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Rapport intérimaire - Rapport No. 405, Mars 2024

Cas no 3203 (Bangladesh) - Date de la plainte: 24-AVR. -16 - Actif

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Allégations: L’organisation plaignante dénonce la violation systématique par le gouvernement des droits de liberté syndicale, notamment par de nombreux actes de violence antisyndicale et d’autres formes de représailles. L’organisation plaignante dénonce également le défaut de garantie du respect de la loi

  1. 189. Le comité a examiné le présent cas (soumis en avril 2016) pour la dernière fois à sa réunion de mars 2023, au cours de laquelle il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 401e rapport, paragraphes 140 à 158, approuvé par le Conseil d’administration à sa 347e session  .]
  2. 190. La Confédération syndicale internationale (CSI) a fait parvenir de nouvelles allégations dans une communication en date du 14 juillet 2023.
  3. 191. Le gouvernement présente ses observations dans des communications datées du 12 septembre 2023 et du 8 janvier 2024.
  4. 192. Le Bangladesh a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 193. À sa réunion de mars 2023, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 401e rapport, paragr. 158]:
    • a) Notant que plusieurs cas graves de licenciements antisyndicaux constatés par le gouvernement dans le présent cas n’ont donné lieu à aucune sanction ni aucune mesure corrective à l’issue de longues procédures judiciaires, le comité s’attend à ce que les dispositions prises par le gouvernement pour augmenter le nombre de tribunaux du travail et accroître leurs ressources permettent à l’avenir d’assurer rapidement et efficacement la protection des victimes contre la discrimination antisyndicale, notamment par l’imposition de sanctions pénales.
    • b) Le comité déplore qu’aucune mesure n’ait été prise pour mener une enquête judiciaire indépendante sur les graves allégations d’implication des forces de sécurité dans l’enlèvement, la torture et l’assassinat de M. Aminul Islam et prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour qu’une telle enquête soit diligentée sans délai en vue d’identifier les auteurs intellectuels de ce crime, afin que les responsables de tels actes ne restent pas impunis. Le comité veut croire que le Comité de suivi des cas du Comité de la liberté syndicale sera en mesure de veiller à ce que les mesures nécessaires soient prises pour une enquête approfondie concernant cette affaire.
    • c) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour qu’une enquête complète et indépendante soit menée sur les allégations spécifiques et graves de menaces et de violences contre des dirigeants et des membres de syndicats dans les entreprises b), d), e), f), g) et h) dans le but d’éclaircir pleinement les faits, de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et de prévenir la répétition de telles actions. Il prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
    • d) Le comité exprime à nouveau le ferme espoir qu’une décision sera prise sans autre délai dans les cas concernant l’enregistrement de deux syndicats dans l’entreprise l). Il prie le gouvernement de le tenir informé de l’état d’avancement et de l’issue de ces cas et de fournir une copie des jugements une fois qu’ils auront été rendus.
    • e) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.

B. Nouvelles allégations

B. Nouvelles allégations
  1. 194. Dans une communication en date du 14 juillet 2023, la CSI a présenté de nouvelles allégations concernant le meurtre d’un autre militant syndical, M. Shahidul Islam, organisateur syndical pour la Fédération des travailleurs du vêtement et de l’industrie du Bangladesh (BGIWF). La CSI allègue que le 25 juin 2023, M. Shahidul Islam et d’autres représentants de la BGIWF se sont rendus à l’usine Prince Jacquard Sweaters (entreprise o) de Gazipur pour régler, à la demande des travailleurs, un conflit occasionné par un retard de deux mois dans le versement des salaires et de la prime due pour la fête de l’Aïd. Les syndicalistes ont été violemment agressés par un gang à leur sortie de l’usine. Les blessures infligées à M. Shahidul Islam ont entraîné sa mort. Le décès a été constaté à l’hôpital dans la soirée.

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement
  1. 195. En ce qui concerne le meurtre de M. Shahidul Islam, le gouvernement indique que six personnes ont été accusées et cinq arrêtées dans le cadre de l’enquête de police. L’un des accusés, M. Sohel Rana, secrétaire chargé des publications de la Fédération des travailleurs du secteur du prêt-à-porter du Bangladesh (Gazipur), a avoué sa participation au crime en présence d’un magistrat compétent. Quatre autres personnes arrêtées ont également fait des aveux. À l’issue de l’enquête, la police soumettra un acte d’accusation au tribunal et le procès s’ouvrira. Le gouvernement va suivre ce cas avec la plus grande attention et fera comparaître les assassins devant la justice en respectant toutes les règles légales et les droits des personnes concernées.
  2. 196. En ce qui concerne les mesures prises pour augmenter le nombre de tribunaux du travail et en accroître les ressources afin de pouvoir à l’avenir assurer rapidement et efficacement une protection contre la discrimination antisyndicale, le gouvernement indique que six nouveaux tribunaux du travail ont été mis sur pied en 2019 et 2022 – respectivement à Sylhet, Barishal, Rangpur, Narayangonj, Gazipur et Cumilla – dans le but d’accélérer le règlement des cas en suspens. Il existe à ce jour 13 tribunaux du travail dans le pays, et d’autres vont être créés dans les districts de Mymesingh et de Cox’s Bazar. Un nouveau poste de juge au tribunal d’appel du travail a également été créé en août 2022. Trois juristes ont été nommés et chargés d’assister le ministère du Travail et de l’Emploi (MOLE) pour le traitement des questions juridiques. Au cours de l’exercice budgétaire 2022 23, les ressources allouées aux 13 tribunaux du travail et au tribunal d’appel du travail ont été augmentées. Le BIT contribue actuellement à la conception d’un système en ligne de gestion des cas qui devrait renforcer les tribunaux du travail et simplifier le déroulement des procès. Le gouvernement indique que neuf des dix cas signalés en l’espèce ont été entièrement réglés et qu’il n’en reste qu’un en suspens, à savoir celui qui concerne l’entreprise n)  . Le tribunal a mené à terme toutes les phases du procès et il ne lui reste plus qu’à rendre son jugement. Le comité de suivi des cas du Comité de la liberté syndicale a suivi ce cas et le verdict devrait être rendu prochainement. Le gouvernement affirme avoir l’intention de réduire la durée des procédures judiciaires et d’assurer une protection rapide et efficace contre la discrimination antisyndicale.
  3. 197. En ce qui concerne l’enquête demandée par le comité aux fins de l’identification des auteurs intellectuels du meurtre de M. Aminul Islam en 2012 (recommandation b)), le gouvernement indique que, conformément aux lois du Bangladesh, les juges peuvent en toute indépendance accepter ou rejeter les actes d’accusation et demander si nécessaire un complément d’enquête. La partie lésée a également le droit de formuler des objections à tout moment au cours du procès si elle estime faire l’objet d’une injustice. S’agissant du meurtre de M. Aminul Islam, l’acte d’accusation n’a pas été contesté et la famille lésée n’a pas fait appel. L’accusé a été condamné à la peine la plus lourde applicable dans le pays. Le gouvernement a suivi l’affaire avec la plus grande attention, et les services de police ont de ce fait mené une enquête en bonne et due forme. Le gouvernement affirme que l’état de droit a été constamment respecté et demande au comité de considérer que cette plainte est désormais sans objet.
  4. 198. En ce qui concerne la demande du comité (recommandation c)) relative à l’enquête sur les allégations faisant expressément état de menaces et de violences à l’encontre de dirigeants syndicaux et de membres de syndicats dans les entreprises b)  , d)  , e)  , f)  , g)  et h)  , le gouvernement rappelle avoir signalé que les cas concernant la discrimination antisyndicale dans les entreprises d), e), f) et g) ont été réglés à l’amiable et que, s’agissant du cas concernant l’entreprise b, les trois accusés ont été acquittés. Le gouvernement a également transmis une copie de la décision du tribunal concernant les licenciements antisyndicaux opérés dans l’entreprise b). En ce qui concerne l’entreprise h), le gouvernement a envoyé une copie de l’ordonnance du tribunal rejetant pour non comparution l’action intentée par la direction contre le ministère du Travail et le dirigeant syndical pour contester l’enregistrement du syndicat. De manière plus générale, le gouvernement indique qu’il tient à renforcer son système juridique et ses institutions afin de prévenir toute forme de représailles, d’intimidation ou de harcèlement à l’encontre des travailleurs.
  5. 199. En ce qui concerne la procédure judiciaire relative à l’enregistrement de deux syndicats dans l’entreprise l)  , le gouvernement indique que la Cour suprême du Bangladesh s’est prononcé le 17 novembre 2022 sur les cas concernant les deux syndicats et communique une copie du jugement. La Cour suprême a annulé le jugement et l’ordonnance du tribunal du travail et du tribunal d’appel du travail. Considérant que dans les deux cas, les requérants n’étaient pas des employés de l’entreprise l) et qu’ils avaient été mis à disposition par d’autres entreprises, la Cour suprême a exprimé son opposition définitive à l’enregistrement des deux syndicats.
  6. 200. Le gouvernement fournit enfin les indications générales suivantes: le Bangladesh a fait d’importants progrès dans le domaine de la protection des droits des travailleurs. Au cours de la dernière décennie, le pays a radicalement modifié son approche du monde du travail et déployé de vastes efforts pour assurer l’accès de tous au travail décent. De ce fait, les travailleurs sont désormais libres de participer à des activités syndicales et de protéger leurs droits conformément aux lois nationales, et les syndicalistes peuvent librement mener des activités légitimes pour faire valoir leurs droits. Sachant qu’en l’espèce dix cas sont concernés dont neuf ont été réglés, et qu’un verdict devrait être rendu prochainement au sujet du cas restant, le gouvernement espère que ce dernier pourra être clos grâce aux avancées significatives qui ont été réalisées.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 201. Le comité note que ce cas, dont le premier examen remonte à 2017, porte sur des allégations de violation de la liberté syndicale, notamment par des actes de violence, de discrimination antisyndicale et d’autres formes de représailles visant des dirigeants syndicaux et des membres de syndicats dans de nombreuses entreprises.
  2. 202. Le comité déplore le meurtre de M. Shahidul Islam, dirigeant syndical pour la Fédération des travailleurs du vêtement et de l’industrie du Banglades (BGIWF), qui aurait été battu à mort le 25 juin 2023, immédiatement après avoir quitté une réunion organisée à l’entreprise o) pour examiner les revendications formulées par les travailleurs au sujet de salaires impayés. Le comité rappelle que «la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l’homme, en particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne» et que «les faits imputables à des particuliers engagent la responsabilité des États en raison de leur obligation de diligence et d’intervention pour prévenir les violations des droits de l’homme. En conséquence, les gouvernements doivent s’efforcer de ne pas violer leurs devoirs de respect des droits et des libertés individuelles, ainsi que leur devoir de garantir le droit à la vie des syndicalistes». [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 82 et 91.]
  3. 203. Le comité note également les indications communiquées par le gouvernement en réponse à sa demande de mener une enquête pour identifier les auteurs intellectuels de l’enlèvement, de la torture et de l’assassinat de M. Aminul Islam en 2012. Le comité note avec un profond regret que le gouvernement considère que la justice a triomphé et que le cas est clos, puisqu’un accusé a été condamné à mort par contumace et que la sentence a acquis un caractère définitif, la famille de M. Aminul Islam n’ayant pas fait recours. Notant que, dans le jugement rendu au sujet de cette affaire, il est expressément indiqué qu’il y avait «d’autres complices dont les identités n’ont pas été dévoilées pour causer la mort du défunt», le comité constate que ces autres complices – ainsi que le condamné, dont on n’a jamais retrouvé la trace – ont bénéficié d’une impunité de fait, même si la police a mené une enquête et si des mesures judiciaires ont été prises. Le comité se voit obligé de noter que cette situation n’est pas de nature à prévenir la perpétration de crimes similaires.
