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Observation (CEACR) - adoptée 2022, publiée 111ème session CIT (2023)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Argentine (Ratification: 1950)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Argentine (Ratification: 2016)

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  1. 2018
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La commission salue la ratification par l’Argentine du Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930. Elle prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur son application, conformément au formulaire de rapport adopté par le Conseil d’administration.
La commission prend note des observations de la Centrale des travailleurs de l’Argentine (CTA Autonome), du 31 août 2021, et de la Confédération générale du travail de la République argentine (CGT RA), du 1er septembre 2021.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. 1. Traite des personnes. Cadre institutionnel. La commission note qu’il ressort du rapport final d’évaluation du Plan national biennal de lutte contre la traite et l’exploitation des personnes pour 2018-2020, joint au rapport du gouvernement, que sur un total de 111 actions prévues dans le cadre du plan d’action, 80 pour cent ont été réalisées. Le gouvernement indique que si les principaux objectifs fixés dans le cadre de ce plan ont été atteints, le contexte de pandémie liée au COVID-19 a eu un impact notable sur le déroulement de certaines activités. La commission prend note des nombreuses actions de sensibilisation et de formation menées concernant la traite et l’exploitation au travail, notamment à travers des campagnes d’information, la distribution de brochures et des activités de formation menées en présentiel ou de manière virtuelle. La commission prend également note de l’adoption du Plan national contre la traite et l’exploitation des personnes pour 2020-2022, élaboré par le comité exécutif du Conseil fédéral pour la lutte contre la traite et l’exploitation des personnes et pour la protection et l’assistance des victimes, avec la contribution de 44 organismes agissant au niveau national, provincial et municipal, et en collaboration avec l’OIT et plusieurs acteurs de la société civile. Le plan national contient 100 actions qui s’articulent autour de quatre axes principaux: la prévention, l’assistance aux victimes, les poursuites et la coordination et le renforcement du cadre institutionnel. Par ailleurs, la commission note que, vingt-cinq Tables interinstitutionnelles pour la prévention et la lutte contre la traite des personnes ont été établies, qui visent notamment à contribuer à la formation continue des fonctionnaires en matière de traite des personnes, diffuser largement la ligne téléphonique d’assistance gratuite pour dénoncer les situations de traite, élaborer des diagnostics permettant de mieux prévenir la traite et coordonner les efforts dans ce domaine. La commission note, à cet égard, que la CGT RA et la CTA Autonome soulignent dans leurs observations l’importance de ce travail interinstitutionnel qui doit de leur point de vue être poursuivi et approfondi afin de mettre efficacement un terme à la traite et à l’exploitation au travail.
La commission salue le renforcement continu du cadre institutionnel de lutte contre la traite des personnes et prie le gouvernement de continuer à prendre les mesures nécessaires pour la mise en œuvre effective des quatre axes du Plan national de lutte contre la traite et l’exploitation des personnes pour 2020-2022. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les diagnostiques et les rapports d’évaluation réalisés à cet égard, en précisant l’impact des mesures prises et les difficultés rencontrées, ainsi que sur les activités menées dans le cadre du Conseil fédéral pour la lutte contre la traite et lexploitation des personnes et pour la protection et lassistance des victimes, et des Tables interinstitutionnelles pour la prévention et la lutte contre la traite des personnes établies au niveau provincial.
