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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 401, Mars 2023

Cas no 3426 (Hongrie) - Date de la plainte: 23-MARS -22 - Cas de suivi fermés en raison de l'absence d'informations de la part du plaignant ou du gouvernement au cours des 18 mois écoulés depuis l'examen de ce cas par le Comité.

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Allégations: L’organisation plaignante affirme que le décret gouvernemental no 27/2021 (I. 29) relatif à la déclaration de l’état d’urgence et à l’entrée en vigueur de mesures d’urgence et le décret gouvernemental 36/2022 (II. 11) relatif à certaines dispositions exceptionnelles applicables aux établissements d’enseignement publics limitent le droit de grève dans les établissements d’enseignement publics

  1. 502. La plainte figure dans des communications émanant du Forum pour la coopération des syndicats (SZEF) en date du 23 mars et du 22 avril 2022. Le Forum pour la coopération des syndicats est l’une des principales confédérations de syndicats de la Hongrie. Il regroupe des organisations qui représentent les travailleurs des secteurs de l’éducation publique, de la santé publique et des services de la protection sociale ainsi que les travailleurs des collections publiques, des institutions culturelles et artistiques, des organes centraux et locaux de l’administration publique, du système judiciaire et des organes chargés du maintien de la sécurité et de l’ordre publics.
  2. 503. Le gouvernement de la Hongrie a fait part de ses observations concernant les allégations dans des communications en date du 4 juillet 2022 et du 3 février 2023.
  3. 504. La Hongrie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 505. Dans ses communications datées du 23 mars et du 22 avril 2022, le SZEF affirme que les mesures prises par le gouvernement de la Hongrie mettent gravement en péril l’exercice du droit de grève. En particulier, le décret gouvernemental 27/2021 (I. 29) relatif à la déclaration de l’état d’urgence et à l’entrée en vigueur de mesures d’urgence, de même que le décret gouvernemental 36/2022 (II. 11) relatif à certaines dispositions exceptionnelles applicables aux établissements d’enseignement publics sont selon lui contraires à la convention no 87 de l’OIT en ce qu’ils limitent le droit de grève.
  2. 506. L’organisation plaignante indique que le comité de grève commun créé par le Syndicat démocratique des enseignants (PDSZ) et le Syndicat national des enseignants (PSZ) a annoncé qu’une grève serait entamée le 16 mars 2022 et qu’elle se poursuivrait indéfiniment afin de faire valoir leurs revendications. Le comité a demandé en outre que le représentant du gouvernement chargé de participer à la procédure de conciliation soit nommé conformément au paragraphe 2 de l’article 2 de la loi VII de 1989 relative à la grève (ci-après «la loi sur la grève»).
  3. 507. À la suite de la nomination du secrétaire d’État adjoint du ministère de l’Éducation et de la Recherche, les parties ont entamé des discussions sur la portée du service minimum suffisant et les conditions afférentes.
  4. 508. L’organisation plaignante affirme que, le 11 février 2022, alors que les consultations n’étaient pas encore parvenues à leur terme et que la série suivante de négociations n’avait pas encore été entamée, le gouvernement a adopté le décret 36/2022 (II. 11) relatif à certaines dispositions exceptionnelles applicables aux établissements d’enseignement publics, qui est entré en vigueur le 12 février 2022.
  5. 509. L’organisation plaignante indique que l’article premier du décret gouvernemental 36/2022 (II. 11) dispose ce qui suit:
    • Dans une situation d’urgence telle que visée par le décret gouvernemental 27/2021 (I. 29) relatif à la déclaration de l’état d’urgence et à l’entrée en vigueur de mesures d’urgence (ci après «la situation d’urgence»), afin de garantir la continuité de l’éducation et de la formation des enfants et des élèves dans le système d’enseignement public et d’assurer l’efficacité de l’application des mesures de lutte contre la pandémie, les services énumérés aux paragraphes 2) à 9) doivent être assurés en tant que services (minima) suffisants au sens du paragraphe 2 de l’article 4 de la loi VII de 1989 relative à l’éducation des enfants et des élèves affectés par la grève qui ont un lien juridique avec les établissements d’enseignement publics (ci-après «les établissements d’enseignement publics») au sens du paragraphe 1 de l’article 7 de la loi CXC de 2011 relative à l’éducation nationale publique.
  6. 510. L’organisation plaignante ajoute que, comme la procédure de conciliation entre les parties sur la question des services suffisants n’a abouti à aucun résultat, les syndicats ont engagé une procédure non-contentieuse visant à obtenir des tribunaux qu’ils définissent la portée de la notion de «services suffisants» et de lancer une procédure d’examen ponctuel de la constitutionnalité de la norme.
  7. 511. L’organisation plaignante note que, dans son ordonnance no 22.Mpk.75.042/2022/6, le Tribunal métropolitain de l’administration et du travail de Budapest a rejeté aussi bien la requête sollicitant une définition des services dits «suffisants» que la requête sollicitant un examen ponctuel de la constitutionnalité. Dans les attendus de sa décision, le tribunal déclare notamment que, «dans le cas de l’action collective visée dans la requête, la portée des services suffisants et les conditions afférentes sont définies par le décret gouvernemental 36/2022 (II. 11) relatif à certaines dispositions exceptionnelles applicables aux établissements d’enseignement publics; en conséquence, [il] ne peut pas se prononcer sur cette question».

