de 2012sur les conventions fondamentales, paragr. 100). Dans ces conditions, la commission prie le gouvernement de consulter les organisations représentatives de travailleurs et d’employeurs pour examiner les dispositions législatives en question ainsi que leur application à la lumière du principe mentionné.
Dons et legs (article 49 de la loi no 23-02). La commission rappelle que ses commentaires portent depuis de nombreuses années sur la nécessité de supprimer l’obligation d’obtenir l’accord préalable de l’autorité publique, s’agissant des dons et legs d’organisations syndicales nationales ou d’organismes étrangers. La commission note avec regret que l’article 49 de la loi no 23-02 reprend cette obligation. La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en consultation avec les organisations représentatives de travailleurs et d’employeurs, pour modifier l’article 49 de la loi no 23-02 et de faire état de toute mesure prise dans ce sens.
Participation aux organes de contrôle et/ou d’administration des syndicats (article 54 de la loi no 23-02). Candidature à l’élection des délégués syndicaux (article 101 de la loi no 2302). La commission observe que parmi les conditions à remplir pour participer à la direction et/ou l’administration d’un syndicat ou pour se porter candidat à l’élection des délégués syndicaux tout adhérent doit être âgé de vingt et un an révolu. Elle observe que la loi no 23-02 prévoit par ailleurs que les travailleurs salariés doivent être majeurs pour constituer une organisation syndicale (article 28). La commission observe enfin que l’âge minimum d’admission à l’emploi est fixé à 16 ans en vertu de l’article 15 de la loi no 90-11 sur les relations de travail. Rappelant sa position constante que tous les travailleurs qui ont atteint l’âge minimum d’admission à l’emploi doivent pouvoir exercer leurs droits syndicaux, y compris le droit de se porter candidats aux élections des délégués syndicaux, la commission prie le gouvernement de réviser l’article 101 de la loi no 23-02 en consultation avec les organisations représentatives de travailleurs et d’employeurs sur la nécessité de déterminer afin de le rendre conforme à la convention.
Durée et nombre de mandats syndicaux (article 56 de la loi no 23-02). Notant qu’en vertu de l’article 56 de la nouvelle loi, la durée du mandat syndical ne doit pas durer plus de cinq ans et ne peut être renouvelé qu’un fois, la commission doit rappeler que le droit des organisations de travailleurs d’élaborer leurs statuts et règlements, d’organiser leur gestion et de formuler leurs programmes signifie que des questions telles que la fixation de la durée des mandats doivent être laissées à l’appréciation des syndicats eux-mêmes dans leurs statuts et règlements. La commission considère que des dispositions qui régissent de manière détaillée le renouvellement de la direction des organisations de travailleurs ou d’employeurs sont incompatibles avec la convention en ce qu’elles sont une forme d’ingérence des autorités publiques dans les affaires syndicales. En conséquence, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en consultation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs représentatives, pour modifier l’article 56 de la loi no 2302, en conformité avec le principe mentionné ci-dessus.
Réponse aux sollicitations de l’administration (article 61 de la loi no 23-02). Si la commission comprend la nécessité de maintenir un dialogue lors de la transmission de certaines informations à intervalle régulier en vertu de la loi, elle s’interroge néanmoins sur le libellé de l’article 61 qui impose un devoir de réponse à toutes les sollicitations de l’autorité administrative compétente, sans en préciser la nature ou les motifs possibles, ni en déterminer les limites. Ce genre de disposition générale soulève des difficultés en ce qu’il pourrait permettre des objections continues ou harcelantes de la part des autorités et entraîner ainsi des risques de partialité ou d’abus. En conséquence, la commission prie le gouvernement de supprimer l’article 61 de la loi no 23-02 ou d’engager la consultation avec les organisations représentatives de travailleurs et d’employeurs en vue de sa révision dans le sens des recommandations de la commission.
