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Observation (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Colombie (Ratification: 1976)

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La commission prend note des observations conjointes de la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT), de la Confédération des travailleurs de Colombie (CTC) et de la Confédération générale du travail (CGT), reçues le 1er septembre 2023, et des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 27 septembre 2023, ainsi que des commentaires correspondants du gouvernement. La commission note que ces différentes observations abordent des questions qu’elle examine dans la présente observation et qu’elles concernent également des allégations de violations de la convention dans la pratique.
La commission prend également note des observations de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), reçues le 31 août 2021, sur les discussions qui ont eu lieu en 2021 à la Commission de l’application des normes de la Conférence (ci-après la Commission de la Conférence) au sujet de l’application de la convention, et des observations de l’Association nationale des employeurs de Colombie (ANDI), reçues le 1er septembre 2023, relatives à des questions abordées dans le présent commentaire.

S uivi des conclusions de la Commission de l ’ application des normes (Conf érence internationale du Travail , 109 e session, mai-juin 2021)

La commission prend note de la discussion qui a eu lieu en juin 2021 à la Commission de la Conférence au cours de laquelle ladite Commission a salué les efforts déployés par le gouvernement pour appliquer la convention en droit et dans la pratique, s’est félicitée des mesures positives que le gouvernement a prises pour remédier à la situation de violence dans le pays et a encouragé le gouvernement à continuer de prendre des mesures pour garantir un climat exempt de violence. La Commission de la Conférence a prié le gouvernement de veiller à ce que le Bureau permanent de concertation pour l’octroi d’une réparation collective au mouvement syndical soit convoqué et à ce qu’il agisse pour s’acquitter pleinement de son mandat.
Réforme législative. La commission note que le gouvernement fait part de la réforme de la législation du travail en cours qui a notamment pour objectif de donner pleinement effet aux conventions de l’OIT ratifiées. La commission note que le gouvernement a transmis le contenu du projet de loi adressé au Congrès de la République, le 24 août 2023. La commission constate que ce projet fait suite à un premier projet soumis au Congrès en mars 2023, puis classé en juillet 2023, qui avait donné lieu à des commentaires techniques du Bureau. La commission se penchera d’abord sur les dispositions du projet relatives aux points ayant fait l’objet de ses commentaires précédents au sujet de l’application de la convention avant d’en examiner d’autres aspects pertinents.
Droits syndicaux et libertés publiques. La commission rappelle qu’elle examine, depuis de nombreuses années, comme le Comité de la liberté syndicale, des allégations de violence à l’encontre de syndicalistes et d’impunité à ce sujet. Elle prend en premier lieu note des informations fournies par le gouvernement au sujet de 34 homicides commis en 2018 et dénoncés par la CSI en 2019. Selon ces informations: huit affaires ont abouti à une condamnation et une à un acquittement; sept sont en instance de jugement; une est sous enquête, avec émission de mandat d’arrêt; onze sont sous enquête; quatre sont classées; une a été renvoyée à la juridiction autochtone, tandis que, dans une affaire, un décès a eu pour effet d’éteindre l’action. En outre, le gouvernement indique que le bureau du Procureur général de la nation fait état de 45 homicides de membres du mouvement syndical commis entre 2020 et 2023 et précise que quatre affaires en sont au stade de l’exécution des peines, six sont en instance de jugement, sept en sont au stade de la mise en accusation, six sont sous enquête, avec émission de mandat d’arrêt, tandis que le décès d’un suspect a éteint une affaire. Ces chiffres représentent un taux d’élucidation de 53,33 pour cent de ces homicides. La commission prend également bonne note des informations du gouvernement sur les stratégies mises en œuvre par le bureau du Procureur général de la nation pour enquêter efficacement sur les assassinats, les menaces et les autres actes de violence antisyndicale. La commission note que le gouvernement met en avant la complexité du traitement des enquêtes sur les infractions de menace et qu’il fait part des éléments suivants: la création, en 2021, d’un groupe sur les menaces au sein de la Direction des droits de l’homme, qui compte dix procureurs; l’existence d’une stratégie complète concernant les menaces à l’encontre des dirigeants syndicaux, bénéficiant de la participation active d’un procureur spécialisé et de la coordination avec l’Unité nationale de protection (UNP); l’attention particulière qu’accorde le groupe sur les menaces aux cas qui concernent la Fédération colombienne des éducateurs (FECODE), avec une procureure spéciale et l’élaboration d’une stratégie spécifique.