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 512. Dans ses communications du 4 juillet 2022 et du 3 février 2023, le gouvernement présente ses observations sur la plainte du SZEF.
  2. 513. Dans sa communication datée du 4 juillet 2022, le gouvernement fournit des informations sur les procédures administratives et judiciaires pertinentes et sur leur issue. Il donne des précisions sur les articles de la loi fondamentale consacrant le droit d’organisation et le droit de mener des activités syndicales, ainsi que le droit d’entamer des négociations, de conclure des conventions collectives et d’agir collectivement pour défendre des intérêts communs, ce qui englobe le droit des travailleurs d’arrêter le travail («Des libertés et responsabilités», art. XVII, paragr. 2). Le paragraphe 2 de l’article XVII de la loi fondamentale prévoit que «les employés, les employeurs et leurs organisations jouissent du droit que leur reconnaît la loi de négocier les uns avec les autres et de conclure des conventions collectives ainsi que d’agir collectivement pour défendre leurs intérêts, y compris le droit des travailleurs d’arrêter le travail.»
  3. 514. À propos de la loi fondamentale, le gouvernement fournit également des informations sur la loi CLXXV de 2011 relative à la liberté d’association, le statut non lucratif, le fonctionnement et le financement des organisations de la société civile, en particulier les dispositions régissant le droit d’organisation (art. 3), ainsi que les dispositions du Code du travail (loi I de 2012) régissant le droit de négociation et le droit de conclure des conventions collectives (art. 270-272) et les dispositions de la loi VII de 1989 relative à la grève (ci-après «la loi sur la grève») régissant l’exercice du droit de grève, son interdiction et sa limitation.
  4. 515. En ce qui concerne le droit de grève, le gouvernement fait observer que l’article 4 de la loi sur la grève dispose ce qui suit:
    • 1) Pendant la grève, les parties continuent de participer à la procédure de conciliation en vue de parvenir à un accord sur le point litigieux et assurent la protection des personnes et des biens; 2) s’agissant des employeurs qui mènent des activités dans des domaines d’intérêt public essentiel tels que, en particulier, les transports en commun par les routes publiques, les services de télécommunication, ainsi que dans les entreprises assurant l’approvisionnement en électricité, eau, gaz et autres formes d’énergie, le droit de grève peut être exercé selon des modalités qui ne font pas obstacle à la fourniture des services maintenus à un niveau considéré comme suffisant; et (3) le niveau des services considéré comme suffisant et les prescriptions pertinentes peuvent être définis dans une loi adoptée par le Parlement et, à défaut d’une telle loi, le niveau des services et les prescriptions pertinentes sont fixés à l’avance et d’un commun accord dans le cadre des négociations préalables à la grève; en tel cas, la grève peut être entamée si les parties ont conclu un accord ou, en l’absence d’un tel accord, lorsque le niveau des services considéré comme suffisant et les prescriptions pertinentes ont été définis dans une décision définitive rendue par un tribunal compétent en matière de conflits du travail agissant à la demande de l’une des parties.
  5. 516. En ce qui concerne les faits de la cause, le gouvernement indique que, le 1er octobre 2021, le PDSZ et le PSZ ont formé un comité de grève commun et soumis leurs revendications, dans lesquelles ils réclament une hausse du salaire des enseignants et des assistants pédagogiques, une réduction des heures de permanence des enseignants et une révision de la réglementation relative à la politique de vaccination obligatoire contre le COVID 19. Conformément au paragraphe 2 de l’article 2 de la loi sur la grève, le secrétaire d’État adjoint à l’éducation publique a été chargé de mener les négociations avec le comité de grève. Ces négociations ont eu lieu le 13 octobre 2021, les 3 et 18 novembre 2021, les 1er et 15 décembre 2021, les 12 et 24 janvier 2022 et le 2 mars 2022. Le gouvernement indique que le comité de grève a annoncé qu’une grève d’avertissement de deux heures aurait lieu le 31 janvier 2022 et qu’en cas d’échec des négociations, une grève serait entamée le 16 mars 2022.
  6. 517. Le gouvernement indique également que l’état d’urgence a été déclaré le 8 février 2021 (en application du décret gouvernemental 27/2021 (I. 29)) et a été maintenu jusqu’au 31 mai 2022, date à laquelle il a pris fin (en vertu du décret gouvernemental 181/2022 (V. 24.) portant levée de l’état d’urgence). Il précise que, compte tenu de l’état d’urgence, l’annonce du comité de grève a été faite en vertu d’une disposition législative spéciale.
