Allégations: Les organisations plaignantes dénoncent, d’une part, le refus
d’enregistrement d’une organisation syndicale de travailleurs des bananeraies regroupant les
travailleurs de plusieurs entreprises du secteur et, d’autre part, la perpétration d’actes
antisyndicaux visant à empêcher la constitution d’un syndicat d’entreprise dans le même
secteur
- 189. Le comité a examiné ce cas (présenté en mai 2015) pour la dernière
fois à sa réunion d’octobre 2019 et à cette occasion il a présenté un rapport
intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 391e rapport, approuvé par le Conseil
d’administration à sa 337e session (octobre 2019), paragr. 225-252.]
- 190. L’Association syndicale des travailleurs agricoles, bananiers et
paysans (ASTAC) a présenté des allégations supplémentaires dans des communications
datées du 31 octobre 2019, du 5 janvier 2020, des 18 et 30 mai 2021, du 17 mars 2022,
ainsi que du 15 mars 2023.
- 191. Le gouvernement a fait parvenir ses réponses par des communications
datées des 4 février et 30 avril 2020, du 25 février 2022, du 30 août 2023, du
10 janvier et du 15 avril 2024.
- 192. L’Équateur a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (nº 141) sur les
organisations de travailleurs ruraux, 1975
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 193. Lors de son précédent examen du cas en octobre 2019, le comité a
formulé les recommandations suivantes [voir 391e rapport, paragr. 252]:
- a) Le
comité prie une fois de plus le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour
garantir l’enregistrement de l’Association syndicale des travailleurs agricoles,
bananiers et paysans (ASTAC) en tant qu’organisation syndicale si cette dernière
réitère sa demande d’enregistrement et pour que, dans l’intervalle, ses membres
bénéficient des garanties et protections nécessaires.
- b) En ce qui concerne
les plaintes que l’ASTAC a déposées le 8 novembre 2017 et les 8 novembre et 28 mars
2018 relatives à l’établissement de listes noires et à la perpétration d’actes
antisyndicaux, le comité prie le gouvernement de réaliser les différentes enquêtes,
transmettre des copies de leurs résultats et, si les actes antisyndicaux étaient
avérés, prendre des mesures suffisamment dissuasives pour sanctionner les
responsables.
- c) En ce qui concerne les allégations relatives à la
perpétration d’actes antisyndicaux à l’encontre des dirigeants et des membres de
l’Association des travailleurs des bananeraies 7 de Febrero et de l’ASTAC, le comité
prie le gouvernement de rencontrer les représentants des deux organisations
plaignantes pour examiner les allégations de discrimination antisyndicale dans le
secteur bananier dont il est question dans la plainte.
- d) Le comité prie
instamment le gouvernement de communiquer sans délai des informations précises sur
les allégations de menaces de mort contre M. Luis Ochoa, secrétaire général de
l’Association des travailleurs des bananeraies 7 de Febrero, et de le tenir informé
à cet égard.
- e) Le comité prie instamment le gouvernement de veiller à ce
que la plainte que le secrétaire général de l’ASTAC, M. Jorge Washington Acosta
Orellana, a déposée le 7 mars 2018 donne lieu à une enquête et à ce que le
gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires pour prévenir la répétition de
tels actes et assurer sa sécurité; le comité prie le gouvernement de le tenir
informé à cet égard.
- f) En ce qui concerne les allégations relatives au
caractère antisyndical des trois accords ministériels publiés par le ministère du
Travail (MDT-2017-0029, MDT-2018-0096 et MDT 2018-0074), le comité invite le
gouvernement à analyser les effets de la réforme sur l’exercice de la liberté
syndicale conjointement aux organisations d’employeurs et de travailleurs
concernées. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet
égard.
