ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

R100 - Recommandation (no 100) sur la protection des travailleurs migrants (pays insuffisamment développés), 1955

Afficher en : Anglais - Espagnol - arabe - allemand - russe

Préambule

La Conférence générale de l'Organisation internationale du Travail,

Convoquée à Genève par le Conseil d'administration du Bureau international du Travail, et s'y étant réunie le 1 juin 1955, en sa trente-huitième session;

Après avoir décidé d'adopter diverses propositions relatives à la protection des travailleurs migrants dans les pays et territoires insuffisamment développés, question qui constitue le cinquième point à l'ordre du jour de la session;

Après avoir décidé que ces propositions prendraient la forme d'une recommandation,

adopte, ce vingt-deuxième jour de juin neuf cent cinquante-cinq, la recommandation ci-après, qui sera dénommée Recommandation sur la protection des travailleurs migrants (pays insuffisamment développés), 1955.

I. Définition et Champ D'Application

  1. 1. La présente recommandation s'applique:
    • (a) aux pays et territoires dans lesquels se poursuit, à partir d'une économie de subsistance, une évolution vers des formes plus avancées de l'économie, fondées sur le salariat et entraînant un développement sporadique et dispersé de centres industriels et agricoles, et où cette évolution provoque des mouvements migratoires appréciables de travailleurs et parfois des membres de leurs familles;
    • (b) aux pays et territoires à travers lesquels passent ces mouvements migratoires de travailleurs aussi bien à l'aller que, le cas échéant, au retour, lorsque, considérées dans leur ensemble, les mesures déjà prises dans ces pays et territoires accordent aux personnes intéressées, au cours de leurs voyages, une protection moindre que celle que prévoit la présente recommandation;
    • (c) aux pays et territoires de destination de ces mouvements migratoires de travailleurs, lorsque, considérées dans leur ensemble, les mesures déjà prises dans ces pays et territoires accordent aux personnes intéressées, au cours de leurs voyages ou de leur emploi, une protection moindre que celle que prévoit la présente recommandation.
  2. 2. Aux fins de la présente recommandation, le terme travailleur migrant désigne tout travailleur participant à ces mouvements migratoires, soit qu'il se déplace à l'intérieur des pays et territoires décrits à l'alinéa a)du paragraphe 1 ci-dessus, soit qu'il en provienne et se déplace dans, ou à travers, les pays et territoires décrits aux alinéas b)et c)dudit paragraphe 1. Ce terme s'applique aussi bien au travailleur qui a commencé à remplir un emploi qu'au travailleur en quête d'emploi et au travailleur qui va occuper un emploi convenu, qu'il ait accepté ou non une offre d'emploi ou un contrat de travail. Dans les cas où cela est possible, le terme travailleur migrant s'applique aussi à tout travailleur à l'occasion de son voyage de retour temporaire ou définitif, que ce voyage ait lieu en cours ou en fin d'emploi.
  3. 3. Aucune disposition de la présente recommandation ne devrait être interprétée comme donnant à une personne quelconque le droit d'entrer ou de rester dans un pays ou territoire, si ce n'est conformément aux lois sur l'immigration ou autres lois de ce pays ou territoire.
  4. 4. Les dispositions de cette recommandation sont applicables sans préjudice des dispositions ou des pratiques existant en vertu des lois, des coutumes ou des accords qui assurent aux travailleurs migrants des conditions plus favorables que celles que prévoit la présente recommandation.
  5. 5. Toute discrimination appliquée au détriment des travailleurs migrants devrait être supprimée.

II. Protection des Travailleurs Migrants et des Membres de leurs Familles au Cours de leurs Voyages aller et Retour et Préalablement à la Période de leur Emploi