  7. 518. Le gouvernement indique que, les négociations n’ayant pas débouché sur un accord concernant les revendications de fond du comité de grève, l’attention s’est reportée sur la question du niveau des services considéré comme suffisant. L’article 4 de la loi sur la grève dispose que, «s’agissant des employeurs qui mènent des activités d’intérêt public essentiel, le droit de grève peut être exercé selon des modalités qui ne font pas obstacle à la fourniture des services maintenus à un niveau considéré comme suffisant.» Le gouvernement fait observer que, comme le comité de grève n’a pas fait valoir que le niveau des services considéré comme suffisant dans l’éducation publique devrait être défini, le seul point sur lequel les parties devaient s’entendre était la portée de ces services. Le gouvernement indique que, comme les syndicats ne considéraient pas l’éducation et l’enseignement comme relevant de l’éducation publique envisagée comme un service d’intérêt public essentiel, ils ne comptaient pas mener d’activités pédagogiques et éducatives pendant la grève et entendaient seulement fournir des services de garderie dans certains établissements désignés. Selon le gouvernement, le droit de grève est certes un droit reconnu aux syndicats par la loi fondamentale, mais celle-ci consacre également le droit des enfants au développement, à la culture et à l’éducation. L’éducation est donc un service d’intérêt public essentiel et, par conséquent, un certain nombre de cours doivent être maintenus, outre les services de prise en charge des enfants. Le gouvernement ajoute que l’état d’urgence dans lequel le pays a été plongé en raison de la pandémie de COVID 19 a contribué à aggraver la situation décrite précédemment et qu’en conséquence, il a fallu s’assurer que les mesures d’isolement et les mesures sanitaires qui avaient été imposées dans l’éducation publique continuent d’être appliquées pendant la grève. Le gouvernement indique que les parties ne sont pas parvenues à un accord sur le niveau des services considéré comme suffisant.
  8. 519. Le gouvernement précise en outre que, le 22 décembre 2021, se fondant sur le paragraphe 3 de l’article 4 de la loi sur la grève, le comité de grève a saisi le tribunal d’une requête le priant de définir le niveau des services considéré comme suffisant en prévision de la grève d’avertissement de deux heures qui devait avoir lieu le 31 janvier 2022. Le gouvernement indique que, le 13 janvier 2022, le tribunal a rejeté la requête et classé l’affaire. Le 17 janvier 2022, le comité de grève a engagé une nouvelle procédure et, en réaction, le gouvernement a introduit une demande reconventionnelle. Cette fois-ci, le 28 janvier 2022, le tribunal a conclu en première instance que la grève proposée était conforme à la loi et s’est rangé à l’avis du comité de grève concernant le niveau des services considéré comme suffisant. Invoquant le paragraphe 2 de l’article 5 de ladite loi, le gouvernement a fait appel de la décision bien que, le 28 janvier 2022 le comité de grève l’ait prié de renoncer à exercer son droit de recours. Le gouvernement indique que, malgré l’absence de décision judiciaire définissant le niveau des services considéré comme suffisant, le 31 janvier 2022, le comité de grève a lancé la grève d’avertissement de deux heures qui avait été planifiée. Le 10 février 2022, la cour d’appel a estimé que la grève du 31 janvier était illégale en raison de l’absence d’accord préalable entre les parties ou de décision de justice définissant le niveau des services considéré comme suffisant.
  9. 520. Le gouvernement indique que, le 11 février 2022, il a adopté le décret 36/2022 (II. 11) relatif à la réglementation applicable dans l’éducation publique dans le contexte de l’état d’urgence. Ce décret contient une liste des activités qui doivent être maintenues dans l’éducation publique lorsqu’une grève est organisée pendant une période où le décret gouvernemental 27/2021 (I. 29) est en vigueur, s’agissant du niveau des services considéré comme suffisant. Les activités figurant dans cette liste sont les suivantes: prise en charge des enfants, dans le respect des normes de séparation et de distance sociale, distribution des repas et participation aux examens médicaux programmés antérieurement; maintien de 50 pour cent des cours; maintien de 100 pour cent des cours s’agissant des matières dans lesquelles les élèves doivent passer des examens de fin de scolarité; prise en charge des enfants ayant des besoins éducatifs spéciaux et des enfants vivant en internat; soins aux enfants dans les garderies.
  10. 521. Le gouvernement ajoute que le 18 février 2022, le comité de grève a soumis au tribunal une autre requête dans laquelle il le prie de définir le niveau des services considéré comme suffisant aux fins de la grève du 16 mars 2022 et l’engage à ne pas tenir compte du décret gouvernemental 36/2022 (II. 11) et à retenir plutôt les propositions des syndicats concernant cette question. Parallèlement, le comité de grève a également demandé au tribunal d’introduire un recours devant la Cour constitutionnelle afin que celle-ci examine la constitutionnalité de ce décret. Le gouvernement indique que, le 26 février 2022, le décret gouvernemental 36/2022 (II. 11) est entré en vigueur. Le 24 février 2022, la requête du comité de grève a été rejetée en première instance et, le 8 mars 2022, en deuxième instance. Le 4 mars 2022, le comité de grève a saisi directement la Cour constitutionnelle d’un recours en inconstitutionnalité visant ce décret. À ce jour, aucun arrêt n’a encore été rendu à ce sujet par la Cour constitutionnelle.
  11. 522. Le gouvernement ajoute que, le 16 mars 2022, la grève a été menée compte tenu des conditions fixées dans le décret gouvernemental 36/2022 (II. 11). Dans certains cas, les prescriptions relatives au niveau des services considéré comme suffisant n’ont pas été respectées par les grévistes et, par la suite, les incidents en question ont été qualifiés d’«actes de désobéissance civile». Le gouvernement souligne que l’expression «désobéissance civile» n’est pas un terme consacré en droit hongrois. Le non-respect de la réglementation relative au niveau des services considéré comme suffisant et le fait d’entamer une grève sans motif légitime sont contraires aux obligations définies dans la législation relative à l’emploi et à la nomination dans la fonction publique.