B. Informations supplémentaires fournies par l’organisation plaignante
B. Informations supplémentaires fournies par l’organisation plaignante- 194. Dans sa communication du 5 janvier 2020, l’organisation plaignante
allègue que: i) la demande présentée par l’Association syndicale des travailleurs
agricoles, bananiers et paysans (ASTAC) le 11 janvier 2019 pour enregistrer le syndicat
des travailleurs de «CALAJUSA» (ci-après «le syndicat de l’entreprise 1») a été rejetée
par le vice-ministre du Travail et de l’Emploi le 8 avril 2019; ii) la demande du
syndicat des travailleurs de la «Compañía Agrícola Bananeras del Ecuador» (ci-après «le
syndicat de l’entreprise 2») pour enregistrer son nouveau comité exécutif, présentée le
14 août 2018 à la Direction régionale du travail, n’a pas reçu de réponse; et
iii) contrairement à ce que prétend le gouvernement, il y a un manque de dialogue de la
part du ministère du Travail, de sorte que l’ASTAC a fait appel à la présidence de la
République, qui a ensuite saisi le ministère du Travail, ce qui a conduit le ministre du
Travail à nommer le sous secrétaire du Travail, pour y donner suite, encore que seule
une réunion de trente minutes ait eu lieu.
- 195. En outre, l’organisation plaignante réitère sa plainte précédente
selon laquelle la publication par le ministère du Travail, entre avril 2017 et mai 2018,
de trois accords ministériels concernant les modalités contractuelles applicables aux
travailleurs du secteur bananier constitue un grave recul en termes de liberté
syndicale, de droit à la négociation collective, de droit à une rémunération équitable
et de salaire minimum. L’ASTAC allègue que ces accords ont été émis sous prétexte que la
production de bananes en Équateur s’inscrit dans le cadre de l’économie populaire et
solidaire, avec des périodes spécifiques de semis et de récolte conformes aux heures
réglementaires de travail, alors que, en réalité, la production de bananes est une
activité agro-industrielle continue et intensive, dans laquelle la majorité des hectares
cultivés, où sont employés le plus grand nombre de travailleurs et où existent les pires
conditions de travail, est entre les mains d’un petit nombre de gros et de moyens
producteurs.
- 196. L’organisation plaignante allègue également des représailles à
l’encontre de deux travailleurs de l’entreprise «ORODELTI» (ci-après «l’entreprise 3»)
pour des revendications liées au droit à l’allaitement, qui ont entraîné la réduction de
la durée du travail de Mme Maritza Mendoza, membre de l’ASTAC, ainsi que l’inscription
sur liste noire et le licenciement de son mari. De même, l’organisation plaignante
allègue que l’embauche de M. Juan Mora par l’entreprise «COBONAFIN» (ci-après
«l’entreprise 4»), en tant que prestataire de services, avait pour but d’échapper aux
charges sociales et que l’utilisation de cette modalité contractuelle restreint son
droit à la liberté syndicale.
- 197. Dans ses communications du 18 mai 2021, l’organisation plaignante
informe que la Chambre d’examen de la recevabilité des réclamations du Tribunal
constitutionnel a déclaré recevable le recours extraordinaire en protection déposé le
22 juin 2020 conjointement avec le Défenseur du peuple (dans le cadre du cas
no 12-21-EP) dans lequel, entre autres motifs, sont dénoncées des entraves à la création
d’un syndicat sectoriel dans le secteur bananier.
- 198. Dans sa communication du 30 mai 2021, l’organisation plaignante
informe que, par jugement du 25 mai 2021, la Chambre pénale de la Cour provinciale de
Justice de Pichincha a ordonné au ministère du Travail: i) d’enregistrer l’ASTAC en tant
qu’organisation syndicale; ii) de réglementer l’exercice du droit à la liberté
d’organisation syndicale par branche d’activité; iii) de s’abstenir de restreindre ou de
limiter les droits liés à la liberté syndicale d’autres organisations demandant
l’enregistrement par branche d’activité, qui se trouvent dans les mêmes conditions et
circonstances que celles analysées en l’espèce; et iv) d’observer et d’appliquer
directement et immédiatement, dans ses actions et décisions, les conventions de
l’Organisation internationale du Travail (OIT) nos 87, 98, 141 et la convention (nº 110)
sur les plantations, 1958.
