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Observation (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

Convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999 - Myanmar (Ratification: 2013)

Autre commentaire sur C182

Observation
  1. 2023
  2. 2018
Demande directe
  1. 2023
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Article 3 de la convention. Pires formes de travail des enfants. Alinéa a). Toutes les formes d’esclavage ou pratiques analogues. Recrutement forcé des enfants dans un conflit armé. À la suite de ses précédents commentaires, la commission note que les autorités militaires font part dans leur rapport de la création d’une commission et d’un groupe de travail sur la prévention des six violations les plus graves. Leur objectif est de prévenir les six violations graves visant des enfants dans le cadre d’un conflit armé, notamment le recrutement ou l’utilisation d’enfants en tant que soldats. Elle note aussi que les autorités militaires indiquent qu’elles ont exécuté le Plan d’action national sur la prévention des meurtres, des mutilations et des violences sexuelles contre des enfants dans les conflits armés (2020-2021); le plan a été renouvelé et est actuellement mis en œuvre pour 2022-2023. Par ailleurs, la commission note que le chapitre XVII de la loi sur les droits de l’enfant de 2019 porte sur les enfants et les conflits armés; son article 60 énumère les mesures que devraient prendre les organisations et les départements gouvernementaux, les forces armées et les groupes armés pour protéger et respecter les droits des enfants touchés par des conflits armés. L’article 61 de la loi dispose que toute personne qui recrute ou emploie des enfants dans un conflit armé, les mobilise ou les oblige par la force à transporter des vivres, des armes et des fournitures, se rend coupable d’un délit. En outre, les articles 63 et 64 interdisent le recrutement et l’utilisation d’enfants de moins de 18 ans au sein de la Tatmadaw (l’armée du Myanmar) ou dans d’autres groupes. Quant aux articles 103(b) et 104 de la loi, ils prévoient des sanctions pour ces infractions, à savoir des peines d’emprisonnement et des amendes.
La commission relève toutefois que plusieurs sources aux Nations Unies indiquent que l’utilisation et le recrutement d’enfants par les forces armées et des groupes armés se poursuivent. En effet, selon son rapport du 4 janvier 2022, la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour la question des enfants et des conflits armés a intensifié, jusqu’à la fin du mois de janvier 2021, sa collaboration avec le gouvernement, dirigé par la Ligue nationale pour la démocratie, et avec la Tatmadaw, en vue de faire cesser et de prévenir l’enrôlement et l’utilisation d’enfants. La Tatmadaw a publié quatre directives militaires interdisant l’utilisation d’enfants dans des conflits armés et élaboré, avec l’appui de l’Office des Nations Unies (ONU), une feuille de route visant à faire cesser et à prévenir cette pratique. Cependant, le dialogue entre la Représentante spéciale et la Tatmadaw a été interrompu après la prise du pouvoir par les militaires le 1er février 2021. En outre, en mars 2021, les autorités de facto ont annoncé leur intention de réviser la loi sur les droits de l’enfant de juillet 2019, ce qui signifie que les normes de protection actuelles risquent d’être affaiblies. Dans le rapport annuel le plus récent du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés, la Tatmadaw, y compris les forces intégrées de gardes-frontière, a été réinscrite sur la liste des organisations qui enrôlent et utilisent des enfants pour avoir échoué à faire cesser et à prévenir l’utilisation ponctuelle d’enfants à des fins non militaires (A/HRC/49/58, paragr. 10 et 11).
De plus dans son document de séance du 14 juin 2022 sur les conséquences dévastatrices pour l’avenir du Myanmar de l’utilisation des enfants dans des conflits armés (Losing a generation: how the military junta is devastating Myanmar’s children and undermining Myanmar’s future), le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar indique qu’il a reçu plusieurs rapports selon lesquels le recrutement et l’utilisation d’enfants par l’armée du Myanmar ont effectivement augmenté depuis le coup d’État (A/HRC/50/CRP.1, paragr. 61). D’autres témoignages suggèrent qu’au moins dans certaines parties du pays, des responsables de la junte et de groupes armés alignés sur la junte ont exigé de villages ou de familles qu’ils fournissent un certain nombre de recrues sans veiller à ce que des enfants ne soient pas enrôlés. Des sources crédibles ont également informé le Rapporteur spécial que depuis le coup d’État, certaines organisations armées ethniques recrutaient des enfants et les forçaient à travailler, notamment en transportant des fournitures militaires dans des zones de conflit (paragr. 65 et 66). Plusieurs autres sources lui ont aussi indiqué que nombre d’enfants vivaient, travaillaient et combattaient aux côtés d’unité des Forces de défense du peuple nouvellement créées. Il est fréquent que ces enfants confectionnent des armes, servent à manger ou fassent office de gardes, et il est probable que certains d’entre eux aient participé à des combats aux côtés des Forces de défense du peuple (paragr. 67).