Dissolution des syndicats (articles 64 à 67 de la loi no 23-02). La commission note qu’en vertu de l’article 65 la dissolution d’un syndicat ne peut être effectué que par voie judiciaire dans des cas déterminés. La commission observe par ailleurs que certains cas, tel que l’absence d’activité en rapport avec l’objectif du syndicat pendant trois ans, le refus de se conformer ou d’exécuter les décisions judiciaires, ou encore l’incitation à la violence, à la menace ou à toute autre comportement illégal en violation des droits des travailleurs, sont potentiellement de nature générale et pourraient permettre des objections et entraîner ainsi des risques de partialité ou d’abus. Rappelant de nouveau que la dissolution des syndicats constituent une forme extrême d’ingérence des autorités dans les activités des organisations,la commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur la mise en œuvre de cette disposition en précisant le nombre de recours de l’administration pour demander la dissolution de syndicats, y compris aux motifs précités, et leurs résultats.
Règlement des conflits collectifs de travail et exercice du droit de grève en vertu de la nouvelle loi no 23-08 du 21 juin 2023. La commission note que la présente loi abroge la loi no 90-02 du 6 février 1990. Tenant compte des observations des organisations syndicales et des éléments de réponse du gouvernement, la commission souhaite attirer l’attention du gouvernement sur les points suivants:
Modalités d’exercice du droit de grève (articles 41 à 46 de la loi no 23-08). La commission note qu’en vertu de l’article 42 de la loi la grève ne peut être décidé que pour obtenir la satisfaction des revendications d’ordre purement socio-professionnel. Dès lors, aux termes de l’article 45 de la loi, les grèves organisées pour des motifs politiques, des grèves de solidarité, ou des grèves organisées pour des causes ou revendications non socio-professionnelles, sont illicites. À cet égard, la commission rappelle que les grèves visant la politique économique et sociale du gouvernement sont légitimes, y compris lorsqu’il s’agit de grèves générales, et qu’elles ne devraient donc pas être assimilées aux grèves purement politiques, lesquelles ne sont pas couvertes par les principes de la convention. Les organisations syndicales et les organisations d’employeurs, ayant vocation à défendre des intérêts socio-économiques et professionnels, doivent pouvoir utiliser respectivement la grève ou des actions de protestation pour appuyer leur position dans la recherche de solutions aux problèmes posés par les grandes politiques économiques et sociales qui ont des répercussions immédiates pour leurs membres. Par ailleurs, en ce qui concerne les grèves dites «de solidarité», la commission considère qu’une interdiction générale de cette forme de grève risquerait d’être abusive – en particulier dans le contexte de la mondialisation marquée par une interdépendance croissante et par l’internationalisation de la production – et que les travailleurs devraient pouvoir exercer de telles actions pour autant que la grève initiale qu’ils soutiennent soit elle-même légale (voir Étude d’ensemble de 2012sur les conventions fondamentales, paragr. 124 et 125). Compte tenu des principes rappelés ci-dessus, la commission prie le gouvernement de prendre des mesures afin que les restrictions excessives à l’exercice du droit de grève soient abrogées.
La commission note en outre que l’article 42 de la loi définit la grève comme un arrêt collectif et concerté du travail «compatible avec l’activité de l’entreprise et la continuité des services publics». La commission prie le gouvernement de préciser la manière dont la loi envisage la tenue d’une grève compatible avec l’activité de l’employeur en vertu de la loi et de fournir la liste des emplois considérés indispensables à la continuité du service public.