  1. 6.
    • (1) Des mesures devraient être prises, soit par voie de lois ou règlements locaux ou nationaux, soit par voie d'accord entre gouvernements, soit par toute autre voie, en vue d'assurer la protection des travailleurs migrants et de leurs familles durant leurs voyages entre leur lieu de départ et le lieu de leur emploi, dans l'intérêt des migrants eux-mêmes aussi bien que dans l'intérêt des pays ou régions d'où ils viennent, où ils se déplacent ou dans lesquels ils se rendent.
    • (2) Ces mesures devraient comprendre:
  • (a) la mise à la disposition des travailleurs migrants et de leurs familles, lorsque cela est matériellement possible, de moyens de transport mécanisés, y compris des services publics de transport de voyageurs;
  • (b) l'installation à des étapes appropriées, le long du trajet, de camps de repos où le logement, la nourriture, l'eau et les premiers soins médicaux indispensables pourraient être fournis.
  1. 7. Toutes dispositions devraient être prises pour permettre aux travailleurs migrants de voyager dans des conditions convenables:
    • (a) soit en prévoyant, dans la réglementation relative au recrutement et au contrat de travail, l'obligation pour le recruteur -- ou, à son défaut, pour l'employeur -- de supporter les frais de voyage des travailleurs recrutés ou engagés et, le cas échéant, de leurs familles;
    • (b) soit, en ce qui concerne les travailleurs qui se déplacent sans avoir encore conclu de contrat ou accepté une offre d'emploi déterminée, en prenant des dispositions en vue de réduire les frais de voyage au minimum.
  2. 8.
    • (1) Des mesures devraient être prises pour assurer aux travailleurs migrants un examen médical gratuit à leur départ ou au commencement de l'emploi aussi bien qu'en fin d'emploi.
    • (2) Dans le cas où le personnel trop restreint des services médicaux de certaines régions ne permettrait absolument pas de faire passer à tous les travailleurs migrants ce double examen, une priorité pour les examens médicaux devrait être accordée aux travailleurs migrants:
  • (a) qui viennent de régions où règnent des maladies contagieuses ou endémiques;
  • (b) qui acceptent ou qui ont occupé un emploi comportant des risques physiques particuliers;
  • (c) qui se déplacent conformément à un plan déterminé de recrutement ou d'engagement.
  1. 9.
    • (1) Si, après consultation des organisations d'employeurs et de travailleurs là où elles existent les unes et les autres, l'autorité compétente estime qu'une période d'acclimatation est nécessaire dans l'intérêt de la santé des travailleurs migrants, elle devrait prendre des mesures pour faire bénéficier ces travailleurs, et particulièrement ceux d'entre eux qui sont recrutés ou liés par contrat, immédiatement avant leur emploi, de ladite période d'acclimatation.
    • (2) Pour se prononcer sur la nécessité d'une période d'acclimatation, l'autorité compétente devrait prendre en considération le climat, l'altitude et les différentes conditions de vie dans lesquelles le travailleur migrant peut être appelé à travailler. Lorsqu'elle considère qu'une période d'acclimatation est nécessaire, elle devrait en fixer la durée suivant les conditions locales.
    • (3) Au cours de la période d'acclimatation, l'employeur devrait assurer à ses frais et de façon adéquate l'entretien des travailleurs migrants et des membres de leurs familles autorisés à les accompagner.
  2. 10. Des mesures devraient être prises en vue d'assurer aux travailleurs migrants et, le cas échéant, à leurs familles, pendant une période de temps à déterminer par l'autorité compétente, après consultation des organisations d'employeurs et de travailleurs là où elles existent les unes et les autres, le droit de rapatriement dans les circonstances suivantes:
    • (a) lorsque le travailleur migrant a été recruté ou a été envoyé au lieu de l'engagement, soit par le recruteur, soit par l'employeur, le rapatriement devrait s'effectuer au lieu où il a été engagé ou d'où il a été déplacé en vue de son engagement, et aux frais du recruteur ou de l'employeur, dans tous les cas où:
      • (i) le travailleur se trouve frappé d'incapacité, soit par maladie, soit par accident, au cours de son voyage jusqu'au lieu de l'emploi;
      • (ii) le travailleur est déclaré inapte au travail à la suite d'un examen médical;
      • (iii) le travailleur ne se trouve pas engagé, après avoir été déplacé en vue de son engagement, pour une cause dont il n'est pas responsable;
      • (iv) l'autorité compétente constate que le travailleur a été engagé, ou déplacé en vue de son engagement, par fraude ou par erreur;
