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Observation (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Honduras (Ratification: 1956)

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La commission prend note des observations du Conseil hondurien de l’entreprise privée (COHEP), transmis par le gouvernement avec son rapport. Elle prend également note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) et de la Fédération syndicale authentique du Honduras (FASH), reçues respectivement les 27 septembre et 7 novembre 2023, qui font référence à des questions que la commission examine dans la présente observation et contiennent des allégations de licenciement antisyndical. La commission prie le gouvernement de faire part de ses commentaires à cet égard.

Droits syndicaux et libertés publiques

Dans son commentaire précédent, la commission avait fait part de sa profonde préoccupation face à la persistance d’actes de violence antisyndicale et à l’absence de progrès suffisants dans l’adoption de mesures concrètes et rapides à cet égard, et avait encore une fois prié instamment le gouvernement et toutes les autorités compétentes: i) de prendre des mesures concrètes et rapides, y compris d’ordre budgétaire, pour se conformer pleinement aux points énoncés dans l’accord tripartite – conclu à la suite de la mission de contacts directs de 2019 – sur la lutte contre la violence antisyndicale en insufflant à la Commission sur la violence antisyndicale, également créée en 2019, l’élan nécessaire et essentiel à l’exercice de ses fonctions et en garantissant la participation active de toutes les autorités concernées; ii) d’officialiser et de rendre effective la participation des organisations syndicales représentatives au Conseil national de protection des défenseurs des droits de l’homme; iii) d’élaborer un protocole d’investigation spécial permettant au ministère public d’examiner systématiquement et efficacement les éventuelles motivations antisyndicales derrière les actes de violence visant des membres syndicaux; iv) de veiller à ce que les affaires de violence antisyndicale soient traitées en priorité par les juridictions pénales; et v) d’assurer une protection rapide et efficace aux membres du mouvement syndical en situation de risque. De même, elle avait prié le gouvernement de continuer à fournir des informations sur l’état d’avancement des enquêtes et des procédures judiciaires concernant les actes de violence commis contre des membres syndicaux, notamment en ce qui concerne le meurtre de Jorge Alberto Acosta Barrientos et d’Oscar Obdulio Turcios Fúnes, commis respectivement le 17 novembre 2019 et le 13 juillet 2020.
La commission note que le gouvernement indique que d’après un rapport du Procureur spécial chargé des crimes contre la vie, sur les 12 cas pour lesquels une enquête a été ouverte ou des procédures judiciaires sont en cours, 2 ont donné lieu à des condamnations fermes et 10 sont toujours en cours d’enquête. Il précise que l’instruction concernant le décès d’Oscar Obdulio Turcios Fúnes n’est pas encore achevée. De plus, le gouvernement fournit des données statistiques relatives aux délits de menaces et d’usurpation, sans indiquer à quoi elles font référence ni préciser leur lien avec les actes de violence antisyndicale.
La commission note avec une profonde préoccupation que le gouvernement n’a fourni aucune autre information concernant l’avancement des enquêtes et des procédures judiciaires relatives aux homicides de membres du mouvement syndical. Elle note par ailleurs que le gouvernement ne précise pas dans quels cas des condamnations fermes ont été prononcées. La commission rappelle que, d’après les informations dont elle avait pris note dans son commentaire précédent: i) sept cas faisaient encore l’objet d’une enquête (concernant les meurtres de Sonia Landaverde Miranda, Alfredo Misael Ávila Castellanos, Evelio Posadas Velásquez, Juana Suyapa Posadas Bustillo, Glenda Maribel Sánchez, Fredy Omar Rodríguez et Roger Abraham Vallejo); et ii) cinq cas étaient encore en instance devant la justice (les mandats d’arrêt relatifs aux meurtres d’Alma Yaneth Díaz Ortega, d’Uva Erlinda Castellanos Vigil, de José Ángel Flores et de Silmer Dionisio George étaient toujours en attente d’exécution et la condamnation de l’auteur du meurtre de Claudia Larissa Brizuela faisait l’objet d’un pourvoi en cassation). Outre ces 12 cas, la commission rappelle que le gouvernement avait fourni des informations concernant les procédures engagées par les services du Procureur spécial chargé des crimes contre la vie pour faire toute la lumière sur le meurtre de Jorge Alberto Acosta Barrientos, survenu le 17 novembre2019.