- 199. Dans sa communication du 17 mars 2022, l’organisation plaignante
allègue que: i) bien que le gouvernement de l’Équateur ait enregistré l’ASTAC le
11 janvier 2022 en tant que syndicat du secteur bananier à la suite de ce jugement,
cette décision a été considérée par le gouvernement comme unique et ne conduisant pas à
l’enregistrement d’autres syndicats sectoriels, ni à un changement législatif; ii) le
gouvernement a intenté, par l’intermédiaire du ministère du Travail, un recours
extraordinaire en protection en vue de désenregistrer ce jugement, ce qui non seulement
porterait préjudice à l’ASTAC, mais nierait également le droit de tous les travailleurs
qui veulent constituer un syndicat sectoriel; iii) l’absence de règles reconnaissant les
syndicats industriels représente une violation permanente du droit à la liberté
syndicale et affaiblit l’ASTAC dans la pratique, car elle entrave sérieusement sa
capacité à négocier les améliorations nécessaires des conditions de travail dans le
secteur bananier.
- 200. D’autre part, l’organisation plaignante allègue que, en ce qui
concerne les menaces de mort à l’encontre de M. Jorge Washington Acosta Orellana pour
lesquelles il avait déposé une plainte auprès des services du bureau du Procureur
général de l’État le 23 février 2018, celles-ci n’ont pas donné lieu à une enquête comme
le demande instamment le Comité de la liberté syndicale, mais c’est plutôt le contraire
qui s’est produit: i) l’intéressé a fait l’objet de nombreuses plaintes, notamment pour
diffusion de fausses informations visant à créer une panique économique, atteinte à la
vie privée et fraude fiscale, en représailles de ses actions visant à faire enregistrer
le syndicat ASTAC; et ii) le Centre pour les droits de l’homme de l’«American Bar
Association», qui a suivi la procédure dans l’affaire de fraude fiscale, a conclu qu’il
y aurait lieu de craindre que les fonctionnaires utilisent la procédure pénale engagée
contre M. Jorge Washington Acosta Orellana pour l’intimider et le réduire au silence, en
violation de son droit à un procès équitable, ainsi que de son droit à la liberté
d’association et d’expression.
- 201. Dans sa communication du 15 mars 2023, l’organisation plaignante
allègue que: i) cinq mois après l’enregistrement de l’ASTAC, le 27 juin 2022,
l’assemblée générale extraordinaire de l’organisation a eu lieu, au cours de laquelle il
a été décidé d’accepter 47 travailleurs au sein de l’organisation; ii) la demande
d’enregistrement du comité exécutif de l’ASTAC, qui avait été présentée le 28 octobre
2022, a été rejetée par la lettre officielle no MDT VTE 2022 0948 O, au motif que
l’organisation n’avait pas respecté les conditions formelles d’enregistrement, alors que
c’est le ministère du Travail lui-même qui a refusé d’adopter un règlement pour
réglementer l’exercice de la liberté syndicale des syndicats sectoriels; iii) il a donc
déposé un recours pour violation du droit à la liberté syndicale et à la liberté
d’organiser les travailleurs sans autorisation préalable; iv) bien que l’ASTAC soit
reconnue par l’État comme organisation syndicale, l’exercice de sa représentation légale
est limité, car son comité exécutif élu actuel est empêché de l’exercer; et v) la lutte
pour la liberté syndicale et la syndicalisation par branche d’activité en Équateur ne
concerne que deux organisations, l’ASTAC et le Front équatorien des travailleurs des
plateformes numériques (FRENAPP), qui se voient refuser l’enregistrement en tant que
syndicats sectoriels et le plein exercice du droit syndical, en violation flagrante du
jugement obtenu par l’ASTAC.