    • (b) lorsque le travailleur migrant a passé un contrat de travail et a été amené au lieu de l'emploi par l'employeur ou par toute autre personne agissant au nom de celui-ci, son rapatriement et celui des membres de sa famille amenés dans les mêmes conditions devraient s'effectuer au lieu d'engagement ou au lieu d'où il a été déplacé en vue de son engagement, et aux frais de l'employeur, dans tous les cas où:
      • (i) la période de service stipulée au contrat a expiré;
      • (ii) le contrat est résilié en raison de l'impossibilité dans laquelle se trouve l'employeur de l'exécuter;
      • (iii) le contrat est résilié en raison de l'impossibilité dans laquelle se trouve le travailleur de l'exécuter pour cause de maladie ou d'accident;
      • (iv) le contrat est résilié par accord des parties;
      • (v) le contrat est résilié sur la requête d'une partie, sauf décision contraire de l'autorité compétente.
  3. 11. L'autorité compétente devrait examiner avec bienveillance si, et dans quelles conditions, les travailleurs migrants ou les membres de leurs familles qui n'ont pas été amenés au lieu de l'emploi par l'employeur ou toute autre personne agissant en son nom devraient avoir droit au rapatriement.
  4. 12. En cas de décès du travailleur migrant, les membres de sa famille devraient avoir le droit d'être rapatriés au lieu d'engagement du travailleur ou au lieu d'où il a été déplacé en vue de son engagement, aux frais du recruteur ou de l'employeur selon le cas, ce droit devant s'exercer au cours d'une période de temps à déterminer par l'autorité compétente, après consultation des organisations d'employeurs et de travailleurs là où elles existent les unes et les autres:
    • (a) lorsque les intéressés avaient été autorisés à accompagner le travailleur au lieu de l'emploi:
      • (i) soit si le décès est survenu au cours du voyage jusqu'au lieu de l'emploi;
      • (ii) soit si le travailleur décédé avait passé un contrat de travail avec l'employeur;
    • (b) dans d'autres cas, dans les circonstances déterminées par l'autorité compétente, en application du paragraphe 11 ci-dessus.
  5. 13.
    • (1) Les travailleurs migrants devraient être libres de renoncer à l'exercice de leur droit au rapatriement aux frais de l'employeur, cette renonciation devant intervenir au cours d'une période de temps et sous une forme à déterminer par l'autorité compétente, après consultation des organisations d'employeurs et de travailleurs là où elles existent les unes et les autres, et ne devenant définitive qu'à la fin de cette période.
    • (2) Les travailleurs migrants devraient aussi être libres de différer l'exercice de leur droit au rapatriement pendant une période de temps à fixer par l'autorité compétente.
  6. 14. Dans le cas où des contrats de travail types à conclure entre travailleurs migrants et employeurs sont établis par le gouvernement ou les gouvernements intéressés ou par délégation de ceux-ci, des représentants des employeurs et des travailleurs intéressés, y compris des représentants de leurs organisations respectives s'il en existe, devraient, chaque fois que cela est possible, être consultés au sujet des dispositions desdits contrats.
  7. 15.
    • (1) Des mesures devraient être prises pour assurer le placement judicieux des travailleurs migrants.
    • (2) Ces mesures devraient comporter la création, partout où cela semblerait approprié, d'un service public de l'emploi, qui devrait:
  • (a) se composer d'un bureau central fonctionnant pour l'ensemble du pays ou territoire et de bureaux locaux, situés dans les régions d'où les travailleurs ont coutume d'émigrer et dans les centres d'emploi, de façon à permettre de réunir des informations concernant les possibilités d'emploi et de diffuser régulièrement lesdites informations dans les régions d'où la main-d'oeuvre afflue généralement vers ces centres;
  • (b) établir et maintenir en vigueur des arrangements avec les services de l'emploi d'autres pays ou territoires vers lesquels émigrent généralement les travailleurs d'une région donnée, de façon à réunir des informations sur les possibilités d'emploi qui y prévalent;
  • (c) fournir, partout où cela est possible, des moyens d'orientation professionnelle et prendre des mesures de nature à déterminer l'aptitude générale des travailleurs à certains emplois;
  • (d) chercher, partout où cela sera possible, à obtenir les avis et la collaboration des organisations d'employeurs et de travailleurs pour l'organisation et le fonctionnement de ce service.

