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Demande directe (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Pays-Bas (Ratification: 1933)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Pays-Bas (Ratification: 2017)

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La commission se félicite de la ratification par les Pays-Bas du protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930. Notant que le premier rapport du gouvernement sur l’application du protocole n’a pas été reçu, la commission espère que le gouvernement fournira des informations détaillées sur son application, conformément au formulaire de rapport adopté par le Conseil d’administration.
La commission prend note des observations de la Fédération nationale des syndicats chrétiens (CNV) et de la Confédération syndicale des Pays-Bas (FNV), reçues le 13 septembre 2022, ainsi que de la réponse du gouvernement à ces observations, reçue le 28 novembre 2022.
Articles 1, paragraphe 1, 2, paragraphe 1, et 25 de la convention. Traite des personnes. 1. Mise en œuvre et suivi du plan d’action national. La commission avait précédemment prié le gouvernement de continuer de fournir des informations sur l’adoption et la mise en œuvre des plans d’action visant à lutter contre la traite des personnes ainsi que sur l’action des mécanismes de suivi, notamment la rapporteure nationale sur la traite des êtres humains et la violence sexuelle à l’égard des enfants et le Groupe de travail sur la traite des êtres humains.
Le gouvernement indique que la rapporteure nationale sur la traite est chargée: d’examiner les tendances relatives à l’ampleur et à la nature de la traite des personnes et l’impact des mesures politiques prises pour faire face à ces évolutions; de conseiller le gouvernement; et de présenter des rapports périodiques à cet égard. Il indique en outre que le Groupe de travail sur la traite des êtres humains réunit toutes les parties (gouvernementales et non gouvernementales) concernées par la lutte contre la traite des personnes, sous la direction du ministère public. Le cinquième mandat du Groupe de travail a été établi en 2020. Le gouvernement indique que le nouveau plan d’action national lancé en 2018, qui vise à lutter contre la traite des personnes aux fins d’exploitation par le travail, d’exploitation sexuelle et d’exploitation criminelle en s’appuyant sur cinq lignes d’action (prévention, identification, détection, mise à l’abri et coopération internationale), a obtenu des résultats considérables et sera reconduit en 2023, avec un budget annuel plus important pour sa mise en œuvre. La commission prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur les mesures prises pour la mise en œuvre effective du plan d’action national, et de donner des précisions sur les résultats obtenus et les difficultés rencontrées à cet égard. La commission prie également le gouvernement de continuer de fournir des informations sur les activités de la rapporteure nationale sur la traite et du Groupe de travail sur la traite des êtres humains, en fournissant en particulier des informations résumées sur la nature et l’évolution de la traite des personnes dans le pays et sur les résultats du suivi et de l’évaluation de la politique nationale.
2. Identification et protection des victimes. En réponse à la demande de la commission concernant la protection, l’assistance et les réparations accordées aux victimes de la traite, le gouvernement indique que ces dernières peuvent obtenir réparation par les moyens suivants: i) procédure pénale contre l’auteur de l’infraction; ii) procédure civile pour demander des dommages-intérêts à l’auteur de l’infraction (si le tribunal pénal n’a pas rendu d’ordonnance de réparation); ou iii) Fonds de réparation pour les délits violents, qui prévoit un soutien financier en faveur des victimes de la traite aux Pays-Bas qui ont subi de graves dommages physiques ou psychologiques (faire préalablement une demande en ce sens, même si l’auteur de l’infraction n’a pas été reconnu coupable). Le gouvernement précise que, pour favoriser l’indemnisation effective des victimes de la traite, le ministère public en charge des fraudes graves organise des formations à l’intention des procureurs sur les enquêtes financières et sur la manière dont ils peuvent utiliser les informations ainsi recueillies pour réclamer une indemnisation en faveur des victimes.
Le gouvernement indique que, dans le cadre du plan d’action national, diverses mesures ont été prises pour aider et protéger les victimes de la traite, notamment la création d’un nombre suffisant de refuges pour les victimes et de différents types de refuges adaptés à l’âge et au statut de résidence des victimes. Le gouvernement renvoie en outre à la rapporteure nationale, qui s’est déclarée préoccupée par le fait que les victimes de la traite à des fins d’exploitation par le travail ne sont pas détectées par les autorités chargées d’enquêter. À cet égard, la rapporteuse nationale a souligné l’importance de la coopération pour mieux détecter et protéger les victimes de l’exploitation par le travail.