Action de linspection du travail.La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle une procédure spéciale d’examen des indicateurs d’exploitation au travail pouvant être détectés par les inspecteurs du travail au cours de leurs activités a été établie, en vertu de la résolution ST no 230/18 du 12 juin 2018. En outre, en 2020, un guide pratique a spécialement été conçu pour les inspecteurs afin de les aider à mieux appréhender la problématique et les mécanismes permettant d’identifier les situations de traite et d’exploitation au travail et de les dénoncer. Ce guide, dont copie est annexée au rapport du gouvernement, identifie trois principaux indicateurs d’exploitation au travail: 1) la durée de la journée de travail, 2) la rémunération perçue et 3) l’environnement et les conditions de travail et explique comment remplir le procès-verbal de constat des indicateurs d’exploitation au travail («Acta IEL»). Le cas échéant, les inspecteurs du travail sont tenus de faire un signalement à travers la ligne téléphonique d’assistance gratuite du ministère de la Justice et des Droits humains afin de permettre le traitement prioritaire de la situation constatée et si nécessaire demander l’intervention des forces de sécurité et des autorités judiciaires. La commission note que plusieurs activités ont été organisées, en présentiel et de manière virtuelle, pour former les inspecteurs du travail à ces nouveaux outils. Elle note que l’inspection du travail a réalisé 191 903 inspections en 2018, et 146 926 inspections en 2019, malgré la réduction des effectifs (342 inspecteurs en 2018 contre 321 en 2019). La commission note également les informations détaillées fournies par le gouvernement sur les méthodes de travail de l’unité spéciale chargée de l’inspection du travail en situation irrégulière (UEFTI). L’UEFTI a mis en place plusieurs opérations de contrôle, y compris en collaboration avec les organisations syndicales, en croisant plusieurs sources d’informations telles que: 1) le nombre de travailleurs déclarés au sein du registre public des employeurs (REPSAL), 2) le nombre de travailleurs officiellement couverts par des conventions collectives conclues avec des entreprises du secteur agricole («convenios de corresponsabilidad gremial»), 3) la production habituelle d’une entreprise donnée sur une période donnée, et 4) le nombre de travailleurs normalement nécessaire pour faire face à cette charge de travail. Ces activités d’inspection se sont principalement déroulées dans le secteur agricole et ont également fait appel à des outils de vidéosurveillance, telle que l’utilisation de drones et de dispositifs vidéo manuels, particulièrement adaptés aux régions reculées.
La commission note avec intérêt les activités et les nouveaux outils développés par les services de l’inspection pour détecter les situations d’exploitation au travail. La commission encourage le gouvernement à poursuivre sur cette voie et à continuer de prendre des mesures pour renforcer la capacité daction et les ressources des services de linspection du travail sur l’ensemble du territoire et en particulier dans les secteurs où lincidence du travail forcé est connue afin de pouvoir identifier des situations d’exploitation au travail, et notamment de traite des personnes à des fins d’exploitation au travail, rassembler les preuves, sanctionner les violations et collaborer avec les autres organes chargés de faire appliquer la loi.
Répression et application de sanctions. La commission prend note des informations détaillées du gouvernement sur les actions de sensibilisation et de formation menées par le ministère public ainsi que par son unité spécialisée, la PROTEX, dans le cadre de la répression de la traite des personnes. Elle note, en particulier, qu’en 2018 et 2019, plusieurs actions ont visé à assurer la formation des magistrats et des fonctionnaires de la sphère judiciaire ainsi que des membres des forces de sécurité. La commission note également que la PROTEX a participé à différents échanges de bonnes pratiques avec le Brésil dans le cadre du programme de coopération sud-sud Brasil et Argentine, mis en place par l’OIT, ainsi qu’avec d’autres pays (Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou et Venezuela). La commission note que, selon le rapport de 2020 de la PROTEX, la ligne téléphonique d’assistance gratuite a reçu 3 525 plaintes en 2018 et 2019, dont 472 concernaient des cas d’exploitation au travail, et 82 pour cent d’entre ont été soumises aux autorités judiciaires. Depuis 2012, un total 20 719 plaintes ont été reçues via la ligne téléphonique. En outre, d’après les informations statistiques fournies par le gouvernement, entre 2018 et 2019, 125 procédures judiciaires ont été ouvertes dans des affaires de traite (35 à des fins d’exploitation au travail et 83 à des fins d’exploitation sexuelle). Pour la même période, 85 condamnations ont été prononcées dont 23 dans des cas d’exploitation au travail et 59 des cas d’exploitation sexuelle. La commission prie instamment le gouvernement de poursuivre ses efforts afin de sassurer que tous les cas de traite identifiés font l’objet d’enquêtes approfondies pour pouvoir déboucher sur des poursuites judiciaires et permettre que les personnes qui se livrent à la traite se voient imposer des sanctions dissuasives. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les activités de la PROTEX, y compris sur sa collaboration avec les autres organes chargés de faire appliquer la loi, ainsi que sur le nombre denquêtes et de poursuites engagées dans des cas de traite, tant à des fins d’exploitation sexuelle que d’exploitation au travail, et sur le nombre de jugements prononcés et les peines imposées.
Lutte contre la complicité et la corruption dans les forces de police. La commission note, d’après les informations communiquées par la PROTEX avec le rapport du gouvernement, que grâce aux dénonciations reçus anonymement à travers la ligne d’assistance gratuite, 117 cas de complicité d’agents de la force publique ont été identifiés en 2018 dans des cas de traite ou d’exploitation au travail, ainsi que 110 cas en 2019. Toutefois, en raison de l’anonymat des plaignants et des allégations parfois vagues dans la majorité des plaintes formulées, la PROTEX indique n’avoir été en mesure de diligenter des enquêtes que dans dix pour cent des cas. Une condamnation a été prononcée pour complicité contre un fonctionnaire public en 2019, et aucune en 2018. La commission observe avec préoccupation l’absence d’informations plus précises de la part du gouvernement quant aux éventuelles mesures envisagées pour mettre un terme aux cas de corruption et de complicité d’agents de la force publique dans des cas de traite des personnes alors qu’une seule condamnation a été prononcée pour complicité à l’encontre d’un fonctionnaire et que le ministère public fait part de difficultés dans ce domaine. La commission prie instamment le gouvernement de continuer à prendre des mesures proactives afin de sassurer que des enquêtes peuvent dûment être diligentées dans les cas de corruption et de complicité dagents de la force publique, et que des sanctions appropriées sont infligées. Elle prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les mesures mises en œuvre à cette fin et leur impact, ainsi que des informations actualisées sur le nombre de cas enregistrés et qui ont fait lobjet de poursuites, ainsi que sur les sanctions imposées.
Protection et assistance des victimes. La commission note que, selon les informations statistiques fournies par le gouvernement, entre 2008 et 2022, une assistance a été fournie à 18 220 victimes de la traite des personnes (soit 6 460 victimes depuis 2018), dont 57 pour cent étaient victimes d’exploitation au travail, dans le cadre du Programme national de secours et d’accompagnement des victimes de la traite (Rescate).La commission note que le gouvernement indique également que dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’action de lutte contre la traite et l’exploitation des personnes 2020-2022, outre l’assistance psychologique, médicale et juridique déjà fournie aux victimes de traite, un accord-cadre a été signé en août 2021 en vue de faciliter leur accès au logement (accord signé entre le Ministère du Développement territorial et de l’Habitat et le Comité exécutif pour la lutte contre la traite et l’exploitation des personnes et pour la protection et l’assistance des victimes). Concernant le renforcement des ressources consacrées à l’assistance des victimes de la traite, la commission saluel’adoption de la loi no 27.508, du 23 juillet 2019, portant création du fonds d’assistance directe aux victimes de la traite, réglementé par le décret no 844/2019, du 6 décembre 2019, et financé par la confiscation et la saisie des biens provenant du crime de traite afin d’assurer une réparation adéquate aux victimes de la traite. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur la mise en œuvre des procédures destinées à allouer le montant des amendes infligées et les biens saisis, à la suite de lidentification dinfractions dans le domaine de la traite des personnes, aux programmes et au fonds d’assistance aux victimes, et dindiquer comment ces ressources sont utilisées. Elle prie également le gouvernement de communiquer des informations sur l’assistance fournie dans ce contexte et sur le nombre des victimes de traite qui en ont bénéficié.