III. Mesures Destinées à Décourager les Mouvements Migratoires considérés comme Indésirables pour les Travailleurs Migrants et les Collectivités et Pays Dont ils Sont Originaires

  1. 16. La politique générale devrait être de décourager les migrations de travailleurs, lorsqu'elles sont considérées comme indésirables pour les travailleurs migrants et les collectivités et pays dont ils sont originaires, par des mesures destinées à améliorer les conditions d'existence et à élever les niveaux de vie dans les régions d'où partent normalement les migrations.
  2. 17. Les mesures à prendre pour assurer l'application de la politique décrite au paragraphe précédent devraient comprendre:
    • (a) dans les régions d'émigration, l'adoption de programmes de développement économique et de formation professionnelle permettant une utilisation plus complète de la main-d'oeuvre et des ressources naturelles disponibles, et en particulier l'adoption de toutes les mesures susceptibles de créer de nouveaux emplois et de nouvelles sources de revenus pour les travailleurs qui seraient normalement portés à émigrer;
    • (b) dans les régions d'immigration, l'utilisation plus rationnelle de la main-d'oeuvre et l'accroissement de la productivité par une meilleure organisation du travail, par une meilleure formation des travailleurs, par le développement de la mécanisation ou par d'autres mesures, suivant les besoins justifiés par les circonstances locales;
    • (c) la limitation du recrutement dans les régions où le départ de travailleurs pourrait avoir des effets néfastes sur l'organisation sociale et économique et sur la santé, le bien-être et le développement de la population intéressée.
  3. 18. Les gouvernements des pays ou territoires d'origine et de destination des travailleurs migrants devraient s'efforcer d'assurer une réduction progressive des migrations de travailleurs lorsqu'elles sont considérées comme indésirables pour les travailleurs migrants et les collectivités et pays dont ils sont originaires et qu'elles n'ont pas été soumises à un contrôle ou n'ont pas paru contrôlables. Aussi longtemps que les causes économiques de ces migrations non contrôlées persistent, les gouvernements intéressés devraient s'efforcer d'exercer un contrôle approprié, dans la mesure où une telle politique paraît possible et opportune, tant sur les migrations volontaires que sur le recrutement organisé. Cette réduction et ce contrôle pourraient être obtenus par des mesures qui seraient prises sur un plan régional ou local et au moyen d'accords bilatéraux.
  4. 19. Aussi longtemps que se poursuivent des migrations n'ayant pas fait l'objet d'une réglementation, les gouvernements intéressés devraient, dans toute la mesure possible, s'efforcer d'assurer aux travailleurs qui émigrent dans ces conditions la protection prévue par la présente recommandation.