De plus, la commission note que la loi exige que la grève soit déclenchée après l’épuisement des procédures de règlement de conflits prévues au titre II de la loi (articles 5 à 40). La commission observe que les procédures de conciliation, de médiation et d’arbitrage volontaire prévues, qui s’appuient les uns sur les autres, pourraient aboutir à une procédure de règlement qui dureraient plusieurs mois avant le déclenchement éventuel de la grève. À cet égard, la commission rappelle sa position que les procédures préalables devraient cependant avoir pour seule finalité de faciliter la négociation et ne devraient pas être si complexes ou entraîner des délais si longs qu’une grève licite devienne impossible ou soit privée de toute efficacité. En ce qui concerne la durée des procédures de conciliation et d’arbitrage préalables, la commission a considéré, par exemple, qu’imposer une durée allant au-delà de 60 jours ouvrables, en tant que condition préalable à l’exercice d’une grève légale, était susceptible de rendre difficile, voire impossible, l’exercice du droit de grève [voir Étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 144]. Dans ces conditions, la commission prie instamment le gouvernement d’engager des consultations avec les organisations représentatives de travailleurs et d’employeurs afin de réduire cette période de procédures préalables dans le respect du principe rappelé.
Délai de préavis (article 49 à 54 de la loi no 23-08). Par ailleurs, la commission rappelle que le délai de préavis ne devrait pas constituer un obstacle supplémentaire à la négociation, et devrait être d’autant plus court s’il s’ajoute à une procédure de médiation ou de conciliation préalable obligatoire déjà longue en elle-même. La commission veut croire que le gouvernement prendra en compte cette question dans son examen des ajustements à faire.
Le service minimum négocié (articles 62 à 64 de la loi no 23-08). La commission rappelle que le maintien de services minima en cas de grève ne devrait être possible que dans certaines situations, à savoir: i) dans les services dont l’interruption risquerait de mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans l’ensemble de la population (soit les services essentiels «au sens strict du terme»); ii) dans les services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme, mais où les grèves d’une certaine ampleur et durée pourraient provoquer une crise aiguë menaçant les conditions normales d’existence de la population; et iii) dans les services publics d’importance primordiale. Un tel service devrait toutefois à tout le moins répondre à deux conditions: i) il devrait effectivement et exclusivement s’agir d’un service minimum, c’est-à-dire limité aux opérations strictement nécessaires pour que la satisfaction des besoins de base de la population ou des exigences minima du service soit assurée, tout en maintenant l’efficacité des moyens de pression; ii) tant donné que ce système limite l’un des moyens de pression essentiels dont disposent les travailleurs pour défendre leurs intérêts, leurs organisations devraient pouvoir, si elles le souhaitent, participer à la définition de ce service tout comme les employeurs et les pouvoirs publics [voir Étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 136 et 137]. La commission prie le gouvernement d’indiquer toute consultation engagée avec les partenaires sociaux sur la question et de communiquer le texte réglementaire fixant la liste des secteurs d’activités et des postes de travail nécessitant la mise en œuvre d’un service minimum une fois adopté.
La réquisition (article 65 de la loi no 23-08). La commission rappelle qu’il est souhaitable de limiter les pouvoirs de réquisition aux cas dans lesquels le droit de grève peut être limité, voire interdit, à savoir: i) dans la fonction publique à l’égard des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’État; ii) dans les services essentiels au sens strict du terme; ou iii) en cas de crise nationale ou locale aiguë, et estime que seuls peuvent être considérés essentiels – aux fins de la restriction ou de l’interdiction du droit de grève – les services dont l’interruption mettrait en danger dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne (voir Étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 151 et 131). La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur la mise en œuvre de l’article 65 de la loi par les autorités compétentes en indiquant la liste des emplois considérés indispensables à la sécurité des personnes, des installations et des biens; à la continuité du service public essentiel; à la satisfaction des besoins vitaux du pays; ou à l’approvisionnement de la population.
Interdiction de la grève (article 67 de la loi no 23-08). La commission rappelle en outre que le droit de grève n’est pas absolu et peut être exceptionnellement restreint, voire interdit. Outre les forces armées et la police, dont les membres peuvent être exclus du champ d’application de la convention en général, d’autres restrictions au droit de grève peuvent viser les domaines rappelés ci-dessus en matière de réquisition. Dans ces cas, des garanties compensatoires devraient être prévues pour les travailleurs ainsi privés du droit de grève. La commission prie le gouvernement d’indiquer toute consultation engagée avec les partenaires sociaux sur la question et de fournir le texte réglementaire déterminant la liste des secteurs, des personnels et des fonctions auxquels le recours à la grève est interdit une fois adopté.