La commission rappelle que dans son dernier commentaire, elle avait pris note avec préoccupation de la lenteur des enquêtes sur les meurtres commis il y a dix ans et du très faible nombre de condamnations judiciaires prononcées à ce jour. La commission note avec un regrette tout particulièrement et profondément que le gouvernement n’a transmis aucune information quant à l’état d’avancement de ces enquêtes et souligne une nouvelle fois que l’administration dilatoire de la justice constitue un déni de justice. Elle note aussi avec regret l’absence d’informations sur les mesures de protection accordées aux membres du mouvement syndical en situation de risque.
La commission note que le COHEP et la FASH se disent préoccupés face aux cas non résolus de violence antisyndicale et font savoir que cette forme de violence continue d’augmenter. Elle note que d’après les données statistiques fournies par le COHEP, le taux d’impunité pour les homicides dans le pays oscillait de 87 à 95 pour cent entre 2020 et 2022. La commission rappelle que la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail a examiné l’application de la convention en 2018 et 2019, et a pris note avec une profonde préoccupation de l’absence de condamnation des coupables des crimes, créant ainsi une situation d’impunité qui exacerbe le climat de violence et d’insécurité. Elle note que le COHEP et la FASH soulignent qu’ils n’ont reçu aucune information actualisée sur les enquêtes et les procédures pénales relatives aux actes de violence visant des membres du mouvement syndical, ni de la part du Comité sectoriel chargé du traitement des différends soumis à l’OIT (MEPCOIT) ni de la Commission sur la violence antisyndicale. Tant le COHEP que la FASH font ainsi part de leur inquiétude face au peu d’impact qu’a eu la Commission sur la violence antisyndicale. La commission rappelle que cette instance a vu le jour dans la foulée de la mission d’assistance technique que le Bureau a effectuée en 2019 en appui de l’application de l’accord tripartite conclu après la mission de contacts directs. Elle note avec regret que selon le COHEP et la FASH, si la Commission sur la violence antisyndicale a fonctionné de manière modérée de 2019 à juin 2021, elle ne fonctionne plus depuis deux ans et n’a tenu aucune réunion en 2023.
À la lumière des préoccupations susmentionnées, la commission prie de nouveau instamment le gouvernement et toutes les autorités compétentes: i) de prendre dès que possible des mesures concrètes et rapides, y compris d’ordre budgétaire, pour se conformer pleinement aux points énoncés dans l’accord tripartite de 2019 relatif à la lutte contre la violence antisyndicale, en veillant à ce que la Commission sur la violence antisyndicale reprenne ses réunions, en lui insufflant l’élan nécessaire et essentiel à l’exercice de ses fonctions et en garantissant la participation active de toutes les autorités concernées; ii) d’officialiser et de rendre effective la participation des organisations syndicales représentatives au Conseil national de protection des défenseurs des droits de l’homme; iii) d’élaborer un protocole d’investigation spécial permettant au ministère public d’examiner systématiquement et efficacement les éventuelles motivations antisyndicales derrière les actes de violence visant des membres syndicaux; iv) de veiller à ce que les affaires de violence antisyndicale soient traitées en priorité par les juridictions pénales; et v) d’assurer une protection rapide et efficace aux membres du mouvement syndical en situation de risque. La commission prie instamment le gouvernement de fournir des informations dans un proche avenir sur les progrès réalisés sur chacun de ces points, ainsi que sur l’état d’avancement des enquêtes et des procédures judiciaires relatives aux actes de violence commis contre des membres du mouvement syndical.