La commission prend note des observations de la FNV et la CNV, selon lesquelles les victimes continuent de ne pas être repérées et n’ont pas accès à la justice. La commission note également que, dans son rapport de suivi des victimes de la traite des êtres humains (2016-2020), la rapporteure nationale s’est inquiétée des mauvais traitements subis par les groupes les plus vulnérables, notamment les travailleurs migrants et les personnes en voie de migration, et de leur vulnérabilité accrue par les mesures prises dans le cadre de la pandémie de COVID-19, qui les ont encore plus isolés. La commission prie le gouvernement de continuer à prendre les mesures nécessaires pour améliorer l’identification des victimes de la traite des personnes aux fins d’exploitation par le travail et d’exploitation sexuelle, en accordant une attention particulière aux travailleurs migrants, ainsi qu’à tous les groupes vulnérables. Elle prie également le gouvernement de fournir des informations plus détaillées sur les mesures prises pour protéger et aider les victimes de la traite, et de donner des précisions sur le nombre de victimes ayant été identifiées, ayant bénéficié de services de protection et d’assistance, ayant demandé une indemnisation, s’étant vu accorder une indemnisation et l’ayant effectivement reçue.
3. Poursuites et application de sanctions dissuasives. La commission avait précédemment prié le gouvernement de continuer à renforcer la capacité des autorités chargées de l’application de la loi afin de garantir la poursuite effective des auteurs de la traite des personnes et l’imposition de sanctions appropriées conformément à l’article 273f du Code pénal. Le gouvernement indique que l’article 273f du Code pénal, qui érige la traite des personnes en infraction pénale, est en cours de modification, afin d’accroître les possibilités de poursuivre toutes les formes de traite des personnes, en particulier celles aux fins d’exploitation par le travail. Le gouvernement souligne également qu’un nouvel article du Code pénal (art. 273g), entré en vigueur en 2022, établit une responsabilité pénale pour toute personne qui utilise des services sexuels en sachant que la personne qui fournit ces services est une victime de la traite des personnes. Il se réfère en outre à la nouvelle directive en matière de procédure pénale relative à la traite des êtres humains entrée en vigueur en 2021, qui fait de la détection des cas de traite des personnes et de la poursuite des auteurs de tels actes des priorités absolues et tient compte de diverses formes d’exploitation, à savoir l’exploitation sexuelle, la servitude et l’exploitation par le travail, l’exploitation criminelle et la mendicité forcée.
Le gouvernement énumère un certain nombre de résultats obtenus grâce au plan d’action national visant à renforcer les capacités des autorités chargées de l’application de la loi, notamment: i) la formation des professionnels intervenant dans la détection des cas de traite; ii) l’octroi de crédits supplémentaires à la Police, qui a permis le recrutement d’environ 40 agents supplémentaires spécialisés dans la traite des personnes en 2021; iii) la nomination d’une personne chargée de la stratégie régionale de lutte contre la traite des personnes au sein de chaque district de police; iv) l’octroi de crédits supplémentaires à l’Autorité néerlandaise chargée des questions de travail (NLA)), dont une partie sera attribuée à la lutte contre l’exploitation par le travail; v) la création, en 2019, d’un groupe permanent d’enquêteurs agréés au sein de la NLA, chargé de la réception et du signalement des cas de traite des personnes et, en 2020, d’une équipe d’investigation spéciale chargée d’enquêter sur les questions d’exploitation par le travail, équipe composée d’enquêteurs agréés en matière de traite des personnes; et vi) l’élaboration d’un ensemble de directives à l’intention des autorités municipales, en 2020 et en 2021.