À cet égard, selon le rapport le plus récent du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés (23 juin 2022), l’ONU a confirmé qu’au Myanmar, 503 violations graves avaient été commises contre 462 enfants (390 garçons, 69 filles et 3 dont le genre n’a pas été déterminé). Entre autres violations graves, l’ONU a confirmé que 280 enfants (260 garçons et 20 filles), dont certains n’avaient pas plus de 12 ans, avaient été recrutés et utilisés. Les faits ont été attribués à la Tatmadaw (222), à l’Armée de l’indépendance kachin (50), au Conseil de restauration de l’État shan/Armée du sud de l’État shan (6), au Parti du progrès de l’État shan/Armée de l’État shan (1) et à l’Armée arakanaise (1) dans les États rakhine (203), kachin (40), shan (16), mon (13), chin (2) et de Kayah (1), ainsi que dans les régions de Magway (1), Mandalay (1), Sagaing (1) et Taninthayi (1), et à Yangon (1) (A/76/871–S/2022/493, paragr. 131 et suivants). Si le Secrétaire général a pris note de l’intention de la Tatmadaw de poursuivre la mise en œuvre du plan d’action commun de 2012 visant à faire cesser et à prévenir le recrutement et l’utilisation d’enfants, il a indiqué qu’il restait extrêmement préoccupé par le nombre toujours élevé d’enfants utilisés, principalement à Rakhine (paragr. 140). Il a aussi pris note avec préoccupation des autres graves violations perpétrées à l’encontre d’enfants dans le contexte de conflits armés au Myanmar (meurtres et mutilations, enlèvements, attaques d’écoles et d’hôpitaux, détentions et dénis des droits à une procédure régulière).
La commission se doit de déplorer profondément le recrutement et l’utilisation d’enfants dans des conflits armés au Myanmar, d’autant que cela conduit à d’autres violations des droits de l’enfant, comme des enlèvements, des meurtres et des violences sexuelles. Elle rappelle que selon l’article 3 a) de la convention, le recrutement forcé ou obligatoire des enfants de moins de 18 ans en vue de leur utilisation dans des conflits armés est considéré comme l’une des pires formes de travail des enfants et, selon l’article 1 de la convention, les États Membres doivent prendre des mesures immédiates et efficaces pour assurer l’élimination des pires formes de travail des enfants et ce, de toute urgence. La commission prie instamment les autorités militaires de prendre de toute urgence les mesures nécessaires pour assurer la démobilisation totale et immédiate de tous les enfants et pour mettre un terme, dans la pratique, au recrutement forcé d’enfants de moins de 18 ans en vue de leur utilisation dans les forces armées et des groupes armés. De plus, elle prie instamment les autorités militaires de prendre des mesures immédiates et efficaces pour veiller à ce que des enquêtes approfondies soient menées, que des poursuites efficaces soient engagées à l’encontre de toute personne reconnue coupable de recrutement d’enfants de moins de 18 ans en vue de leur utilisation dans un conflit armé, et que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives soient imposées dans la pratique, en application de la loi sur les droits de l’enfant de 2019. La commission prie les autorités militaires de fournir des informations sur le nombre et la nature des enquêtes visant les auteurs de tels crimes, ainsi que sur le nombre de poursuites engagées, et le nombre et la nature des sanctions imposées.