C. Réponse du gouvernement
C. Réponse du gouvernement- 202. Dans sa communication du 4 février 2020, en ce qui concerne les
plaintes présentées par l’ASTAC le 8 novembre 2017, les 8 novembre et 28 mars 2018 en
lien avec l’établissement de listes noires et la perpétration d’actes antisyndicaux pour
lesquelles le comité avait demandé au gouvernement de mener des enquêtes respectives, le
gouvernement indique que: i) le ministère du Travail garantit le droit à la liberté
syndicale par des inspections du travail, le traitement des plaintes des travailleurs
victimes d’actes antisyndicaux et l’application de sanctions; et ii) les Règles pour
l’éradication de la discrimination dans le monde du travail (Accord ministériel
no MDT-2017-0082) prévoient que des amendes allant de 3 à 20 rémunérations de base
unifiées sont infligées en cas d’acte de discrimination, tel que l’établissement de
listes noires.
- 203. En ce qui concerne les allégations relatives à la perpétration
d’actes antisyndicaux à l’encontre des dirigeants et des membres de l’Association des
travailleurs des bananeraies 7 de Febrero et de l’ASTAC, et la demande du comité priant
de rencontrer les représentants de ces organisations afin d’examiner ces allégations, le
gouvernement déclare qu’il a mis en œuvre le dialogue permanent en tant que politique de
l’État et que, sur cette base, il est disposé à tenir les réunions nécessaires pour
trouver des solutions aux actes de discrimination syndicale dénoncés.
- 204. Concernant la plainte pour menaces de mort présumées contre le
coordonnateur général de l’ASTAC, M. Jorge Washington Acosta Orellana, et la plainte
pour intimidation déposée par le secrétaire général de l’Association des travailleurs
des bananeraies 7 de Febrero de l’entreprise Frutas Selectas S.A. (FRUTSESA), M. Luis
Ochoa, le gouvernement déclare que le ministère du Travail a demandé aux services du
Procureur général de l’État des informations sur l’existence de telles plaintes, ainsi
que sur l’état d’avancement du processus d’enquête.
- 205. En ce qui concerne les effets antisyndicaux des trois accords
ministériels (no MDT 2017 0029 réglementant les relations de travail spéciales dans le
secteur agricole, agro-industriel et de l’élevage, no MDT 2018 0096 mettant en place un
contrat de travail spécial pour les activités à temps partiel dans le secteur agricole
et no MDT-2018-0074 établissant un contrat de travail spécial pour les activités à temps
partiel dans le secteur bananier) publiés par le ministère du Travail entre avril 2017
et mai 2018, le gouvernement indique que, dans le cadre du dialogue permanent entre les
travailleurs et les employeurs, tenu au sein du Conseil national du travail et des
salaires, une révision de ces accords sera proposée afin de se conformer à la
recommandation du comité et de renforcer et d’adapter ces dispositions aux besoins des
travailleurs.
- 206. En ce qui concerne les allégations de l’ASTAC relatives aux
obstacles à la syndicalisation dans le secteur bananier, le gouvernement indique qu’il
existe 30 syndicats de travailleurs bananiers dans le pays, ce qui exclut la possibilité
d’une syndicalisation en Équateur dans le secteur bananier, comme l’affirme
l’organisation plaignante.
- 207. Dans sa communication du 30 avril 2020, concernant l’enregistrement
du comité exécutif du syndicat de l’entreprise 2 et l’allégation de l’ASTAC selon
laquelle ce retard est dû à l’intérêt d’alléguer un défaut de conformité aux statuts de
l’organisation, un nouveau comité exécutif n’ayant pas été élu, le gouvernement fait
savoir que, après que les demandeurs se sont conformés aux observations formulées par le
ministère, le comité exécutif de l’organisation a été enregistré pour une période de
deux ans, du 18 juillet 2018 au 18 juillet 2020.
- 208. En réponse à l’allégation de l’ASTAC selon laquelle le ministère n’a
pas manifesté la volonté de dialoguer avec ses représentants, le gouvernement déclare
que, par l’intermédiaire du ministère du Travail, il s’est engagé à fournir l’attention
opportune et légale requise par les demandeurs, pour autant qu’ils respectent les
exigences et les procédures légalement établies dans les différents organismes de
réglementation en vigueur. Le gouvernement affirme que M. Jorge Washington Acosta
Orellana n’a engagé aucune autre procédure pour l’octroi de la personnalité juridique de
l’ASTAC, ni demandé une réunion avec le ministère du Travail, étant donné que le
sous-secrétaire au Travail susmentionné a cessé d’être fonctionnaire en janvier 2019, de
sorte que ni l’administration précédente ni l’administration en cours n’ont de demande
de réunion. Le gouvernement ajoute que, le cas échéant, les autorités du ministère
répondront à cette demande, comme elles le font pour les autres demandes quotidiennes de
réunion émanant des organisations syndicales et sociales du pays.
- 209. En ce qui concerne la question de l’ASTAC sur les modalités
contractuelles en vigueur dans le secteur bananier, le gouvernement déclare que le
ministère du Travail, ayant constaté que les relations de travail se développaient de
manière informelle dans le secteur bananier en raison de l’absence d’une modalité
contractuelle adaptée aux besoins et aux réalités de cette activité, a émis une modalité
contractuelle qui répond aux exigences cycliques de la production de bananes.
- 210. En ce qui concerne les allégations de représailles à l’encontre de
deux travailleurs dénoncées par l’ASTAC, le gouvernement déclare que le ministère du
Travail effectuera des inspections pour garantir le respect des droits des travailleurs
et demandera des informations tant à l’entreprise 3 pour obtenir une réponse aux
arguments présentés par les plaignants, qu’à l’entreprise 4 sur la relation
contractuelle mentionnée, étant donné que la prestation de services est une forme
contractuelle légalement établie et régie par le Code civil, et que ces informations
seront communiquées en temps opportun au Bureau.
- 211. Dans sa communication du 30 août 2023, le gouvernement indique ce
qui suit: i) le 17 juin 2021, le ministère du Travail et les services du Procureur
général de l’État ont déposé un recours extraordinaire en protection (no 1760-21-EP),
qui est toujours en cours d’examen par la Cour constitutionnelle de l’Équateur, contre
le jugement du 25 mai 2021 qui avait ordonné au ministère du Travail d’enregistrer
l’ASTAC en tant que syndicat sectoriel et de réglementer l’enregistrement des syndicats
par branche d’activité; ii) le 10 janvier 2022, conformément au jugement du 25 mai 2021,
la vice-ministre du Travail et de l’Emploi a enregistré la liste des 31 membres
constitutifs de l’ASTAC par le biais de la lettre officielle no MDT VTE 2022 0035 O, et
par le biais de l’accord ministériel no MDT-2022-001 du 11 janvier 2022 a approuvé son
statut et lui a accordé la personnalité juridique; et iii) par lettre officielle no MDT
VTE 2022 0948 O du 17 novembre 2022, le vice-ministre du Travail et de l’Emploi a refusé
l’enregistrement du comité exécutif de l’ASTAC au motif que des personnes extérieures à
l’organisation ont participé au processus d’élection.
- 212. Dans ses communications des 10 janvier et 15 avril 2024, le
gouvernement signale que, par lettre officielle no MDT-VTE-2023-1017-O du 18 décembre
2023, le vice-ministre du Travail et de l’Emploi a informé le représentant de l’ASTAC
que le comité exécutif de l’ASTAC avait été enregistré pour une période de deux ans, du
18 novembre 2023 au 18 novembre 2025.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité- 213. Le comité rappelle que, dans le présent cas, les organisations
plaignantes allèguent que, d’une part, le gouvernement fait obstacle à l’enregistrement
d’une organisation syndicale de travailleurs des bananeraies regroupant des travailleurs
de plusieurs entreprises du secteur et, d’autre part, qu’il commet des actes
antisyndicaux visant à empêcher la création de syndicats d’entreprises du même
secteur.