IV. Protection des Travailleurs Migrants au Cours de la Période D'Emploi

A. Politique générale
  1. 20. Tout devrait être tenté pour assurer aux travailleurs migrants des conditions de vie et de travail aussi favorables que celles qui sont assurées par la loi ou la pratique aux autres travailleurs engagés dans les mêmes emplois, et pour leur assurer, comme à ces derniers, les normes de protection définies dans les paragraphes suivants de la présente recommandation.
B. Logement
  1. 21. Les mesures à prendre pour assurer le logement des travailleurs migrants devraient comprendre des dispositions destinées à permettre la fourniture auxdits travailleurs, soit à la charge de l'employeur, soit par l'octroi d'une aide financière appropriée, soit par tout autre moyen, d'un logement conforme à des normes approuvées et moyennant un loyer raisonnable par rapport au salaire des diverses catégories de travailleurs.
  2. 22. L'autorité compétente devrait être chargée d'assurer des conditions de logement satisfaisantes aux travailleurs migrants. Elle devrait en outre définir les normes minima de logement et exercer un contrôle strict sur l'application de ces normes. L'autorité compétente devrait définir aussi les droits des travailleurs qui peuvent avoir à évacuer leur logement en quittant leur emploi, et devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le respect de ces droits.
C. Salaires
  1. 23.
  2. (1) Des mesures devraient être prises en vue de la fixation des salaires des travailleurs migrants.
  3. (2) Ces mesures devraient comprendre:
    • (a) l'adoption d'une échelle des taux minima de salaire, y compris toutes allocations, établie de telle façon que le taux le plus bas permette à un travailleur migrant, engagé pour un travail ne réclamant aucune qualification, de gagner un salaire répondant en tout cas à ses besoins minima selon les normes en vigueur dans la région, compte tenu des charges familiales normales;
    • (b) la fixation périodique de taux minima de salaire:
      • (i) soit par voie de conventions collectives librement négociées entre les organisations représentatives des travailleurs intéressés et les employeurs ou organisations d'employeurs intéressés;
      • (ii) soit par l'autorité compétente selon le principe exposé à l'alinéa a)ci-dessus, lorsqu'il n'existe pas de méthodes adéquates de fixation des taux minima de salaire par voie de conventions collectives.
  1. 24. L'autorité compétente devrait, lorsque cette mesure paraît opportune, prendre en considération, pour la fixation des salaires, les résultats disponibles de toute enquête budgétaire effectuée sur la consommation familiale dans la région intéressée, étant entendu que les enquêtes de ce genre devraient être conduites avec la collaboration des organisations représentatives des employeurs et des travailleurs.
  2. 25. Des représentants des organisations d'employeurs et de travailleurs là où elles existent, et, dans le cas contraire, des représentants des travailleurs et des employeurs intéressés, devraient collaborer, en nombre égal et sur pied d'égalité, à l'application de méthodes réglementaires de fixation des taux minima de salaire.
  3. 26. Les taux minima de salaire en vigueur devraient être communiqués aux employeurs et travailleurs intéressés. Dans le cas où ils ont été fixés conformément à l'alinéa b), ii), du sous-paragraphe (2) du paragraphe 23, ils devraient être obligatoires pour les uns et les autres et ne pas pouvoir être abaissés par voie d'accord entre eux sans le consentement exprès de l'autorité compétente.
  4. 27. Les employeurs devraient être tenus d'établir des registres indiquant pour chaque travailleur les paiements de salaires ainsi que les retenues sur les salaires qui auraient été effectués. Les montants des salaires et des retenues devraient être communiqués aux travailleurs intéressés.
  5. 28. Les retenues sur les salaires ne devraient être autorisées que dans les conditions et limites prescrites par la législation nationale ou fixées par une convention collective ou une sentence arbitrale.
  6. 29. Les salaires devraient normalement être payés directement à chaque travailleur, en monnaie ayant cours légal.
  7. 30. Les salaires devraient être payés régulièrement et à des intervalles qui permettent de réduire au minimum les risques d'endettement par les salariés, à moins qu'il n'y ait une coutume locale s'y opposant et que l'autorité compétente ne se soit assurée, par une consultation des représentants des travailleurs ou de leurs organisations représentatives, du désir des travailleurs de maintenir cette coutume.
  8. 31. Le remplacement partiel ou total des salaires par de l'alcool ou des produits nuisibles à la santé devrait être interdit.
  9. 32. Le paiement du salaire dans un débit de boissons ou dans un magasin de vente devrait être interdit, si ce n'est aux travailleurs employés dans ces établissements.
  10. 33. Les employeurs devraient être tenus de limiter à une faible partie de la rémunération mensuelle du travailleur les avances faites à celui-ci.
  11. 34. Toute avance faite en plus du montant fixé par l'autorité compétente devrait être légalement irrécouvrable par compensation sur des paiements dus aux travailleurs à une date ultérieure, ou de toute autre façon. Aucun intérêt ne devrait être perçu sur les avances.