Vente et traite d’enfants. La commission note qu’outre les dispositions de la loi sur la lutte contre la traite des personnes de 2005, qui érige en infraction pénale la vente et la traite d’enfants et de jeunes, le gouvernement a adopté la loi sur les droits de l’enfant en 2019, dont l’article 48 (a) dispose qu’aucun enfant ne doit être contraint de travailler ou être employé dans les pires formes de travail des enfants, dont la vente et la traite d’enfants. À cet égard, les autorités militaires indiquent qu’entre janvier 2017 et mai 2022, il y a eu 278 cas de traite d’enfants et que le délit de traite des enfants est poursuivi en application de la loi sur la lutte contre la traite des personnes et de la loi sur les droits de l’enfant.
Toutefois, la commission observe que les autorités militaires ne fournissent pas de statistiques relatives au nombre de poursuites engagées, de condamnations prononcées et de sanctions imposées. Elle souligne par ailleurs que des crises humanitaires, comme des conflits armés, peuvent conduire à une hausse de la traite des personnes (Groupe interinstitutions de coordination contre la traite des personnes, document d’information no 2, Trafficking in persons in humanitarian crises, 2017). Compte tenu de la situation actuelle de conflits prolongés au Myanmar, la commission prie instamment les autorités militaires d’intensifier leurs efforts pour combattre la traite des enfants et, à cet égard, de veiller à ce que des enquêtes approfondies soient conduites et des poursuites judiciaires engagées à l’encontre des personnes qui se livrent à de tels actes. Elle prie une nouvelle fois les autorités militaires de communiquer des informations sur le nombre d’enquêtes menées, de poursuites engagées, de condamnations prononcées et de sanctions imposées en vertu de l’article 24 de la loi sur la lutte contre la traite des personnes et en vertu de l’article 48(a) de la loi sur les droits de l’enfant.
Article 7, paragraphe 2. Mesures efficaces dans un délai déterminé. Alinéa a). Empêcher que des enfants ne soient engagés dans les pires formes de travail des enfants. Accès à l’éducation de base gratuite. À la suite de ses précédents commentaires, la commission prend note des informations des autorités militaires selon lesquelles en 2019, les taux de scolarisation des enfants âgés de 10 à 15 ans étaient de 68,69 pour cent pour les garçons et de 75,59 pour cent pour les filles.
À cet égard, la commission note que selon le rapport du Partenariat mondial pour l’éducation du 4 janvier 2022 sur la continuité de l’enseignement pour les enfants du Myanmar malgré la crise, en dépit de la mise en œuvre du Plan stratégique national pour l’éducation (2016-2021) qui prévoit des transformations majeures du système éducatif, le pays est continuellement confronté à des difficultés pour assurer une éducation de qualité à tous les enfants. De plus, trois éléments sont venus s’ajouter à une crise de longue date: 1) des conflits prolongés dans diverses régions du pays qui durent depuis des décennies; 2) la crise du COVID-19 que le ministère de l’Éducation n’a pas encore réussi à surmonter; et 3) le coup d’État militaire qui a eu des répercussions immédiates et continuera d’aggraver une crise de l’apprentissage déjà désastreuse.
Plusieurs mois après le début de la crise du COVID-19, qui a entraîné des fermetures d’écoles dans tout le pays, il était évident que les enfants du Myanmar, en particulier ceux déjà marginalisés, auraient à subir des conséquences à long terme en matière d’éducation. En décembre 2020, la Banque mondiale a fait savoir que moins de 40 pour cent des enfants inscrits dans des écoles en février 2020 avaient participé à des activités d’apprentissage et les taux étaient plus faibles encore pour les enfants du quintile inférieur de richesse. Le coup d’État a encore reporté la réouverture des écoles et a, sans aucun doute, aggravé les effets néfastes sur l’apprentissage. Le rapport révèle encore que les fermetures d’école sont plus risquées pour les enfants des ménages marginalisés, plus susceptibles d’être engagés dans du travail des enfants. En outre, le conflit en cours attise les craintes pour la sécurité des enfants scolarisés et les acteurs de l’éducation ont ainsi observé des niveaux sans précédent d’abandons scolaires.
