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Rapport définitif - Rapport No. 407, Juin 2024

Cas no 3442 (Pakistan) - Date de la plainte: 17-AOÛT -22 - Clos

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Allégations: Les organisations plaignantes dénoncent la violation des droits syndicaux et des droits de négociation collective du syndicat Awami Labour Union et de ses membres à la centrale hydroélectrique de Karot

  1. 312. La plainte figure dans une communication en date du 17 août 2022 de l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB), de la Fédération des travailleurs pakistanais (PWF) et de la Fédération des travailleurs du bâtiment et du bois du Pakistan (PFBWW). La PFBWW a envoyé un complément d’information dans une communication en date du 12 avril 2024.
  2. 313. Le gouvernement a transmis ses observations dans des communications en date du 16 janvier et du 22 avril 2024.
  3. 314. Le Pakistan a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 315. Dans une communication en date du 17 août 2022, l’IBB, la PWF et la PFBWW indiquent que les travailleurs employés à la centrale hydroélectrique de Karot, dans le district de Rawalpindi (province du Pendjab) luttent depuis cinq ans pour pouvoir exercer leurs droits syndicaux. La centrale hydroélectrique de Karot est un projet financé par la Société financière internationale (SFI), le Fonds de la Route de la soie, l’Export Import Bank of China et la China Development Bank. La construction a été achevée en 2022 et la centrale a commencé à produire de l’électricité. Selon les organisations plaignantes, les travailleurs ont créé l’Awami Labour Union (ALU) en mai 2017 en réaction aux nombreuses violations du droit du travail commises pendant la construction, notamment l’absence de contrats de travail valides, le non paiement des heures supplémentaires et des violations des règles concernant la sécurité et la santé au travail. Toutefois, le bureau d’enregistrement du ministère du Travail n’a enregistré l’ALU qu’un an plus tard, après y avoir été contraint en mai 2018 par le tribunal du travail de Rawalpindi. Les organisations plaignantes allèguent que malgré les multiples tentatives de l’ALU d’engager le dialogue avec la direction de l’entreprise à propos des violations du droit du travail, il a fallu que la SFI intervienne pour que des réunions soient organisées. Les choses ont évolué positivement concernant certaines des plaintes du syndicat, mais les droits syndicaux ont continué d’être violés. Par exemple, les dirigeants syndicaux avaient du mal à accéder au chantier, ce qui empêchait le syndicat d’être présent sur le lieu de travail et de communiquer avec ses membres, 200 membres du syndicat ont été licenciés sans motif (lorsque la direction du projet hydroélectrique de Karot a licencié plus de 2 400 travailleurs, en décembre 2021, pendant la pandémie de COVID 19, prétextant «licencier les travailleurs non essentiels», sans payer ni les indemnités de licenciement ni les congés payés dus, en violation flagrante du droit du travail du Pendjab) et l’employeur a interféré dans les activités syndicales en soutenant la création d’un syndicat parallèle, dominé par la direction.
  2. 316. En ce qui concerne l’enregistrement de l’ALU, les organisations plaignantes précisent que, dans sa décision du 29 mai 2018, le tribunal du travail de Rawalpindi a estimé que le bureau d’enregistrement du ministère du Travail violait le droit du travail en refusant d’enregistrer le syndicat. Le tribunal a jugé que les motifs du bureau d’enregistrement – à savoir que l’ALU ne pouvait pas être enregistré à Rawalpindi parce que le projet hydroélectrique de Karot et les membres du syndicat relevaient de plusieurs districts – étaient contraires à la loi du Pendjab sur les relations professionnelles (PIRA). Il a en outre estimé que l’ALU satisfaisait à toutes les conditions d’enregistrement et que rien dans la PIRA n’interdisait au bureau d’enregistrement du ministère du Travail d’enregistrer le syndicat pour une simple question de compétence. Le tribunal a ainsi indiqué que la loi n’exigeait pas que l’on s’intéresse au lieu de résidence permanente des membres du syndicat lors de l’enregistrement de celui ci et que cet élément n’était pas du tout pertinent dans ce contexte. Il a aussi indiqué que la création d’un syndicat constituait un droit fondamental des travailleurs qui devait leur permettre de défendre leurs droits légitimes et dont ils ne pouvaient pas être privés pour une question de compétence; les requérants ne pouvaient pas se voir refuser l’enregistrement de leur syndicat, droit fondamental garanti par la Constitution de la République islamique du Pakistan. Comme suite au jugement, le 9 juin 2018, le bureau d’enregistrement a officiellement enregistré l’ALU comme syndicat au sein de la China Three Gorges Corporation Karot Power Company Private Limited (KPCL) (ci après «l’entreprise»). L’ALU s’est affilié à la PFBWW.
