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Observation (CEACR) - adoptée 2022, publiée 111ème session CIT (2023)

Convention (n° 117) sur la politique sociale (objectifs et normes de base), 1962 - Venezuela (République bolivarienne du) (Ratification: 1983)

Autre commentaire sur C117

Observation
  1. 2022
  2. 2018

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La commission prend note des observations formulées par la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), la Fédération des associations de professeurs d’université du Venezuela (FAPUV), et de la Centrale des travailleurs de l’Alliance syndicale indépendante (CTASI), ainsi que de la Centrale bolivarienne socialiste des travailleurs et travailleuses de la ville, de la campagne et de la pêche du Venezuela (CBST-CCP), communiquées avec le rapport du gouvernement le 1er septembre 2022. La commission prend note également des observations de l’Union nationale des travailleurs de l’État et des services publics (UNETE), reçues le 5 septembre 2022. La commission prie le gouvernement de communiquer ses commentaires sur ces observations.
Parties I et II de la convention. Amélioration des niveaux de vie. La commission prend note des informations fournies par le gouvernement à propos des mesures adoptées en matière de sécurité alimentaire, de logement et de soins médicaux, y compris pour l’accès aux médicaments. À cet égard, le gouvernement rappelle la création, en 2004, du ministère du Pouvoir populaire pour l’alimentation (MINPPAL) chargé de garantir l’approvisionnement de la population et l’accès au panier de la ménagère par la formulation, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation de politiques en matière de commerce, d’industrie, de marchandises et de distribution alimentaire. Le gouvernement mentionne aussi l’enregistrement, en juillet 2008, de la Société de production et de distribution alimentaire (PDVAL) auprès du MINPPAL pour assurer l’offre d’aliments et produits de base. Depuis 2016, les Comités locaux d’approvisionnement et de production (CLAP) se chargent de la distribution et de la commercialisation des denrées alimentaires et des produits de première nécessité. Le gouvernement se réfère aussi à la tenue de diverses foires ayant pour but de garantir l’accès de la population à des aliments riches en protéines animales et au poisson. S’agissant du droit au logement, le gouvernement cite une nouvelle fois la réalisation depuis 2011 de la «Grande Mission Logement Venezuela» dont l’objectif est la création de cinq millions de logements décents. Le gouvernement indique que, dans ce contexte, il a relancé la production de l’entreprise PetroCasa afin de garantir la fourniture de matières premières pour la construction de nouveaux foyers. De même, les modalités d’accès à des ressources financières par le biais de cette mission ont été élargies, en particulier grâce à des crédits (le programme «Gère ton crédit») et à de nouveaux instruments financiers (le programme «Investis, épargne et construis ton logement»). Le gouvernement se réfère également au lancement de la mission «Nouveau quartier, Quartier tricolore», qui a pour objectif de proposer des logements décents à des familles en situation de risque majeur ou de vulnérabilité, au moyen de la réhabilitation ou de l’échange de logements avec la collaboration des collectivités. Le gouvernement indique que 4 100 000 logements ont été livrés en juin 2022 dans le cadre de la Grande Mission et que, dans le cadre de la Mission Nouveau quartier, Quartier tricolore, 1 923 458 logements ont été réhabilités et 1 221 145 titres fonciers ont été délivrés. Par ailleurs, la commission note que le gouvernement indique que l’accès à la santé est assuré à la totalité de la population par les 593 Zones de santé intégrale communautaire (ASIC). Le gouvernement mentionne encore la mise en œuvre de la «Mission Quartier intérieur» qui dispense des soins médicaux dans les communautés à faible revenu. Pour ce qui est de la garantie du libre accès aux médicaments pour toutes les tranches de la population, parallèlement au réseau de pharmacies sociales «FarmaPatria» se sont créées, en 2019, les Pharmacies communautaires, qui garantissent l’accès, en particulier des personnes atteintes de maladies chroniques, aux médicaments de manière opportune, efficace et contrôlée. Le gouvernement ajoute que le programme Pharmacies mobiles communautaires permet de livrer des médicaments et produits de première nécessité aux municipalités et paroisses et promeut des campagnes sanitaires de prévention. À ce propos, la commission note que la CBST-CCP indique dans ses observations que 95 pour cent de la population du pays ont été vaccinés contre la COVID-19. Enfin, le gouvernement indique qu’entre 2018 et 2022, il a compté 4 039 départs à la retraite et l’attribution 1 629 pensions. La commission prend également note des informations communiquées par la CBST-CCP s’agissant des clauses relatives aux prestations sociales figurant dans des conventions collectives conclues dans le secteur universitaire, dans l’enseignement et dans le secteur pétrolier par des fédérations et des syndicats membres de celle-ci.