La commission note que, dans leurs observations, qui font référence à la traite des personnes et à l’exploitation par le travail de manière plus générale, la FNV et la CNV soulignent que peu de cas de traite des personnes aux fins d’exploitation par le travail ont fait l’objet de poursuites, et que le cadre juridique pénal existant comporte des lacunes pour ce qui est de lutter contre les formes graves d’exploitation par le travail. Elles soulignent l’application défaillante de la réglementation et l’absence de mesures dissuasives, et insistent sur le fait que des efforts urgents doivent être déployés pour parvenir à contrôler, détecter, poursuivre et condamner efficacement les auteurs de cas d’exploitation par le travail. La FNV et la CNV mentionnent la Cour des comptes des Pays-Bas, selon laquelle, malgré l’augmentation du nombre d’inspecteurs au sein de la NLA ces dernières années, les mesures prises pour lutter contre l’exploitation par le travail n’ont pas gagné en efficacité. La FNV et la CNV mentionnent en outre la rapporteure nationale sur la traite des êtres humains, qui a souligné que l’exploitation par le travail et l’exploitation criminelle demeurent souvent impunies dans le pays.
En réponse aux observations de la CNV et de la FNV, le gouvernement indique que la NLA a communiqué au Parlement un rapport sur la lutte contre l’exploitation par le travail et les violations graves de la législation du travail en novembre 2021, qui contient des informations détaillées sur l’efficacité des instruments existants tout en concluant que la lutte contre l’exploitation par le travail pourrait être plus efficace si les règlements et les mesures de protection étaient mis en concordance. Il indique en outre qu’il sera possible de procéder à une évaluation de l’efficacité des crédits supplémentaires alloués à la NLA après 2022, date à laquelle cette mesure sera pleinement opérationnelle.
En ce qui concerne les informations statistiques, le gouvernement indique que, selon la rapporteure nationale sur la traite, en 2020, 43 pour cent des cas de traite signalés concernaient l’exploitation par le travail, ce qui en fait le type de traite des personnes le plus signalé. Selon le rapport de suivi des victimes de la traite des êtres humains (2016-2020) de la rapporteure nationale, 984 cas de traite des personnes ont été signalés aux Pays-Bas en 2020. Dans son rapport de janvier 2021 sur le suivi des auteurs d’actes de traite des êtres humains (2015-2019), la rapporteure nationale indique que si le nombre de signalements a augmenté (de 575 en 2016 à 1 045 en 2019), le nombre de suspects a quant à lui diminué (de 285 en 2016 à 170 en 2019), et le nombre de non-lieux a augmenté (29 pour cent des affaires se sont soldées par un non-lieu en 2016, contre 41 pour cent en 2019). Soixante pour cent des suspects arrêtés sont traduits devant les tribunaux. Selon la brochure 2020 de la rapporteure nationale sur la traite, la durée moyenne de la peine d’emprisonnement sans sursis purgée par les personnes reconnues coupables d’acte de traite des personnes est de 1 an et 10 mois. À cet égard, la commission note également que, selon le Rapport des Pays-Bas en réponse au Questionnaire d’évaluation de la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains par les Parties, publié le 3 mai 2022, 70 auteurs d’actes de traite des personnes ont été condamnés en 2019, dont 5 à une amende, 1 à un travail d’intérêt général, 4 à une peine de d’emprisonnement avec sursis, 31 à une peine d’emprisonnement avec sursis partiel et 29 à une peine d’emprisonnement ferme. Sur les 60 auteurs condamnés à des peines d’emprisonnement (avec sursis partiel ou non), 29 ont été condamnés à une peine d’emprisonnement de moins d’un an, 9 à une peine d’emprisonnement d’un à deux ans et 22 à une peine d’emprisonnement de deux ans ou plus.
