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Observation (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

Convention (n° 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971 - Türkiye (Ratification: 1993)

Autre commentaire sur C135

Observation
  1. 2020
  2. 2019
  3. 2017
  4. 2016
Demande directe
  1. 2004
  2. 2002
  3. 1997
  4. 1996

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La commission prend note des informations supplémentaires fournies par le gouvernement à la lumière de la décision adoptée par le Conseil d’administration à sa 338e session (juin 2020). La commission a procédé à l’examen de l’application de la convention sur la base des informations supplémentaires reçues du gouvernement cette année, ainsi que sur la base des informations dont elle disposait en 2019.
Article 1 de la convention. Licenciement massif de fonctionnaires. La commission avait précédemment noté que, à la suite de la tentative de coup d’État de juillet 2016, un grand nombre de fonctionnaires, dont un nombre indéterminé de représentants syndicaux, avaient été licenciés sur la base de décrets d’urgence. Elle avait prié en conséquence, le gouvernement de veiller à ce que les représentants des travailleurs ne soient pas licenciés du fait de leur statut ou de leurs activités en tant que représentants des travailleurs ni de leur appartenance syndicale ou de leur participation à des activités syndicales, s’ils ont agi dans le respect des lois en vigueur. En cas d’allégation de participation d’un représentant des travailleurs à des activités illégales, la commission avait prié le gouvernement de veiller à ce que toutes les garanties de régularité de la procédure soient appliquées. La commission avait en outre prié le gouvernement de fournir des informations statistiques sur le nombre de représentants syndicaux touchés par les licenciements et les suspensions fondés sur des décrets d’urgence. Elle avait pris note de la mise en place, pour une période de deux ans, d’une commission d’enquête ad hoc chargée d’examiner les licenciements fondés sur les décrets adoptés pendant l’état d’urgence et, à cet égard, elle avait noté avec préoccupation que la commission aurait à traiter un nombre très important de cas dans un laps de temps relativement court. Elle avait prié le gouvernement de veiller à ce qu’elle soit accessible à tous les représentants de travailleurs licenciés qui souhaitent la révision de la décision les concernant et qu’elle soit dotée des capacités, des ressources et du temps nécessaires pour mener le processus de réexamen dans les meilleurs délais, de manière impartiale et rapide. Elle avait en outre prié le gouvernement de veiller à ce que les représentants des travailleurs licenciés ne supportent pas seuls la charge de prouver que leur licenciement était de nature discriminatoire, en exigeant des employeurs ou des autorités compétentes qu’ils établissent que la décision de les licencier était fondée sur d’autres motifs. Enfin, la commission avait prié le gouvernement de fournir des informations statistiques sur le nombre de recours déposés par les représentants de travailleurs licenciés et traités par la commission d’enquête et les juridictions administratives, et d’indiquer les résultats de ces recours.