  3. 317. Selon les organisations plaignantes, après l’enregistrement, l’entreprise a violé à plusieurs reprises la législation du travail et les normes internationales du travail. Les membres et les dirigeants de l’ALU ont été pris pour cible et harcelés; ils ont été menacés de licenciement et des dossiers ont été fabriqués contre eux aux fins d’actions en justice. Six mois après l’enregistrement, les travailleurs n’étaient toujours pas autorisés à mener des activités syndicales sur le chantier, ni même dans les zones résidentielles. Ni les secrétaires généraux ni les présidents de l’ALU et de la PFBWW n’étaient autorisés à se rendre sur le chantier pour rencontrer les membres du syndicat, mener des activités syndicales légitimes ou rencontrer la direction pour discuter des doléances.
  4. 318. La PFBWW, par l’intermédiaire de l’IBB, a prié la SFI d’intervenir pour contraindre l’entreprise de s’entretenir avec l’ALU des violations du droit du travail. Après la médiation de la SFI, l’entreprise, l’ALU et la PWF ont tenu plusieurs réunions. À l’une d’elles, en mars 2019, l’entreprise a ignoré le cahier de revendications et a exigé de l’ALU qu’il présente la liste approuvée de ses responsables et une liste complète de ses membres. Les représentants de l’ALU ont répondu que tous les noms et documents avaient été fournis au ministère du Travail et que le bureau d’enregistrement des syndicats avait déjà informé officiellement l’entreprise, en lui transmettant le certificat d’enregistrement légal et la liste des responsables syndicaux. L’ALU a aussi répondu qu’il ne fournirait aucune information supplémentaire puisque l’entreprise avait menacé certains de ses membres pour les pousser à se désaffilier, ce que la loi considère comme une pratique déloyale en matière de travail. Selon les organisations plaignantes, l’entreprise a affirmé qu’elle ne négocierait pas à propos des revendications des travailleurs tant que ces listes ne lui seraient pas fournies et a mis un terme à la réunion sans conclusion. Les organisations plaignantes dénoncent le fait que l’entreprise ait eu l’intention d’utiliser le syndicat pour obtenir des informations qui lui auraient permis d’identifier les travailleurs syndiqués et de les prendre pour cible.
  5. 319. Les organisations plaignantes signalent que d’autres réunions entre les représentants de l’entreprise, de l’ALU et de la PWF ont amené progressivement des changements, mais que des droits syndicaux fondamentaux ont continué d’être violés. En particulier, elles allèguent que les représentants de l’ALU et de la PFBWW ne pouvaient entrer librement sur le chantier et que la forte présence militaire y créait un climat d’intimidation. Si une réunion était organisée, il fallait des heures avant qu’elle puisse commencer en raison de la longueur et de la lourdeur des protocoles de sécurité. Cette difficulté d’accès aux membres du syndicat et aux travailleurs persistait deux ans plus tard, puisque le président de l’ALU devait toujours demander une autorisation deux jours au préalable avant même de pouvoir pénétrer sur le chantier. Ce refus d’accès au lieu de travail de l’entreprise pour les dirigeants et les organisateurs syndicaux, tout comme les lourdes mesures de sécurité et les obligations de notification préalable constituent de graves violations de la liberté syndicale. Dans sa communication la plus récente, d’avril 2024, la PFBWW dit s’efforcer d’entretenir, par l’intermédiaire de l’ALU, des contacts réguliers avec les travailleurs de la centrale hydroélectrique de Karot, le président de l’ALU et d’autres responsables syndicaux travaillant toujours sur le site.