De même, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar a noté dans son rapport daté du 13 juin 2022 que l’effet combiné de la pandémie de COVID-19 et du coup d’État militaire a fortement ébranlé le système éducatif au Myanmar (A/HRC/49/76, paragr. 71 et 72). En mai 2021, on estimait que 12 millions d’enfants avaient manqué plus d’une année de scolarité à cause de la pandémie de COVID-19. Cependant, après la levée des restrictions liées à la pandémie à la fin de 2021, de nombreux enseignants sont restés à l’écart des salles de classe dans le cadre du mouvement de désobéissance civile et de nombreuses familles ont pris la décision de ne pas envoyer leurs enfants dans les écoles publiques. Les conflits armés, les déplacements et d’autres problèmes de sécurité ont également entravé l’accès à l’éducation. On estime que le taux de fréquentation des écoles publiques est inférieur à 50 pour cent. La junte a également occupé et attaqué des écoles dans les zones de conflit, perturbant davantage l’enseignement et mettant en péril la vie des élèves et des enseignants.
La commission se doit donc de faire part de sa profonde préoccupation face au nombre considérable d’enfants qui sont privés d’une éducation de base à cause des nombreuses crises qui secouent le pays. Compte tenu du rôle essentiel que joue l’éducation dans la prévention de l’engagement d’enfants dans les pires formes de travail des enfants, la commission prie instamment les autorités militaires de prendre des mesures pour améliorer le fonctionnement du système éducatif et faciliter l’accès de tous enfants à une éducation de base gratuite. À cet égard, elle prie les autorités militaires de prendre les mesures nécessaires pour améliorer les taux de scolarisation, de fréquentation scolaire et d’achèvement des niveaux primaires et secondaires. La commission prie les autorités militaires de continuer de fournir des informations sur les mesures concrètes prises en ce sens et de communiquer des données statistiques à jour sur les taux de scolarisation, de fréquentation scolaire et d’achèvement.
Alinéa b). Prévoir l’aide directe nécessaire et appropriée pour soustraire les enfants aux pires formes de travail des enfants et assurer leur réadaptation et leur intégration sociale. Enfants dans des conflits armés. La commission note avec regret que les autorités militaires ne transmettent aucune information sur les enfants soustraits aux forces armées et aux groupes armés, et sur leur réadaptation et leur intégration sociale. À la lecture du rapport du 23 juin 2022 du Secrétaire général de l’ONU sur les enfants et les conflits armés, la commission note que la détention d’enfants au motif de leur association présumée avec des groupes armés se poursuit: l’ONU a ainsi confirmé que 87 enfants (75 garçons, 12 filles) avaient été placés en détention par la police et la Tatmadaw pour association présumée avec des groupes armés et un garçon qui était détenu par la Tatmadaw depuis septembre 2020 a été libéré en 2021 (A/76/871S/2022/493, paragr. 133). Le Secrétaire général de l’ONU s’est déclaré préoccupé par l’augmentation du nombre de cas de détention d’enfants et par le fait que ces enfants ne bénéficient pas des garanties d’une procédure régulière; il a demandé l’application de la loi sur les droits de l’enfant de 2019, a exhorté la Tatmadaw à libérer immédiatement les enfants détenus et rappelé que les enfants doivent être traités avant tout comme des victimes. À cet égard, la commission observe que l’article 60(e) de la loi sur les droits de l’enfant prévoit l’abandon immédiat de toutes les charges retenues contre des enfants impliqués dans un conflit armé (à l’exception des infractions graves) et leur placement sous la protection du Département de la protection sociale afin qu’ils soient réformés et pris en charge dans un établissement de formation, un centre d’accueil ou un centre de soins temporaires. De plus, l’article 60(h) de la loi exige que des mesures soient adoptées pour fournir l’aide appropriée pour assurer l’éducation, la réadaptation et l’intégration des enfants recrutés ou utilisés dans des conflits armés afin de rétablir leur bien-être physique et psychologique. Par conséquent, la commission prie instamment les autorités militaires de prendre des mesures efficaces et assorties de délais pour soustraire les enfants aux forces armées et aux groupes armés, et pour assurer leur réadaptation et leur intégration sociale. Elle demande aux autorités militaires de communiquer des informations sur les mesures prises en ce sens et sur le nombre d’enfants soustraits aux forces armées et aux groupes armés, et réintégrés socialement.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle envoie directement au gouvernement.
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