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Observation (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Nicaragua (Ratification: 1967)

Autre commentaire sur C087

Demande directe
  1. 2010
  2. 1993

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La commission prend note des observations de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), reçues le 7 mars 2023, dans lesquelles l’OIE se dit profondément préoccupée par deux accords ministériels adoptés le 3 mars 2023, en application desquels le gouvernement a annulé arbitrairement et illégalement la personnalité juridique du Conseil supérieur des entreprises privées du Nicaragua (COSEP). Organisation d’employeurs la plus représentative du Nicaragua, le COSEP a été créé il y a trois décennies et est membre de l’OIE, ainsi que les 18 associations qui le composent. La commission note que, dans sa réponse reçue le 14 mars 2023, le gouvernement indique que: i) ni le COSEP ni les 18 associations ne sont inscrits au registre de la Direction des organisations syndicales du ministère du Travail, le COSEP étant une organisation à but non lucratif à laquelle le ministère du Travail n’accorde pas la personnalité juridique; et ii) les arguments de l’OIE n’ont aucun lien juridique avec les fonctions de l’OIT. La commission note que ces questions ont été examinées lors de la discussion qui a eu lieu à la Commission de l’application des normes de la Conférence (ci-après la Commission de la Conférence) en juin 2023 au sujet de l’application de la convention par le Nicaragua.
La commission prend également note des observations de l’OIE reçues le 1er septembre 2023, qui réitèrent les commentaires formulés devant la Commission de la Conférence et indiquent que plusieurs délégués employeurs à la session de 2023 de la Conférence internationale du Travail ont déposé une plainte en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT, dans laquelle ils allèguent le non-respect par le Nicaragua de la présente convention, ainsi que de la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, et de la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976. La commission note que cette plainte a été déclarée recevable par le Conseil d’administration à sa 349e session (octobre 2023) et qu’elle sera examinée quant au fond par le Conseil d’administration à sa session de mars 2024.

Suivi des conclusions de la Commission de l ’ application des normes de la Conférence (Conférence internationale du Travail, 111 e session, juin 2023)