  12. 35. Tout travailleur auquel les taux minima sont applicables et qui, depuis leur entrée en vigueur, a reçu des salaires inférieurs à ces taux devrait avoir le droit de recouvrer, par voie judiciaire ou par d'autres voies autorisées par la loi, le montant de la somme qui lui reste due, dans le délai qui pourra être fixé par la législation.
  13. 36. Lorsque la nourriture, le logement, les vêtements et d'autres fournitures et services essentiels constituent un élément de la rémunération, l'autorité compétente devrait prendre, avec la collaboration des organisations représentatives des employeurs et des travailleurs, toutes mesures possibles pour faire en sorte qu'ils soient adéquats, que leur valeur en espèces soit exactement calculée et que le salaire en nature ne dépasse pas en valeur une certaine proportion, à fixer par l'autorité compétente, du salaire de base calculé en espèces.
D. Accès sans discrimination aux emplois qualifiés
  1. 37. Le principe qui consiste à accorder des chances égales à toutes les parties de la population, y compris les travailleurs migrants, devrait être accepté.
  2. 38. Sous réserve de l'application des lois nationales d'immigration et des lois particulières à l'emploi des étrangers dans les fonctions publiques, toutes les barrières qui empêcheraient ou limiteraient, en raison de l'origine nationale, de la race, de la couleur, de la croyance, de l'appartenance à un groupement traditionnel ou de l'affiliation syndicale, l'accès d'une partie de la population, y compris les travailleurs migrants, à certains types de travaux ou d'emplois, devraient être considérées comme contraires à l'ordre public et le principe de leur abolition devrait être accepté.
  3. 39. Des mesures immédiates devraient être prises pour assurer de façon pratique l'application des principes énoncés aux paragraphes 37 et 38 de la présente recommandation et pour favoriser une participation croissante des catégories de travailleurs les moins favorisés à l'accomplissement de travaux qualifiés.
  4. 40. Ces mesures devraient comprendre notamment:
    • (a) l'adoption, dans tous les pays et territoires, de dispositions permettant à tous les travailleurs d'accéder, sur un pied d'égalité, à la formation technique et professionnelle, et l'octroi, à tous les travailleurs, de possibilités égales d'accès aux emplois prévus dans les entreprises industrielles nouvellement créées;
    • (b) la création, dans les pays ou territoires où des classes distinctes appartenant à des origines ou à des races différentes se sont déjà établies à demeure, de facilités permettant aux travailleurs appartenant à la classe la moins favorisée d'accéder à des emplois semi-qualifiés et qualifiés;
    • (c) l'octroi à tous les travailleurs qualifiés, dans les pays ou territoires où des classes distinctes appartenant à des origines ou à des races différentes ne se sont pas établies à demeure, de possibilités égales d'accès à tous les travaux exigeant une qualification.
E. Activités syndicales
  1. 41. Il conviendrait de reconnaître aux travailleurs migrants le droit d'association et le droit de se livrer librement à toutes les activités syndicales non contraires aux lois dans les centres où ils travaillent, et toutes mesures possibles devraient être prises pour assurer aux organisations syndicales représentant les travailleurs intéressés le droit de conclure des conventions collectives avec des employeurs ou avec des organisations d'employeurs.
F. Approvisionnement en biens de consommation
  1. 42.
    • (1) Des mesures devraient être prises pour que les travailleurs migrants et leurs familles puissent se procurer des biens de consommation, et notamment des denrées alimentaires et des produits de première nécessité, à des prix raisonnables et en quantités suffisantes.
    • (2) Des terrains de culture devraient, si possible, être mis à la disposition des travailleurs migrants, soit par l'employeur, soit par l'autorité compétente.
  2. 43. Dans les cas où la création d'organisations coopératives se révèle utile, des mesures devraient être prises pour assurer leur développement; ces mesures devraient comprendre:
    • (a) la création, si possible, d'élevages, de viviers et de jardins maraîchers organisés sur une base coopérative;
    • (b) la création de magasins de détail gérés par des coopératives de travailleurs;
    • (c) une aide gouvernementale pour former les membres des coopératives, contrôler leur administration et orienter leurs activités.
  3. 44.
    • (1) Dans les cas où des magasins seraient attachés aux entreprises, seuls des paiements au comptant devraient y être acceptés.
    • (2) Si les circonstances locales ne permettent pas encore l'application de la disposition mentionnée ci-dessus, les ouvertures de crédit aux travailleurs migrants devraient être limitées à une proportion du salaire à fixer par l'autorité compétente et faites pour une durée déterminée aussi brève que possible. La compensation en travail et la perception d'un intérêt sur le montant du crédit ouvert devraient être interdites.
    • (3) Aucune contrainte ne devrait être exercée sur les travailleurs migrants pour qu'ils fassent usage de ces magasins.
    • (4) Lorsqu'il n'est pas possible d'accéder à d'autres magasins, l'autorité compétente devrait prendre des mesures appropriées tendant à obtenir que les marchandises soient vendues à des prix justes et raisonnables et que les magasins établis par l'employeur soient exploités non dans le but d'en retirer un bénéfice, mais dans l'intérêt des travailleurs intéressés.