  4. 204. Le comité note en outre l’indication du gouvernement selon laquelle les cas concernant les allégations de menaces et de violences à l’encontre de dirigeants syndicaux dans les entreprises d), e), f) et g) ont été réglés à l’amiable, ainsi que les informations indiquant que le cas concernant l’entreprise h) a été classé pour défaut de comparution et que les accusés impliqués dans le cas concernant l’entreprise b) ont été acquittés. Bien que le comité ait déjà pris note des résultats concernant les allégations de discrimination antisyndicale dans les entreprises citées [voir 401e rapport, paragraphe 147], il avait établi une distinction entre les allégations de menaces et de violence et les allégations générales de discrimination antisyndicale et, compte tenu des répercussions négatives que des actes de cette nature peuvent avoir sur l’exercice de la liberté syndicale, avait demandé que des mesures spécifiques soient prises pour y remédier. Le comité regrette que le gouvernement ne lui ait communiqué aucune information sur les mesures prises aux fins de l’examen de ces allégations spécifiques de violence.
  5. 205. Préoccupé par le fait qu’il existerait au Bangladesh des obstacles persistants qui empêchent de mener des enquêtes approfondies sur les violences antisyndicales récurrentes, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour diligenter une enquête sur les violences physiques, les menaces et les meurtres à l’encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, cela afin d’identifier et de punir les auteurs de ces actes au Bangladesh et de mettre fin aux violences antisyndicales. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations détaillées concernant les mesures prises afin d’identifier et d’éliminer les obstacles persistants qui pourraient empêcher des enquêtes approfondies sur de telles allégations. Le comité rappelle au gouvernement qu’il peut se prévaloir de l’assistance technique du Bureau.
  6. 206. En ce qui concerne spécifiquement le meurtre de M. Shahidul Islam, commis le 25 juin 2023, ainsi que la violente agression perpétrée contre d’autres syndicalistes qui l’accompagnaient, le comité, notant les informations fournies par le gouvernement sur les mesures déjà prises, le prie instamment de prendre toutes les autres mesures nécessaires afin de faire le plus rapidement possible toute la lumière sur les circonstances et les motifs de cette agression, d’en déterminer les responsabilités et punir les auteurs ainsi que les éventuels instigateurs afin d’empêcher que de tels actes ne se reproduisent. Le comité prie le gouvernement de continuer à lui communiquer des informations sur les mesures prises ainsi que sur l’évolution et l’aboutissement de cette affaire.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 207. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Préoccupé qu’il existerait au Bangladesh des obstacles persistants qui empêchent de mener des enquêtes approfondies sur les violences antisyndicales récurrentes, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour diligenter une enquête sur les violences physiques, les menaces et les meurtres à l’encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, cela afin d’identifier et de punir les auteurs de ces actes au Bangladesh et de mettre fin aux violences antisyndicales. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations détaillées concernant les mesures prises afin d’identifier et d’éliminer les obstacles persistants empêchant les enquêtes approfondies sur de telles allégations. Le comité rappelle au gouvernement qu’il peut se prévaloir de l’assistance technique du Bureau.
    • b) Déplorant le meurtre de M. Shahidul Islam, organisateur syndical pour la Fédération des travailleurs du vêtement et de l’industrie du Bangladesh, ainsi que la violente agression perpétrée le 25 juin 2023 contre d’autres syndicalistes qui l’accompagnaient, et prenant note des informations fournies par le gouvernement sur les mesures déjà prises, le comité prie instamment le gouvernement de prendre toute autre mesure nécessaire afin de faire le plus rapidement possible toute la lumière sur les circonstances et les motifs de cette agression, d’en déterminer les responsabilités et punir les auteurs et les éventuels instigateurs afin d’éviter que de tels actes ne se reproduisent. Le comité prie le gouvernement de continuer à lui communiquer des informations sur les mesures prises ainsi que sur l’évolution et l’aboutissement de cette affaire.
    • c) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.
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