  12. 523. Enfin, le gouvernement indique que, le 1er avril 2022, sachant que des élections parlementaires devaient se tenir le 3 avril 2022, le comité de grève a décidé de suspendre la grève jusqu’à ce qu’un nouveau gouvernement ait été formé dans le pays. Le 31 mai de la même année, l’état d’urgence déclaré en vertu du décret gouvernemental 27/2021 (I. 29) a pris fin et, en conséquence, tous les décrets pertinents qui avaient été adoptés pendant la période concernée sont devenus nuls et non avenus, y compris le décret gouvernemental 36/2022 (II. 11) contesté par les syndicats.
  13. 524. S’agissant de la plainte du SZEF, le gouvernement précise que sa position est essentiellement fondée sur le fait que cette plainte a perdu sa raison d’être étant donné que le décret contesté a été abrogé. Conformément au paragraphe 2 de l’article 4 du décret gouvernemental 36/2022 (II. 11), ce décret doit être abrogé en même temps que la loi I de 2021 relative à la protection contre la pandémie de COVID 19. L’article 5/A de ladite loi dispose que celle-ci doit être abrogée le 1er juin 2022. Le gouvernement ajoute que l’article 14 de la loi V de 2022 relative aux questions liées à la levée de l’état d’urgence – qui est désormais conforme au paragraphe 3) de l’article 4 de la loi sur la grève – réglemente de nouveau les questions touchant le niveau des services considéré comme suffisant dans l’éducation publique mais que, dans sa plainte, le SZEF ne conteste pas ces dispositions. Dans sa communication soumise le 3 février 2023, le gouvernement précise que la loi V de 2022 est entrée en vigueur le 1er juin 2022 et qu’en substance, son contenu est identique à celui du décret gouvernemental 36/2022 (II. 11), et que sa position telle qu’elle est présentée dans sa communication en date du 4 juillet 2022 et exposée en détail ci-après – concernant la concordance du contenu de la loi V de 2022 et du décret gouvernemental 36/2022 (II. 11) – demeure inchangée.
  14. 525. Dans sa réponse, le gouvernement cite les conventions pertinentes de l’OIT ratifiées par la Hongrie (conventions nos 87, 98, convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981). Faisant observer qu’aucune de ces conventions ne prévoit de disposition consacrant le droit de grève, il indique que, comme le SZEF, il entend interpréter ce droit en se fondant exclusivement sur la jurisprudence de l’OIT. À cette fin, il renvoie aux paragraphes de la Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 837, 827-830, 836, 840, 842, 845 846.
  15. 526. Compte tenu des paragraphes susmentionnés de la Compilation, le gouvernement conclut que les dispositions critiquées par le SZEF dans sa plainte sont conformes à la jurisprudence de l’OIT. D’après celle-ci, le niveau des services considéré comme suffisant devrait permettre de répondre aux besoins des citoyens tout en préservant la marge de manœuvre voulue pour faire pression, principe que la législation hongroise garantit. Le gouvernement précise que, bien que l’éducation publique ne soit pas considérée comme un service essentiel, sauf en ce qui concerne la distribution de repas aux écoliers et le nettoyage des établissements scolaires [voir Compilation, paragr. 840 et 842], les incidences conjuguées de la prise en charge des enfants d’âge scolaire et de l’état d’urgence pendant la pandémie de COVID 19 sont des facteurs de nature à justifier une restriction ou une interdiction de l’exercice du droit de grève [voir Compilation, paragr. 830 (2) et 836], ces facteurs pouvant constituer une menace évidente et imminente pour la vie, la sécurité ou la santé d’une partie ou de l’ensemble de la population (c’est-à-dire des enfants et des élèves). Selon le gouvernement, force est de reconnaître que les mineurs de 14 à 18 ans, qui ont une capacité limitée, et les mineurs de 0 à 14 ans, qui n’ont aucune capacité, doivent être pris en charge afin que leur sécurité soit garantie.
  16. 527. Le gouvernement fait valoir en outre que les établissements d’enseignement n’ont pas seulement pour objectif de transmettre des connaissances; ils ont aussi pour mission de garantir la sécurité des élèves. Conformément au paragraphe 1 de l’article XVI de la loi fondamentale, «tout enfant jouit du droit à la protection et aux soins nécessaires à son bon développement physique, intellectuel et moral». À ce propos, le gouvernement renvoie également aux articles 3 (paragr. 1 et 2), 24 (paragr. 1) et 28 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. Le gouvernement indique que, conformément aux textes susmentionnés, le paragraphe 2 de l’article 1 du décret gouvernemental 36/2022 (II. 11) prévoit ce qui suit:
    • Dans les établissements d’enseignement participant à une grève, les enfants et les élèves doivent être pris en charge: a) tous les jours ouvrables, de 7 à 16 heures, voire jusqu’à 17 heures, s’agissant des écoles primaires, voire encore jusqu’à 18 heures, s’agissant des garderies; b) dans l’établissement d’enseignement où les enfants ou les élèves sont scolarisés, compte tenu du lien juridique existant entre eux et l’établissement; c) pendant la pandémie, les enfants ou élèves doivent être regroupés dans la même salle que ceux avec lesquels ils étaient en classe avant la grève et, conformément aux divers règlements relatifs à l’état d’urgence, l’on évitera de mélanger des enfants de différentes classes, et les activités de prise en charge se dérouleront dans la salle où les enfants allaient avant la grève; d) chaque groupe ou classe doit compter au moins un éducateur de la petite enfance qualifié, un enseignant, un enseignant pour enfants ayant des besoins spéciaux, un tuteur, un éducateur ou assistant spécialisé; e) les jours où ils sont pris en charge, les enfants et les élèves doivent passer au moins une heure le matin et une heure l’après-midi dehors – si le temps le permet – dans le respect des règles de distanciation sociale; (3) dans les établissements affectés par la grève, les repas doivent être distribués conformément aux normes relatives à la restauration publique et aux normes sanitaires ainsi qu’aux autres normes professionnelles, et ce, dans le même établissement et selon les mêmes modalités qu’avant la grève.