La commission prend également note des informations fournies par le gouvernement sur les mesures prises par l’UNP en vue de garantir la vie et l’intégrité des dirigeants et des militants syndicaux en situation de risque, dans le cadre du Programme de prévention et de protection qui, entre le 1er septembre 2020 et le 14 mai 2023, a traité 1 100 demandes en 2020, 726 en 2021, 1 196 en 2022 et 493 en 2023, soit un total de 3 515. L’UNP a réalisé 1 823 évaluations de risque individuel (extraordinaire/extrême/ordinaire) et a pris des mesures de protection à l’endroit de 300 bénéficiaires par mois en mettant à disposition des moyens de communication, des gilets de protection, des boutons d’appel, des agents de protection, des véhicules ordinaires et des véhicules blindés.
La commission note que la CUT, la CTC et la CGT dénoncent la persistance de la stigmatisation des syndicalistes et de la violence à leur encontre. Ces organisations affirment qu’en 2022, 287 cas de violence antisyndicale se sont produits, dont 238 cas de menace, 33 cas de déplacement, 29 cas d’homicide, 16 cas d’agression avec ou sans blessures, 7 cas de harcèlement, 5 cas d’enlèvement et un cas de disparition. Les organisations font état d’une augmentation de 46,68 pour cent des actes de violence antisyndicale par rapport à 2021.
La commission note également que la CSI affirme que: entre 2021 et 2022 se sont produits 13 assassinats de syndicalistes, 6 tentatives d’assassinat. 99 menaces de mort et) 8 arrestations arbitraires de syndicalistes. En dernier lieu, la commission prend note des informations soumises par l’ANDI d’après lesquelles les chiffres présentés par le gouvernement traduisent les efforts déployés par les différentes institutions pour faire progresser la protection des dirigeants syndicaux et la lutte contre l’impunité.
La commission exprime sa profonde préoccupation face aux homicides de membres du mouvement syndical dans le pays et aux autres actes de violence antisyndicale à leur encontre qui continuent d’être perpétrés. La commission prend note des allégations des centrales syndicales concernant la fréquence des actes de violence antisyndicale, notamment dans le secteur de l’éducation.
Consciente de la complexité des défis que doivent relever les entités chargées des enquêtes pénales et des efforts considérables déployés pour rendre les enquêtes aussi efficaces que possible, la commission ne peut néanmoins que constater l’absence de données sur le nombre de condamnations prononcées contre les auteurs intellectuels des actes de violence antisyndicale et souligne une fois de plus, à cet égard, l’importance cruciale que revêt l’identification et la condamnation des auteurs intellectuels de ces crimes pour briser le cycle de reproduction de la violence antisyndicale.
Reconnaissant les mesures importantes que les autorités publiques continuent de prendre, la commission prie instamment le gouvernement de continuer à renforcer son action et ses ressources pour accorder une protection adéquate à l’ensemble des dirigeants syndicaux et des syndicalistes en situation de risque, ainsi qu’à leurs organisations, en accordant l’attention et les fonds nécessaires aux secteurs les plus touchés par la violence antisyndicale. Tout en prenant dûment note des décisions de justice rendues, la commission prie également le gouvernement de continuer à prendre toutes les mesures nécessaires pour que l’ensemble des actes de violence antisyndicale, homicides et autres, commis dans le pays soient élucidés et que les auteurs, aussi bien matériels qu’intellectuels, soient condamnés. La commission espère en particulier que toutes les mesures supplémentaires seront prises et que toutes les ressources nécessaires seront allouées pour que les enquêtes et les procédures pénales gagnent véritablement en efficacité au moment d’identifier et de sanctionner les auteurs intellectuels des actes de violence antisyndicale. La commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées à ce sujet.
Mesures de réparation collective en faveur du mouvement syndical. La commission prend note des informations envoyées par le gouvernement et par les centrales syndicales sur la création du Bureau permanent de concertation pour l’octroi d’une réparation collective au mouvement syndical. Le gouvernement indique que le mouvement syndical est officiellement reconnu comme éligible à recevoir des réparations et que cette question représente une priorité pour le gouvernement. Par ailleurs, la commission prend note des observations des centrales syndicales qui affirment que, malgré la création du bureau, les mesures prises ne suffisent pas à concrétiser une réparation réelle et complète en faveur du mouvement syndical. La commission prend note des informations envoyées par le gouvernement et les centrales syndicales et espère que, compte tenu des actes de violence subis par le mouvement syndical, les mesures de réparation collective en sa faveur seront concrétisées. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations à ce sujet.
