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Observation (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 - France (Ratification: 1981)

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Article 1, paragraphe 1 a) et b), de la convention. Motifs de discrimination interdits. Évolution de la législation. La commission prend note avec intérêt de l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle deux nouveaux motifs de discrimination – à savoir l’exercice d’un mandat électif et la qualité de lanceur d’alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d’alerte - ont été ajoutés à la liste des motifs interdits par le Code du travail (article L.1132-1), suite à l’adoption de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique et de la loi no 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte.
Toutefois, la commission observe à nouveau que, bien que l’«origine sociale» figure parmi les sept motifs de discrimination interdits énumérés à l’article 1, paragraphe 1 a), de la convention, ce motif ne figure toujours pas parmi les motifs de discrimination interdits par la législation nationale. Par conséquent, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin que l’«origine sociale» soit incluse dans la liste des motifs de discrimination interdits par le Code du travail à l’occasion d’une prochaine modification, et de fournir des informations sur toute mesure prise en ce sens ainsi que sur toute autre mesure prise pour lutter contre la discrimination fondée l’origine sociale dans la pratique.
Discrimination fondée sur la race, la couleur ou l’ascendance nationale. Depuis de nombreuses années, la commission souligne que l’adoption de plans et la mise en place de dispositifs ne semblent pas produire d’effets suffisants pour lutter efficacement contre la discrimination fondée sur la race, la couleur ou l’ascendance nationale (l’«origine», selon la législation nationale) dans l’emploi et la profession, en particulier en ce qui concerne l’accès à l’emploi des jeunes d’origine étrangère, et elle demande au gouvernement de renforcer son action en la matière. La commission relève que, selon le rapport d’activité de 2022 du Défenseur des droits, parmi les réclamations reçues pour discrimination en raison de l’origine (étrangère), 36 pour cent ont eu lieu dans l’emploi privé et 18 pour cent dans l’emploi public.
La commission note que, dans sa contribution à l’examen de la France par le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) (octobre 2022), le Défenseur des droits recommande: 1) la création d’une obligation légale pour les entreprises de publier des indicateurs non-financiers et statistiques pour mesurer les discriminations et évaluer les effets discriminatoires de certaines pratiques, et de les utiliser pleinement en matière de lutte contre les discriminations; 2) la mise en œuvre d’une politique publique destinée à rendre visibles et à corriger les discriminations liées à l’origine (étrangère) en créant une obligation légale d’audits et de suivi au sein des entreprises et administrations; 3) la lutte contre les discriminations dans leur dimension systémique (au moyen de stratégies publiques contre la pauvreté, le chômage, l’habitat indigne, les phénomènes de ségrégation spatiale et scolaire et au moyen de politiques contre les discriminations liées à l’origine en tant que telles); et 4) le déploiement de politiques proactives pour, d’une part, neutraliser les préjugés qui sont à l’œuvre dans la discrimination directe et, d’autre part, objectiver les procédures et critères de décision qui peuvent constituer des discriminations indirectes. À cet égard, la commission prend note des observations finales du CERD, selon lesquelles il s’est déclaré préoccupé par le fait que «la discrimination raciale systémique, ainsi que la stigmatisation et l’utilisation de stéréotypes négatifs à l’égard de certaines minorités, notamment les Roms, les gens du voyage, les personnes africaines et d’ascendance africaine, les personnes d’origine arabe et les non-ressortissants demeurent fortement ancrées dans la société française, ce qui se reflète souvent dans leur exclusion sociale et les limitations dans la jouissance de leurs droits, notamment économiques, sociaux et culturels» (CERD/C/FRA/CO/22-23, 14 décembre 2022, paragr. 9).
Dans ce contexte, la commission accueille favorablement l’adoption du Plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine 2023-2026, qui prévoit entre autres de: 1) intégrer des contenus sur la lutte contre le racisme, l’antitsiganisme et les discriminations dans toutes les formations des jeunes; 2) former les agents de la fonction publique à la lutte contre les discriminations; 3) systématiser les «testings» sur les discriminations à l’emploi et dans l’emploi; et 4) mieux protéger et accompagner les salariés et les entreprises face aux situations de racisme et de discrimination.
Compte tenu de ce qui précède, la commission demande instamment au gouvernement de: i) continuer à prendre des mesures concrètes pour prévenir et éliminer toute forme de discrimination fondée sur la race, la couleur et l’ascendance nationale («l’origine») dans l’emploi et la profession, notamment dans le cadre du Plan 2023-2026, en matière de recrutement, de promotion et de conditions d’emploi, y compris de rémunération; et ii) mettre en place des dispositifs d’évaluation des résultats des mesures prises à cette fin. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur toute suite donnée aux recommandations du Défenseur des droits.
Roms. La commission accueille favorablement l’adoption de la Stratégie française 2020-2030 en réponse à la recommandation du Conseil de l’Union européenne du 12 mars 2021 pour «l’égalité, l’inclusion et la participation des Roms», qui mentionne que: 1) le rapport 2021 de la Commission nationale consultative des droits de l’homme fait état d’un antitsiganisme élevé et de stéréotypes encore très présents dans l’imaginaire collectif; et 2) il convient de s’appuyer sur le cadre juridique des lois anti-discrimination, d’appliquer les peines en cas de discrimination et de mobiliser les instruments de la politique pénale en matière de lutte contre les discriminations. La commission prend note des conclusions finales du CERD, selon lesquelles il reste préoccupé par l’exclusion sociale et la pauvreté persistante que subissent les personnes roms, en particulier en ce qui concerne le faible taux de scolarisation des enfants roms et le taux de chômage élevé parmi les Roms, en particulier chez les femmes, par rapport au reste de la population (CERD/C/FRA/CO/2223, paragr. 13). La commission demande instamment au gouvernement de prendre, en collaboration avec les organisations représentant les Roms et dans le cadre de la Stratégie française 2020-2030, des mesures pour: i) lutter de manière effective contre la discrimination et la stigmatisation à l’égard des Roms, en particulier lors de l’accès à un emploi ou une profession particulière; ii) assurer la scolarisation et le maintien à l’école des enfants roms ainsi que la formation professionnelle des jeunes et des adultes de cette communauté; et iii) promouvoir le respect et la tolérance à l’égard des Roms au sein de la société.
Article 2. Politique nationale d’égalité de chances et de traitement entre les femmes et les hommes. La commission prend note du rapport de la Cour des comptes intitulé «La politique d’égalité entre les femmes et les hommes menée par l’État: des avancées limitées par rapport aux objectifs fixés», publié en septembre 2023, selon lequel: 1) dans le secteur privé, l’égalité professionnelle a surtout été envisagée sous l’angle des inégalités salariales (Index de l’égalité professionnelle); 2) l’ambition a été moindre en matière de lutte contre les causes plus structurantes d’inégalités, comme la mixité des filières de formation ou des métiers, qui nécessitent des changements socio-culturels en matière de responsabilités parentales, d’orientations professionnelles et de valorisation de certaines compétences; et 3) les progrès dans la réduction des inégalités sont lents, malgré un arsenal législatif croissant depuis plusieurs décennies. S’agissant de l’Index de l’égalité professionnelle qui s’attache essentiellement aux inégalités de rémunération entre femmes et hommes, la commission renvoie le gouvernement à ses commentaires sur l’application de la convention (no 100) sur l’égalité de rémunération, 1951.
Dans ce contexte, la commission accueille favorablement l’adoption du Plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027 ayant notamment pour objectifs: 1) l’égalité professionnelle et économique, notamment en engageant davantage de mixité dans l’ensemble des métiers et en levant les freins à l’entrepreneuriat des femmes; et 2) la culture de l’égalité afin de lutter contre les préjugés et les stéréotypes. Elle note également que le gouvernement a annoncé, lors de la Conférence sociale du 16 octobre 2023, une réforme du congé parental afin qu’il évolue vers une période d’interruption choisie, mieux rémunérée et partagée entre les parents et qu’il permette un retour plus facile vers l’emploi.
Tout en saluant l’engagement du gouvernement de faire de l’égalité professionnelle entre femmes et hommes une priorité, la commission lui demande de continuer à adopter des mesures concrètes, en collaboration avec les organisations d’employeurs et de travailleurs, pour: i) s’attaquer à la ségrégation professionnelle horizontale et verticale et promouvoir la mixité des emplois à tous les niveaux, notamment via la mise en œuvre d’actions en matière d’orientation et de formation professionnelles; ii) lutter activement contre les stéréotypes de genre et les préjugés sexistes, par exemple en déployant des campagnes de sensibilisation au niveau national; iii) identifier et éliminer les obstacles à l’égalité et à l’emploi des femmes; iv) développer et renforcer les dispositifs permettant aux parents de mieux concilier travail et responsabilités familiales, notamment le congé parental; et v) évaluer l’efficacité et l’impact des mesures adoptées et programmes déployés, notamment sur la mixité des emplois. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur toutes mesures prises à ces fins.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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