  6. 320. En outre, les organisations plaignantes allèguent de graves ingérences de la part de l’entreprise. Deux ans après sa création et plus d’un an après son enregistrement officiel, lorsqu’il a réaffirmé qu’il avait besoin de poursuivre la négociation collective avec l’entreprise, l’ALU a été informé de la création d’un nouveau syndicat, le Social Hydro Labour Union (SHLU), qui avait été enregistré seulement une semaine après l’envoi de ses documents au bureau d’enregistrement des syndicats. L’ALU affirme qu’aucun travailleur du chantier ne connaissait cet autre syndicat. La rapidité de l’enregistrement du SHLU et de sa reconnaissance par l’entreprise a conduit l’ALU à douter sérieusement de l’indépendance et de la légitimité de ce syndicat. En conséquence, l’ALU a envoyé en décembre 2019 une lettre au bureau d’enregistrement des syndicats dans laquelle il remettait en question la légitimité du SHLU et demandait sa radiation. Les organisations plaignantes affirment en outre que l’entreprise a organisé directement des réunions entre des responsables de la SFI et du SHLU lors d’une enquête menée par la SFI au Pakistan en avril 2022, notamment concernant l’utilisation de ressources de l’entreprise au profit du SHLU. Elles déplorent que l’entreprise n’ait rien fait de tel pour le syndicat en place (l’ALU, affilié à la PFBWW). Selon elles, le fait que l’entreprise ait facilité l’accès du SHLU et les échanges entre celui ci, le personnel et les enquêteurs de la SFI, sans inviter l’ALU, est un bel exemple de favoritisme.
  7. 321. Les organisations plaignantes dénoncent également la violation par le gouvernement du droit de négociation collective. Elles rappellent que l’ALU a soumis aux autorités les documents nécessaires pour prouver qu’il satisfaisait au seuil requis pour être l’agent de négociation des travailleurs de l’entreprise: il avait prouvé qu’il comptait 1 272 membres, un chiffre largement supérieur au seuil imposé par la loi pour être considéré comme l’agent de négociation collective, à savoir un tiers du nombre total des travailleurs. Dès lors, les autorités devraient obtenir de l’entreprise qu’elle reconnaisse l’ALU aux fins de la négociation collective. Toutefois, l’entreprise a refusé de reconnaître l’ALU en qualité d’agent de négociation collective et de seul syndicat présent sur le chantier à l’époque. Dans sa dernière communication, la PFBWW indique que, puisque la construction est achevée depuis 2022 et que le travail sur le site est terminé, il n’est plus nécessaire ni d’obtenir la reconnaissance en qualité d’agent de négociation collective ni d’organiser le référendum.
  8. 322. Les organisations plaignantes jugent très préoccupantes l’ingérence persistante de l’entreprise et l’absence de réaction du gouvernement s’agissant de faire respecter les droits syndicaux fondamentaux des travailleurs. Ces derniers essaient depuis cinq ans de faire respecter les droits et les protections au travail garantis par la législation du travail et par les obligations que les normes internationales du travail mettent à la charge du Pakistan. Ils ont emprunté plusieurs voies de recours, notamment les tribunaux locaux et la procédure de réclamation de la SFI, en vain. Les organisations plaignantes demandent au gouvernement de revoir et de faire appliquer sa législation du travail, de faire annuler tous les licenciements qui se révéleraient être une violation de la liberté syndicale en l’espèce et de veiller à ce que l’entreprise reconnaisse l’ALU et négocie de bonne foi avec lui. En outre, le gouvernement devrait veiller à ce que plus aucun acte d’intimidation, de harcèlement ou d’ingérence ne soit commis sur le site de l’entreprise.