  17. Selon le gouvernement, si ces règles sont appliquées, la grève est autorisée dans l’éducation publique et peut servir de moyen de pression.
  18. 528. Le gouvernement fait valoir en outre que, d’après la jurisprudence de l’OIT, les enseignants ne sont pas considérés comme des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’État [voir Compilation, paragr. 827-829 et 845], mais que le droit de grève peut néanmoins être limité dans la mesure où l’éducation publique est un secteur dans lequel les activités peuvent devenir essentielles si leur suspension dépasse une certaine durée. [Voir Compilation, paragr. 837.] Lorsqu’une grève touchant le système institutionnel de l’éducation publique se prolonge, la socialisation, l’apprentissage et la maturation spirituelle peuvent être plus difficiles, voire impossibles, ce qui peut avoir des conséquences négatives pour les jeunes. Outre les domaines susmentionnés, des incidences à long terme peuvent se ressentir non seulement dans la prise en charge d’enfants, mais aussi dans l’ensemble du processus éducatif et pédagogique. Le gouvernement note que, d’après la jurisprudence de l’OIT [voir Compilation, paragr. 846], ces incidences à long terme ne sauraient justifier l’interdiction des grèves dans l’éducation publique, mais qu’il n’est toutefois pas interdit de limiter dans une certaine mesure le droit de grève dans l’éducation publique. Le décret gouvernemental 36/2022 (II. 11) n’annulait pas le droit de grève, il ne faisait qu’établir des restrictions en définissant le niveau des services considéré comme suffisant.
  19. 529. Renvoyant au paragraphe 3 de l’article 1 de la convention nº 154, le gouvernement fait observer que la définition régie par le droit du niveau des services considéré comme suffisant visait à garantir l’application dudit article de la convention no 154. Il ajoute que, compte tenu des dispositions de l’article 4 (3) de la loi sur la grève, étant donné qu’aucun accord préalable n’avait été conclu par les parties au sujet des revendications de fond ou du niveau des services considéré comme suffisant pendant la grève, et que la décision juridiquement contraignante que devait rendre le tribunal n’avait toujours pas été reçue à la date proposée de la grève, les organisateurs ont entamé la grève d’avertissement du 31 janvier 2022 en sachant pertinemment que leurs actes pouvaient être illégaux. Définir dans un décret le niveau des services considéré comme suffisant contribuait à clarifier la situation et à faciliter la tenue de négociations collectives, ce qui créait des conditions permettant de se concentrer sur les questions de fond.
  20. 530. Enfin, le gouvernement indique que l’affirmation de l’organisation plaignante selon laquelle le décret gouvernemental rend impossible l’exercice du droit de grève est contredite de facto par les déclarations des dirigeants syndicaux qui ont organisé la grève. Il note que le président du PSZ a affirmé que 27 000 enseignants avaient participé à la grève du 31 janvier 2022 et qu’environ 20 000 personnes avaient pris part à la grève entamée le 16 mars 2022. En conséquence, et comme l’ont reconnu les organisations plaignantes, le décret gouvernemental n’a pas créé une impossibilité d’organiser ou de mener une grève.
  21. 531. Compte tenu de ce qui précède, le gouvernement prie le comité de rejeter la plainte du SZEF.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 532. Le comité note que, en l’espèce, l’organisation plaignante soutient qu’à la suite de l’adoption du décret gouvernemental 27/2021 (I. 29) relatif à la déclaration de l’état d’urgence et à l’entrée en vigueur de mesures d’urgence et du décret gouvernemental 36/2022 (II. 11) relatif à certaines dispositions exceptionnelles applicables aux établissements d’enseignement publics, le droit de grève dans les établissements d’enseignement publics a été limité et que, de ce fait, les décrets gouvernementaux susmentionnés sont contraires à la liberté d’association et à la convention no 87 de l’OIT.
  2. 533. Le comité note que, d’après les allégations et les informations communiquées par le gouvernement, le 1er octobre 2021, le PDSZ et PSZ ont formé un comité de grève commun et ont soumis leurs revendications, par lesquelles ils sollicitent: i) une augmentation du salaire des enseignants et des assistants pédagogiques; ii) une réduction des heures de permanence des enseignants; et iii) une révision de la réglementation relative à la politique de vaccination obligatoire contre le COVID 19. Le comité note en outre qu’une série de négociations se sont tenues entre les parties (le 13 octobre 2021, les 3 et 18 novembre 2021, les 1er et 15 décembre 2021, les 12 et 24 janvier 2022 et le 2 mars 2022). Ces négociations ayant été infructueuses, le comité de grève a annoncé qu’une grève d’avertissement de deux heures aurait lieu le 31 janvier 2022 et qu’en cas d’échec des négociations, une grève d’une durée indéterminée serait entamée le 16 mars 2022.
  3. 534. Le comité observe que, d’après le gouvernement, bien que les parties aient reconnu la nécessité d’établir un service minimum en cas de grève dans l’éducation publique, elles ne sont pas parvenues à s’entendre sur sa portée. Le comité prend note de l’argument du gouvernement selon lequel la jurisprudence de l’OIT montre que la prise en charge des enfants et les services de restauration sont considérés comme un service essentiel, que le droit de grève peut être exclu ou limité dans ces domaines, et que l’éducation publique est un domaine d’activité qui devient un service essentiel si son interruption dépasse une certaine durée. Le comité note en outre que, d’après le gouvernement, l’éducation publique est un service d’intérêt public essentiel et que la socialisation, l’apprentissage et le développement psychologique, qui peuvent devenir plus difficiles, voire impossibles sur la durée en cas de grève, peuvent avoir des conséquences négatives à long terme pour les jeunes. Ainsi, outre les services de prise en charge des enfants, un certain nombre de cours doivent être maintenus et la réglementation du droit de grève dans l’éducation est justifiée.
  4. 535. Le comité observe que, d’après le rapport du gouvernement, le 8 février 2021, l’état d’urgence a été déclaré en Hongrie en application du décret gouvernemental 27/2021 (I. 29.) en raison de la pandémie de COVID 19. Il prend note de l’argument du gouvernement selon lequel l’établissement d’un service minimum dans l’éducation publique était plus complexe en raison de l’état d’urgence, celui-ci supposant que l’on veille à ce que les mesures d’isolement et les mesures sanitaires imposées dans l’éducation publique continuent d’être appliquées pendant la grève.
  5. 536. Le comité observe que, conformément à l’article 4 (3) de la loi sur la grève, les parties ont engagé une procédure aux fins de l’établissement du niveau des services considéré comme suffisant. D’après les dispositions dudit paragraphe, le niveau des services considéré comme suffisant peut être établi par une loi adoptée par le Parlement ou, à défaut, il peut être défini préalablement au cours des négociations tenues avant la grève. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur ce point, la question est tranchée par un tribunal, à la demande de l’une des parties.
  6. 537. Le comité note que le comité de grève a saisi le tribunal d’une requête l’invitant à définir le service minimum en prévision de la grève d’avertissement de deux heures qui devait avoir lieu le 31 janvier 2022. Le comité observe que, bien que le tribunal ait donné gain de cause au comité de grève en première instance, le gouvernement a fait appel de la décision alors que le comité de grève l’avait prié de renoncer à exercer son droit de recours. Le comité observe que, le 31 janvier 2022, le comité de grève a lancé une grève d’avertissement de deux heures qui d’après le gouvernement a ensuite été considérée comme illégale par le tribunal en raison de l’absence d’accord ou de décision judiciaire sur le niveau du service minimum.
  7. 538. Se reportant à la chronologie des événements, le comité note en outre que, dans un message électronique daté du 2 février 2022, le comité de grève a engagé des négociations concernant l’établissement du service minimum, en prévision de la grève qui devait commencer le 16 mars 2022. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, le 11 février 2022, avant même que les consultations ne puissent parvenir à leur terme et que la série suivante de négociations ne soit entamée, le gouvernement a adopté le décret 36/2022 (II. 11) relatif à certaines dispositions exceptionnelles applicables aux établissements d’enseignement publics, qui donne une définition des services devant être fournis en tant que services suffisants. Le comité croit comprendre qu’en conséquence, le 18 février 2022, le comité de grève a saisi le tribunal d’une requête le priant a) de définir la portée du service minimum aux fins de la grève qui devait commencer le 16 mars 2022, et b) d’engager une procédure afin que le décret gouvernemental soit déclaré inconstitutionnel dans le cadre d’un examen ponctuel de la constitutionalité de la norme». Le comité note toutefois que, le 24 février 2022, le tribunal de première instance a rejeté aussi bien la requête sollicitant une définition du niveau des services considéré comme suffisant que celle sollicitant un examen ponctuel de la constitutionnalité de la norme et, le 26 février 2022, le décret gouvernemental 36/2022 (II. 11) est entré en vigueur. Le comité prend note des allégations de l’organisation plaignante qui indique que, dans les attendus de sa décision, le tribunal déclare notamment qu’«au vu du fait que, dans le cas de l’action revendicative visée dans la requête, le décret gouvernemental 36/2022 (II. 11) relatif à certaines dispositions exceptionnelles applicables aux établissements d’enseignement publics définit la portée des services suffisants et les conditions afférentes, [il] ne peut se prononcer sur cette question». Le comité note en outre que, le 8 mars 2022, l’appel a été rejeté en deuxième instance et que, le 4 mars 2022, le comité de grève a saisi la Cour constitutionnelle d’un recours en inconstitutionnalité visant le décret gouvernemental, mais qu’aucune décision n’a encore été rendue à ce sujet.
  8. 539. Le comité note enfin que, le 16 mars 2022, la grève a été entamée dans le respect des prescriptions du décret gouvernemental 36/2022 (II. 11) mais que, le 1er avril 2022, compte tenu de l’imminence des élections parlementaires, le comité de grève a décidé de suspendre la grève jusqu’à ce qu’un nouveau gouvernement soit formé dans le pays. Le 31 mai 2022, l’état d’urgence déclaré en application du décret gouvernemental 27/2021 (I. 29.) a été levé et le décret gouvernemental 36/2022 (II. 11) a été abrogé.
