Afficher en : Anglais - Espagnol
Allégations: L’organisation plaignante allègue que les nombreux actes
antisyndicaux et d’ingérence commis par l’entreprise ont conduit à la dissolution judiciaire
du Syndicat national des travailleurs de Gaseosas Lux S.A. (SINALTRALUX)
- 184. La plainte figure dans une communication en date du 30 octobre 2020
de la Confédération générale du travail (CGT).
- 185. Le gouvernement de la Colombie a envoyé ses observations sur les
allégations dans une communication du mois d’août 2021.
- 186. La Colombie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (nº 151) sur les
relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (nº 154) sur la
négociation collective, 1981.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 187. L’organisation plaignante allègue que le syndicat national des
travailleurs de Gaseosas Lux S.A., «SINALTRALUX» a été l’objet d’une série d’actes
antisyndicaux de la part de l’entreprise Gaseosas Lux S.A.S (ci-après l’entreprise) qui
ont conduit à la dissolution judiciaire de celui-ci en 2018. L’organisation plaignante
déclare en particulier que: i) SINALTRALUX est un syndicat d’entreprise de premier
niveau créé en 1959; ii) le syndicat et l’entreprise ont conclu une convention
collective le 24 avril 2007 pour la période 2007-2012; iii) la convention collective a
été dûment actualisée conformément aux dispositions des articles 476 et 478 du Code du
travail colombien.
- 188. L’organisation plaignante déclare que, en juillet 2015, l’entreprise
a engagé une procédure de dissolution, liquidation et annulation de l’enregistrement du
syndicat, au moyen d’une procédure judiciaire engagée devant la chambre 35 du Tribunal
du travail du Circuit de Bogota, faisant valoir que le «retrait des membres» réduisait
l’effectif des affiliés à un nombre inférieur à 25 «conduisant en fin de compte à ce
qu’il ne reste plus de membres dans le syndicat en question». L’organisation affirme que
la réduction du nombre d’affiliés n’a pas été la conséquence de retraits volontaires,
mais le résultat de licenciements massifs de travailleurs appartenant au syndicat et à
son comité de direction, notamment le président de SINALTRALUX, M. Julio César Acero
Palacios.
- 189. L’organisation plaignante indique que, tant en première qu’en
deuxième instance (décision du 17 juin 2016 de la chambre 35 du Tribunal du travail du
Circuit de Bogota et arrêt du Tribunal supérieur de Bogota du 28 octobre 2016), les
tribunaux ont rejeté la demande de dissolution du syndicat et confirmé l’applicabilité
de la convention collective signée en 2007 par le syndicat et l’entreprise.
- 190. L’organisation plaignante ajoute que, en raison de la
non-acceptation du syndicat par l’entreprise ainsi que de l’ouverture d’actions en
justice et du dépôt de plaintes à ce sujet, le 8 octobre 2015, le représentant de
l’entreprise, des représentants d’UNISINTRAGAL, autre organisation syndicale présente
dans l’entreprise, des représentants des partenaires sociaux nationaux, un représentant
du ministère du Travail et un représentant de l’OIT se sont réunis dans le cadre de la
Commission spéciale de traitement des déférés à l’OIT (CETCOIT), et qu’un accord a été
signé en vertu duquel les parties s’engagent à instaurer un cadre de dialogue permanent
dans lequel la CETCOIT agirait en qualité d’observateur et de médiateur. Au titre de cet
accord, le ministère du Travail a également accepté de réaliser une étude détaillée sur
la situation juridique de SINALTRALUX.
- 191. L’organisation plaignante affirme que, malgré le processus de
dialogue susmentionné, l’entreprise a continué de nier l’existence du syndicat et de
refuser d’appliquer la convention collective (en particulier son article 143 qui dispose
que l’entreprise mènera ses tâches permanentes avec 40 travailleurs syndicalisés
bénéficiant d’un contrat de travail de durée indéterminée et 80 travailleurs disposant
d’un contrat de travail à durée déterminée) et a commis de nouveaux actes contraires aux
droits syndicaux et aux statuts du syndicat. L’organisation déclare que, compte tenu de
cette situation, les procédures administratives et judiciaires suivantes ont été
engagées: i) dépôt, en 2016, de plaintes devant le ministère du Travail pour violation
de la liberté syndicale et discrimination; ii) dépôt, le 31 janvier 2017, d’un recours
judiciaire en protection pour violation de la liberté syndicale.
- 192. L’organisation plaignante déclare à ce sujet que la chambre 11 du
tribunal municipal des petites affaires liées au travail de Bogota, chargée d’examiner
le recours en protection, a décidé ce qui suit en faveur de l’organisation syndicale: il
convient de «protéger les droits fondamentaux d’association et de liberté syndicale et
le droit à une procédure régulière de SINTRALUX qui ont été violés par l’entreprise et
de sommer l’entreprise visée de cesser immédiatement les actions et omissions
discriminatoires à l’encontre des membres de l’organisation syndicale et de toutes les
personnes affiliées à celle-ci». L’organisation indique que cette décision a été
confirmée en deuxième instance par la chambre 5 du Tribunal du travail du Circuit de
Bogota.
- 193. L’organisation plaignante se réfère ci-après aux faits survenus à
compter de 2017 et qui ont conduit à la dissolution judiciaire du syndicat. Elle affirme
à cet égard que: i) le dernier comité de direction principal de SINALTRALUX a été
enregistré et a fait l’objet d’un dépôt en vertu du document de consignation no JD-070
du 1er septembre 2017 et était constitué comme suit: Julio César Acero Palacios
(président), Yefinson Gill Gutiérrez (vice-président), Leonardo Rodriguez Ruiz
(secrétaire général), Reinel Ernesto Castillo Torres (trésorier), Jhon Fair Prado
Cajamarca (conseiller), Edison Fabian Sanabria Yafia (premier suppléant), Manuel
Fernando García Aya (deuxième suppléant), Juan Carlos Bustos Rozo (troisième suppléant),
Gelman Trujillo Rojas (quatrième suppléant) et Mauricio Moreno Norato (cinquième
suppléant); ii) malgré le fait que, en raison de précédents licenciements, le nombre de
membres de SINALTRALUX était inférieur à 40 au début 2017 et que ceux-ci devaient pas
conséquent, conformément à la convention collective, être liés par des contrats de durée
indéterminée, l’entreprise a congédié la majorité des membres du syndicat au terme de
leurs contrats de durée déterminée; iii) l’entreprise a obligé le syndicat à nommer un
nouveau vice-président, qui s’est allié à l’entreprise, évitant toute nouvelle
affiliation au syndicat et soutenant, en échange d’indemnisations, la démission des
derniers membres dans le but que les exigences requises pour demander la dissolution
judiciaire du syndicat soient remplies; iv) le 9 novembre 2017, l’entreprise a demandé à
nouveau, cette fois devant le tribunal de Funza, la dissolution du syndicat au motif
qu’il réunissait moins de 25 affiliés, nombre minimal requis par la législation
nationale pour constituer un syndicat et motif de dissolution selon le Code du travail;
et v) le 13 février 2018, le Tribunal civil du Circuit de Funza a ordonné la dissolution
du syndicat au motif que le nombre de ses affiliés était inférieur à 25.
- 194. L’organisation plaignante affirme que le président du syndicat,
Julián César Acero Palacios et les autres membres actifs de l’organisation n’ont à aucun
moment été informés de cette procédure de dissolution, raison pour laquelle le président
n’a pu répondre à la demande que le 8 mai 2018, après que la décision avait été rendue.
C’est pour cela que, le 14 août 2018, le syndicat a présenté une plainte pour fraude au
bureau du procureur de Funza.
- 195. L’organisation plaignante se réfère ci-après à la situation
professionnelle de M. Julián César Acero Palacios, président de SINALTRALUX. Elle
affirme à cet égard que: i) suite à son licenciement, une demande de réintégration a été
déposée pour violation de la liberté syndicale; ii) le 23 avril 2018, la chambre 20 du
Tribunal du travail du Circuit de Bogota a déclaré que le demandeur était couvert par la
convention collective de 2007-2012 et, par conséquent, conformément à l’article 143 de
cette dernière, qu’il bénéficiait d’un contrat de travail de durée indéterminée, ce qui
condamnait l’entreprise à réintégrer le travailleur et à lui verser les salaires non
perçus; iii) cette décision a ensuite été confirmée par le Tribunal supérieur de Bogota;
iv) le recours en protection présenté par l’entreprise contre les décisions judiciaires
susmentionnées a été rejeté par la chambre de cassation chargée des questions de travail
de la Cour suprême; v) compte tenu de ce qui précède, l’entreprise a été contrainte de
réintégrer le président du syndicat le 11 août 2018 à 9 h 5; et vi) toutefois, à 9 h 23
ce jour même, M. Acero Palacios a reçu une nouvelle lettre de licenciement.
- 196. L’organisation plaignante se réfère ensuite à une autre plainte
pénale déposée par le syndicat contre l’entreprise pour fraude procédurale ainsi que
pour avoir agi de mauvaise foi dans la vente du siège du syndicat en 2011, et ne pas
avoir enregistré l’entrée de ces liquidités sur le compte du syndicat, ainsi que pour
avoir vendu le siège sans l’autorisation préalable de l’assemblée et avec la complicité
d’un ancien président du syndicat, M. Manuel Alberto Casallas, qui aurait bénéficié
personnellement de cette opération.
- 197. L’organisation plaignante se réfère en outre à la demande présentée
au Procureur général de la nation (PNG), afin qu’il assure le suivi de toutes les
plaintes et réclamations introduites devant le ministère du Travail. Elle affirme à cet
égard que: i) sur la base de cette demande, une table ronde a été créée dans le cadre de
laquelle le ministère du Travail s’est engagé à prendre les mesures nécessaires à la
prévention, à la surveillance et au contrôle des cas et à rendre compte de celles-ci;
ii) suite à plusieurs demandes et trois ans après la présentation des plaintes et
réclamations initiales, le ministère du Travail a établi un rapport sur les enquêtes
menées concernant la situation de trois travailleurs pour le non-respect présumé de la
réglementation relative à la sécurité et à la santé au travail. L’organisation
plaignante regrette le retard avec lequel le ministère du Travail a examiné ses
différentes plaintes et réclamations.
- 198. En ce qui concerne l’initiative de SINALTRALUX consistant à
solliciter l’intervention de la CETCOIT pour résoudre le présent cas, l’organisation
plaignante déclare que cet organisme a fait savoir en novembre 2019 qu’il ne pouvait
connaître que des cas concernant lesquels les deux parties exprimaient la volonté de
résoudre le conflit par le dialogue, raison pour laquelle il n’était pas compétent pour
examiner l’objet de ce cas.
- 199. Pour résumer ce qui précède, l’organisation plaignante affirme que
l’entreprise: i) avant même la décision de justice concernant la dissolution du
syndicat, a refusé de procéder à la retenue sur salaire des cotisations syndicales des
travailleurs affiliés à SINALTRALUX; ii) a refusé d’appliquer la convention collective
signée en 2007; iii) a licencié massivement les membres et dirigeants du syndicat afin
que l’effectif de celui-ci tombe en deçà du seuil de 25 membres, violant ainsi en outre
la clause de la convention collective relative à la durée indéterminée des contrats de
travail; iv) a organisé avec les quelques membres restants la disparition du syndicat,
évitant toute nouvelle affiliation au syndicat, soutenant en échange d’indemnisations la
démission des derniers membres et demandant de manière frauduleuse la dissolution
judiciaire du syndicat. L’organisation plaignante constate que ses différentes actions
administratives et judiciaires n’ont pas permis d’éviter la dissolution du syndicat en
raison des actes antisyndicaux réalisés par l’entreprise et du licenciement de la
majorité de ses membres, et elle le regrette. Compte tenu de ce qui précède,
l’organisation plaignante demande, d’une part, la réintégration de tous les dirigeants
et membres du syndicat qui ont été licenciés sans raison valable ou, au moins,
l’indemnisation de ceux-ci et, d’autre part, la restitution des biens du syndicat ayant
été l’objet d’une relation triangulaire frauduleuse dans le cadre d’une vente illégale
réalisée en 2011.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 200. Le gouvernement a fait parvenir sa réponse à la présente plainte par
une communication du mois d’août 2021. Le gouvernement renvoie en premier lieu à une
série de faits présentés de manière chronologique: i) SINALTRALUX est un syndicat de
base créé en 1959; ii) en 2011, les membres du syndicat ont décidé de dissoudre et de
liquider ladite organisation; iii) en 2012, l’entreprise a dénoncé la dernière
convention collective signée avec SINALTRALUX en 2007; iv) en 2015, l’entreprise a
demandé la dissolution judiciaire du syndicat étant donné qu’il comptait moins de
25 affiliés; v) tant en première qu’en deuxième instance, les tribunaux ont refusé de
prononcer la dissolution du syndicat et ont ordonné à l’employeur d’appliquer la
convention collective signée en 2007 avec le syndicat; vi) le 31 janvier 2017, le
syndicat a engagé une action en protection pour non-application de la convention
collective et a obtenu des décisions en sa faveur, tant en première qu’en deuxième
instance; vii) le 1er septembre 2017, le ministère du Travail a enregistré le nouveau
conseil de direction du syndicat dont le président était M. Julio César Acero;
viii) cette même année, l’entreprise a présenté une nouvelle demande judiciaire de
dissolution du syndicat au motif qu’il comptait moins de 25 travailleurs; ix) le
13 février 2018, le tribunal civil de Funza a ordonné la dissolution et la liquidation
du syndicat au motif qu’il comptait moins de 25 affiliés; x) le président du syndicat a
répondu à la demande judiciaire au-delà du délai prévu à cet effet, après que le
tribunal avait rendu sa décision; xi) le 25 mai 2018, le syndicat a présenté un recours
en protection contre ladite décision, qui a été rejeté par le tribunal du district
judiciaire de Cundinamarca; xii) le 4 juillet 2018, la chambre de cassation chargée des
questions de travail de la Cour suprême a confirmé ce qui avait été décidé par le
tribunal; et xiii) le 3 avril 2018, le ministère du Travail a ordonné l’annulation de
l’enregistrement syndical de SINALTRALUX.
- 201. En ce qui concerne les allégations de l’organisation plaignante
concernant les différentes irrégularités qui auraient accompagné la dissolution du
syndicat, le gouvernement déclare que: i) la procédure de dissolution des organisations
syndicales au motif qu’elles comptent un nombre insuffisant de membres requiert une
décision judiciaire exécutoire; ii) dans la jurisprudence, il a été considéré qu’une
simple réduction temporaire du nombre d’affiliés qui a par la suite été surmontée n’est
pas suffisante pour justifier la dissolution; iii) l’organisation plaignante n’apporte
pas de preuves que la réduction du nombre d’affiliés de SINALTRALUX soit la conséquence
de licenciements massifs des travailleurs affiliés de la part de l’entreprise; et
iv) l’organisation plaignante ne démontre pas non plus l’absence alléguée de
notification au président du syndicat de la demande judiciaire de dissolution, étant
entendu que, en Colombie, il est obligatoire de notifier personnellement ou par un avis
les décisions prises dans une procédure ou une enquête.
- 202. Le gouvernement communique ci-après des renseignements sur les
plaintes administratives présentées par SINALTRALUX. Le gouvernement déclare que,
d’après la base de données du ministère du Travail, consultée le 13 août 2021, deux
enquêtes étaient en cours contre l’entreprise, l’une concernant les droits syndicaux et
l’autre en lien avec le non-respect présumé des normes de sécurité et de santé au
travail, qui ne relève pas du champ de compétence du Comité de la liberté
syndicale.
- 203. Le gouvernement se réfère ensuite à la participation de la CETCOIT
au conflit opposant le syndicat et l’entreprise. Le gouvernement déclare à cet égard
que: i) le 13 juillet 2015, un autre syndicat présent dans l’entreprise, UNISINTRAGAL,
créé le 17 mai 2015, a demandé que le cadre de la CETCOIT puisse être utilisé concernant
les difficultés survenues depuis sa création (allégations de licenciements, pressions
pour éviter des affiliations, obstacles à la négociation collective); ii) dans l’accord
conclu le 8 octobre 2015 sur le cas UNISINTRAGAL, les parties ont demandé au ministère
du Travail de réaliser une analyse concernant la situation juridique de SINALTRALUX et
d’en informer les parties dans le cadre de la CETCOIT; iii) au cours de la première
séance consacrée au suivi de l’accord du 8 octobre, qui a été tenue le 6 novembre 2015,
les représentants de l’entreprise ont exprimé une réserve concernant SINALTRALUX,
organisation syndicale liquidée le 2 novembre 2011 et réactivée par des travailleurs à
la retraite qui ne travaillaient plus pour l’entreprise et avec un nouveau conseil de
direction composé de personnel non affilié; iv) compte tenu de la réserve exprimée par
l’entreprise, un avis juridique a été demandé au ministère du Travail; v) dans son avis
juridique du 7 janvier 2016, le ministère du Travail a déclaré qu’il n’est pas possible
de demander à un employeur d’appliquer à de nouveaux travailleurs la convention
collective d’un syndicat liquidé; toutefois, les travailleurs ont le droit de
s’associer, autrement dit, de créer une nouvelle organisation et de présenter un nouveau
cahier de revendications; vi) au cours d’une deuxième séance de suivi tenue le 7 mars
2017 et portant sur les préoccupations d’UNISINTRAGAL, cette organisation a déclaré que
les atteintes aux droits d’association et de liberté syndicale persistaient, même si
certaines améliorations avaient été constatées dans la relation de travail depuis que le
directeur régional des ressources humaines avait changé; la préoccupation d’UNISINTRAGAL
était que le nombre d’affiliés soit réduit à l’échéance des contrats de travail de durée
déterminée; vii) en mai 2019, la CGT a demandé l’intervention de la CETCOIT pour traiter
de la situation de SINALTRALUX, mais cette dernière, après avoir analysé le dossier, a
conclu que les questions soulevées relevaient de la compétence d’autres autorités.
- 204. Pour ce qui est de la procédure pénale intentée par SINALTRALUX pour
fraude dans le contexte de la vente de l’immeuble du syndicat, le gouvernement transmet
les informations communiquées le 25 août 2021 par le ministère public selon lesquelles:
i) l’enquête en la matière est actuellement menée par la police judiciaire; et ii) il y
a plusieurs suspects et, une fois que les éléments de preuve matériels requis dans la
dernière décision seront obtenus, il sera procédé en conséquence.
- 205. En ce qui concerne les allégations de l’organisation plaignante sur
le refus présumé de l’entreprise de réaliser la retenue sur salaire des cotisations
ordinaires, le gouvernement déclare que: i) les renseignements communiqués par
l’entreprise comprennent une copie de la déduction du montant des cotisations syndicales
du salaire des travailleurs affiliés à SINALTRALUX pour l’année 2017; et ii) il n’y a
pas eu d’autres déductions syndicales depuis la dissolution du syndicat sur décision de
justice. Pour ce qui est de l’allégation de non-application de la convention collective
aux travailleurs affiliés au syndicat, le gouvernement déclare que; i) étant donné que
le syndicat mentionné n’existe plus, la jurisprudence selon laquelle les avantages de la
convention collective de travail restent valables pour les travailleurs affiliés au
moment de cette décision judiciaire s’applique pour autant qu’ils soient actifs dans
l’entreprise puisque ces avantages sont devenus partie intégrante de leurs contrats de
travail; par contre, la situation n’est pas la même pour les travailleurs engagés après
cette décision; ii) en application de ce qui précède, une instance judiciaire a reconnu
l’applicabilité de la convention collective à M. Julio César Acero, président du conseil
de direction du syndicat; iii) d’après l’entreprise, son registre du personnel comprend
encore 20 travailleurs qui étaient affiliés au syndicat au moment de sa dissolution,
dont trois membres du conseil de direction enregistré en 2017; et iv) la plainte ne
contient pas les noms des travailleurs qui se trouveraient dans cette situation et,
s’agissant de faire valoir la reconnaissance de ces droits, il est de leur devoir de se
présenter à l’autorité judiciaire pour qu’elle statue sur la question.
- 206. Pour ce qui est des allégations de licenciements massifs de
travailleurs affiliés au syndicat, le gouvernement déclare à nouveau que: i) il n’a pas
été démontré que l’entreprise porte une responsabilité en la matière et il n’y a pas
d’indication de licenciements massifs de travailleurs; ii) l’entreprise affirme que la
perte de travailleurs découle de départs à la retraite ou de départs volontaires;
iii) l’autorité judiciaire sera compétente pour déterminer les droits et, s’il y a lieu,
ordonner à l’entreprise de procéder au versement des créances salariales et/ou à la
réintégration, s’il en est décidé ainsi; iv) l’entreprise a transmis des copies des
lettres de démission de travailleurs, des conciliations volontaires signées devant le
ministère du Travail et des documents manuscrits de travailleurs concernant leur
démission du syndicat; et v) compte tenu de ce qui précède, il n’est pas possible de
déduire que l’entreprise a procédé à des licenciements massifs de ses travailleurs ni
qu’elle a de ce fait violé le droit d’association syndicale et les conventions
correspondantes de l’OIT.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 207. Le comité note que le présent cas porte sur la dissolution
judiciaire d’une organisation syndicale de premier niveau fondée sur la réduction de
l’effectif de ses affiliés à un nombre inférieur à celui prévu dans la législation
demandée par une entreprise du secteur des boissons. Le comité note que l’organisation
plaignante allègue principalement que: i) la réduction du nombre d’affiliés est le
résultat d’une vaste série d’actes antisyndicaux réalisés par l’entreprise, allant
notamment de la vente frauduleuse de l’immeuble du syndicat en 2011, à des licenciements
massifs, en passant par des manœuvres visant à éviter de nouvelles affiliations, et le
refus d’appliquer la convention collective signée en 2007 avec le syndicat; et ii) la
demande judiciaire de dissolution a donné lieu à plusieurs actes frauduleux qui ont
empêché le syndicat d’exercer son droit à la défense. Le comité note que, pour sa part,
le gouvernement déclare principalement que: i) la dissolution du syndicat par voie
judiciaire a suivi toutes les procédures légales et repose sur la constatation du fait
que le syndicat ne comptait plus le nombre minimal légal d’affiliés requis par la
législation; ii) l’organisation plaignante n’apporte pas d’élément de preuve attestant
du fait que la dissolution judiciaire a été précédée de licenciements massifs ni qu’il y
a eu violation du droit à la défense du syndicat au cours de la procédure judiciaire; et
iii) plusieurs des plaintes administratives mentionnées par l’organisation plaignante
n’avaient pas pour objet la liberté syndicale, mais le respect de la réglementation en
matière de sécurité et de santé au travail.
- 208. Le comité observe que les faits suivants ressortent des éléments
communiqués par les parties: i) SINALTRALUX est un syndicat de base créé en 1959; ii) en
2012, l’entreprise a dénoncé la dernière convention collective signée avec le syndicat
en 2007; iii) en 2015, l’entreprise a demandé la dissolution judiciaire du syndicat au
motif qu’il comptait moins de 25 membres; iv) tant en première qu’en deuxième instance,
les tribunaux ont rejeté la demande de dissolution du syndicat et ont ordonné à
l’employeur d’appliquer la convention collective signée en 2007 avec le syndicat; v) en
2016, le syndicat a déposé plainte devant le ministère du Travail pour violation de la
liberté syndicale et non-application de la convention collective, ainsi que pour des
questions de sécurité et de santé au travail; vi) le 31 janvier 2017, le syndicat a
engagé une action en protection pour non-application de la convention collective et a
obtenu des décisions en sa faveur tant en première qu’en deuxième instance; vii) le
1er septembre 2017, le ministère du Travail a enregistré le nouveau conseil de direction
du syndicat dont le président était M. Julio César Acero; viii) cette même année,
l’entreprise a présenté une nouvelle demande judiciaire de dissolution du syndicat au
motif qu’il comptait moins de 25 travailleurs; ix) le 13 février 2018, le tribunal civil
de Funza a ordonné la dissolution et la liquidation du syndicat; x) le président du
syndicat a répondu à la demande judiciaire en dehors du délai prévu à cet effet, après
que le tribunal avait rendu sa décision; xi) le syndicat a déposé deux plaintes pénales
auprès du ministère public, l’une en 2016 concernant une fraude supposée lors de la
vente de l’immeuble du syndicat en 2011, et l’autre en 2018 concernant des allégations
de fraudes lors de la présentation de la demande judiciaire de dissolution en 2017; et
xii) la CETCOIT a eu connaissance du conflit opposant l’entreprise et SINALTRALUX, tout
d’abord en 2015, dans le contexte d’un différend entre l’entreprise et un autre syndicat
présent dans l’entreprise puis, en 2019, sans qu’un règlement consensuel des différends
ne soit conclu.
- 209. En ce qui concerne les faits du cas qui sont antérieurs à 2017
(année au cours de laquelle la deuxième demande de dissolution judiciaire a été
présentée), le comité observe qu’il ressort de ce qui précède et des nombreuses annexes
communiquées par les parties – en particulier des textes des diverses décisions
judiciaires et administratives – que: i) le syndicat a enregistré un important recul du
nombre de ses membres en 2011, année au cours de laquelle l’entreprise a connu une
réduction de ses effectifs (l’entreprise a transmis au gouvernement une liste des
départs volontaires en échange d’indemnisations conclus cette année avec des
travailleurs de l’entreprise) et moment où le bâtiment du syndicat a été vendu; ii) le
syndicat a connu une réactivation en 2015 qui a donné lieu à des différends avec
l’entreprise non seulement sur l’applicabilité de la convention collective signée en
2007, mais également sur la validité des nouvelles affiliations enregistrées et sur
l’obligation incombant à l’entreprise de procéder à la retenue sur salaire des
cotisations syndicales; iii) dans ce contexte, tant l’entreprise (première action de
dissolution) que le syndicat (plaintes administratives présentées en 2016, recours en
protection présenté cette même année pour violation de la liberté syndicale) ont engagé
diverses procédures; iv) les différentes décisions prises à cet égard, tant par les
tribunaux que par le ministère du Travail, ont été favorables au syndicat et, si ces
organismes n’ont pas trouvé d’indice concernant des licenciements antisyndicaux, ils ont
bien constaté l’existence d’actes antisyndicaux, en particulier des obstacles à
l’affiliation de nouveaux membres et des actes de discrimination antisyndicale.
- 210. Pour ce qui est de la dissolution judiciaire du syndicat le
13 février 2018 et des circonstances qui l’ont précédée, le comité constate, d’une part,
que le syndicat allègue que la dissolution a été la conséquence de licenciements massifs
et que la procédure judiciaire de dissolution engagée le 9 novembre 2017 a été
accompagnée d’une série de fraudes qui n’ont pas permis au syndicat d’exercer son droit
de défense dans la mesure où le président de l’organisation, éloigné de l’entreprise en
raison de son licenciement, n’a pas été informé de la procédure de dissolution, tandis
que le vice-président du syndicat aurait comploté avec l’entreprise pour accélérer la
dissolution du syndicat. Le comité note, d’autre part, que le gouvernement a déclaré
que: i) il ressortait des documents communiqués par l’entreprise que le syndicat
comptait seulement 20 affiliés au moment de la dissolution et qu’un nombre significatif
d’affiliés avaient quitté volontairement le syndicat; ii) l’organisation plaignante n’a
apporté aucun élément de preuve de l’existence de licenciements massifs des affiliés au
syndicat ni de preuve de l’absence de notification du licenciement dans le cadre de la
procédure de dissolution judiciaire; et iii) le recours en protection engagé contre la
dissolution judiciaire a été rejeté tant en première qu’en deuxième instance par la
chambre de cassation chargée des questions de travail de la Cour suprême.
- 211. Avant d’examiner les faits propres au cas présent, le comité
souhaite rappeler qu’il a déjà eu l’occasion d’examiner des affaires de dissolution
judiciaire de syndicats dont le nombre d’affiliés était tombé en deçà du minimum légal.
Dans l’un de ces cas, le comité a considéré que la disposition d’une loi selon laquelle
on doit procéder à la dissolution d’un syndicat si ses effectifs tombent au dessous de
20 ou 40 membres, selon qu’il s’agit respectivement d’un syndicat d’entreprise ou d’un
syndicat professionnel, ne constitue pas en elle-même une atteinte à l’exercice des
droits syndicaux, pourvu qu’une telle dissolution soit entourée de toutes les garanties
nécessaires afin de prévenir toute possibilité d’abus dans l’interprétation de cette
disposition: à savoir le droit de faire appel devant un tribunal. [Voir Compilation des
décisions du comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 983.] Par
ailleurs, dans un cas où il a conclu que la diminution du nombre des travailleurs
affiliés au syndicat, jusqu’à ce qu’il ne compte plus le minimum requis de 25 membres,
était la conséquence de menaces et de licenciements antisyndicaux, le comité a demandé
au gouvernement de vérifier si ces licenciements étaient de nature antisyndicale et si
les démissions des dirigeants syndicaux étaient le résultat de pressions ou de menaces
de la part de l’employeur, d’appliquer les sanctions prévues par la législation, de
réintégrer dans leur poste de travail les travailleurs congédiés et de permettre la
reconstitution du syndicat dissous. [Voir Compilation, paragr. 985.]
- 212. En ce qui concerne le contexte législatif entourant la dissolution
judiciaire objet du présent cas, le comité constate que la dissolution judiciaire au
motif que le nombre d’affiliés est tombé en deçà de 25 est visée à l’article 401 du Code
du travail, lequel prévoit que la procédure qui s’applique à la dissolution sera celle
établie à l’article 380 du code. Le comité observe à cet égard que les alinéas e), f) et
g) de l’article 380 établissent que: le syndicat dispose, à compter de la notification
d’un délai de cinq (5) jours pour contester la demande et présenter les éléments de
preuve considérés pertinents; au terme de ce délai, le juge se prononcera, compte tenu
des éléments communiqués dans ces cinq (5) jours; il pourra être fait appel de la
décision du juge, ce qui aura un effet suspensif, devant le tribunal supérieur du
circuit compétent, lequel devra se prononcer de manière catégorique dans les cinq
(5) jours suivant la date de réception du dossier. Aucun recours n’est possible contre
la décision du tribunal. Le comité constate que, dans sa dernière observation relative à
l’application de la convention no 87 par la Colombie, la Commission d’experts pour
l’application des conventions et recommandations a demandé au gouvernement d’indiquer
les motifs qui justifieraient l’application des délais de procédure très courts établis
à l’article 380.2 du Code du travail.
- 213. Pour ce qui est du contexte factuel de la décision judiciaire de
février 2018 portant dissolution du syndicat, le comité observe qu’il ressort des
renseignements et annexes communiqués par les parties que: i) l’entreprise a transmis au
gouvernement des lettres manuscrites concernant 20 démissions du syndicat datées du
30 juillet au 2 décembre 2017; ii) la plainte et ses annexes ne contiennent pas d’indice
ou d’éléments de preuve spécifiques attestant de licenciements massifs de membres du
syndicat; iii) il est en revanche établi que le président du syndicat, M. Acero, a été
renvoyé le 1er avril 2017 et que sa réintégration, ordonnée en 2018 dans des décisions
judiciaires en première et en deuxième instances, a donné lieu à l’émission contre
l’entreprise d’une ordonnance d’injonction du tribunal le 10 décembre 2018; et iv) en
vertu de la décision no 002193 du 26 juin 2019, confirmée par la décision no 000716 du
18 février 2020 concernant une plainte administrative présentée par le syndicat en 2016,
la direction territoriale de Bogota du ministère du Travail a imposé une sanction à
l’entreprise «après avoir constaté l’existence d’obstacles à l’affiliation de
travailleurs souhaitant rejoindre le syndicat».
- 214. Tout en relevant qu’il ne dispose pas de du texte de la décision
judiciaire ordonnant la dissolution du syndicat, le comité observe en outre qu’il
ressort de la décision no 10112-2018 de la chambre chargée des questions de travail de
la Cour suprême en date du 4 juillet 2018 qui a rejeté le recours en protection engagé
par le syndicat contre la décision en question que le président du syndicat n’a pas été
informé officiellement de la procédure de dissolution car, au moment des faits, il
n’était pas lié à l’entreprise en raison de son licenciement cité au paragraphe
précédent.
- 215. Le comité observe enfin que le syndicat a déposé deux plaintes
pénales devant le ministère public, l’une en 2016 concernant une fraude présumée lors de
la vente de l’immeuble du syndicat en 2011, et l’autre en 2018 relative à des
allégations de fraude lorsque la procédure judiciaire de dissolution a été engagée en
2017. Le comité constate que le gouvernement a fait savoir que les enquêtes relatives à
la procédure pénale de 2016 étaient en cours et constate en parallèle qu’il n’a pas reçu
de renseignements sur le traitement de la procédure pénale engagée en 2018. Compte tenu
de ce qui précède et rappelant que la dissolution d’une organisation syndicale est un
acte grave qui doit être entouré de toutes les garanties nécessaires, le comité regrette
de ne pas être en mesure de vérifier si tous les antécédents, en particulier les
décisions judiciaires et administratives citées dans les présentes conclusions
concernant la situation en matière de respect des droits syndicaux au sein de
l’entreprise, ont pu être pris en compte par le tribunal qui a ordonné la dissolution de
SINALTRALUX. Le comité regrette particulièrement que la décision no 002193 du ministère
du Travail faisant état de l’existence d’obstacles à l’affiliation au syndicat ait été
prise trois ans après la présentation de la plainte correspondante et, par conséquent,
après la décision judiciaire portant dissolution du syndicat. Dans ces circonstances, le
comité prie le gouvernement de l’informer du résultat des enquêtes ouvertes à la suite
des procédures pénales engagées par le syndicat et espère que celles-ci s’achèveront
rapidement. Si les enquêtes devaient révéler l’existence de fraudes à l’encontre du
syndicat, le comité souligne que ce dernier devrait être rétabli dans ses droits.
Constatant que le gouvernement n’a pas communiqué ses observations sur le licenciement
de M. Acero, président du syndicat, le comité prie en outre le gouvernement de lui
fournir des renseignements sur la situation professionnelle de ce dernier et d’assurer
que les diverses décisions judiciaires ordonnant sa réintégration aient été réellement
respectées.
- 216. Compte tenu de ce qui précède, et plus particulièrement au regard
des décisions judiciaires et administratives constatant l’existence de violations des
droits syndicaux, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour
assurer à l’avenir le plein respect de la liberté syndicale dans l’entreprise en
question.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 217. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil
d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie le
gouvernement de l’informer du résultat des enquêtes ouvertes à la suite des
procédures pénales engagées par le syndicat et espère que celles-ci s’achèveront
rapidement. Si les enquêtes devaient révéler l’existence de fraudes à l’encontre du
syndicat, le comité souligne que ce dernier devrait être rétabli dans ses
droits.
- b) Le comité prie le gouvernement de lui fournir des renseignements sur
la situation professionnelle du président du syndicat, M. José Acero, et d’assurer
que les décisions judiciaires ordonnant sa réintégration ont été réellement
respectées.
- c) Le comité prie le gouvernement d’adopter les mesures nécessaires
pour assurer à l’avenir le plein respect de la liberté syndicale dans l’entreprise
en question.