  9. 323. Les organisations plaignantes estiment que, même si la phase de construction du projet hydroélectrique de Karot est achevée depuis juin 2022 et que la phase d’exploitation commerciale a commencé, les problèmes décrits persisteront puisque d’autres projets approuvés par la SFI dans la région réunissent le même employeur et les mêmes bailleurs de fonds, et que les droits syndicaux risquent donc d’être de nouveau violés. Par conséquent, le comité devrait intervenir de toute urgence en l’espèce afin d’offrir aux travailleurs un recours et d’empêcher la répétition de violations similaires sur des projets que les mêmes acteurs mèneraient à l’avenir.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 324. Dans ses communications des 16 janvier et 22 avril 2024, le gouvernement a fourni les informations ci après. Le projet de centrale hydroélectrique de Karot relève de la compétence de la direction générale de la protection des travailleurs, qui dépend du ministère du Travail et des Ressources humaines du gouvernement du Pendjab. Le bureau d’enregistrement des syndicats, qui relève de ladite direction, a fait savoir que les syndicats (l’ALU et le SHLU) n’avaient déposé au bureau de Rawalpindi aucune plainte concernant de l’ingérence, du harcèlement, l’accès au lieu de travail ou des violations de la législation nationale par la direction.
  2. 325. En ce qui concerne les allégations qui ont trait à la négociation collective, le gouvernement transmet les informations communiquées par le bureau d’enregistrement des syndicats, selon lesquelles l’ALU a été enregistré officiellement le 9 juin 2018 après avoir rempli toutes les conditions imposées par la PIRA. Les responsables de l’ALU ont demandé un certificat d’agent de négociation collective le 16 octobre 2018. Cependant, le bureau a reçu au même moment une demande d’enregistrement d’un autre syndicat, le SHLU, au sein de la même entreprise. Le SHLU a été enregistré le 30 août 2019, enregistrement qui a rendu inopérante la demande d’obtention d’un certificat d’agent de négociation collective de l’ALU. Le SHLU a demandé en 2019 l’organisation d’un scrutin secret pour déterminer quel syndicat devait être l’agent de négociation au sein de l’entreprise. La procédure de référendum s’est ouverte le 20 décembre 2019 et s’est poursuivie jusqu’au 1er août 2022. Les deux syndicats ont participé aux réunions y afférentes. Le bureau d’enregistrement avait initialement prévu que le référendum se tiendrait le 9 août 2022, mais l’entreprise a demandé qu’il soit reporté au 18 août 2022, invoquant la nécessité de préparer les documents à transmettre concernant les frais engendrés par le vote. Le report a été accepté, mais l’entreprise n’a pas communiqué les informations requises et le référendum n’a donc pas été organisé. Le bureau d’enregistrement a demandé à trois reprises aux responsables des deux syndicats et à la direction de l’entreprise, par des lettres en date du 18 août, du 1er septembre et du 31 octobre 2023, de participer aux réunions pour l’organisation du référendum et la désignation de l’agent de négociation. Cependant, ni les syndicats ni l’entreprise n’ont assisté aux réunions planifiées. Compte tenu de ce qui précède, le gouvernement estime que ni les responsables des syndicats ni la direction de l’entreprise ne tiennent à organiser un référendum à bulletin secret pour désigner l’agent de négociation collective.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 326. Le comité note que, dans le présent cas, les organisations plaignantes – à savoir l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB), la Fédération des travailleurs pakistanais (PWF) et la Fédération des travailleurs du bâtiment et du bois du Pakistan (PFBWW) – dénoncent allèguent des violations graves des droits syndicaux d’une organisation affiliée, l’Awami Labour Union (ALU), notamment les difficultés que ce syndicat a rencontrées pour se faire enregistrer avant d’obtenir un jugement à cette fin, la lourdeur des mesures de sécurité et les obligations de notification préalable qui empêchent, dans les faits, les représentants syndicaux d’accéder au lieu de travail et de communiquer avec les membres du syndicat, le harcèlement de dirigeants et de membres du syndicat, le licenciement de 200 membres du syndicat lors d’un licenciement collectif de masse sans motif et des actes d’ingérence de la part de l’employeur.