La commission rappelle à cet égard que, compte tenu de la gravité du crime de traite des personnes et de l’effet dissuasif que doivent avoir les sanctions, des amendes ou des peines d’emprisonnement de courte durée ou avec sursis ne sauraient être considérées comme des sanctions efficaces. La commission prie donc le gouvernement de continuer à renforcer les capacités de la police et de la NLA à repérer les cas de traite aux fins d’exploitation sexuelle et d’exploitation par le travail et de veiller à ce que des enquêtes soient rapidement menées pour permettre des poursuites efficaces et l’imposition de peines d’emprisonnement suffisamment dissuasives à l’encontre des auteurs. Prière d’indiquer le nombre d’enquêtes et de poursuites menées, ainsi que le nombre d’auteurs condamnés et les peines spécifiques imposées en vertu de l’article 273f du Code pénal. Enfin, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les progrès accomplis concernant la modification de l’article 273f du Code pénal.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1. Travail exigé en tant que condition pour recevoir des prestations sociales. Dans ses commentaires précédents, la commission avait pris note des dispositions de la loi de 2015 sur la participation, selon lesquelles le droit aux prestations sociales minimales est subordonné à l’acceptation et à l’exécution d’un travail non rémunéré (tegenprestatie). Les municipalités sont chargées de mettre en œuvre cette loi, notamment en ce qui concerne la durée et la nature du travail non rémunéré, qui doit être limité dans le temps et dans son ampleur. Le refus d’effectuer une activité professionnelle au profit de la société entraîne la suppression de 100 pour cent des prestations pendant au moins un mois, dans la limite de trois mois. La commission avait pris note des préoccupations de la FNV concernant les abus dans l’application de la loi sur la participation, selon laquelle le travail imposé aux bénéficiaires de prestations sociales servirait à l’exécution d’emplois réguliers, parfois jusqu’à 32 heures par semaine, pendant plusieurs mois voire jusqu’à un an.
Le gouvernement indique que les informations demandées par la commission concernant les types de travaux effectués, les heures de travail et la durée du travail non rémunéré, ainsi que le niveau des prestations perçues par les personnes concernées, ne sont pas disponibles. Il rappelle que les municipalités sont tenues d’élaborer une politique en vertu de laquelle les bénéficiaires doivent effectuer un travail en contrepartie du versement de leurs prestations, après quoi elles disposent d’une liberté d’action dans la mise en œuvre de cette politique. Le gouvernement ajoute que les municipalités gèrent la mise en œuvre de cette politique de diverses manières: certaines municipalités y ont davantage recours que d’autres et le type d’activités peut varier, certaines municipalités considérant les activités informelles de soins et de services à la personne et les activités bénévoles comme une contrepartie, par exemple, alors que d’autres ne le font pas. Selon une enquête menée auprès des municipalités sur le recours au travail en contrepartie du versement de prestations sociales, 60 pour cent d’entre elles appliquent cette politique. On estime qu’au mois de mars 2021, 34 200 bénéficiaires de prestations sociales ont effectué un travail en contrepartie du versement de leurs prestations, ce qui représente environ 8 pour cent des personnes bénéficiant de l’aide sociale. Le gouvernement indique que l’exécution d’un travail imposé en contrepartie du versement de prestations sociales contribue à la réinsertion sur le marché de l’emploi et ne doit pas se substituer à un travail rémunéré.
La commission note que, dans leurs observations, la FNV et la CNV soulignent que, en dépit de son objectif de promouvoir la réinsertion sur le marché de l’emploi, le système de «tegenprestatie» n’a pas conduit à une augmentation de l’emploi des personnes bénéficiant de prestations sociales. Elles ajoutent que les bénéficiaires de prestations sociales sont soumis à la surveillance et à la méfiance du gouvernement et elles espèrent que le gouvernement supprimera le «tegenprestatie» de la loi sur la participation. La FNV fait référence à une étude qu’elle a réalisée en 2020 sur le transfert du travail rémunéré à la suite de la loi sur la participation, dans laquelle elle mentionne les faits suivants: i) les anciennes entreprises de travail social, pour lesquelles 17 000 bénéficiaires de prestations sociales ont effectué un travail de plus de trois mois en 2019 dans le cadre de la «tegenprestatie»; ii) le secteur des soins de santé, où un grand nombre de bénéficiaires de prestations sociales ont travaillé depuis que le gouvernement a décidé de supprimer des emplois dans ce secteur à la suite de la crise de 2008; iii) le secteur des transports, où les chauffeurs des lignes de bus non rentables sont des bénéficiaires de prestations sociales.
La commission rappelle que les prestations sociales minimales perçues au titre de la loi sur la participation ne constituent pas une allocation découlant d’une activité professionnelle ou de contributions antérieures, mais consistent en des prestations d’aide sociale accordée à des personnes pour des raisons purement sociales. La commission encourage néanmoins le gouvernement à continuer de veiller à ce que le travail qui peut être imposé par les municipalités en contrepartie du versement de prestations sociales reste dans les limites et les objectifs fixés par la loi, et, surtout, qu’il contribue effectivement à la réinsertion des bénéficiaires sur le marché du travail et ne se substitue pas à un emploi rémunéré.
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