Article 200 du Code pénal. Dans ses commentaires précédents, ayant constaté l’absence de sanctions pénales imposées pour violation de cette disposition du Code pénal malgré le nombre très élevé de plaintes pénales présentées depuis 2011, la commission avait prié le gouvernement de procéder, avec le bureau du Procureur général de la nation et les partenaires sociaux, à l’évaluation de l’efficacité de l’article 200 du Code pénal (qui prévoit des sanctions pénales pour un certain nombre d’actes contraires à la liberté syndicale et à la négociation collective) et de son application, et de fournir des informations sur les résultats obtenus et les mesures éventuellement prises en conséquence.
La commission note que le gouvernement indique que, dans le cadre de la Commission interinstitutionnelle des droits de l’homme où sont représentées les organisations de travailleurs, les organisations d’employeurs et le gouvernement, les avancées des enquêtes liées à l’article 200 du Code pénal ont été présentées. Le gouvernement indique qu’entre 2017 et mars 2023, le bureau du Procureur général de la nation a reçu 1 279 cas, dont 1 053 se sont conclus comme suit: i) 4 acquittements ayant fait l’objet d’un recours; ii) 91 conciliations (la conciliation a lieu devant un procureur ou un conciliateur et, en cas d’accord entre les parties, celui-ci a l’effet de la chose jugée); iii) 124 désistements (le gouvernement précise que, dans ces cas, une solution est généralement négociée par le travailleur et l’entreprise); iv) 624 cas ont été classés (en l’absence d’infraction ou en l’absence de légitimité du plaignant); v) 210 affaires se sont conclues pour d’autres motifs d’extinction de l’action pénale. Le gouvernement indique par ailleurs que 226 cas sont en instance, dont 160 avant jugement, 62 sous enquête et 4 en phase de jugement.
De la même manière, le gouvernement indique que les actions suivantes ont été menées en 2022, en lien avec l’article 200 du Code pénal: i) le renforcement des capacités moyennant des cours de formation à l’intention des procureurs et des enquêteurs; ii) la rédaction d’un Manuel sur les enquêtes et les poursuites en cas de violation des droits de réunion et d’association; iii) la promotion de l’avancée des cas et des journées d’accompagnement des directions de section dans l’ensemble du pays; iv) l’accompagnement du bureau du Procureur général de la nation qui a permis de régler 91 affaires par voie de conciliation entre 2017 et 2023. Le gouvernement indique qu’il est prévu de continuer à renforcer les enquêtes et à diffuser le manuel.
Par ailleurs, la commission prend note des observations des centrales syndicales qui affirment ce qui suit: i) le pourcentage d’affaires réglées par voie de conciliation est très faible par rapport au nombre de plaintes déposées; ii) plus de la moitié des affaires ont été classées; iii) 26 pour cent des affaires se sont conclues par une extinction de l’action pénale (ce qui peut se produire y compris parce que l’État n’enquête pas); y iv) toutes les affaires actives de 2021, 2022 et 2023 en sont au stade de l’enquête sans qu’il y ait d’avancées significatives et sans que le bureau du Procureur général de la Nation ne fournisse d’informations claires, ce qui fait que, malgré les efforts que le gouvernement indique déployer pour améliorer l’utilisation de cette incrimination pénale, celle-ci n’est toujours pas efficace.
Compte tenu de ce qui précède, la commission constate que, même si un nombre important de procédures pour violation de l’article 200 du Code pénal avancent, elle n’a toujours pas reçu d’informations sur des condamnations qui auraient été prononcées, malgré le nombre très élevé de plaintes pénales déposées depuis 2011 en vertu de cet article. Compte tenu de ce qui précède,la commission prie le gouvernement de procéder à une évaluation complète de l’incrimination pénale visée à l’article 200 du Code pénal et de son application, avec le bureau du Procureur général de la nation et les partenaires sociaux, en vue d’examiner s’il est nécessaire d’apporter des ajustements d’ordre législatif ou institutionnel. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les conclusions de cette évaluation.