Problèmes de nature législative

Articles 2 et suivants de la convention. Constitution d’organisations syndicales et autonomie et activités de ces organisations. La commission rappelle que, depuis de nombreuses années, elle prie le gouvernement de prendre des mesures pour modifier les dispositions suivantes du Code du travail afin d’assurer leur conformité avec la convention:
  • l’exclusion du champ d’application du Code du travail des droits et garanties prévus par la convention des travailleurs des exploitations agricoles ou d’élevage qui n’emploient pas de manière permanente plus de dix travailleurs (art. 2(1));
  • l’interdiction de la présence de plus d’un syndicat dans une seule et même entreprise (art. 472);
  • la nécessité de réunir 30 travailleurs pour pouvoir constituer un syndicat (art. 475);
  • les conditions imposées pour être membre des instances dirigeantes d’un syndicat: être de nationalité hondurienne (art. 510(a) et 541(a)); être partie prenante à l’activité correspondante (art. 510(c) et 541(c)); et savoir lire et écrire (art. 510(d) et 541(d));
  • l’impossibilité pour les fédérations et les confédérations de déclarer la grève (art. 537);
  • l’obligation de recueillir une majorité des deux tiers de tous les membres de l’organisation syndicale pour déclarer une grève (art. 495 et 563);
  • la faculté pour le ministre compétent de mettre fin à un conflit dans les services de l’industrie du pétrole (art. 555(2));
  • la nécessité d’une autorisation gouvernementale ou d’un préavis de six mois pour tout arrêt ou suspension du travail dans les services publics qui ne dépendent pas directement ou indirectement de l’État (art. 558);
  • la soumission à l’arbitrage obligatoire, sans possibilité d’appeler à la grève tant que la sentence arbitrale reste applicable (deux ans), des conflits collectifs dans des services publics qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme (art. 554(2) et (7), 820 et 826).
Dans son dernier commentaire, après avoir noté avec regret l’absence de progrès dans l’instauration d’un dialogue tripartite, tel qu’envisagé dans l’accord tripartite conclu en 2019, la commission répétait que, tout en étant consciente des obstacles que la pandémie de COVID-19 a pu générer, elle espérait fermement que le gouvernement, avec l’assistance technique du Bureau, avancerait aussi rapidement que possible dans l’instauration d’un processus de discussion tripartite et rendrait compte des progrès réalisés dans l’élaboration des réformes demandées depuis de nombreuses années. Elle avait aussi encouragé la conclusion d’accords dans le cadre du Conseil économique et social (CES) pour donner suite à ses recommandations. La commission prend note des indications du gouvernement selon lesquelles: i) le CES reste fermement convaincu qu’il faut privilégier le dialogue social en tant que mécanisme utile et approprié pour parvenir aux accords nécessaires et répondre aux recommandations de la commission; ii) les différents organes techniques rattachés au Secrétariat technique du CES devraient être réactivés à court terme pour mener les discussions appropriées et faciliter la prise de décision au niveau de l’instance dirigeante du Conseil; iii) bien qu’en mars et décembre 2022, et à nouveau en février 2023, le Secrétariat technique du CES ait demandé aux travailleurs, au gouvernement et aux employeurs de désigner leurs représentants pour former des comités sectoriels (organes techniques), dont le MEPCOIT, à ce jour, seuls les employeurs ont répondu par l’intermédiaire du COHEP; et iv) même si le CES a abordé un large éventail de thèmes en 2022, aucun point relatif aux révisions du Code du travail liées à la liberté syndicale n’a été examiné. La commission note aussi que la CSI souligne qu’il est nécessaire d’adopter des mesures immédiates pour modifier les dispositions en question du Code du travail et les rendre conformes à la convention. Elle constate aussi que la FASH fait part de sa volonté de discuter et se dit ouvert au dialogue sur d’éventuelles révisions du Code du travail.
