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Observation (CEACR) - adoptée 2022, publiée 111ème session CIT (2023)

Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 - Algérie (Ratification: 1969)

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Article 1 de la convention. Protection contre la discrimination. Législation. Travailleurs du secteur privé. Depuis plusieurs années, la commission souligne que: 1) l’article 6 de la loi no 90-11 du 21 avril 1990 relative aux relations de travail revêt un caractère très général, puisqu’il prévoit que les travailleurs ont droit à «une protection contre toute discrimination pour occuper un poste autre que celle fondée sur leur aptitude et leur mérite»; 2) l’article 17 de ladite loi n’interdit pas l’ensemble des motifs de discrimination dans l’emploi et la profession énumérés par la convention, car il ne vise que la discrimination «fondée sur l’âge, le sexe, la situation sociale ou matrimoniale, les liens familiaux, les convictions politiques [et] l’affiliation ou non à un syndicat»; et 3) ce même article 17 ne sanctionne pas les comportements ou les agissements discriminatoires de l’employeur ou de toute autre personne à l’encontre des travailleurs dans tous les aspects du travail et de l’emploi (recrutement, promotion, licenciement, etc.). Il se contente de prévoir la nullité de «toute disposition prévue au titre d’une convention ou d’un accord collectif, ou d’un contrat de travail, de nature à asseoir une discrimination quelconque entre travailleurs en matière d’emploi, de rémunération ou de conditions de travail». La commission constate avec profond regret qu’aucune modification législative de ces dispositions n’est intervenue jusqu’à présent. Soulignant à nouveau l’importance de mettre en place un dispositif complet de protection des travailleurs du secteur privé contre la discrimination dans l’emploi et la profession, la commission demande instamment au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires, en collaboration avec les organisations d’employeurs et de travailleurs, pour s’assurer que: i) les articles 6 et 17 de la loi no 90-11 du 21 avril 1990 interdisent expressément toute forme de discrimination, directe ou indirecte, fondée au minimum sur tous les motifs énumérés à l’article 1, paragraphe 1 a), de la convention, ainsi que sur tout autre motif au titre de l’article 1, paragraphe 1 b); et ii) l’article 17 de la même loi interdit les comportements ou les agissements discriminatoires de l’employeur ou de toute autre personne à l’encontre des travailleurs dans tous les aspects du travail et de l’emploi, y compris en matière d’accès à l’emploi et aux différentes professions, de promotion et de licenciement.
Fonctionnaires. Depuis plusieurs années, la commission souligne que l’article 27 de l’ordonnance no 06-03 du 15 juillet 2006 portant Statut général de la fonction publique n’interdit pas tous les motifs de discrimination énumérés par la convention, car il prévoit seulement qu’«aucune discrimination ne peut être faite entre les fonctionnaires, en raison de leurs opinions, de leur sexe, de leur origine ainsi que de toute autre condition personnelle ou sociale». Elle constate toutefois que, tout comme indiqué plus haut, aucune modification législative n’est intervenue à cet égard. Rappelant l’importance d’instaurer un dispositif complet de protection des fonctionnaires contre la discrimination dans l’emploi et la profession, la commission demande à nouveau instamment au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que l’article 27 de l’ordonnance no 06-03 du 15 juillet 2006 portant Statut général de la fonction publique prohibe expressément toute forme de discrimination, directe ou indirecte, fondée au minimum sur tous les motifs énumérés à l’article 1, paragraphe 1 a), de la convention, ainsi que sur tout autre motif au titre de l’article 1, paragraphe 1 b).
Article 1, paragraphe 1 a). Discrimination fondée sur le sexe.Harcèlement sexuel. La commission note que la loi no 15-19 du 30 décembre 2015 a introduit dans le Code pénal l’article 341bis, aux termes duquel «[E]st réputée avoir commis l’infraction de harcèlement sexuel et sera punie d’un emprisonnement d’un 1 an à trois 3 ans et d’une amende de 100 000 DA à 300 000 DA, toute personne qui abuse de l’autorité que lui confère sa fonction ou sa profession, en donnant à autrui des ordres, en proférant des menaces, en imposant des contraintes ou en exerçant des pressions dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle. Est également coupable de l’infraction visée à l’alinéa précédent et puni de la même peine, quiconque harcèle autrui par tout acte, propos à caractère ou insinuation sexuelle». La commission rappelle que les dispositions de droit pénal ne sont pas tout à fait adéquates dans les cas de harcèlement sexuel, notamment parce qu’elles ne prévoient pas toujours une compensation pour la victime et qu’il est peu probable qu’elles couvrent tous les comportements qui constituent du harcèlement sexuel. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur: i) le nombre, la nature et l’issue des plaintes déposées sur le fondement de l’article 341bis du Code pénal, ainsi que les sanctions imposées; et ii) les mesures de prévention et de sensibilisation mises en œuvre, en collaboration avec les organisations d’employeurs et de travailleurs, pour lutter contre le harcèlement sexuel dans l’emploi et la profession.