Articles 2 et 10 de la convention. Contrats syndicaux. La commission rappelle que, suite à des allégations des organisations syndicales, ‘elle examine la compatibilité entre la convention et la législation sur le contrat syndical, figure en vertu de laquelle un ou plusieurs syndicats de travailleurs s’engagent à fournir des services ou à effectuer des travaux pour une ou plusieurs entreprises, ou un ou plusieurs syndicats d’employeurs, par l’intermédiaire de leurs membres. Après avoir constaté que l’attribution d’un pouvoir de gestion et de décision sur l’emploi de ses affiliés à un syndicat de travailleurs était susceptible de générer un conflit d’intérêts et, partant, de mettre en péril la capacité du syndicat à assumer la responsabilité propre aux organisations syndicales, à savoir appuyer et défendre de façon indépendante les revendications de ses membres en ce qui concerne l’emploi et les conditions de travail, la commission avait prié le gouvernement de: i) planifier et d’effectuer un contrôle précis de l’usage du contrat syndical, en particulier dans le secteur de la santé; et ii) prendre les mesures nécessaires, y compris législatives, le cas échéant, pour garantir que la figure du contrat syndical ne porte pas atteinte aux droits syndicaux des travailleurs et ne soit pas utilisée à des fins incompatibles avec l’article 10 de la convention.
La commission note que le gouvernement indique que compte tenu des engagements pris auprès de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques et d’autres instances, le projet de réforme de la législation du travail soumis au Congrès prévoit de modifier l’article 482 du Code du travail afin d’interdire la conclusion de contrats syndicaux ayant pour objectif de confier l’exécution d’ouvrages ou de travaux ou la prestation de services en faveur de tiers pour un certain prix aux organisations de travailleurs.
La commission note également que le gouvernement indique que: i) 1 652 contrats syndicaux ont été conclus en 2020, 2 898 en 2021, 2 611 en 2022 et 1 385 entre le 1er janvier 2023 et le 30 juin 2023, soit 8 456 au total (dont 7 607 dans le secteur de la santé); ii) le ministère du Travail a adopté, par voie de l’arrêté no 0345 du 20 février 2020, une politique visant à renforcer la capacité de détection de l’intermédiation professionnelle illégale et d’autres formes de contrat portant atteinte aux droits des travailleurs; et iii) entre 2020 et 2023, 24 enquêtes administratives pour usage abusif du contrat syndical ont été menées.
La commission note que, quant à elles, les centrales syndicales CUT, CTC et CGT: i) continuent de dénoncer l’usage continu des contrats syndicaux par de fausses organisations syndicales en tant qu’instruments d’intermédiation illégale du travail; ii) disent que, même si le projet de réforme de la législation du travail interdit l’utilisation de ces contrats, l’article visé n’a pas encore été approuvé; iii) précisent qu’à peine 1 pour cent des entreprises ayant conclu des contrats syndicaux ont fait l’objet d’inspections du ministère du Travail et que seulement 24 enquêtes ont été ouvertes; iv) insistent sur l’élimination des contrats syndicaux, en particulier dans des secteurs tels que la santé et l’agriculture, où elles affirment qu’il existe des formes graves de sous-traitance illégale.
La commission prend également note des observations de l’ANDI qui affirme que le contrat syndical ne contrevient pas aux dispositions de la convention, car cette figure permet aux syndicats de maintenir un dialogue constant avec l’employeur, de disposer d’un plus grand nombre de membres et de générer davantage de bénéfices pour les travailleurs.
La commission prend bonne note de tous ces éléments. Elle prend particulièrement note des préoccupations que les trois principales centrales syndicales du pays continuent d’exprimer sur les effets de cette figure et note avec regret l’activité de contrôle réduite de l’inspection du travail à cet égard. Compte tenu de ses commentaires précédents sur les risques de dénaturation de l’activité syndicale que la figure du contrat syndical fait peser et sur la protection des droits syndicaux des travailleurs, la commission prend note avec intérêt que le projet de réforme de la législation du travail, actuellement à l’examen au Congrès, prévoit l’élimination des contrats syndicaux par voie de révision de l’article 482 du Code du travail. La commission exprime le ferme espoir que la réforme de la législation du travail en cours contribuera à éliminer les risques que la figure du contrat syndical fait peser sur l’activité syndicale. Constatant que l’article 482 du Code du travail est pour l’instant toujours en vigueur, la commission prie instamment le gouvernement d’intensifier les activités de contrôle axées sur l’usage des contrats syndicaux.La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toute avancée à cet égard.