G. Sécurité sociale -- Sécurité et hygiène du travail
  1. 45. Les dispositions à prendre en faveur des travailleurs migrants devraient en tout cas comprendre en premier lieu des mesures appropriées, sans discrimination fondée sur la nationalité, la race ou la religion, relatives à la prévention et à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, aux soins médicaux pour les travailleurs et leurs familles et à l'hygiène du travail.
  2. 46. Ces mesures devraient comprendre:
    • (a) une surveillance médicale selon les possibilités locales au moyen de visites périodiques en cours d'emploi et en cas de maladie;
    • (b) les premiers soins, le traitement médical gratuit et les facilités d'hospitalisation, conformément à des normes à prescrire par l'autorité compétente;
    • (c) des méthodes de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles;
    • (d) une assistance appropriée en cas d'accidents du travail ou de maladies professionnelles;
    • (e) la protection de la santé des travailleurs migrants et la prévention des accidents sur les lieux de travail;
    • (f) l'adoption de dispositions pour notifier les accidents du travail et en rechercher les causes;
    • (g) l'obligation faite aux employeurs d'attirer, par des affiches, des causeries au personnel ou tout autre moyen, l'attention des travailleurs migrants sur toute particularité dangereuse ou malsaine de leur travail;
    • (h) une formation ou une instruction spéciale ou supplémentaire à donner aux travailleurs migrants au sujet de la prévention des accidents et des risques susceptibles de compromettre la santé des travailleurs sur les lieux de travail, lorsque, par suite de l'ignorance des procédés où se trouvent ces travailleurs, de difficultés de langage ou d'autres raisons, la formation ou l'instruction normalement donnée aux autres travailleurs employés dans le pays ou le territoire s'avère inappropriée;
    • (i) des dispositions en vue de la collaboration entre employeurs et travailleurs permettant de promouvoir des mesures de sécurité;
    • (j) des mesures particulières de protection sanitaire et sociale en faveur de la femme et des enfants du travailleur migrant vivant avec lui.
  3. 47. Dans les cas où les travailleurs migrants ne sont pas en mesure de bénéficier du même traitement que les autres travailleurs en ce qui concerne la protection contre les risques d'invalidité, de vieillesse et de décès, et pour autant que de telles mesures paraissent possibles et opportunes, des mesures devraient être prises pour l'institution, en collaboration avec les travailleurs, de sociétés de secours mutuels et de caisses de prévoyance dans les entreprises, de façon à pourvoir aux besoins des travailleurs migrants en cas d'invalidité, de vieillesse et de décès, ces mesures devant être considérées comme ouvrant la voie à une organisation plus générale sur le plan local, régional ou territorial.
H. Rapports entre les travailleurs migrants et leurs régions d'origine
  1. 48. Des mesures devraient être prises pour que les travailleurs migrants puissent maintenir un contact avec leurs familles et leurs régions d'origine; ces mesures devraient comprendre:
    • (a) l'octroi des facilités nécessaires pour permettre l'envoi volontaire de fonds aux membres de la famille du travailleur migrant demeurés dans sa région d'origine ou ailleurs et pour assurer, avec l'accord du travailleur, la constitution d'un pécule destiné à lui être versé en fin de contrat ou au moment où il rentrera dans ses foyers ou en toute autre circonstance déterminée en accord avec lui;
    • (b) des dispositions facilitant l'échange de correspondance entre les travailleurs migrants, leurs familles et leurs régions d'origine;
    • (c) des facilités pour permettre au travailleur migrant de remplir, à l'égard de sa collectivité d'origine, les obligations coutumières auxquelles il désirerait se conformer.
I. Bien-être matériel, intellectuel et moral des travailleurs migrants
  1. 49. Des mesures devraient être prises pour assurer le bien-être matériel, intellectuel et moral des travailleurs migrants, et notamment:
    • (a) des dispositions visant à encourager les formes de l'épargne résultant d'un acte spontané du travailleur;
    • (b) des dispositions visant à protéger le travailleur contre l'usure, en particulier par des mesures tendant à réduire les taux d'intérêt sur les prêts, par le contrôle des opérations des bailleurs de fonds et par l'encouragement de systèmes de prêts à des fins appropriées au moyen d'organisations coopératives de crédit ou au moyen d'institutions placées sous le contrôle de l'autorité compétente;
    • (c) l'affectation aux régions d'immigration, dans tous les cas où cela est possible, d'agents chargés du bien-être des travailleurs migrants, au courant des dialectes et des coutumes de ceux-ci, et ayant pour mission de faciliter l'adaptation des travailleurs et de leurs familles à leur nouveau mode de vie;
    • (d) des dispositions assurant aux enfants des travailleurs migrants des facilités d'instruction;
    • (e) des facilités données aux travailleurs migrants pour leur permettre de satisfaire leurs aspirations intellectuelles et religieuses.