La commission note avec regret qu’une fois encore, alors que plusieurs années se sont écoulées depuis la première demande de modification des dispositions du Code du travail, aucun progrès n’a été accompli à cet égard. La commission encourage vivement le gouvernement et toutes les parties concernées, avec l’appui technique du Bureau, de s’efforcer de tout mettre en œuvre pour réactiver les différents organes techniques rattachés au Secrétariat technique du CES et mener des discussions tripartites qui permettent de progresser dans la mise en œuvre des réformes demandées depuis de nombreuses années. La commission prie le gouvernement de lui faire part de toute évolution à cet égard.
Nouveau Code pénal. Dans son commentaire précédent, la commission avait pris note des préoccupations émises à propos des effets de certaines dispositions du Code pénal adopté en 2020 sur le libre exercice des activités syndicales et avait prié le gouvernement de fournir des informations sur un processus de consultation entamé à ce propos. Elle prend note des informations détaillées que communique le gouvernement sur les questions abordées par le CES lors de ses réunions et constate que les questions liées au Code pénal n’ont pas été abordées. La commission note également que, selon le COHEP, un nouveau gouvernement est entré en fonction le 27 janvier 2022 et la plupart des membres du personnel technique du pouvoir exécutif ont été démis de leurs fonctions, de sorte qu’il n’est pas certain que le Secrétariat d’État au travail et à la sécurité sociale ait poursuivi depuis lors le processus de consultation sur le Code pénal. La commission note avec regret l’absence d’informations relatives au processus de consultation en question et prie à nouveau le gouvernement de lui fournir des informations à cet égard.
Application de la convention dans la pratique. Dans son dernier commentaire, consciente des obstacles qu’a pu générer la pandémie de COVID-19 en ce qui concerne le fonctionnement du MEPCOIT, la commission avait souligné le rôle essentiel qu’il pourrait et devait jouer dans le règlement des conflits relatifs aux relations professionnelles et avait espéré qu’il reprendrait ses activités dès que possible. Elle note que le gouvernement indique que s’il reconnaît en effet que le MEPCOIT est un espace privilégié pour discuter des différentes questions et dégager un consensus afin de réduire les possibilités de différends et d’harmoniser les relations entre travailleurs et employeurs, celui-ci n’a pas tenu de réunion depuis 2021. Le gouvernement indique qu’il souhaite que le dialogue reprenne au sein du MEPCOIT et que les engagements pris dans le cadre de l’accord tripartite de 2019 aboutissent. La commission note encore que le gouvernement fait savoir qu’en 2022 et au début de 2023, le secrétariat technique du CES a demandé aux travailleurs, au gouvernement et aux employeurs de désigner leurs représentants pour former des comités sectoriels (organes techniques), dont le MEPCOIT, mais, qu’à ce jour, seuls les employeurs ont répondu par l’intermédiaire du COHEP. La commission note avec regret que même si plusieurs années se sont écoulées depuis la création du MEPCOIT et en dépit du rôle, reconnu par le gouvernement, qu’il peut jouer dans le règlement des conflits du travail, aucune réunion n’a pu être organisée. Compte tenu des indications du gouvernement relatives à la désignation des représentants des travailleurs, des employeurs et du gouvernement pour former des comités sectoriels (organes techniques), dont le MEPCOIT, et rappelant le rôle essentiel que ce dernier peut et doit jouer dans le règlement des conflits du travail, la commission prie instamment le gouvernement et toutes les parties concernées de mettre tout en œuvre pour veiller à ce que ce comité reprenne ses activités dans les meilleurs délais. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations à cet égard.
La commission prie une nouvelle fois le gouvernement de prendre dès que possible les mesures nécessaires pour mettre la législation et la pratique en conformité avec la convention. Elle encourage vivement le gouvernement à redoubler d’efforts pour s’assurer que la Commission sur la violence antisyndicale et le MEPCOIT reprennent leurs travaux et veiller à ce que, dans le cadre du dialogue tripartite, des progrès soient réalisés vers l’adoption des mesures mentionnées. La commission rappelle que le Bureau est disposé à offrir une assistance technique au gouvernement et le prie d’inclure dans son prochain rapport des informations détaillées sur les progrès accomplis concernant les points soulevés.
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