  2. 327. Dans leurs communications en date du 17 août 2022 et du 12 avril 2024, l’IBB, la PWF et la PFBWW indiquent allèguent que les travailleurs employés à la centrale hydroélectrique de Karot, dans le district de Rawalpindi (province du Pendjab) luttent ont lutté depuis 2017 pour pouvoir exercer leurs droits syndicaux. Le comité note l’allégation selon laquelle les travailleurs ont formé l’ALU en mai 2017, pendant la construction, en réaction à de nombreuses violations du droit du travail, notamment l’absence de contrats de travail valides, le non paiement des heures supplémentaires et des violations des règles concernant la sécurité et la santé au travail. Toutefois, le bureau d’enregistrement du ministère du Travail n’a enregistré l’ALU qu’un an plus tard, après y avoir été contraint en mai 2018 par le tribunal du travail de Rawalpindi. Le comité note l’indication selon laquelle, dans sa décision, le tribunal du travail de Rawalpindi a estimé que le bureau d’enregistrement des syndicats violait la loi du Pendjab sur les relations professionnelles (PIRA) en refusant d’enregistrer l’ALU. Il note aussi que, comme suite au jugement, le bureau d’enregistrement a officiellement enregistré l’ALU le 9 juin 2018. Tout en croyant comprendre que la procédure d’enregistrement de l’ALU a été conforme aux dispositions de la PIRA (article 9) concernant le recours aux tribunaux du travail après le refus d’enregistrement d’un syndicat par l’administration, le recours ayant finalement abouti à l’enregistrement en bonne et due forme du syndicat, le comité regrette qu’il ait fallu aussi longtemps pour enregistrer le syndicat, ce qui a probablement eu comme conséquence que les représentants ont eu plus de mal, pendant un an, à mener leurs activités pour défendre les intérêts de leurs membres.
  3. 328. Le comité note les allégations selon lesquelles, après l’enregistrement, l’entreprise a violé à plusieurs reprises la législation du travail et les normes internationales du travail concernant l’exercice des droits syndicaux. En particulier, il note avec préoccupation l’allégation selon laquelle les membres et les dirigeants de l’ALU ont été pris pour cible et harcelés; ils auraient été menacés de licenciement et des dossiers auraient été fabriqués contre eux aux fins d’actions en justice. Il note que l’IBB et la PFBWW ont déposé une plainte auprès du Bureau du conseiller médiateur pour la conformité de la Société financière internationale (SFI) concernant l’application par l’entreprise de la norme de performance 2 de la SFI sur la main d’œuvre et les conditions de travail (jointe à la présente plainte), dans laquelle elles dénonçaient le licenciement collectif massif de 2 410 travailleurs, dont 200 membres du syndicat, en décembre 2021, sans motif. Le comité note les allégations selon lesquelles ces 2 410 travailleurs auraient été contraints de quitter le chantier et d’emporter tous leurs effets personnels, sans recevoir aucune information sur l’avenir du projet. Ce licenciement a eu lieu pendant la pandémie de COVID 19, prétendument sous le prétexte du licenciement des travailleurs non essentiels. La plupart des travailleurs concernés travaillaient déjà depuis deux ou trois ans pour l’entreprise et n’ont reçu ni leurs indemnités de licenciement ni les autres sommes qui leur étaient dues, en violation flagrante du droit du travail du Pendjab. Le comité rappelle qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur des allégations relatives aux plans de restructuration, même lorsque ceux ci engendrent des licenciements collectifs, à moins qu’ils n’aient donné lieu à des actes de discrimination ou d’ingérence antisyndicale. Toutefois, il rappelle également que l’application des programmes de réduction de personnel ne doit pas être utilisée pour procéder à des actes de discrimination antisyndicale. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1112 et 1114.] Le comité observe que les informations fournies par les organisations plaignantes ne font pas ressortir d’allégation spécifique de discrimination antisyndicale lors du licenciement collectif de masse qui a touché plus de 2 400 travailleurs du projet en décembre 2021. Il n’a pas non plus été informé de recours qui auraient été formés devant les tribunaux concernant des licenciements antisyndicaux. Dans ces conditions, le comité ne poursuivra pas l’examen de cet aspect du cas.
  4. 329. Toutefois, le comité note avec préoccupation l’allégation selon laquelle six mois après l’enregistrement, les travailleurs n’étaient toujours pas autorisés à mener des activités syndicales sur le chantier, ni même dans les zones résidentielles. En particulier, les représentants de l’ALU et de la PFBWW allèguent qu’ils ne pouvaient entrer librement sur le chantier et que la forte présence militaire y créait un climat d’intimidation. Si une réunion était organisée, il fallait prétendument des heures avant qu’elle puisse commencer en raison de la longueur et de la lourdeur des protocoles de sécurité. Le comité note également l’indication selon laquelle, après le lancement de la phase d’exploitation commerciale de la centrale en juin 2022, la PFBWW et l’ALU s’efforçaient toujours d’entretenir des contacts réguliers avec les travailleurs de la centrale hydroélectrique de Karot, le président de l’ALU et d’autres responsables syndicaux travaillant toujours sur le site. Dans le même temps, le comité observe que l’ALU ne cherche plus à obtenir le statut d’agent de négociation collective dans l’entreprise, étant donné que les travaux de construction ont pris fin en 2022.
  5. 330. À cet égard, leLe comité rappelle que les représentants des travailleurs devraient avoir accès à tous les lieux de travail dans l’entreprise lorsque leur accès à ces lieux est nécessaire pour leur permettre de remplir leurs fonctions de représentation. En outre, les représentants syndicaux qui ne sont pas employés eux mêmes dans une entreprise, mais dont le syndicat compte des membres dans le personnel de celle ci, devraient avoir accès à celle ci. L’octroi de telles facilités ne devrait pas entraver le fonctionnement efficace de l’entreprise intéressée. Le cas échéant, les organisations syndicales et l’employeur pourraient conclure des accords de manière à ce que l’accès au lieu de travail durant les heures de travail ou en dehors de celles ci soit reconnu aux organisations sans porter préjudice au fonctionnement de l’établissement ou du service. [Voir Compilation, paragr. 1591, 1593 et 1599.] Dès lors, le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que l’accès des représentants de l’ALU et de la PFBWW au site soit facilité, en tenant compte des protocoles de sécurité qui peuvent se révéler nécessaires en raison du caractère stratégique des installations et de la nécessité de préserver leur bon fonctionnement. À l'avenir, Lele comité prie s’attend à ce que le gouvernement d’encourager le dialogue entre la direction et les syndicats concernés de sorte qu’ils conviennent des modalités d’accès au lieu de travail, durant les heures de travail et en dehors de celles ci afin de faciliter l’accès des représentants en tenant compte des protocoles de sécurité qui peuvent se révéler nécessaires en raison du caractère stratégique des installations et de la nécessité de préserver leur bon fonctionnement.
  6. 331. Le comité note l’allégation selon laquelle, malgré de multiples tentatives après son enregistrement, l’ALU n’a pas pu engager le dialogue avec la direction de l’entreprise à propos de ses revendications. La PFBWW, par l’intermédiaire de l’IBB, a prié la SFI d’intervenir pour contraindre l’entreprise de s’entretenir avec l’ALU des violations du droit du travail; après la médiation de la SFI, l’entreprise, l’ALU et la PWF ont tenu plusieurs réunions. L’entreprise aurait refusé d’aborder la moindre question avant que l’ALU lui présente la liste de ses responsables et une liste complète de ses membres. Cependant, les représentants de l’ALU ont refusé de fournir des informations sur les membres du syndicat et ont dénoncé le fait que l’entreprise avait apparemment l’intention, par cette demande, d’identifier les travailleurs syndiqués et de les prendre pour cible. À cet égard, le comité rappelle que les noms des affiliés, fournis afin d’enregistrer un syndicat, devraient avoir un caractère confidentiel afin d’éviter de possibles actes de discrimination antisyndicale. [Voir Compilation, paragr. 434.]
  7. 332. En outre, le comité note que les organisations plaignantes allèguent d’autres actes d’ingérence graves de la part de l’entreprise. Deux ans après sa création et plus d’un an après son enregistrement officiel, l’ALU a été informé de la création d’un nouveau syndicat, le Social Hydro Labour Union (SHLU), qui avait été enregistré seulement une semaine après l’envoi de ses documents au bureau d’enregistrement des syndicats. L’ALU affirme qu’aucun travailleur du chantier ne connaissait cet autre syndicat. La rapidité de l’enregistrement du SHLU et de sa reconnaissance par l’entreprise a conduit l’ALU à douter sérieusement de l’indépendance et de la légitimité de ce syndicat. L’ALU a envoyé en décembre 2019 une lettre au bureau d’enregistrement dans laquelle il remettait en question la légitimité du SHLU et demandait sa radiation. Les organisations plaignantes affirment en outre que l’entreprise a organisé directement des réunions entre des responsables de la SFI et du SHLU lors d’une enquête menée par la SFI au Pakistan en avril 2022 et rappellent qu’elle n’a rien fait de tel pour le syndicat en place (l’ALU, affilié à la PFBWW). Selon elles, le fait que l’entreprise ait facilité l’accès du SHLU et les échanges entre celui ci, le personnel et les enquêteurs de la SFI, sans inviter l’ALU, est un bel exemple de favoritisme. Le comité rappelle que le fait d’étendre l’invitation de participer aux réunions avec la direction de l’entreprise à une organisation et pas à l’autre peut être un moyen officieux de manifester du favoritisme à l’égard d’une organisation et d’influencer ainsi l’adhésion des travailleurs au syndicat. [Voir Compilation, paragr. 1204.]
  8. 333. Le comité note également les allégations selon lesquelles l’ALU a soumis en 2018 aux autorités les documents nécessaires pour prouver qu’il satisfaisait au seuil requis pour être l’agent de négociation des travailleurs de l’entreprise: il avait prouvé qu’il comptait 1 272 membres (sur 3 000 travailleurs), un chiffre largement supérieur au seuil imposé par la loi, à savoir un tiers du nombre total des travailleurs. Les organisations plaignantes dénoncent l’incapacité des autorités à obtenir de l’entreprise qu’elle reconnaisse l’ALU aux fins de la négociation collective malgré ces chiffres à l’époque où celui ci était le seul syndicat du site.
  9. 334. Le comité note que le gouvernement indique que les responsables de l’ALU ont demandé un certificat d’agent de négociation collective le 16 octobre 2018. Cependant, le bureau d’enregistrement des syndicats a reçu au même moment une demande d’enregistrement du SHLU au sein de l’entreprise. L’enregistrement du SHLU, le 30 août 2019, a rendu inopérante la demande d’obtention d’un certificat d’agent de négociation collective de l’ALU. En outre, la demande du SHLU d’organiser un scrutin secret pour désigner l’agent de négociation collective a donné lieu à une procédure de référendum qui s’est ouverte le 20 décembre 2019 et s’est poursuivie jusqu’au 1er août 2022; les deux syndicats ont participé aux réunions y afférentes. Selon le gouvernement, le bureau d’enregistrement avait initialement prévu que le référendum se tiendrait le 9 août 2022, mais l’entreprise a demandé qu’il soit reporté au 18 août 2022, invoquant la nécessité de préparer les documents à transmettre concernant les frais engendrés par le vote. Le report a été accepté, mais l’entreprise n’a pas communiqué les informations requises et le référendum n’a donc pas été organisé. Le comité observe que pendant ce long processus, selon les informations fournies par les organisations plaignantes et non contestées par le gouvernement, l’entreprise a procédé à un licenciement collectif de masse de plus de deux tiers des 3 000 travailleurs du projet (en décembre 2021), avant de lancer la phase d’exploitation commerciale du site (en juin 2022) avec une main d’œuvre fortement réduite.