La commission avait pris note que le gouvernement indiquait dans son rapport de 2019 que le licenciement de fonctionnaires de la fonction publique, dont certains représentants syndicaux, à la suite de l’adoption de décrets d’urgence, était fondé sur leur appartenance, affiliation ou lien avec des organisations terroristes à la suite de la tentative de coup d’État de 2016. Après la tentative de coup d’État, le gouvernement a décrété l’état d’urgence et promulgué des décrets pour éliminer l’influence des organisations terroristes telles que le mouvement Gülen (FETÖ), le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ou l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) ou (DAESH). Selon le gouvernement, ces organisations terroristes, en particulier celle qui a perpétré ladite tentative de coup d’État visant à renverser le gouvernement légitime démocratiquement élu en Turquie, s’étaient infiltrées au sein de la structure étatique des institutions et organismes gouvernementaux centraux et locaux, en particulier dans les forces armées, la police, les institutions judiciaires et éducatives. Le gouvernement réitérait en outre l’obligation des fonctionnaires, d’une part, d’exercer leurs fonctions dans le respect de la Constitution et des lois en vigueur en se conformant aux principes de neutralité et d’égalité et, d’autre part, de ne participer à aucun mouvement, groupe, organisation ou association qui se livre à des activités illégales ni de les aider. Il soulignait qu’être fonctionnaire, membre ou représentant d’un syndicat ou même responsable syndical ne garantit pas l’immunité contre des poursuites pour activités illégales. Le gouvernement expliquait en outre que les procédures de licenciement ou de suspension des fonctionnaires suspectés d’appartenir à des organisations terroristes ou des structures, entités ou groupes que le Conseil national de sécurité considère comme portant atteinte à la sécurité nationale de l’État, ou en liaison ou de concert avec elles, ont été menées conformément aux dispositions de la loi no 2935 sur l’état d’urgence, de la loi no 657 sur les fonctionnaires et des décrets ayant force de loi. Le gouvernement faisait référence à cet égard à la décision de la Cour constitutionnelle de Turquie dans une affaire portant sur la révocation de deux membres de la Cour: «Bien que la tentative de coup d’État ait, de fait, échoué, prendre des mesures pour éliminer les dangers qui pèsent sur l’ordre constitutionnel démocratique, les libertés et les droits fondamentaux et la sécurité nationale, et pour empêcher toute tentative future ne relève pas seulement de l’autorité de l’État, c’est aussi un devoir et une responsabilité envers les individus et la société qui ne peuvent être différés [...] dans certains cas, l’État peut ne pas être en mesure de faire disparaître les menaces à l’ordre constitutionnel démocratique, aux libertés et droits fondamentaux et à la sécurité nationale par la voie de procédures administratives ordinaires. En conséquence, il peut être nécessaire d’imposer des procédures administratives extraordinaires jusqu’à ce que ces menaces soient éliminées.»
Le gouvernement avait expliqué que la commission d’enquête a été créée pour veiller à ce que les personnes touchées par les décrets promulgués pendant l’état d’urgence bénéficient d’une procédure légale régulière. Les fonctionnaires licenciés directement par décret ayant force de loi pouvaient s’adresser à la commission d’enquête, et les requérants dont la demande était rejetée par la commission pouvaient saisir les juridictions administratives compétentes. Le gouvernement rappelait qu’un licenciement par décret ayant force de loi était une mesure appliquée uniquement pendant l’état d’urgence et que toutes les voies de recours judiciaires étaient disponibles pour contester les décisions de la commission d’enquête, y compris par le biais de la Cour constitutionnelle de Turquie et de la Cour européenne des droits de l’homme. Le mandat de la commission d’enquête est renouvelable d’un an après la période initiale de deux ans. Le fonctionnement de la commission se poursuivra donc jusqu’à ce qu’elle ait mené à bien l’intégralité de ses travaux. Tous les fonctionnaires licenciés, y compris les représentants syndicaux, ont le droit de saisir la commission d’enquête d’un recours en révision; la seule exception concerne les membres du corps judiciaire qui doivent saisir les organes désignés dans la loi et le décret pertinents. Les activités de la commission peuvent être suivies par la population grâce aux annonces qu’elle fait sur sa page Web. Le gouvernement avait souligné que la Commission a entrepris ses travaux sans autre intention que celle de protéger l’ordre constitutionnel démocratique, l’état de droit et les droits des personnes, et travaille de façon transparente, dans le respect des droits individuels. Pour le gouvernement, le respect d’une procédure légale régulière était assuré et tous les fonctionnaires licenciés ont eu accès à des voies de recours.