La commission prend note de la discussion qui a eu lieu au sein de la Commission de la Conférence lors de la 111e session (2023) de la Conférence internationale du Travail. La commission observe que, ayant noté avec une profonde préoccupation la persistance d’un climat d’intimidation et de harcèlement à l’encontre des organisations de travailleurs et d’employeurs indépendantes, ainsi que les allégations concernant l’arrestation et la détention de dirigeants employeurs, et la dégradation de la situation ainsi que l’absence de tout progrès et de toute coopération de la part du gouvernement depuis l’année précédente, la Commission de la Conférence a prié instamment le gouvernement:
  • de faire en sorte que les travailleurs et les employeurs puissent constituer des organisations de leur choix et fonctionner sans ingérence, y compris le Conseil supérieur de l’entreprise privée (COSEP);
  • de cesser immédiatement tous les actes – violence, menaces, persécution, stigmatisation, intimidation – ou toute autre forme d’agression à l’encontre d’individus ou d’organisations, en raison de l’exercice d’activités syndicales légitimes et d’activités d’organisations d’employeurs, y compris le COSEP, et de prendre des mesures pour garantir que ces actes ne se reproduisent pas, y compris la réintégration dans la nationalité nicaraguayenne des personnes qui en ont été déchues pour ce motif;
  • de libérer immédiatement tout employeur ou tout syndicaliste arrêté pour avoir exercé les activités légitimes de son organisation et de fournir des informations sur toutes les mesures prises à cet effet;
  • de promouvoir sans autre délai le dialogue social en créant une instance de dialogue tripartite, sous les auspices du BIT, présidée par une personnalité indépendante ayant la confiance de tous les secteurs, dont la composition respecte dûment la représentativité des organisations d’employeurs et de travailleurs, et qui se réunisse périodiquement, comme la commission l’a recommandé en 2022; et
  • d’abroger la loi no 1040 sur la réglementation des agents étrangers, la loi spéciale sur la cybercriminalité et la loi no 1055 pour la défense des droits du peuple à l’indépendance, à la souveraineté et à l’autodétermination pour la paix, qui limitent l’exercice de la liberté syndicale et de la liberté d’expression.
La Commission de la Conférence a également prié instamment le gouvernement de se prévaloir de l’assistance technique du BIT pour assurer le plein respect de ses obligations au titre de la convention, en droit et dans la pratique.
La commission note que, dans son rapport, le gouvernement fait référence aux recommandations formulées par la Commission de la Conférence et indique avoir consulté à ce sujet les partenaires sociaux les plus représentatifs dans le pays. Le gouvernement affirme que la liberté syndicale est totale dans le pays, sans discrimination d’aucune sorte, qu’aucun dirigeant syndical n’est privé de sa liberté pour avoir exercé son droit d’organisation ou son droit de mener des activités syndicales, et qu’il n’y a ni restrictions au droit d’organisation ni persécution ni répression antisyndicale. Le gouvernement ajoute qu’il continue à promouvoir des initiatives en faveur du droit syndical et souligne que, bien que la liberté d’organisation soit totale dans le pays et qu’il n’y ait pas de persécution au motif d’idées ou de vues différentes, les normes juridiques en vigueur doivent être respectées. Le gouvernement réaffirme que, depuis 2007, il s’efforce d’assurer la restitution et la protection des droits au travail des travailleurs, par le dialogue tripartite et le consensus, lesquels sont l’axe principal pour parvenir à la stabilité et à la paix dans le monde du travail.
Tout en prenant dûment note des indications susmentionnées, la commission note avec une profonde préoccupation que, dans son rapport, le gouvernement n’indique pas avoir pris de mesures pour mettre en œuvre les recommandations formulées par la Commission de la Conférence en 2022 et 2023. La commission constate aussi avec profond regret que, alors que la Commission de la Conférence a prié instamment le gouvernement, à ces deux occasions, de promouvoir sans autre délai le dialogue social en créant une instance de dialogue tripartite, sous les auspices du BIT, et de se prévaloir de l’assistance technique du BIT pour assurer le plein respect de ses obligations au titre de la convention, en droit et dans la pratique, le gouvernement n’a pas répondu à cet égard.
La commission note que divers organes des Nations Unies, notamment le Conseil des droits de l’homme, le Groupe d’experts sur les droits de l’homme au Nicaragua et la Commission interaméricaine des droits de l’homme, ont indiqué dans divers rapports et résolutions prises en 2023 que les violations et les atteintes aux droits de l’homme dans le pays se poursuivent et empirent, et ont exprimé leur profonde préoccupation face à l’aggravation des restrictions imposées à l’espace civique et démocratique. La commission rappelle également que dans ses commentaires précédents, elle avait noté avec une profonde préoccupation que, comme l’avait dénoncé l’OIE, le président, le vice-président et l’ancien président du COSEP avaient été détenus arbitrairement, et que la Cour interaméricaine des droits de l’homme et la Commission interaméricaine des droits de l’homme avaient exhorté le gouvernement à les libérer immédiatement. La commission note que, comme indiqué pendant la discussion de la Commission de la Conférence, en février 2023 ces dirigeants d’entreprise ont été remis en liberté, expulsés du pays et déchus de leur nationalité. La commission déplore l’ensemble de ces faits et note que la Commission de la Conférence a prié instamment le gouvernement de cesser immédiatement tous les actes – violence, menaces, persécution, stigmatisation, intimidation – ou toute autre forme d’agression à l’encontre d’individus ou d’organisations, en raison de l’exercice d’activités syndicales légitimes et d’activités d’organisations d’employeurs, y compris le COSEP, et de prendre des mesures pour garantir que ces actes ne se reproduisent pas, y compris la réintégration dans la nationalité nicaraguayenne des personnes qui en ont été déchues pour ce motif.