V. Stabilisation des Travailleurs Migrants

  1. 50. A l'exception des cas où l'établissement permanent des travailleurs migrants est manifestement contraire à l'intérêt desdits travailleurs et de leurs familles ou de l'économie des pays ou territoires intéressés, la politique générale devrait être de rechercher la stabilisation des travailleurs et de leurs familles, dans les centres d'emploi ou à proximité de ceux-ci, par toutes mesures appropriées et, notamment, par celles qui sont indiquées dans la partie IV de la présente recommandation, ainsi qu'aux paragraphes 51, 52 et 53 ci-dessous.
  2. 51. Comme le prévoit le paragraphe 3 de la présente recommandation, aucune disposition de celle-ci ne devrait être interprétée comme donnant à une personne quelconque le droit d'entrer ou de rester dans un pays ou territoire, si ce n'est conformément aux lois sur l'immigration ou autres lois de ce pays ou territoire. Toutefois, lorsque cette pratique n'est pas opposée à la politique du pays intéressé, l'autorité compétente devrait envisager la possibilité d'accorder aux travailleurs migrants qui résident depuis une période de cinq ans au minimum dans le pays où ils ont émigré toutes facilités pour acquérir la nationalité du pays d'immigration.
  3. 52.
    • (1) Dans le cas où l'établissement durable de travailleurs sur le lieu de l'emploi ou à proximité de celui-ci se révèle possible, des mesures devraient être prises pour favoriser leur installation permanente.
    • (2) Ces mesures devraient comprendre:
  • (a) l'encouragement donné au recrutement des travailleurs migrants accompagnés de leurs familles;
  • (b) l'octroi, dans les cas où cette mesure paraît possible et opportune, de facilités permettant l'établissement, au lieu de l'emploi ou à proximité de celui-ci, d'organisations collectives appropriées;
  • (c) la mise à la disposition des travailleurs de logements conformes à des normes approuvées, et à des prix appropriés, de façon à encourager l'installation permanente des familles;
  • (d) la mise à la disposition des travailleurs migrants, lorsque cette mesure paraît possible et opportune, d'une superficie de terres suffisante pour la production de denrées alimentaires;
  • (e) la création, en l'absence d'une assistance mieux appropriée et lorsque cette mesure paraît possible et opportune, de villages ou agglomérations de travailleurs migrants retraités, en des lieux où ils puissent contribuer à assurer leur propre subsistance.

VI. Application de la Recommandation

  1. 53. L'autorité compétente devrait prendre des dispositions pour assurer le contrôle, par les services administratifs appropriés, avec la collaboration des organisations d'employeurs et de travailleurs là où elles existent les unes et les autres, de l'application des mesures concernant la protection des travailleurs migrants énoncées dans la présente recommandation.
  2. 54. En particulier, dans les cas où les travailleurs migrants ne sont pas familiarisés avec les conditions d'emploi, la langue, les coutumes et la monnaie en usage dans la région de l'emploi, les services administratifs appropriés devraient veiller à ce que les formalités relatives à la conclusion des contrats de travail soient observées de telle manière qu'il soit certain que chaque travailleur ait bien compris les conditions de son emploi, les clauses de son contrat et les délais relatifs au taux et au paiement du salaire, et qu'il ait librement accepté, et en toute connaissance de cause, ces diverses conditions.
  3. 55. Tout Membre de l'Organisation internationale du Travail devrait faire rapport au Bureau international du Travail à des périodes appropriées, selon ce que décidera le Conseil d'administration, sur l'état de la législation et de la pratique dans les pays et territoires pour lesquels il est l'autorité responsable des questions faisant l'objet de la présente recommandation. Ces rapports devraient préciser dans quelle mesure il a été donné suite ou il est envisagé de donner suite à toutes dispositions de la recommandation, en indiquant les modifications de ces dispositions qui ont semblé ou pourraient sembler nécessaires pour en permettre l'adoption ou l'application.
  4. 56. Tout Membre de l'Organisation internationale du Travail de qui relève un territoire non métropolitain devrait prendre toutes mesures utiles rentrant dans sa compétence pour assurer l'application effective dans ce territoire des normes minima énoncées dans la présente recommandation, et notamment soumettre celle-ci à l'autorité ou aux autorités ayant compétence pour rendre effectives, dans ce territoire, lesdites normes minima.

Key Information

Recommandation concernant la protection des travailleurs migrants dans les pays et territoires insuffisamment développés

Adoption: Genève, 38ème session CIT (22 juin 1955) - Statut: Instrument à statut intérimaire.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer