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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 405, Mars 2024

Cas no 3178 (Venezuela (République bolivarienne du)) - Date de la plainte: 18-DÉC. -15 - En suivi

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Allégations: Ingérence dans la négociation collective pour imposer la négociation d’un projet présenté par un syndicat minoritaire lié au parti gouvernemental; actes de violence ayant empêché l’accès des travailleurs au lieu de travail dans le cadre d’une grève; imposition illégale de l’arbitrage obligatoire, ainsi qu’ingérence et irrégularités dans la procédure d’arbitrage, et extension illégale de la sentence arbitrale connexe; actes d’intimidation et de harcèlement contre l’entreprise, son groupe d’entreprises, son président et la FEDECAMARAS, dont menaces, harcèlement moral, atteinte à la vie privée, confiscations et détention de cadres

  1. 566. Le comité a examiné ce cas (présenté en décembre 2015) pour la dernière fois à sa réunion de mars 2017 et, à cette occasion, il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 381e rapport, approuvé par le Conseil d’administration à sa 329e session (mars 2017), paragr. 624 à 674.] 
  2. 567. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications datées des 19 août 2017 et 27 avril 2023.
  3. 568. Le comité rappelle qu’il a suspendu son examen du cas en question, à la suite de la plainte déposée contre le gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela par des délégués employeurs à la 104e session de la Conférence internationale du Travail, en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et de la décision du Conseil d’administration de nommer une commission d’enquête chargée d’examiner la non application par ce pays de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, entre autres. Le Conseil d’administration a pris note du rapport de la commission d’enquête à sa 337e session (octobre novembre 2019). Le comité observe que la commission d’enquête a indiqué dans son rapport que, compte tenu de la gravité des questions soulevées, la situation et les progrès réalisés dans l’application de ses recommandations devraient faire l’objet d’une supervision active des organes de contrôle de l’OIT concernés. Le comité constate également que plusieurs recommandations de la commission d’enquête encore en suspens concernent des questions soulevées dans le présent cas, dont l’examen pourrait maintenant être remis à l’ordre du jour. Le comité observe également que le Conseil d’administration examine à chacune de ses sessions le rapport périodique intérimaire sur tout fait nouveau concernant le forum de dialogue social visant à donner effet aux recommandations adressées par la commission d’enquête au gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 569. Lors de sa réunion de mars 2017, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 381e rapport, paragr. 674]:
    • a) Le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que, conformément aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective: i) le plein respect de la négociation collective volontaire soit garanti, et que, lorsqu’il est procédé à l’arbitrage, les procédures soient impartiales et jouissent de la confiance des parties, et que l’entreprise puisse négocier librement et volontairement avec les organisations de travailleurs représentatives; et ii) la volonté de la majorité des travailleurs de l’entreprise pour ce qui est de sa représentation dans le cadre de la négociation collective et, à cet effet, la volonté de l’organisation syndicale la plus représentative – déterminée par une vérification objective de la représentativité – soient respectées.
    • b) Exprimant sa profonde préoccupation devant la gravité des allégations présentées, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour éviter tous types d’ingérence dans les relations professionnelles entre l’entreprise et les organisations de travailleurs présentes en son sein. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • c) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de toute procédure engagée ou décision adoptée en lien avec les allégations d’actes de violence ayant empêché l’accès au lieu de travail dans le cadre d’une grève, notamment le traitement de la plainte déposée par les organisations plaignantes.
    • d) La République bolivarienne du Venezuela ayant ratifié la convention no 98, le comité soumet les aspects législatifs de ce cas à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations et prie le gouvernement de communiquer à celle ci les informations complémentaires pertinentes en ce qui concerne les allégations selon lesquelles certaines dispositions de la loi organique sur le travail, les travailleurs et les travailleuses (LOTTT) (art. 449 et 493) permettraient l’ingérence des autorités dans la négociation collective et dans la constitution des comités d’arbitrage.
    • e) Le comité prie le gouvernement de communiquer des observations précises concernant les allégations de saisie de biens du groupe d’entreprises de l’entreprise par des groupes violents, ainsi que de confiscations et d’expropriation (ou de menaces d’expropriation) et, à cette fin, invite les organisations plaignantes à fournir les renseignements complémentaires dont elles disposent, en particulier concernant toute plainte ou autre action juridique engagée à cet égard; le comité invite également les organisations plaignantes à fournir au gouvernement et au comité les informations supplémentaires dont elles disposent sur les allégations de détention et de restriction de la liberté de travailleurs exerçant des fonctions d’encadrement au sein du groupe d’entreprises de l’entreprise, en particulier sur toute plainte ou autre action juridique, et prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les résultats de toute procédure administrative ou judiciaire engagée à cet égard, plus particulièrement en ce qui concerne la prise alléguée de mesures privatives de liberté.
    • f) Le comité prie le gouvernement de communiquer ses observations en lien avec les dernières allégations des organisations plaignantes en date du 8 novembre 2016 (dont les allégations suivantes: poursuite de la campagne de diffamation et de stigmatisation; 19 nouvelles mises en détention de cadres du groupe d’entreprises; actes de persécution et de harcèlement par le biais de la présence d’agents armés du Service national bolivarien de renseignement devant les installations du groupe d’entreprises à Caracas, ainsi que devant la maison de son président).
    • g) Le comité prie le gouvernement de prendre des mesures fermes pour éviter toute déclaration ou tout autre acte de menace, harcèlement ou persécution contre le groupe d’entreprises de l’entreprise, son président et la FEDECAMARAS, et pour rétablir un climat de dialogue constructif afin de favoriser des relations professionnelles harmonieuses entre les partenaires sociaux.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 570. Dans ses communications datées des 19 mai 2017 et 27 avril 2023, le gouvernement affirme que l’exercice de la liberté syndicale et de la négociation collective est pleinement garanti dans le pays et souligne également que, depuis le dernier examen du cas, les organisations plaignantes n’ont pas envoyé de nouvelles informations. En ce qui concerne la première partie de la recommandation a) du comité demandant au gouvernement de prendre des mesures pour garantir le plein respect de la négociation collective volontaire, en veillant à ce que, lorsqu’il est procédé à l’arbitrage, ses procédures soient impartiales et jouissent de la confiance des parties et à ce que l’entreprise puisse négocier librement et volontairement avec les organisations de travailleurs représentatives, le gouvernement indique que ces garanties sont prévues à l’article 96 de la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela, qui reconnaît le droit à la négociation collective volontaire et à la conclusion de conventions collectives sans autres exigences que celles établies par la loi, ainsi qu’aux articles 431 et 493 à 496 de la LOTTT. Le gouvernement indique que ces articles de la LOTTT garantissent le plein respect de la négociation collective volontaire et assurent, si un arbitrage est nécessaire, l’impartialité de la procédure, en particulier lorsque l’arbitrage est mené par un comité d’arbitrage, sur lequel ni les parties ni l’administration n’ont d’influence, puisque ses décisions sont prises à la majorité de ses membres, qu’il dispose de larges pouvoirs d’investigation et que ses audiences sont publiques, ce qui rend ses décisions fiables pour les parties impliquées dans l’arbitrage.
  2. 571. En ce qui concerne la deuxième partie de la recommandation a) du comité demandant au gouvernement de respecter la volonté de la majorité des travailleurs de l’entreprise pour ce qui est de sa représentation dans le cadre de la négociation collective et, à cet effet, la volonté de l’organisation syndicale la plus représentative, déterminée par une vérification objective de la représentativité, le gouvernement indique que l’article 438 de la LOTTT garantit la volonté de la majorité des travailleurs en service dans l’entreprise, en prévoyant les mécanismes permettant de déterminer la qualification pour négocier une convention collective avec l’organisation syndicale la plus représentative dans l’entreprise, en établissant la manière de procéder à cette vérification, soit par le biais de la liste des travailleurs affiliés, soit par la consultation directe des travailleurs à travers l’organisation d’un référendum.
  3. 572. S’agissant de la recommandation b) concernant l’adoption des mesures nécessaires pour éviter tous types d’ingérence dans les relations professionnelles entre l’entreprise et les organisations de travailleurs présentes en son sein, le gouvernement signale que l’entreprise a volontairement négocié une convention collective avec le Syndicat unique professionnel des travailleurs de la production de bières, de sodas et de boissons alimentaires de l’État de Carabobo (SUTRABA-CARABOBO). Le gouvernement indique que cette convention collective a été homologuée le 30 novembre 2017, qu’elle est valable pour trente mois (du 1er novembre 2017 au 30 avril 2020) et qu’elle bénéficie à 880 travailleurs. Le gouvernement indique en outre qu’il n’existe aucune trace d’une demande devant l’inspection du travail selon laquelle le SUTRABA-CARABOBO aurait demandé la négociation d’une nouvelle convention collective, de sorte que les avantages de la convention collective précédente restent en vigueur (c’est à dire en vigueur au moins jusqu’en avril 2023, date à laquelle le gouvernement a fourni ces informations).
  4. 573. En ce qui concerne la recommandation d) du comité demandant au gouvernement de communiquer à la CEACR les informations complémentaires pertinentes en ce qui concerne les allégations selon lesquelles certaines dispositions de la LOTTT (articles 449 et 493) permettraient l’ingérence des autorités dans la négociation collective et dans la constitution des comités d’arbitrage, le gouvernement indique que le contenu de ces articles de la LOTTT ne peut pas être considéré comme une ingérence des autorités dans la négociation collective et dans la constitution des comités d’arbitrage, étant donné que le rôle joué par le ou la fonctionnaire du travail dans les discussions de la convention collective est celui de médiateur et de conciliateur pour l’orientation correcte des parties dans le but de parvenir à des accords qui profitent à la collectivité dans le plus court laps de temps possible. Le gouvernement souligne que le but de cet article est que le fonctionnaire contribue à la réalisation des objectifs, de sorte qu’on ne peut pas dire que son statut est obligatoire, indispensable ou qu’il interfère d’une manière ou d’une autre avec l’exercice du droit de négociation collective. Le gouvernement indique également que les parties peuvent négocier et tenir leurs réunions sans la présence du fonctionnaire du travail, et que sa participation ou le fait qu’il ne soit pas présent est facultatif et non obligatoire Le gouvernement indique que, dans les négociations entre le Syndicat unique régional des travailleurs et travailleuses du territoire central Polar (SINTRATERRICENTROPOLAR) et l’entreprise Cervecería Polar, C.A. (ci après l’entreprise), les parties ont tenu des réunions sans la présence du fonctionnaire du travail à différentes occasions entre avril et mai 2014.
  5. 574. S’agissant de la recommandation f) du comité demandant au gouvernement de communiquer ses observations en lien avec les allégations de poursuite d’une campagne de diffamation et de stigmatisation, ainsi que la mise en détention de 19 cadres du groupe d’entreprises; ainsi que d’actes de persécution et de harcèlement par le biais de la présence d’agents armés du Service national bolivarien de renseignement devant les installations du groupe d’entreprises à Caracas, ainsi que devant la maison de son président, le gouvernement affirme qu’il respecte la liberté d’expression et indique que le système juridique prévoit des préceptes et des institutions permettant aux personnes qui se sentent diffamées ou insultées de s’adresser aux autorités compétentes pour exercer et protéger leurs droits.
  6. 575. S’agissant de la recommandation g) du comité demandant au gouvernement de prendre des mesures fermes pour éviter toute déclaration ou autre acte de menace, harcèlement ou persécution contre le groupe d’entreprises, son président et la FEDECAMARAS, et pour rétablir un climat de dialogue constructif afin de favoriser des relations professionnelles harmonieuses, le gouvernement indique qu’il offre des possibilités d’échange et de dialogue social avec toutes les organisations d’employeurs et de travailleurs, y compris la FEDECAMARAS, et que ce dialogue a été mené récemment avec la participation de l’OIT. Le gouvernement affirme que, depuis 2022, le BIT fournit une assistance technique pour la tenue du «forum du dialogue social», dont trois éditions ont eu lieu et auquel participent la plupart des organisations de travailleurs et d’employeurs du monde du travail, y compris la FEDECAMARAS. Le gouvernement indique que ce qui précède montre qu’il n’est pas dans la politique du gouvernement ou de ses fonctionnaires de promouvoir une campagne visant à discréditer, stigmatiser, menacer, harceler ou persécuter un groupe ou une organisation d’entreprises. Le gouvernement informe également que la FEDECAMARAS et ses affiliés ont participé à des processus de dialogue, de concertation, à des tables rondes techniques, à des accords, à des négociations et à d’autres échanges avec différents organismes gouvernementaux, comme son inclusion dans le Conseil national de l’économie productive. Enfin, le gouvernement affirme que ces espaces de dialogue se sont développés dans une atmosphère de respect et d’harmonie, et que les propositions présentées par les différents partenaires sociaux ont fait l’objet de progrès significatifs.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 576. Le comité rappelle que la présente plainte, soumise en 2015 et examinée en 2017, concerne des allégations d’ingérence des autorités publiques dans la négociation collective volontaire (imposant à l’entreprise de négocier avec un syndicat minoritaire lié au parti gouvernemental), ainsi que des actes de violence dans le cadre de la grève; l’imposition illégale de l’arbitrage obligatoire (bien qu’aucun service essentiel n’ait été affecté), une ingérence et des irrégularités dans la procédure d’arbitrage; des actes d’intimidation, de persécution et de diffamation, de la part les autorités, du parti gouvernemental et des organisations proches de celui ci, contre l’entreprise, son groupe d’entreprises, son président et la Fédération des chambres et associations de commerce et de la production du Venezuela (FEDECAMARAS), y compris allégations de menaces, harcèlement, atteinte à la vie privée, confiscations et détention de travailleurs exerçant des fonctions d’encadrement.
  2. 577. Le comité prend note du rapport de la commission d’enquête nommée par le Conseil d’administration pour examiner les allégations de non respect par la République bolivarienne du Venezuela, entre autres conventions, de la convention no 87 adoptée le 17 septembre 2019. Il constate que de nombreuses questions en jeu dans le présent cas ont été examinées par la commission d’enquête et que celle ci a confirmé, au terme d’un examen détaillé, plusieurs des préoccupations qu’il a exprimées dans le cadre de ce cas. Prenant dûment note que la commission d’enquête a indiqué que la situation ainsi que les progrès enregistrés par rapport à ses recommandations devraient faire l’objet d’une supervision active de la part des organes de contrôle de l’OIT concernés, le comité poursuivra l’examen du présent cas à la lumière des conclusions et recommandations de la commission d’enquête.
  3. 578. Le comité observe que, dans son rapport, la commission a déclaré qu’elle «n’a pas examiné d’allégations supplémentaires dénonçant d’autres formes d’ingérence dans les relations entre employeurs et travailleurs et de pratiques antisyndicales, car elles allaient au delà de l’objet de la plainte». La commission a signalé que «plusieurs de ces allégations ont été traitées par les organes de contrôle de l’OIT, qui ont exprimé leur préoccupation au sujet de l’ingérence et des violations qu’elles impliquaient dans l’exercice de la liberté syndicale» (rapport de la commission d’enquête, paragr. 492). Le comité note que telle est la situation dans les cas no 3172 (plainte déposée par des organisations de travailleurs) et 3178 (plainte déposée par des organisations d’employeurs) qui concernent, entre autres allégations, des actes d’ingérence des autorités dans la négociation volontaire au sein d’un groupe d’entreprises. Le comité rappelle que lors de son précédent examen du présent cas, il a observé que plusieurs des allégations soulevées relatives à l’ingérence des autorités dans la négociation volontaire coïncidaient avec celles formulées dans le cadre du cas no 3172.
  4. 579. Le comité estime pertinent de rappeler que la commission d’enquête a constaté «l’existence d’un réseau institutionnel et informel complexe d’ingérence dans la liberté d’association des organisations d’employeurs et de travailleurs du pays. Cet ensemble d’institutions et de pratiques s’appuie sur une multitude d’éléments (juridiques, politiques, institutionnels, sociaux, etc.) qui sont décrits dans le rapport et dont certains témoignent de problèmes systémiques dans le fonctionnement de l’État de droit. Or le fonctionnement adéquat de l’État de droit est essentiel au respect des conventions qui font l’objet de la plainte. Il a ainsi été porté atteinte tant à l’indépendance des organisations d’employeurs et de travailleurs et à leur capacité de défendre les intérêts de leurs membres qu’à l’autonomie des relations collectives entre employeurs et travailleurs. À la lumière de ce qui précède, la commission estime que l’indépendance des organisations d’employeurs et de travailleurs a été compromise, ce qui a porté gravement atteinte aux droits que consacre la convention no 87, en particulier le droit des employeurs et des travailleurs de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier, ainsi que le droit de ces organisations d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d’action» (rapport de la commission d’enquête, paragr. 493).
  5. 580. Le comité note que le gouvernement a envoyé deux communications depuis le dernier examen du présent cas contenant certaines informations relatives aux recommandations du comité concernant les allégations d’ingérence des autorités publiques dans la négociation collective volontaire (recommandations a) et b)). Le comité note que, à cet égard, le gouvernement indique que: i) tant la Constitution de la République que les articles 431 et 493 à 496 de la loi organique sur le travail, les travailleurs et les travailleuses (LOTTT) garantissent le plein respect de la négociation collective volontaire et assurent qu’en cas de recours à l’arbitrage, la procédure se déroule de manière impartiale, puisqu’elle est menée par un comité d’arbitrage sur lequel ni les parties ni l’administration n’ont d’influence: ii) l’article 438 de la LOTTT prévoit des mécanismes pour déterminer si une convention collective peut être négociée avec l’organisation syndicale la plus représentative de l’entreprise, en établissant les modalités de cette vérification; et iii) les articles 449 et 493 de la LOTTT, qui, comme le prétendent les organisations plaignantes, permettraient l’ingérence des autorités dans la négociation collective et dans la constitution des comités d’arbitrage, ne sont pas contraires à la négociation collective libre et volontaire.
  6. 581. Tout en notant les indications du gouvernement quant aux dispositions constitutionnelles et législatives qui, selon lui, garantissent le plein respect de la négociation collective volontaire, le comité rappelle que, lors de son précédent examen du cas, il a saisi la CEACR des aspects législatifs du présent cas, en particulier de l’article 449 de la LOTTT, qui établit l’obligation qu’un fonctionnaire soit présent lors de la négociation collective (la CEACR a demandé au gouvernement d’apporter les modifications correspondantes afin d’assurer la conformité avec la convention), et de l’article 493 de la LOTTT, qui prévoit que le comité d’arbitrage pour le règlement du litige doit être composé d’un employeur, d’un travailleur et d’un représentant du gouvernement (la CEACR a demandé au gouvernement de prendre des mesures pour s’assurer que le comité d’arbitrage est composé d’une manière qui jouisse de la confiance des parties) pour les examiner dans le cadre du suivi de l’application de la convention no 98 (recommandation d)).
  7. 582. Le comité note également que, dans sa communication la plus récente, le gouvernement indique que: i) l’entreprise a volontairement négocié une convention collective avec le Syndicat unique professionnel des travailleurs de la production de bières, de sodas et de boissons alimentaires de l’État de Carabobo (SUTRABA CARABOBO); ii) cette convention collective a été homologuée le 30 novembre 2017 et est valable pour trente mois (du 1er novembre 2017 au 30 avril 2020 et bénéficie à 880 travailleurs, et iii) il n’y a aucune trace devant l’inspection du travail que le SUTRABA CARABOBO a demandé la négociation d’une nouvelle convention collective, de sorte que les avantages de la précédente restent en vigueur.
  8. 583. Le comité prend note de la conclusion de la convention collective avec le SUTRABA CARABOBO qui, comme l’ont indiqué les organisations plaignantes dans la plainte, était le syndicat le plus représentatif. Le comité rappelle que l’un des aspects examinés dans la plainte concernait le champ territorial des négociations du SUTRABA CARABOBO et l’applicabilité des conventions collectives négociées par lui (si les effets étaient limités à l’État de Carabobo ou étendus aux autres États concernés, comme cela avait été le cas dans le passé). Compte tenu du fait que le comité ne dispose d’aucune information concernant le champ d’application de la convention collective signée en novembre 2017, le comité s’attend à ce que, dans le cas où la convention collective ne s’applique qu’à l’État de Carabobo, la négociation collective dans les autres États ait eu lieu avec l’organisation de travailleurs la plus représentative et qu’une vérification objective de la représentativité soit effectuée à cette fin. Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures pour promouvoir la négociation collective volontaire dans tous les secteurs d’activité du territoire national avec les organisations les plus représentatives d’employeurs et de travailleurs. En outre, le comité rappelle une fois de plus l’importance de garantir le plein respect de la négociation collective volontaire, en veillant à ce que, lorsqu’il est procédé à arbitrage, ses procédures soient impartiales et jouissent de la confiance des parties compte tenu du fait que la CEACR examine l’aspect législatif de ces questions et que, depuis l’examen de la plainte, le comité n’a reçu aucune information concernant une autre procédure d’arbitrage, le comité n’approfondira pas cet aspect du cas.
  9. 584. S’agissant de la recommandation c), le comité avait demandé au gouvernement de fournir des informations concernant toute procédure engagée en lien avec les actes de violence qui auraient été commis par un groupe de personnes extérieures à l’entreprise en avril 2015, qui, avec le soutien et en présence du président du Syndicat unique régional des travailleurs et travailleuses du territoire central Polar (SINTRATERRICENTROPOLAR) (une organisation qui serait proche du parti du gouvernement), ont empêché les travailleurs d’accéder à leurs postes dans le cadre d’une grève. Le comité avait également demandé au gouvernement de fournir des informations sur le traitement d’une plainte à cet égard, mentionnée par les organisations plaignantes. Le comité rappelle que, lors de son précédent examen du cas, il avait regretté que le gouvernement n’ait fourni aucune information à ce sujet. Le comité déplore de constater que, dans ses communications envoyées après l’examen du cas, le gouvernement n’a pas non plus fourni d’informations à cet égard. Étant donné que le comité ne dispose d’aucune information lui permettant de réexaminer ces questions, le comité prie à nouveau le gouvernement de fournir les informations susmentionnées.
  10. 585. En ce qui concerne la recommandation e), le comité avait prié le gouvernement de communiquer des observations précises concernant les allégations de saisie de biens du groupe d’entreprises de l’entreprise par des groupes violents, ainsi que de confiscations, d’expropriations (ou de menaces d’expropriation). Le comité rappelle que, pour que le gouvernement puisse fournir de telles observations, il a invité les organisations plaignantes à fournir les informations complémentaires dont elles disposent, en particulier concernant toute plainte ou autre action juridique engagée à cet égard. Le comité a également invité les organisations plaignantes à fournir au gouvernement et au comité les informations supplémentaires dont elles disposent sur les allégations de détention et de restrictions de liberté de travailleurs exerçant des fonctions d’encadrement au sein du groupe d’entreprises de l’entreprise, en particulier sur toute plainte ou action juridique, et a demandé au gouvernement de fournir des informations détaillées sur les résultats de toute procédure administrative ou judiciaire engagée à cet égard, plus particulièrement en ce qui concerne la prise alléguée de mesures privatives de liberté. Le comité observe qu’il n’a reçu ni des organisations plaignantes ni du gouvernement les informations susmentionnées. Au vu de ce qui précède, à moins que les organisations plaignantes ne fournissent les éléments susmentionnés, y compris des informations sur toute plainte ou autre action en justice intentée pour les actes qui auraient eu lieu entre 2015 et 2016, le comité ne procédera pas à l’examen de ces allégations.
  11. 586. Le comité prend note de la réponse du gouvernement aux recommandations f) et g) concernant les allégations des organisations plaignantes relatives aux éléments suivants: i) une campagne de diffamation et de stigmatisation, des mises en détentions de cadres de l’entreprise et des actes de persécution et de harcèlement par le biais de la présence d’agents armés du Service national bolivarien de renseignement devant les installations du groupe d’entreprises à Caracas ainsi que devant la maison de son président, et ii) des déclarations, menaces, et actes de harcèlement contre le groupe d’entreprises de l’entreprise, son président et la FEDECAMARAS. Le comité prend note de l’affirmation du gouvernement selon laquelle il existe dans le pays des préceptes et des institutions permettant aux personnes qui se sentent diffamées ou insultées de s’adresser aux autorités compétentes pour exercer et protéger leurs droits.
  12. 587. Le comité note en outre que, à cet égard, le gouvernement indique que: i) il offre des possibilités d’échange et de dialogue social avec toutes les organisations d’employeurs et de travailleurs, y compris la FEDECAMARAS, et que ce dialogue a été mené récemment avec la participation du BIT; ii) depuis 2022, le BIT fournit une assistance technique pour la tenue du «forum du dialogue social», dont trois éditions ont eu lieu et auquel participent la plupart des organisations de travailleurs et d’employeurs du monde du travail; et iii) la FEDECAMARAS et ses affiliés ont participé à des processus de dialogue, de consultation, de tables rondes techniques, d’accords, de négociations et d’autres échanges avec divers organismes gouvernementaux, comme son inclusion dans le Conseil national de l’économie productive. Le comité prend note du fait que le gouvernement indique que ce qui précède montre qu’il n’est pas dans la politique du gouvernement ou de ses fonctionnaires de promouvoir une campagne visant à discréditer, stigmatiser, menacer, harceler ou persécuter un groupe ou une organisation d’entreprises. Le comité prend note de l’affirmation selon laquelle ces espaces de dialogue se sont développés dans une atmosphère de respect et d’harmonie, et que les propositions présentées par les différents partenaires sociaux ont fait l’objet de progrès significatifs.
  13. 588. Le comité note en même temps que la commission d’enquête, dans son rapport, a examiné diverses mesures préjudiciables au secteur des entreprises privées organisées autour de la FEDECAMARAS, y compris le groupe d’entreprises Polar, qui coïncident avec celles examinées en l’espèce (rapport de la commission d’enquête, paragr. 316, 317 et 318). Le comité rappelle que, au vu de ce qui précède, la commission d’enquête avait regretté profondément le harcèlement persistant et grave ciblant l’action syndicale de la FEDECAMARAS et de ses affiliés. Elle avait recommandé de mettre fin immédiatement à tous les actes de violence, aux menaces, à la persécution, à la stigmatisation, aux manœuvres d’intimidation ou autre forme d’agression visant des personnes ou des organisations en relation avec l’exercice d’activités syndicales légitimes, et d’adopter des mesures propres à garantir que de tels actes ne se reproduiront pas (rapport de la commission d’enquête, paragr. 497 (1) i)).
  14. 589. Dans le cadre du suivi des conclusions et recommandations de la commission d’enquête, le comité note que la troisième session en présentiel du forum de dialogue social a eu lieu dans l’île de Margarita du 30 janvier au 1er février 2023, avec une participation tripartite, et que la quatrième session en présentiel du forum, également avec une participation tripartite, a eu lieu à Caracas les 1er et 2 février 2024. Les deux sessions du forum ont été présidées par le ministre du Pouvoir populaire pour le processus social du travail (MPPPST) et ont réuni des organisations de travailleurs et d’employeurs, dont la FEDECAMARAS (rapport au Conseil d’administration à sa 347e session GB.347/INS/13 (Rev.1) ainsi qu’à sa 350e session GB.350/INS/12). Au cours de ces sessions, les participants ont adopté un certain nombre de mesures pour assurer le suivi et la mise à jour du plan d’action consistant en un calendrier d’activités relatives au respect des conventions nos 26, 87 et 144, convenu lors de la première réunion en présentiel du forum (mars 2022). Les participants sont convenus de ce qui suit: «dans le cadre de la collaboration entre les pouvoirs, veiller à ce que le MPPPST demande que des réunions soient organisées entre le ministère public et les organisations d’employeurs et de travailleurs afin de recueillir des informations sur les cas de détention et les procédures judiciaires ou les mesures conservatoires/de substitution qui seraient liés à l’exercice d’activités syndicales légitimes». Le comité observe que le plan d’action adopté et actualisé par le troisième forum de dialogue social indique, entre autres aspects liés aux conventions susmentionnées, les résultats escomptés suivants – ils ont trait au présent cas et visent à donner suite aux décisions du Conseil d’administration relatives aux recommandations de la commission d’enquête:
    • - le traitement des signalements d’actes allégués de stigmatisation et de discrédit (notamment présentation aux autorités compétentes, par les organisations concernées, de listes actualisées avec des informations permettant de recenser les cas de signalements qui concernent le gouvernement; la tenue de réunions bipartites du gouvernement avec les organisations d’employeurs et de travailleurs, afin d’examiner et d’adopter les mesures pertinentes et de donner suite à ces mesures); et
    • - le traitement effectif des signalements de cas de détention, de procédures judiciaires ou de mesures conservatoires/de substitution à la privation de liberté qui seraient liés à l’exercice d’activités syndicales légitimes.
  15. 590. Le comité rappelle que l’exercice des activités des organisations d’employeurs et de travailleurs pour la défense de leurs intérêts devrait être exempt de pressions, d’intimidations, de harcèlement, de menaces et d’actions visant à discréditer les organisations et leurs dirigeants, y compris la manipulation de documents. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 719.] Le comité observe que le plan d’action actualisé en février 2023 comprend des mesures visant à traiter efficacement les actes de violence, les menaces, la persécution, la stigmatisation et l’intimidation, ainsi que les arrestations et les procédures judiciaires ou les mesures conservatoires/de substitution à la privation de liberté qui seraient liées à l’exercice d’activités syndicales légitimes. Compte tenu du fait que, lors de la quatrième session du forum de dialogue social, les participants ont également convenu de tenir des réunions techniques bimestrielles et des réunions bilatérales au cours de l’année 2024 à la demande des parties concernant le respect de la convention no 87, le comité s’attend à ce que les allégations de cette nature mentionnées dans le cas présent puissent être traitées dans le cadre de ces réunions. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard et l’invite à continuer à se prévaloir de l’assistance technique du Bureau, en particulier par le biais de l’accompagnement du Conseiller spécial de l’OIT pour le dialogue social.
  16. 591. Le comité observe que, lors de sa réunion d’octobre novembre 2023, le Conseil d’administration: i) a instamment prié le gouvernement d’accélérer la mise en œuvre des engagements adoptés dans le plan d’action mis à jour lors du forum du dialogue social de février 2023; et ii) a pris note que la quatrième réunion du forum du dialogue social devrait avoir lieu au début de février 2024. Prenant dûment note de la tenue de la quatrième session du forum de dialogue social et de ce qui y a été convenu, le comité encourage le gouvernement à continuer de prendre sans délai, conformément au processus en cours devant les organes compétents de l’Organisation, toutes les mesures nécessaires pour se conformer pleinement aux demandes de la commission d’enquête et des autres organes de contrôle et le prie de le tenir informé en ce qui concerne les points soulevés par ces derniers.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 592. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité s’attend à ce que, dans le cas où la convention collective signée avec le SUTRABA CARABOBO en novembre 2017 ne s’applique qu’à l’État de Carabobo, la négociation collective dans les autres États ait eu lieu avec l’organisation de travailleurs la plus représentative, et qu’une vérification objective de la représentativité soit effectuée à cette fin. Le comité prie également le gouvernement de prendre les mesures pour promouvoir la négociation collective volontaire dans tous les secteurs d’activité du territoire national avec les organisations les plus représentatives d’employeurs et de travailleurs.
    • b) Le comité prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations concernant toute procédure engagée en lien avec les actes de violence qui auraient été commis par un groupe de personnes extérieures à l’entreprise en avril 2015, qui, avec le soutien et en présence du président du SINTRATERRICENTROPOLAR, auraient empêché les travailleurs d’accéder à leurs postes dans le cadre d’une grève.
    • c) Observant que le plan d’action actualisé adopté dans le cadre du forum de dialogue social comprend des mesures visant à traiter efficacement les actes de violence, les menaces, la persécution, la stigmatisation et l’intimidation, ainsi que les détentions et les procédures judiciaires ou les mesures conservatoires/de substitution à la privation de liberté qui seraient liées à l’exercice d’activités syndicales légitimes, le comité s’attend à ce que les allégations de cette nature visées dans le présent cas puissent être traitées dans le cadre des réunions qui se tiendront au cours de l’année 2024 en relation avec le respect de la convention no 87. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard et l’invite à continuer à se prévaloir de l’assistance technique du Bureau, en particulier par le biais de l’accompagnement du Conseiller spécial de l’OIT pour le dialogue social.
    • d) Le comité encourage fermement le gouvernement à continuer de prendre sans délai, conformément au processus en cours devant les organes compétents de l’Organisation, toutes les mesures nécessaires pour se conformer pleinement aux demandes de la commission d’enquête et des autres organes de contrôle et le prie de le tenir informé en ce qui concerne les points soulevés par ces derniers.
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