Cependant, la commission note une nouvelle fois avec une profonde préoccupation la dégradation du niveau de vie de la population vénézuélienne que dénoncent dans leurs observations les organisations de travailleurs CTV, FAPUV, CTASI et UNETE. Les organisations de travailleurs dénoncent en particulier le fait que les programmes sociaux pour l’alimentation mis en place par le gouvernement souffrent de carences graves aux niveaux de la planification, la gestion et l’évaluation. La CTV, la FAPUV et la CTASI signalent que les distributions alimentaires, assurées par les CLAP, ne sont pas universelles et elles affirment qu’elles ont diminué en quantité, de telle sorte qu’elles ne couvrent plus actuellement que 17 pour cent des besoins nutritionnels de la population. De même, l’UNETE dénonce des faits de corruption dans la distribution alimentaire. La CTV, la FAPUV, la CTASI et l’UNETE soulignent en outre que, du fait de l’expropriation par le gouvernement d’entreprises agroalimentaires (qui représentaient 80 pour cent de la production nationale de denrées alimentaires), celles-ci ont été abandonnées ou ont cessé leurs activités. Cela a entraîné des pertes d’emplois pour des milliers de travailleurs et une dépendance accrue du secteur alimentaire des importations, qui comptent pour 82 pour cent de l’alimentation dans le pays. De même, la CTV, la FAPUV et la CTASI signalent que, suivant le rapport sur la sécurité alimentaire du Programme alimentaire mondial (PAM) de février 2020, une personne sur trois au Venezuela est en situation d’insécurité alimentaire et a besoin de l’aide humanitaire. Selon ce rapport, près de neuf millions de Vénézuéliens ne disposent pas d’un revenu suffisant pour payer le panier de la ménagère. Elles ajoutent que, par voie de conséquence, et du fait des carences des produits alimentaires distribués par les CLAP, 60 pour cent de la population ont dû réduire les repas en quantité, 24 pour cent sont en situation d’insécurité alimentaire modérée, et 7,9 pour cent en situation d’insécurité alimentaire grave. La CTV, la FAPUV et la CTASI dénoncent le fait que la situation des jeunes garçons et filles est encore plus alarmante et révèlent que, d’après les chiffres de Caritas, en octobre 2020, 73 pour cent des jeunes de moins de cinq ans souffraient de malnutrition.
S’agissant de l’accès à la santé, la CTV, la FAPUV et la CTASI indiquent que, selon l’Indice de sécurité sanitaire mondiale de 2021, le Venezuela occupe la dernière place des pays d’Amérique latine en matière de capacités sanitaires et figure dans les 10 pays les pires au monde. Tant la CTV, la FAPUV, la CTASI que l’UNETE dénoncent la pénurie de médicaments et leur coût élevé ainsi que les conditions de travail précaires des travailleurs de la santé, surtout en matière de sécurité et de santé, lesquelles ont été mises en lumière et se sont sérieusement dégradées encore pendant la pandémie de COVID-19. L’UNETE dénonce en outre des cas de persécutions, des disparitions et des assassinats de travailleurs de la santé.
La commission note également que la CTV, la FAPUV et la CTASI indiquent qu’à la date du 24 août 2021, le salaire minimum se situait entre 0,5 et 0,6 dollars des États-Unis par jour, très en-dessous du revenu minimum considéré constituer le niveau d’extrême pauvreté (1,90 dollars É.-U. par jour). On remarque dans les chiffres de l’enquête nationale sur les conditions de vie (ENCOVI) qu’entre 2019 et 2021, le taux d’extrême pauvreté a progressé au Venezuela, passant de 67,7 pour cent à 76,6 pour cent. Les trois organisations soulignent que la situation a été aggravée par la pandémie de COVID-19. En outre, l’UNETE dénonce la réduction des salaires et la dégradation des prestations sociales et des avantages contractuels des travailleurs des administrations publiques. La CTV, la FAPUV et la CTASI dénoncent aussi les difficultés d’accès à l’emploi des opposants au régime, ainsi que les licenciements et autres pratiques antisyndicales, telles que les inculpations pénales de dirigeants syndicaux du secteur public.