  9. 540. Le comité prend note des arguments avancés par le gouvernement, qui affirme que: i) le recours contre le décret gouvernemental 36/202 (II. 11) n’a plus de raison d’être car ledit décret a été abrogé le 1er juin 2022; ii) grâce à sa définition du niveau des services considéré comme suffisant dans le secteur de l’éducation publique, le décret gouvernemental 36/2022 (II. 11) répondait aux besoins des citoyens pour ce qui est de la prise en charge des enfants, des services de restauration et de l’éducation publique, en particulier dans le contexte de la pandémie de COVID 19 et conformément à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (articles 3 (1)-(2), 24 (1) et 28, tout en laissant aux travailleurs une marge de manœuvre suffisante leur permettant d’exercer des pressions en se mettant en grève et, conformément aux principes d’application pertinents de l’OIT, ce décret n’interdisait pas le droit de grève en Hongrie mais le réglementait dans le domaine de l’éducation publique en définissant le niveau des services considéré comme suffisant; iii) l’établissement par voie de décret du niveau des services considéré comme suffisant permettait de clarifier la situation et de faciliter l’organisation de négociations collectives dans l’éducation publique et l’exercice du droit de grève en ce que cela rendait superflues la tenue de consultations préalables et la saisine d’un tribunal dans les cas où les parties n’étaient pas parvenues à un accord; et iv) les allégations de l’organisation plaignante concernant la portée des restrictions limitant l’exercice du droit de grève par les enseignants dans le système éducatif public sont contredites par les déclarations des dirigeants des syndicats organisateurs de la grève et, d’après la communication du gouvernement soumise le 3 février 2023, il n’a jamais été aussi facile d’organiser une grève en Hongrie.
  10. 541. En ce qui concerne l’argument du gouvernement selon lequel le décret 36/2022 (II. 11) a été abrogé à la fin de l’état d’urgence, le comité note que, conformément au paragraphe 3 de l’article 4 de la loi sur la grève, l’article 14 de la loi V de 2022 relative aux questions liées à la levée de l’état d’urgence contient une disposition réglementant de nouveau le service minimum qui, en substance, a la même teneur que la disposition correspondante prévue par le décret 36/2022 (II. 11). Le comité prend dûment note de l’argument du gouvernement selon lequel la plainte ne porte pas sur cette disposition; toutefois, étant donné que l’article 14 de la loi V de 2022 reprend en substance les dispositions du décret gouvernemental 36/2022 (II. 11) visées dans la plainte, le comité décide de procéder à l’examen de la loi V de 2022. Il observe de plus que, contrairement au décret gouvernemental, dont l’application était limitée dans le temps, les dispositions de l’article 14 de la loi V de 2022 sont applicables jusqu’à nouvel avis et indépendamment de l’état d’urgence proclamé le 25 mai et le 28 octobre 2022 en application des décrets gouvernementaux 180/2022 et 424/2022 portant sur la déclaration de l’état d’urgence et sur certaines dispositions exceptionnelles prises en réaction au conflit armé et à la catastrophe humanitaire sévissant en Ukraine afin d’en prévenir les répercussions en Hongrie.
  11. 542. S’agissant du niveau du service minimum, le comité rappelle que des mesures devraient être prises pour garantir que le service minimum évite la mise en danger de la santé ou de la sécurité publique. [Voir Compilation, paragr. 870.] Le comité note que les dispositions du décret gouvernemental 36/2022 (II. 11) et de l’article 14 de la loi V de 2022 adoptée après ledit décret prévoient notamment que les établissements éducatifs qui participent à une grève doivent s’occuper des enfants de 7 à 16 heures, voire jusqu’à 17 heures, s’agissant des écoles primaires, voire encore jusqu’à 18 heures, s’il s’agit d’une garderie, et ce dans l’établissement éducatif où les enfants sont scolarisés; en outre, chaque groupe doit compter au moins un éducateur de la petite enfance qualifié, un enseignant, un éducateur pour enfants ayant des besoins spéciaux, un tuteur ou un éducateur ou assistant spécialisé; que les enfants passent au moins une heure le matin et une heure l’après-midi dehors; que les examens médicaux planifiés antérieurement et la distribution des repas aient lieu dans le même établissement et selon les mêmes modalités qu’avant la grève. La réglementation prévoit en outre que les établissements participant à la grève continuent d’assurer 50 pour cent des cours et jusqu’à 100 pour cent des cours s’agissant des matières dans lesquelles les élèves doivent passer des examens de fin de scolarité.
  12. 543. Le comité note que, d’après le gouvernement, les parties ne sont pas en désaccord sur le point de savoir s’il faudrait établir un service minimum dans le secteur de l’éducation publique, mais que leurs divergences de vues portent sur le niveau du service suffisant. Le comité note également que, d’après le gouvernement, le décret gouvernemental 36/2022 (II. 11) et la loi V de 2022, qui lui est postérieure, n’interdisent ni ne limitent les grèves, mais déterminent le niveau du service suffisant et, ce faisant, facilitent l’exercice du droit de grève en rendant superflues l’organisation de consultations préalables et la saisine d’un tribunal dans les cas où les parties ne sont pas parvenues à un accord.