- 214. Le comité rappelle que, lors de ses précédents examens du cas, il
avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer
l’enregistrement de l’Association syndicale des travailleurs agricoles, bananiers et
paysans (ASTAC) en tant qu’organisation syndicale. Le comité note que l’ASTAC et le
gouvernement indiquent que: i) par un jugement du 25 mai 2021, la Chambre pénale de la
Cour provinciale de Justice de Pichincha a ordonné au ministère du Travail d’enregistrer
l’ASTAC en tant qu’organisation syndicale, de réglementer l’exercice du droit à la
liberté syndicale par branche d’activité et de s’abstenir de restreindre ou de limiter
les droits liés à la liberté syndicale d’autres organisations qui demandent
l’enregistrement par branche d’activité; ii) suite à cette décision, le ministère a
procédé à l’enregistrement de l’ASTAC le 11 janvier 2022; iii) toutefois, le
gouvernement a déclaré que cette décision n’entraînerait pas l’enregistrement d’autres
syndicats sectoriels, ni un changement législatif; et iv) ce jugement est contesté par
le ministère du Travail devant la Cour constitutionnelle. Le comité note également que
l’ASTAC maintient que l’absence de réglementation reconnaissant les syndicats
industriels représente une violation continue du droit à la liberté d’association et
affaiblit leur capacité d’action dans la pratique, car elle entrave gravement leur
capacité à négocier des améliorations des conditions de travail dans le secteur
bananier.
- 215. Le comité note avec intérêt l’enregistrement de l’ASTAC en tant
qu’organisation syndicale à la suite du jugement rendu par la Cour provinciale de
Justice de Pichincha. Le comité regrette d’observer en même temps que la législation du
pays ne permet toujours pas la constitution d’organisations syndicales de premier niveau
composées de travailleurs de différentes entreprises et que le ministère du Travail a
contesté le jugement susmentionné devant la Cour constitutionnelle. À cet égard, le
comité rappelle une fois de plus que le libre exercice du droit de constituer des
syndicats et de s’y affilier implique la libre détermination de la structure et de la
composition de ces syndicats [voir Compilation des décisions du Comité de la liberté
syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 502], et que les travailleurs devraient
pouvoir décider s’ils préfèrent former, au premier niveau, un syndicat d’entreprise ou
une autre forme de groupement à la base, tel un syndicat d’industrie ou de métier. [Voir
Compilation, paragr. 504.] Le comité rappelle également que, lors de ses précédents
examens du cas, il avait noté avec préoccupation qu’un grand nombre de travailleurs du
secteur de l’agriculture en Équateur sont non seulement dans l’impossibilité réelle de
créer des syndicats d’entreprise en raison de l’exigence d’un nombre minimum de membres
qui n’est pas adapté à la structure du secteur où prédominent de petites unités de
production, mais font aussi face à d’importantes difficultés pour dépasser cet obstacle
moyennant le regroupement de travailleurs en organisations sectorielles. Compte tenu de
ce qui précède, le comité veut croire que la procédure de contestation de la décision de
justice ordonnant l’enregistrement de l’ASTAC sera rapidement menée à son terme
conformément aux critères énoncés ci-dessus. Le comité prie le gouvernement de le tenir
informé de la décision pertinente de la Cour constitutionnelle. Rappelant qu’il a
renvoyé les aspects législatifs de ce cas à la Commission d’experts pour l’application
des conventions et recommandations, le comité veut croire égalementdemande instamment
que la législation nationale reconnaisseîtra bientôt le droit des travailleurs de former
des syndicats de premier niveau composés de travailleurs de plusieurs entreprises.
- 216. En outre, le comité note que l’ASTAC allègue que la demande
d’enregistrement de son comité exécutif soumise le 28 octobre 2022 a été refusée par le
ministère du Travail en violation du droit à la liberté syndicale. À cet égard, le
comité note que le gouvernement informe que l’enregistrement du comité exécutif de
l’ASTAC, initialement refusé en raison de la participation de personnes extérieures au
processus électoral, a finalement été accordé le 18 novembre 2023 pour une période de
deux ans. Étant donné que le comité exécutif de l’ASTAC a été enregistré, le comité ne
poursuivra pas cet aspect du cas.