Article 4. Annulation par voie judiciaire de l’enregistrement d’un syndicat. Dans son dernier commentaire, la commission avait prié le gouvernement d’indiquer les motifs justifiant l’application des délais de procédure courts établis par l’article 380(2) du Code du travail relatif à l’annulation par voie judiciaire de l’enregistrement d’un syndicat et d’indiquer dans quelle mesure une cessation d’activités, considérée comme illégale, peut constituer un motif de dissolution d’une organisation syndicale.
La commission note que le gouvernement fournit les éléments suivants: i) la dissolution, la liquidation et l’annulation de l’inscription au registre syndical ne se fait pas automatiquement, du simple fait que la justice a déclaré l’illégalité de la grève; ii) il convient d’épuiser la procédure dans laquelle le défendeur bénéficie des garanties lui permettant d’exercer son droit à la défense et à une procédure régulière; et iii) les délais fixés par la loi ne représentent pas un inconvénient par rapport à d’autres procédures et ne violent pas les droits de l’organisation syndicale à la défense, compte tenu que l’unique différence de la procédure sommaire établie à l’article 380(2) du Code du travail concerne le délai de réponse à la plainte et le délai de présentation de preuves, fixés à cinq jours; et iv) le projet de réforme de la législation du travail propose de modifier l’article 450 du Code du travail afin d’éviter que la participation de travailleurs à une grève déclarée illégale constitue un motif de suspension ou d’annulation de la personnalité juridique du syndicat.
La commission note que, quant à elles, les centrales syndicales: i) mettent en avant le fait qu’en règle générale les actions en dissolution s’inscrivent dans des stratégies visant à porter atteinte au droit d’association; ii) estiment toujours que les délais de procédure sont trop courts pour que les organisations syndicales exercent leur droit à la défense; et iii) après avoir décrit deux situations précises de dissolution, insistent sur la nécessité de réviser la procédure judiciaire d’annulation de l’enregistrement d’un syndicat.
La commission prend bonne note de ces différents éléments. Rappelant de nouveau que l’annulation de l’enregistrement d’un syndicat constitue une forme extrême d’intervention qui doit être limitée aux infractions graves, après avoir épuisé d’autres moyens moins drastiques pour l’organisation dans son ensemble, et, élément important, que ces mesures doivent être accompagnées de toutes les garanties nécessaires que seule une procédure judiciaire normale peut garantir, la commission prend note avec intérêt du fait que la proposition de réforme de la législation du travail prévoit de modifier l’article 450 du Code du travail en vue d’éliminer la participation à une grève déclarée illégale parmi les motifs de suspension ou d’annulation de la personnalité juridique du syndicat. La commission encourage également à ce que la possibilité d’allonger les délais de réponse à l’action en justice et de présentation des preuves visés à l’article 380(2) du Code du travail soit incluse dans les discussions sur la réforme de la législation du travail. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur tout nouvel élément à ce sujet.
Articles 3 et 6. Droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités et de formuler leur programme d’action. Questions législatives. La commission rappelle que, dans ses commentaires précédents, elle a prié le gouvernement de: i) réviser les dispositions législatives en matière de droit de grève dans les services essentiels; et ii) prendre les mesures nécessaires pour réviser l’article 417 du Code du travail qui interdit le droit de grève aux fédérations et aux confédérations.
La commission note que le gouvernement indique que le projet de réforme de la législation du travail soumis au Congrès prévoit de modifier: i) l’article 430 du Code du travail, de manière à ce que soit considérés comme essentiels les services définis comme tels par les organes de contrôle de l’OIT, au motif que leur interruption, au sens strict, peut mettre en péril la vie, la sécurité ou la santé de toute ou partie de la population; ii) l’article 417 du Code du travail, de façon à éliminer l’interdiction de la grève aux fédérations et aux confédérations.