Par ailleurs, le gouvernement avait expliqué qu’à l’issue de l’examen, la commission d’enquête peut rejeter ou accepter la demande de recours en révision. En cas d’acceptation de la demande des personnes licenciées de la fonction publique ou d’une institution publique, la décision est notifiée à l’organisation ou à l’institution publique dans laquelle l’intéressé était affecté pour sa réintégration dans les 15 jours. En cas de rejet, le demandeur peut saisir les tribunaux administratifs compétents. En ce qui concerne la charge de la preuve, la commission d’enquête demande à l’institution compétente de lui fournir les documents et informations démontrant l’appartenance, l’affiliation ou le lien du demandeur avec une organisation terroriste. Si aucun document ou renseignement de ce genre n’est fourni et que le demandeur ne fait l’objet d’aucune enquête ni de poursuites, alors, la commission accepte la demande de réintégration. Les décisions de la commission sont communiquées à l’institution ou à l’organisation compétente, qui nomme ensuite la personne dont la réintégration a été prononcée. Le Conseil des juges et des procureurs peut former un recours en annulation devant le Tribunal administratif d’Ankara contre la décision de la commission et de l’institution ou organisation concernée dans un délai de soixante jours à compter de la date de notification de la décision. La commission note à cet égard que dans son rapport supplémentaire, le gouvernement indique que six tribunaux administratifs d’Ankara ont été désignés pour traiter les demandes d’annulation.
La commission note encore que dans son rapport supplémentaire, le gouvernement réitère qu’outre ses sept membres, la commission emploie 250 personnes au total, dont 80 juges, experts et inspecteurs faisant office de rapporteurs. Une infrastructure de traitement des données du processus de demande de recours a été établie et les informations relatives aux demandes émanant de 20 institutions et organismes y sont enregistrées. Le gouvernement indique par ailleurs qu’en tout 490 000 dossiers, y compris des dossiers du personnel, des dossiers judiciaires et des anciennes demandes, ont été classés, enregistrés et archivés.
Le gouvernement indique que 131 922 mesures ont été prises en vertu de décrets promulgués pendant l’état d’urgence, y compris le licenciement de 125 678 personnes. Au 2 octobre 2020, la commission s’était prononcée sur 110 250 demandes sur 126 200 reçues;16 050 demandes étaient encore en instance. Parmi les 110 250 demandes pour lesquelles une décision a été rendue, 12 680 ont été acceptées et ont donné lieu à une réintégration, alors que 97 750 ont été rejetées.
La commission rappelle que le gouvernement avait précédemment indiqué qu’il n’existait pas de données statistiques sur le nombre de représentants syndicaux concernés et le nombre de requêtes devant les tribunaux.
La commission rappelle que l’article 1 de la convention prescrit la protection effective des représentants des travailleurs contre un licenciement qui serait motivé par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, leur affiliation syndicale, ou leur participation à des activités syndicales, pour autant qu’ils agissent conformément aux lois, conventions collectives ou autres arrangements conventionnels en vigueur. Elle rappelle en outre qu’à cet égard elle avait demandé au gouvernement de veiller à ce que les représentants des travailleurs licenciés n’aient pas à assumer seuls la charge de prouver que les licenciements étaient de nature discriminatoire. Tout en prenant note des informations actualisées fournies par le gouvernement à cet égard, la commission le prie de nouveau de fournir des informations supplémentaires sur le traitement des cas dans lesquels les représentants des travailleurs affirment devant la commission d’enquête ou le Tribunal administratif qu’ils ont fait l’objet d’un licenciement motivé par leur activité ou leur affiliation syndicale. Elle note avec regret qu’aucune information statistique n’est disponible sur le nombre de représentants syndicaux touchés et le nombre de demandes soumises par eux devant la justice et souligne que ces informations sont essentielles pour qu’elle puisse évaluer si la protection des représentants de travailleurs conférée par la convention est effectivement garantie. Prenant note des informations détaillées et actualisées fournies par le gouvernement concernant le système de traitement des données mis en place aux fins de la commission d’enquête, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que le système permette de fournir des informations sur le nombre de représentants syndicaux touchés. Elle le prie de nouveau de fournir ces informations et d’indiquer, en particulier, le nombre de représentants syndicaux réintégrés à la suite de la décision de la commission d’enquête et le nombre de recours en révision déposés auprès des tribunaux administratifs, ainsi que l’issue de ces recours.
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