- 217. Le comité note ensuite l’allégation de l’ASTAC selon laquelle le
ministère du Travail aurait refusé la demande d’enregistrement du syndicat de
l’entreprise 1. Le comité note que le gouvernement n’a pas transmis ses observations sur
cette allégation, mais que, dans le même temps, l’organisation plaignante n’a pas fourni
de détails sur cette allégation. Le comité prie donc le gouvernement et l’organisation
plaignante de fournir des informations sur le refus allégué d’enregistrer le syndicat de
l’entreprise 1.
- 218. En ce qui concerne les allégations d’établissement de listes noires
et d’actes antisyndicaux, y compris les allégations de nombreux licenciements
antisyndicaux dans un certain nombre d’entreprises du secteur au sujet desquelles le
comité avait demandé au gouvernement de mener des enquêtes, le comité prend note que le
gouvernement déclare que: i) le ministère du Travail garantit le droit à la liberté
syndicale par des inspections du travail, le traitement des plaintes des travailleurs
victimes d’actes antisyndicaux et l’application de sanctions; et ii) les Règles pour
l’éradication de la discrimination dans le monde du travail prévoient que des amendes
allant de 3 à 20 rémunérations de base unifiés sont infligées en cas d’acte de
discrimination, tel que l’établissement de listes noires. Le comité observe toutefois
que le gouvernement n’a fourni aucune information concrète sur la conduite d’enquêtes ou
d’inspections visant spécifiquement à clarifier les allégations susmentionnées. À cet
égard, le comité rappelle que la pratique consistant à établir des listes noires de
dirigeants et militants syndicaux met gravement en péril le libre exercice des droits
syndicaux, et, d’une manière générale, les gouvernements devraient prendre des mesures
sévères à l’égard de telles pratiques. [Voir Compilation, paragr. 1121.]
- 219. En outre, le comité prend note des nouvelles allégations
communiquées par l’organisation plaignante concernant des actes de représailles à
l’encontre de ses membres dans deux entreprises du secteur. À cet égard, le comité prend
note que le gouvernement informe que le ministère du Travail procédera à des inspections
pour s’assurer du respect des droits des travailleurs susmentionnés et demandera des
informations aux entreprises respectives sur ces allégations, qui seront communiquées au
Bureau en temps opportun. Au vu de ce qui précède, le comité prie le gouvernement de
fournir sans délai des informations spécifiques sur les mesures prises pour clarifier
les diverses allégations d’établissement de listes noires et d’autres actes
antisyndicaux formulées dans le cadre du présent cas. Rappelant en outre que l’ASTAC
avait déposé, en relation avec plusieurs des allégations susmentionnées, des actions en
justice et des plaintes pénales le 8 novembre 2017, le 8 novembre et le 28 mars 2018, le
comité prie le gouvernement de fournir des informations sur le règlement de celles-ci.
Enfin, à la lumière de ses précédentes recommandations et prenant note de la
disponibilité exprimée par le gouvernement à cet égard, le comité prie à nouveau
instamment le gouvernement et les organisations plaignantes de se réunir avec les
organisations plaignantes pour trouver des solutions aux allégations de discrimination
antisyndicale dans le secteur bananier soulevées dans le présent cas.
- 220. En ce qui concerne les allégations de menaces de mort et
d’intimidation qui ont donné lieu au dépôt de plaintes pénales par M. Luis Ochoa,
secrétaire général de l’Association des travailleurs des bananeraies 7 de Febrero, et
M. Jorge Washington Acosta Orellana, coordonnateur général de l’ASTAC, le comité note
que le gouvernement se contente d’indiquer qu’il a demandé aux services du bureau du
Procureur général de l’État de fournir des informations sur l’existence de ces plaintes,
ainsi que sur l’état d’avancement de la procédure d’enquête. Rappelant que «[l]’exercice
des droits syndicaux est incompatible avec tout type de violence ou de menace et [qu’]il
appartient aux autorités de diligenter une enquête dans les plus brefs délais et, le cas
échéant, de sanctionner tout acte de cette nature» [voir Compilation, paragr. 88], le
comité prie à nouveau instamment le gouvernement de communiquer sans délai des
informations spécifiques sur les mesures prises par les autorités compétentes pour
clarifier les allégations de menaces de mort proférées à l’encontre de MM. Luis Ochoa et
Jorge Washington Acosta Orellana et de le tenir informé de l’état d’avancement des
plaintes pénales déposées à cet égard.