  10. 335. Selon le gouvernement, le bureau d’enregistrement des syndicats a demandé à trois reprises aux responsables des deux syndicats et à la direction de l’entreprise, par des lettres en date du 18 août, du 1er septembre et du 31 octobre 2023, de participer à des réunions pour l’organisation du référendum et la désignation de l’agent de négociation collective; cependant, ni les syndicats ni l’entreprise n’ont assisté aux réunions planifiées. Le gouvernement affirme que, compte tenu de ce qui précède, ni les responsables des syndicats ni la direction de l’entreprise ne tiennent à organiser un référendum à bulletin secret pour désigner l’agent de négociation collective. Dans sa communication d’avril 2024, la PFBWW explique que, puisque la construction est achevée depuis 2022, il n’est plus nécessaire ni d’obtenir la reconnaissance en qualité d’agent de négociation collective ni d’organiser le référendum.
  11. 336. Le comité doit noter avec regret que la procédure de désignation de l’agent de négociation collective a été anormalement longue en l’espèce et est finalement devenue sans objet sans jamais avoir abouti. Il note également avec regret que cela a empêché les membres du syndicat et les travailleurs du chantier de bénéficier de négociations collectives sur leurs conditions d’emploi et de travail. Le comité observe en outre que l’ALU ne cherche plus à obtenir le statut d’agent de négociation collective au sein de l’entreprise étant donné que la construction est achevée depuis 2022. Dans ces circonstances, rappelant les délais prévus par la PIRA pour la désignation d’un agent de négociation collective par scrutin secret (l’article 24, paragr. 2 et 3, dispose que, à la demande d’un syndicat, le bureau d’enregistrement doit organiser le scrutin secret dans les quinze jours, ou dans les trente jours en ce qui concerne les grands établissements), le comité attend du gouvernement qu’il veille au plein respect de ces délais à l’avenir pour les demandes de désignation de l’agent de négociation collective dans toute entreprise.
  12. 337. Le comité prend bonne note de l’argument des organisations plaignantes selon lequel les droits syndicaux pourraient de nouveau être violés dans d’autres projets qui seront menés dans la région avec le même employeur et les mêmes bailleurs de fonds, à moins que le comité n’intervienne en l’espèce afin d’offrir aux travailleurs un recours et d’empêcher la répétition de violations similaires sur des projets que les mêmes acteurs mèneraient à l’avenir. Compte tenu des considérations ci dessus, le comité attire l’attention du gouvernement sur la nécessité de veiller à ce que les droits syndicaux soient pleinement respectés dans toute entreprise similaire à l’avenir.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 338. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que l’accès des représentants de l’Awami Labour Union (ALU) et de la Fédération des travailleurs du bâtiment et du bois du Pakistan (PFBWW) au site soit facilité, en tenant compte des protocoles de sécurité qui peuvent se révéler nécessaires en raison du caractère stratégique des installations et de la nécessité de préserver leur bon fonctionnement. Le comité prie le gouvernement d’encourager le dialogue entre la direction et les syndicats concernés de sorte qu’ils conviennent des modalités d’accès au lieu de travail durant les heures de travail et en dehors de celles ci.
    • b) Rappelant les délais prévus par la loi du Pendjab sur les relations professionnelles pour la désignation d’un agent de négociation collective par scrutin secret, le comité attend du gouvernement qu’il veille au plein respect de ces délais à l’avenir pour l’enregistrement d’un syndicat et les demandes de désignation de l’agent de négociation collective dans toute entreprise.
    • c) Compte tenu des conclusions ci dessus, le comité attire l’attention du gouvernement sur la nécessité de veiller à ce que les droits syndicaux soient pleinement respectés dans toute entreprise similaire à l’avenir.
    • d) Le comité considère que ce cas n’appelle pas un examen plus approfondi et qu’il est clos.
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