La commission prend également note des observations des centrales syndicales à cet égard qui affirment que des restrictions au droit de grève sont toujours appliquées par des employeurs et des fonctionnaires de justice qui ne sont pas au courant la jurisprudence qui reconnaît de manière plus large le droit de grève. Par ailleurs, la commission note que l’ANDI, après avoir réaffirmé sa position selon laquelle le droit de grève n’est pas couvert par la convention, redit que la Colombie a défini la question des services essentiels dans sa législation, révisée par les hautes cours du pays, qui ont estimé qu’elle était conforme aux dispositions de la Constitution et aux conventions de l’OIT en la matière.
La commission prend bonne note de ces différents éléments. Elle rappelle également que, dans ses commentaires précédents, elle avait noté que, tant la Cour constitutionnelle, à propos du secteur des hydrocarbures, que la Cour suprême, s’agissant des différents services considérés comme essentiels par la législation, avaient demandé que la législation soit révisée afin de mieux définir les limites imposées à l’exercice du droit de grève. La commission prend note avec intérêt du fait que la proposition de réforme de la législation du travail soumise au Congrès prévoit de modifier les articles 417 et 430 du Code du travail en vue de rendre la législation conforme à la convention. La commission espère que la réforme, une fois adoptée, tiendra pleinement compte des observations qu’elle formule depuis longtemps à ce sujet. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toute avancée à cet égard.
Réforme législative. Autres aspects du projet de loi. La commission salue non seulement fait que, comme susmentionné, différentes dispositions du projet de loi répondent à des commentaires précis qu’elle formulait depuis longtemps, mais la prend aussi note avec intérêt d’autres dispositions visant à élargir la portée et à renforcer l’application des droits contenus dans la présente convention. La commission prend en particulier note des points suivants: i) la proposition de révision de l’article 352(a) du Code du travail de telle que sorte que la deuxième partie du Code du travail (droit collectif du travail) s’applique à l’ensemble des travailleurs, indépendamment de leur situation contractuelle; ii) la proposition de révision de l’article 354 du Code du travail qui reconnaît une série de facilités pour l’exercice des activités de représentation syndicale; iii) la proposition de révision de l’article 356 du Code du travail, en prévoyant une liste ouverte de catégories de syndicats, conformément au principe de l’autonomie syndicale; iv) la proposition de révision de l’article 391(a) du Code du travail qui prévoit une plus grande autonomie des organisations syndicales quant à la création de sous-directions et de comités de section; et v) la proposition de révision de l’article 430 du Code du travail qui envisage une définition des services minimums convenue par consensus entre les parties en cas de grève dans les services essentiels, ainsi que la détermination de ceux-ci par un comité indépendant en cas d’absence d’accord entre les Parties.
La commission estime en revanche que, pour garantir la pleine conformité avec la convention, il conviendrait de réviser la proposition de modification de l’article 448(3) du Code du travail de telle sorte que, même en cas de grève appuyée par une majorité de travailleurs de l’entreprise, la liberté de travailler des non-grévistes soit protégée.
La commission renvoie à ses commentaires relatifs à la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, pour ce qui concerne les dispositions du projet de loi relatives à la protection contre la discrimination antisyndicale et la promotion de la négociation collective.
Projet de loi et consultations tripartites. Tout en prenant note des éléments fournis par le gouvernement au sujet du dialogue avec les partenaires sociaux sur le projet de réforme législative en cours, la commission constate que, dans ses observations, l’ANDI affirme qu’il n’y a pas eu de véritables consultations sur le contenu des deux projets de loi que le gouvernement a soumis au Congrès en mars (projet finalement classé en juillet 2023) et en août 2023. La commission rappelle qu’il est nécessaire que tous les projets de loi ayant une incidence sur les intérêts des organisations d’employeurs et de travailleurs et de leurs membres fassent l’objet de consultations avec elles sur tous les points et insiste sur le fait que ces consultations revêtent une importance particulière pour les projets relatifs aux relations collectives de travail. Par conséquent, la commission espère que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour garantir la pleine consultation des partenaires sociaux représentatifs sur ledit projet de réforme de la législation de telle sorte que leurs intérêts et leurs préoccupations légitimes soient dûment pris en compte. La commission prie le gouvernement de fournir des informations à ce sujet.
La commission veut croire que, en prenant dûment compte des considérations énoncées au paragraphe précédent sur les consultations tripartites, le processus de réforme législative permettra de répondre aux commentaires qu’elle formule depuis de nombreuses années au sujet de l’application de la convention. La commission rappelle que le Bureau est prêt à fournir toute assistance qui serait jugée utile à cet égard.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 202 5 .]
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