- 221. Enfin, en ce qui concerne les effets antisyndicaux allégués des
trois accords ministériels publiés par le ministère du Travail (nos MDT-2017-0029,
MDT-2018-0096 et MDT-2018-0074) concernant les modalités contractuelles applicables aux
travailleurs des bananeraies, le comité rappelle que, lors de son précédent examen, il
avait invité le gouvernement, ainsi que les organisations d’employeurs et de
travailleurs concernées, à examiner les effets de la réforme sur l’exercice de la
liberté syndicale. Le comité note que: i) par une communication de 2020, le gouvernement
a indiqué que, dans le cadre du dialogue en cours entre les travailleurs et les
employeurs au sein du Conseil national du travail et des salaires, une révision des
accords ministériels susmentionnés serait proposée afin de se conformer à la
recommandation du comité et de renforcer et d’adapter ces dispositions aux besoins des
travailleurs; et ii) aucune autre information n’a été reçue du gouvernement à cet égard.
Au vu de ce qui précède, le comité prie le gouvernement, conjointement avec les
organisations d’employeurs et de travailleurs concernées, d’examiner les effets des
accords ministériels nos MDT 2017 0029, MDT-2018-0096 et MDT-2018-0074 sur l’exercice de
l’activité syndicale.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 222. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite
le Conseil d’administration à adopter les recommandations suivantes:
- a) Le comité
veut croire que la procédure de contestation de la décision de justice ordonnant
l’enregistrement de l’Association syndicale des travailleurs agricoles, bananiers et
paysans (ASTAC) sera rapidement menée à son terme conformément aux critères énoncés
dans les conclusions du présent cas. Le comité prie le gouvernement de le tenir
informé de la décision pertinente de la Cour constitutionnelle. Rappelant qu’il a
renvoyé les aspects législatifs de ce cas à la Commission d’experts pour
l’application des conventions et recommandations, le comité demande instamment veut
croire également que la législation nationale reconnaisseîtra bientôt le droit des
travailleurs de constituer des syndicats de premier niveau composés de travailleurs
de plusieurs entreprises.
- b) Le comité prie le gouvernement et
l’organisation plaignante de fournir des informations sur le refus allégué
d’enregistrer le syndicat de travailleurs de l’entreprise CALAJUSA (syndicat de
l’entreprise 1).
- c) Le comité prie le gouvernement de fournir sans délai des
informations spécifiques sur les mesures prises pour clarifier les diverses
allégations d’établissement de listes noires et d’autres actes antisyndicaux
soulevées dans le présent cas.
- d) Rappelant que l’ASTAC avait déposé, en
relation avec plusieurs des allégations susmentionnées, des actions en justice et
des plaintes pénales le 8 novembre 2017, et les 8 novembre et 28 mars 2018, le
comité prie le gouvernement de fournir des informations sur le règlement de
celles-ci.
- e) À la lumière de ses recommandations antérieures et prenant
note de la disponibilité exprimée par le gouvernement à cet égard, le comité prie à
nouveau instamment le gouvernement et les organisations plaignantes de se réunir
avec les organisations plaignantes pour trouver des solutions aux allégations de
discrimination antisyndicale dans le secteur bananier soulevées dans le présent
cas.
- f) Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de communiquer
sans délai des informations spécifiques sur les mesures prises par les autorités
compétentes pour clarifier les allégations de menaces de mort à l’encontre de
MM. Luis Ochoa et Jorge Washington Acosta Orellana et de le tenir informé de
l’évolution de la situation des plaintes pénales déposées à cet égard.
- g) Le
comité prie le gouvernement, conjointement avec les organisations d’employeurs et de
travailleurs concernées, d’examiner les effets des accords ministériels nos MDT 2017
0029, MDT 2018 0096 et MDT-2018-0074 sur l’exercice de l’activité
syndicale.