  13. 544. À ce propos, le comité tient à rappeler tout d’abord que, même si le secteur de l’éducation ne constitue pas un service essentiel au sens strict du terme et que les conséquences éventuelles à long terme d’une grève dans le secteur de l’enseignement ne sauraient justifier son interdiction, dans les cas de grève de longue durée dans le secteur de l’enseignement, des services minima peuvent être établis en pleine consultation avec les partenaires sociaux, et qu’il n’est pas contraire aux principes de la liberté syndicale d’établir un service minimum dans le secteur de l’éducation. [Voir Compilation, paragr. 842, 846, 898 et 899.] Le comité rappelle en outre que, dans la détermination des services minima et du nombre minimum de travailleurs qui en garantissent le maintien, il importe que participent non seulement les pouvoirs publics, mais aussi les organisations d’employeurs et les organisations de travailleurs concernées. En effet, outre que cela permettrait un échange de vues réfléchi sur ce que doivent être en situation réelle les services minima strictement nécessaires, cela contribuerait aussi à garantir que les services minima ne soient pas étendus au point de rendre la grève inopérante en raison de son peu d’impact et à éviter de donner aux organisations syndicales l’impression que l’échec de la grève tient à ce que le service minimum a été prévu d’une manière trop large et fixé unilatéralement. [Voir Compilation, paragr. 881.] À ce propos, le comité observe que la définition unilatérale du service minimum par l’une des parties – en l’espèce, le gouvernement – lorsque les négociations ont échoué, n’est pas conforme aux principes de la liberté syndicale. Tout désaccord à cet égard doit être réglé par un organisme indépendant ayant la confiance des parties concernées. [Voir Compilation, paragr. 883.]
  14. 545. Bien que l’organisation plaignante et le gouvernement aient des divergences de vues sur les incidences concrètes des dispositions établissant un service minimum dans le contexte de l’exercice du droit de grève dans le secteur de l’éducation, le comité rappelle que le service minimum doit être limité aux opérations nécessaires pour que la satisfaction des besoins de base de la population ou des exigences minima du service soit assurée, tout en garantissant que la portée du service minimum n’ait pas comme conséquence de rendre la grève inefficace. [Voir Compilation, paragr. 874.] Comme l’a rappelé le gouvernement, le comité a estimé que la fourniture d’aliments pour les élèves en âge scolaire et le nettoyage des établissements scolaires pouvaient être considérés comme des services essentiels et que, dans ces secteurs, les actions revendicatives pouvaient être limitées ou interdites. [Voir Compilation, paragr. 840.] Cela étant, le comité considère que l’obligation d’assurer 50 pour cent des cours et jusqu’à 100 pour cent des cours s’agissant des matières dans lesquelles les élèves doivent passer des examens de fin de scolarité semble aller au-delà du principe selon lequel le service minimum doit être limité aux activités strictement nécessaires à la satisfaction des besoins fondamentaux de la population, et peut restreindre considérablement le droit de grève des travailleurs du secteur de l’éducation publique.
  15. 546. Le comité note que, dans sa réponse, le gouvernement indique que, lorsque les prescriptions relatives au niveau des services considéré comme suffisant n’ont pas été observées par les grévistes, les cas de non-respect ont été qualifiés d’actes de «désobéissance civile», et qu’ils pourraient être qualifiés de manquements aux obligations prévues par la loi concernant l’emploi et l’engagement dans la fonction publique. Le comité note qu’en vertu de l’article 15 de la loi V de 2022, lorsqu’un fonctionnaire ou un salarié d’un établissement d’enseignement public auquel s’applique la loi sur l’éducation publique nationale ne s’est pas acquitté de son obligation de travailler, son employeur dispose de huit jours à compter de la commission de la faute professionnelle pour engager une action en justice au titre de l’article 56 de la loi I de 2012 portant Code du travail, en vertu duquel l’intéressé peut être condamné à une amende ou être licencié. À ce propos, le comité rappelle que nul ne devrait faire l’objet de sanctions pour avoir déclenché ou tenté de déclencher une grève légitime. [Voir Compilation, paragr. 953.]
  16. 547. Notant avec préoccupation l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle le décret gouvernemental 36/2022 (II. 11) a été adopté avant même que les consultations en cours n’aient pu être menées à leur terme et avant que le cycle suivant de négociations n’ait été entamé, et compte tenu du fait que la loi V de 2022 reprend en substance les restrictions relatives au service minimum prévues par le décret gouvernemental 36/2022 (II. 11), le comité prie le gouvernement de consulter pleinement les organisations de travailleurs et d’employeurs concernées pour la définition du service minimum qui pourrait être requis dans le secteur de l’éducation, ou si les parties ne parviennent pas à un accord de prévoir que la question sera tranchée par un organe indépendant, dont les résultats seront reflétés dans la loi V ou toute autre loi pertinente.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 548. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Notant avec préoccupation l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle le décret gouvernemental 36/2022 (II. 11) a été adopté avant même que les consultations en cours n’aient pu être menées à leur terme et avant que le cycle suivant de négociations n’ait été entamé, et compte tenu du fait que la loi V de 2022 reprend en substance les restrictions relatives au service minimum prévues par le décret gouvernemental 36/2022 (II. 11), le comité prie le gouvernement de consulter pleinement les organisations de travailleurs et d’employeurs concernées pour la définition du service minimum qui pourrait être requis dans le secteur de l’éducation, ou si les parties ne parviennent pas à un accord de prévoir que la question sera tranchée par un organe indépendant, dont les résultats seront reflétés dans la loi V ou toute autre loi pertinente.
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