Articles 2 et 3. Politique nationale. Égalité de chances et de traitement entre hommes et femmes. Depuis plusieurs années, la commission exprime sa vive préoccupation quant à la faible participation des femmes au marché du travail et à la persistance de conceptions fortement stéréotypées des rôles respectifs des femmes et des hommes dans la société et la famille, lesquelles ont un impact négatif sur l’accès des femmes à l’emploi et à la formation. La commission note que, selon l’enquête intitulée «Activité, emploi et chômage» publiée par l’Office national des statistiques (ONS), en mai 2019, le taux d’activité des femmes demeurait assez faible (17.3 pour cent) et était toujours nettement inférieur à celui des hommes (66.8 pour cent). Cette enquête indique que des disparités significatives sont observées selon le sexe, puisque 77.9 pour cent de l’emploi féminin est concentré dans les secteurs suivants: secteur de la santé et de l’action sociale (45.1 pour cent), industries manufacturières (18.9 pour cent) et administration publique (13.9 pour cent). La commission note également que le taux de chômage des femmes s’élevait en 2019 à 20.4 pour cent, tandis que celui des hommes à 9.1 pour cent. Par ailleurs, elle constate avec préoccupation que, d’après le Rapport de suivi de la situation économique de l’Algérie, établi par la Banque mondiale en 2022, le nombre des femmes demandeuses d’emploi inscrites à l’Agence nationale de l’emploi (ANEM) a augmenté de 63 pour cent durant le premier trimestre de 2022. À cet égard, la commission relève que, dans son rapport national soumis dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU) en septembre 2022, le gouvernement affirme que les mesures prises en faveur du renforcement de l’enseignement et de la formation des femmes ont permis à l’Algérie d’avoir une proportion parmi les plus fortes au monde de femmes diplômées du supérieur, à hauteur de 48.5 pour cent, prenant ainsi la tête du classement du Rapport de l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO) de 2018. Dans ce rapport, le gouvernement indique également qu’il a inscrit comme axe prioritaire de son Plan d’action le renforcement de l’intégration économique des femmes au foyer ainsi que des femmes habitant dans les zones rurales (A/HRC/WG.6/41/DZA/1, 2 septembre 2022, paragr. 106-107). La commission demande au gouvernement de fournir des informations détaillées sur les mesures prises ou envisagées pour: i) mettre en œuvre le Programme intersectoriel pour l’appui à l’adhésion de la femme rurale et des femmes au foyer dans le domaine économique, mentionné dans le Plan d’action du gouvernement pour la mise en œuvre du Programme du Président de la République de septembre 2021; ii) lutter contre le taux de chômage très élevé des femmes par rapport à celui des hommes; iii) lutter efficacement contre la ségrégation professionnelle horizontale et verticale entre hommes et femmes, ainsi que contre les préjugés et stéréotypes de genre concernant les aspirations et les capacités professionnelles des femmes et leur aptitude à occuper certains emplois; et iv) permettre aux travailleuses et aux travailleurs de mieux concilier activité professionnelle et responsabilités familiales.
Article 5. Mesures spéciales de protection. Travaux interdits aux femmes. Depuis de nombreuses années, la commission attire l’attention du gouvernement sur la nécessité de réexaminer les dispositions interdisant le travail de nuit des femmes, ainsi que celles qui concernent l’affectation des femmes à des travaux dangereux, insalubres ou nuisibles pour la santé. Elle constate toutefois avec regret qu’aucun progrès n’a été réalisé à cet égard. La commission rappelle que l’on est passé progressivement d’une approche purement protectrice en matière d’emploi des femmes à une stratégie qui tend à assurer une réelle égalité entre hommes et femmes et à éliminer toutes les lois et les pratiques discriminatoires. Les mesures de protection adoptées en faveur des femmes peuvent être globalement classées en deux catégories: d’une part, celles qui visent à protéger la maternité au sens strict et qui relèvent à ce titre de l’article 5 et, d’autre part, celles qui ont pour finalité d’assurer de manière générale la protection des femmes en tant que telles et qui reposent, quant à elles, sur des représentations stéréotypées de leurs capacités et de leur rôle social. Ce dernier type de mesures est contraire à la convention et constitue autant d’obstacles au recrutement et à l’emploi des femmes (voir Étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 839). La commission rappelle en outre que les dispositions relatives à la protection des personnes travaillant dans des conditions dangereuses ou difficiles doivent viser à protéger la santé et la sécurité des hommes comme des femmes, tout en tenant compte des différences qui font que chacun d’eux est exposé, en matière de santé, à des risques spécifiques. Les restrictions à l’emploi des femmes (qui ne sont pas enceintes ou qui n’allaitent pas) sont contraires au principe de l’égalité de chances et de traitement entre les hommes et les femmes, sauf s’il s’agit de véritables mesures de protection mises en place pour protéger leur santé. Cette protection doit être déterminée sur la base des résultats d’une évaluation des risques, montrant qu’il existe des risques spécifiques pour la santé et/ou la sécurité des femmes. Par conséquent, ces éventuelles restrictions doivent être justifiées et fondées sur des preuves scientifiques, et être réexaminées périodiquement à la lumière de l’évolution technologique et du progrès scientifique, afin de déterminer si elles sont toujours nécessaires. La commission rappelle en outre qu’il y aurait sans doute lieu d’examiner quelles autres mesures - meilleure protection de la santé des hommes et des femmes, sécurité et transports adéquats, ou services sociaux - seraient nécessaires pour permettre aux femmes d’avoir les mêmes chances que les hommes d’accéder aux emplois concernés (voir Étude d’ensemble de 2012, paragr. 840). La commission souligne également la nécessité d’adopter des mesures et de mettre en place des services permettant aux travailleurs ayant des responsabilités familiales, en particulier aux femmes, car ce sont elles qui continuent à supporter de façon inéquitable la charge de ces responsabilités, de concilier vie professionnelle et vie familiale. Par conséquent, la commission demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les mesures spéciales de protection des femmes sont limitées à ce qui est strictement nécessaire pour protéger la maternité et ne font pas obstacle à l’accès des femmes à l’emploi et aux différentes professions. Elle l’invite également à nouveau à examiner la possibilité de prendre des mesures d’accompagnement visant, entre autres, à améliorer la protection de la santé et de la sécurité des hommes et des femmes, et à renforcer l’offre de transports adéquats ou de services sociaux, pour permettre aux femmes d’accéder à tout type d’emploi sur un pied d’égalité avec les hommes. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toutes dispositions adoptées à cet égard.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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