La commission exprime sa profonde préoccupation quant au fait que, malgré ses commentaires répétés et les recommandations formulées par la Commission de la Conférence ces deux dernières années, non seulement il n’a pas été possible de constater des progrès à cet égard, mais qu’il ne ressort pas, du rapport du gouvernement, que le gouvernement reconnaît la nécessité de prendre des mesures pour mettre en œuvre ces recommandations. Dans ces conditions, commission ne peut que prier à nouveau instamment et fermement le gouvernement de prendre, en consultation avec les partenaires sociaux, dans les meilleurs délais chacune des mesures que la Commission de la Conférence l’a prié instamment de prendre. La commission prie aussi le gouvernement de communiquer des informations sur toutes les mesures prises pour garantir le respect de chacune des recommandations de la Commission de la Conférence et sur tout progrès réalisé dans l’application de ces mesures. La commission prie aussi le gouvernement, afin de réaliser des progrès tangibles dans ce sens, d’établir sans plus tarder l’instance de dialogue tripartite qu’a recommandée la Commission de la Conférence, et de se prévaloir de l’assistance technique du Bureau afin de garantir le plein respect de ses obligations en vertu de la convention.
Article 3 de la convention. Droit des organisations de travailleurs d’organiser librement leurs activités et de formuler leur programme d’action. La commission rappelle que, depuis plus de dix ans, elle souligne la nécessité de prendre des mesures pour modifier les articles 389 et 390 du Code du travail, en vertu desquels un conflit collectif est soumis à un arbitrage obligatoire au terme d’un délai de 30 jours à compter de la déclaration de la grève. La commission note qu’à cet égard le gouvernement réaffirme qu’en tant que gouvernement d’une nation souveraine, il ne voit pas la nécessité de réformer les dispositions des articles 389 et 390 du Code du travail, étant donné que ces dispositions ne limitent pas l’activité syndicale et que, pour que soit imposé finalement un arbitrage obligatoire, les parties doivent être arrivés au terme de 23 séances de négociation sans aboutir à un accord. Force est à la commission de rappeler une fois de plus au gouvernement que l’imposition d’un arbitrage obligatoire pour mettre fin à une grève, à l’exception des cas dans lesquels la grève peut être limitée, voire interdite, est contraire au droit des organisations de travailleurs d’organiser librement leurs activités et de formuler leur programme d’action. La commission prie donc à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les articles 389 et 390 du Code du travail soient modifiés de sorte à garantir que l’arbitrage obligatoire n’est possible que dans les cas où la grève peut être limitée, voire interdite, c’est-à-dire en cas de conflit au sein de la fonction publique en ce qui concerne les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’État, dans les services essentiels au sens strict du terme, ou en cas de crise nationale aiguë. La commission prie le gouvernement d’indiquer toute évolution à cet égard et exprime le ferme espoir que des progrès seront faits dans le sens du respect de la convention.
Article 11. Protection du droit syndical. Dans son dernier commentaire, ayant pris note des informations statistiques sur la création de nouvelles organisations syndicales, ainsi que de la mise à jour d’organisations syndicales existantes, la commission avait rappelé que les droits des organisations d’employeurs et de travailleurs, garantis par la convention, n’ont de sens que si les libertés fondamentales, le droit à la protection contre les arrestations et les détentions arbitraires ainsi que le droit à un procès équitable par un tribunal indépendant et impartial, sont respectés. Rappelant également que l’article 11 de la convention fait référence à la nécessité de prendre toutes les mesures nécessaires et appropriées en vue d’assurer aux travailleurs et aux employeurs le libre exercice du droit syndical, la commission avait prié le gouvernement de fournir des informations sur les initiatives visant à garantir l’exercice de ce droit aux travailleurs et aux employeurs, et de rendre compte des résultats obtenus à cet égard. La commission prend note de l’indication du gouvernement qu’il continue de promouvoir des initiatives en faveur du droit syndical, il dispose de politiques visant à promouvoir et à encourager la syndicalisation et que, entre 2018 et le premier trimestre de 2023, 156 nouvelles organisations syndicales ont été créées, qui comptent 5 586 travailleurs affiliés, et 4 992 organisations syndicales ont été mises à jour, qui comptent 352 454 travailleurs affiliés. Tout en prenant note des informations fournies par le gouvernement, la commission rappelle à nouveau que les droits des organisations d’employeurs et de travailleurs, garantis par la convention, n’ont de sens que si les libertés fondamentales, le droit à la protection contre les arrestations et les détentions arbitraires ainsi que le droit à un procès équitable par un tribunal indépendant et impartial, sont respectés. La commission prie donc à nouveau le gouvernement, à la lumière de ce qui précède et en tenant compte des recommandations formulées par la Commission de la Conférence, de fournir des informations détaillées sur les initiatives visant à garantir le libre exercice du droit syndical tant aux travailleurs qu’aux employeurs.
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