Enfin, la commission note que la CTV, la FAPUV, la CTASI et l’UNETE soulignent que la situation politique, économique et sociale du pays a poussé à l’exil plus de six millions de ses ressortissants fuyant l’extrême pauvreté. Elles font remarquer qu’il s’agit de l’exode humain le plus important qu’ait connu l’Amérique latine et du deuxième au monde par ordre d’importance. À ce propos, la CTV, la FAPUV et la CTASI signalent que l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) estiment qu’en juin 2020, les migrants, réfugiés et demandeurs d’asile vénézuéliens étaient au nombre de 5 082 170. Pour l’UNETE, cette situation a provoqué la désintégration de nombreuses familles. La commission renvoie aux commentaires qu’elle formule à propos de l’application de la convention (no 122) sur la politique de l’emploi, 1964, de la convention (no 140) sur le congé-éducation payé, 1974, et de la convention (no 142) sur la mise en valeur des ressources humaines, 1975, dont les sujets sont proches de celui de la présente convention, et elle prie instamment le gouvernement de continuer à fournir, dans son prochain rapport, des informations détaillées et actualisées sur l’application des dispositions de la convention dans la pratique, en particulier pour ce qui a trait à l’impact des mesures prises dans le but d’améliorer le niveau de vie de l’ensemble de la population. En outre, la commission prie instamment le gouvernement d’indiquer comment il fait en sorte que ces mesures prennent en compte les besoins essentiels des familles, comme l’alimentation et sa valeur nutritive, le logement, l’habillement et les soins médicaux, y compris l’accès aux médicaments et à l’enseignement.
Partie III. Travailleurs migrants. La commission note que, dans ses observations finales du 4 octobre 2022, le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (CMW) a exprimé sa préoccupation devant la situation des peuples indigènes frontaliers qui se répartissent entre le Venezuela, la Colombie et le Brésil et franchissent régulièrement la frontière pour leur travail. Le comité indique dans ses observations que ces travailleurs migrants sont particulièrement en situation de vulnérabilité, sous la menace d’abus, de travail forcé, de traite des personnes et de servitude pour dettes, en particulier dans le cas des travailleurs migrants indigènes dans le secteur minier et l’agriculture. Le CMW a exprimé en particulier sa préoccupation devant la situation des peuples indigènes Yukpas, Wayuu, Warao, Pemones, Bari et Yanomami (document CMW/C/VEN/CO/1, paragr. 48). La commission prie instamment le gouvernement de fournir des informations détaillées et actualisées sans délai sur les mesures adoptées ou envisagées afin de garantir que les conditions d’emploi des travailleurs migrants obligés de résider hors de leurs foyers tiennent compte de leurs besoins familiaux normaux (article 6). En particulier, la commission prie instamment le gouvernement de fournir des informations sur l’impact de ces mesures dans le cas des travailleurs migrants originaires des peuplades indigènes Yukpas, Wayuu, Warao, Pemones, Bari et Yanomami.
Partie IV. Rémunération des travailleurs. Avances sur salaires. Depuis treize ans, la commission prie le gouvernement de fournir des exemples concrets de décisions de justice ou administratives dans lesquelles sont abordées les questions du montant maximal exigible et des modalités de remboursement des avances sur les salaires. Elle observe une fois encore que le gouvernement ne fournit pas les exemples demandés et se limite à faire mention une fois de plus de l’article 91 de la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela et de l’article 103 de la loi organique du travail, des travailleuses et des travailleurs (LOTTT) qui prévoient que le salaire est insaisissable. Le gouvernement réaffirme aussi que, en vertu de l’article 154 de la LOTTT, «(…) les dettes contractées par les travailleurs et les travailleuses envers leur employeur ou leur employeuse ne sont remboursables, hebdomadairement ou mensuellement, que jusqu’à concurrence du tiers de la rémunération équivalant à une semaine ou un mois de travail, selon le cas». De même, il ajoute une fois encore que les emprunts doivent être remboursés, mais non les avances accordées au titre de prestations sociales octroyées pour couvrir les besoins fondamentaux de logement, d’éducation et de santé, prestations dont le montant peut atteindre 75 pour cent du salaire. Par conséquent, la commission s’attend à ce que le gouvernement fournisse, dans son prochain rapport, des exemples concrets de décisions de justice ou administratives dans lesquelles sont abordées les questions du montant maximal exigible et des modalités de remboursement des avances sur les salaires.
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