2. Exploitation au travail dans le secteur de lhabillement et dans l’agriculture. La commission note que, dans leurs observations respectives, la CTA Autonome et la CGT RA indiquent que la traite et l’exploitation de personnes au travail dans le secteur de l’habillement persistent, notamment au sein des ateliers clandestins situés dans la ville de Buenos Aires. Ces organisations indiquent que les victimes sont principalement des travailleurs migrants, provenant en particulier de Bolivie, et que malgré l’absence de données statistiques officielles, il est estimé qu’environ 70 pour cent des produits fabriqués dans le secteur de l’habillement sont d’origine irrégulière. La CTA Autonome et la CGT RA ajoutent que ces travailleurs ont souvent leur passeport confisqués, sont soumis à de longues heures de travail en étant enfermés ensemble dans une pièce de taille réduite, parfois sans ventilation, et reçoivent une faible rémunération. À cet égard, la commission note que, selon le rapport publié en 2020 par la PROTEX, sur les 38 plaintes pour traite à des fins d’exploitation au travail reçues au cours des six premiers mois de l’année 2020, cinq concernaient des cas d’exploitation dans des ateliers clandestins de la province sud de la ville de Buenos Aires.
S’agissant du secteur agricole,la CTA Autonome et de la CGT RA se réfèrent au grand nombre de victimes de traite et d’exploitation au travail dans le secteur agricole identifiées au cours de ces dernières années, suite à plusieurs interventions réalisées par l’inspection du travail, notamment dans les provinces de Rio Negro, La Rioja, Corrientes, Santa Fe et Santiago del Estero. La CTA Autonome précise que ces ouvriers agricoles recevaient souvent des salaires inférieurs de moitié au salaire minimum, travaillaient de longues heures, et vivaient et travaillaient dans des conditions dangereuses, précaires et dégradantes, dormant sous des tentes et sans avoir accès à l’eau potable. Selon la CTA Autonome la collaboration des organisations syndicales et des différents organismes étatiques compétents a permis d’identifier plusieurs cas de traite et d’exploitation au travail dans le secteur agricole, ce qui a rapidement conduit à des poursuites de la part de la PROTEX et à l’activation de mécanismes de protection et d’assistance aux victimes.
La commission note que le gouvernement indique, dans son rapport, qu’un accord de coopération a été signé le 26 mars 2019 entre le Ministère du Travail et le Registre national des travailleurs et des employeurs dans l’agriculture (RENATRE) en vue de mettre en œuvre des activités d’inspection conjointes dans le but de détecter le travail non déclaré. Il se réfère également au travail déployé quant à l’identification et la diffusion des indicateurs d’exploitation au travail et de travail des enfants dans le secteur agricole. La commission note que, selon le rapport de 2020 du PROTEX, sur les six premiers mois de l’année 2020, 47 pour cent des plaintes reçues concernaient des cas d’exploitation dans le secteur agricole, dont 7 cas ayant nécessité l’intervention urgente d’une force de sécurité (GNA). En outre, entre juillet 2020 et juillet 2021, les services de l’inspection du travail ont détecté 26 cas de traite à des fins d’exploitation au travail dans le secteur agricole concernant 222 travailleurs, à la suite d’actions conjointes réalisées avec le RENATRE et les organisations syndicales.
La commission note avec préoccupation de l’ensemble de ces informations que le recours au travail forcé dans les secteurs de l’habillement et agricole persiste.
Tout en se référant à ses commentaires ci-dessus sur le renforcement du cadre institutionnel général de lutte contre la traite des personnes, la commission prie le gouvernement de redoubler defforts pour lutter contre toute forme d’exploitation au travail, y compris la traite des personnes à des fins d’exploitation au travail, dans le secteur de lhabillement et dans lagriculture et de continuer à informer sur les mesures ciblées prises à cet égard, notamment en collaboration avec les organisations de travailleurs et d’employeurs.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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