Résolution de la grève (article 69 de la loi no 23-08).La commission prie le gouvernement de supprimer la disposition prévoyant la participation de l’employeur ou de son représentant à l’assemblée générale qui doit se prononcer sur la reprise ou non du travail.
La commission prie instamment le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour donner suite à ses commentaires sur les modifications à apporter au nouveau cadre législatif encadrant l’exercice de la liberté syndicale pour la rendre conforme aux prescriptions de la convention.

Enregistrement des syndicats

La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle il s’engage à revoir les dossiers d’enregistrement du Syndicat algérien des fonctionnaires de l’administration publique (SAFAP) et de la Confédération des syndicats algériens (CSA) à la lumière des nouvelles dispositions pertinentes de la loi no 23-02. La commission s’attend à ce que le gouvernement conclut sans délai le traitement des dossiers de demande d’enregistrement du SAFAP et de la CSA.
En ce qui concerne la situation du SNATEG dont les précédentes observations faisaient état de nombreuses entraves à la liberté d’organiser ses activités, la commission observe que, dans le cadre de son dernier examen de la plainte dont il était saisi (403e rapport, juin 2023, cas no 3210), le Comité de la liberté syndicale a maintenu ses recommandations demandant notamment au gouvernement: i) de diligenter une enquête indépendante pour déterminer les circonstances ayant abouti à la décision administrative entérinant la dissolution du SNATEG, et ii) de revoir sans délai la décision de dissoudre le SNATEG. La commission note avec regret que le gouvernement se borne à déclarer dans son plus récent rapport que l’administration a traité le dossier de dissolution volontaire du SNATEG avec toute l’attention requise et qu’il ne peut se substituer à la volonté des membres de ce syndicat de dissoudre leur syndicat. Exprimant sa préoccupation quant à l’absence d’évolution sur cette question, malgré des recommandations répétées l’invitant à prendre des mesures correctives, la commission attend du gouvernement qu’il prenne enfin les mesures qui s’imposent pour donner effet aux recommandations du Comité de la liberté syndicale.
Enfin, la commission souhaite apporter les précisions suivantes en réponse à la position réitérée du gouvernement qui conteste la qualité de dirigeants syndicaux aux membres de la COSYFOP (dont il conteste l’enregistrement) et de la CGATA (dont il refuse l’enregistrement). À cet égard, la commission rappelle que l’exercice d’activités syndicales légitimes ne devrait pas dépendre d’un enregistrement et que les autorités devraient s’abstenir de toute ingérence de nature à restreindre ce droit ou à faire obstacle à son exercice, à moins que l’ordre public ne soit perturbé ou que son maintien soit mis en péril gravement et de façon imminente. S’agissant de la COSYFOP, la commission note que cette dernière a saisi le Comité de la liberté syndicale sur sa situation (cas no 3434 présenté en mars 2022). La commission attend du gouvernement qu’il résolve sans autre délai la question de l’enregistrement de la CGATA et des autres organisations syndicales en attente d’enregistrement en application de la nouvelle loi.
En conclusion, la commission prie instamment le gouvernement d’intensifier ses efforts afin d’assurer que la liberté syndicale est garantie pleinement et effectivement, en droit et dans la pratique, et elle exprime le ferme espoir que le gouvernement engagera sans délai la consultation avec tous les partenaires sociaux concernés pour réviser les dispositions des lois no 23-02 et no 23-08 à la lumière de ses commentaires. La commission rappelle au gouvernement qu’il peut se prévaloir de l’assistance technique du Bureau à cet égard.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2024.]
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