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Rapport définitif - Rapport No. 388, Mars 2019

Cas no 3158 (Paraguay) - Date de la plainte: 18-JUIN -15 - Clos

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Allégations: Les organisations plaignantes allèguent l’absence de négociation collective dans une entité binationale de production d’électricité, ainsi que le transfert et le licenciement de travailleurs à la suite d’une grève et le non-enregistrement de ses comités directeurs

  1. 459. La plainte figure dans une communication en date du 18 juin 2015 de la Centrale unitaire des travailleurs Authentique (CUT-A), du Syndicat national des travailleurs de Yacyretá (SINATRAY), du Syndicat des travailleurs paraguayens de Yacyretá – Département technique (SITPAY-DT), du Syndicat des fonctionnaires de l’entité binationale Yacyretá Authentique – Côté paraguayen (SIFEBY-A) et du Syndicat des fonctionnaires du secteur de la sécurité et des informations de l’entité binationale Yacyretá (SIFUSEBY).
  2. 460. Le gouvernement a transmis des observations partielles dans des communications en date du 6 mai 2016, du 4 février et du 7 mars 2019.
  3. 461. Le Paraguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 462. Dans leur communication en date du 18 juin 2015, les organisations plaignantes allèguent que, depuis sa création en 1973, l’entreprise de production d’électricité Yacyretá, située entre l’Argentine et le Paraguay (ci-après «l’entité binationale») n’a conclu aucune convention collective de travail avec les organisations syndicales malgré l’obligation qui lui incombe en vertu de l’article 334 du Code du travail du Paraguay, selon lequel «toute entreprise de plus de 20 salariés est dans l’obligation de conclure une convention collective régissant les conditions de travail; si cette entreprise dispose d’un syndicat organisé, les conditions générales de cette convention sont négociées avec ce syndicat». Elles allèguent également que, par décision no 15802 du 22 avril 2014, la direction exécutive de l’entité binationale a accordé aux travailleurs du côté argentin un ajustement salarial de 30 pour cent, alors que les travailleurs du côté paraguayen se sont vu accorder un ajustement salarial de 10 pour cent, qui ne s’est jamais concrétisé. Elles allèguent aussi que, alors que par décision no 15714 du 7 avril 2014, la direction exécutive de l’entité binationale a accordé le versement d’une indemnité extraordinaire à titre gracieux aux travailleurs des deux côtés de l’entité, cette dernière a refusé d’appliquer les dispositions de ladite décision aux travailleurs du côté paraguayen.
  2. 463. Les organisations plaignantes indiquent que, bien que deux réunions tripartites aient été organisées devant l’autorité administrative du travail les 20 et 30 juin 2014, l’entité binationale a refusé d’examiner les revendications au motif qu’elles étaient devant l’instance judiciaire et, au lieu de donner suite à ces réclamations, elle a choisi, par décision du 17 décembre 2014, d’annuler la décision no 15802, privant ainsi les travailleurs des côtés paraguayen et argentin des ajustement salariaux accordés. Selon les organisations plaignantes, devant la situation et le refus de l’entité de négocier collectivement, elles ont informé, le 15 janvier 2015, la direction exécutive qu’une grève de trente jours serait organisée à compter du 2 février pour exiger la signature d’une convention collective sur les conditions de travail, de même que la mise en œuvre de l’ajustement salarial et le versement de l’indemnité extraordinaire accordée à titre gracieux.
  3. 464. Selon les organisations plaignantes, le 5 février 2015, et grâce à la médiation du gouverneur du département des Misiones, il a été convenu de mettre fin à la grève (menée depuis le 2 février) et d’organiser une table ronde de dialogue, et les 20 et 26 février, une série d’accords ont été signés entre l’entité binationale et les organisations plaignantes, dans lesquels la direction exécutive de l’entité binationale s’est engagée, entre autres, à entamer la négociation d’une convention collective sur les conditions de travail. Les organisations plaignantes dénoncent le fait que ces accords n’ont pas été respectés et que, au contraire, des travailleurs ont été transférés et licenciés à la suite de la grève. Les organisations plaignantes allèguent aussi que l’autorité administrative du travail a également exercé des représailles à leur encontre en omettant d’enregistrer et de certifier les documents syndicaux relatifs à l’enregistrement du renouvellement des comités directeurs.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 465. Dans ses communications en date du 6 mai 2016, du 4 février et du 7 mars 2019, le gouvernement transmet ses observations ainsi que la réponse de l’entité binationale. Il indique que l’entité binationale est une entreprise créée en vertu d’un traité signé entre la République du Paraguay et la République argentine le 3 décembre 1973 qui est régie par les normes établies dans le traité et ses annexes et que, en matière de travail, elle est régie par le «Protocole relatif au travail et à la sécurité sociale» adopté au Paraguay dans le cadre de la loi no 606 du 19 novembre 1976. Le gouvernement indique que la question de la signature d’une convention collective sur les conditions de travail a fait l’objet d’un procès intenté devant la juridiction du travail par plusieurs syndicats de fonctionnaires de cette entité, intitulé «Syndicats des fonctionnaires professionnels de la EBY et autres c. Entité binationale Yacyretá – obligation de conclure une convention collective sur les conditions de travail». A cet égard, le gouvernement indique que, bien que par décision rendue le 28 octobre 2013, le tribunal civil et du travail de première instance de la capitale (Primer turno, Secretaria no 1) ait décidé de faire droit à la demande présentée par les syndicats condamnés aux dépens, et ordonné à l’entreprise de conclure et signer une convention collective de travail dans les quatre-vingt-dix jours, la deuxième chambre de la cour d’appel du travail de la capitale, par décision no 83 du 26 août 2014, a annulé la décision prise en première instance (le gouvernement a communiqué le texte desdites décisions).
  2. 466. En ce qui concerne les licenciements qui auraient été prononcés à la suite de la grève qui a eu lieu du 2 au 5 février 2015, le gouvernement indique qu’ils étaient dus au fait que de nombreux projets de travail étaient achevés et que tous les licenciements avaient été effectués conformément au Code du travail et aux règlements internes de l’entité.
  3. 467. En ce qui concerne la décision no 15802 d’avril 2014, par laquelle un ajustement salarial a été accordé, l’entité binationale indique qu’elle a été annulée en décembre 2014, car l’augmentation consentie était motivée par la situation hautement inflationniste en République argentine qui affectait directement le pouvoir d’achat des fonctionnaires du côté argentin; cette question est toutefois à l’examen devant les tribunaux. L’entité binationale indique aussi que la décision no 15714 du 7 avril 2014, qui établit le versement d’une «indemnité extraordinaire à titre gracieux», demeure en vigueur, qu’elle est régulièrement appliquée et de manière effective, sans discrimination aucune d’un côté ou de l’autre, et que son application a été prorogée jusqu’en 2017, en application des décisions nos 16438/15 et 16591/15 du comité exécutif.
  4. 468. Selon l’entité binationale, la réunion tripartite convoquée par la Direction générale du travail le 30 juin 2014 n’a pas abouti parce que les syndicats avaient intenté une action en justice avant la réunion, laquelle était en cours, et que le fond de l’affaire devait d’abord être clarifié devant les tribunaux. En ce qui concerne la deuxième réunion tripartite, convoquée le 13 août 2015 à la demande des organisations plaignantes, la Direction de la médiation en matière de conflits collectifs aurait indiqué dans une note adressée à l’entité binationale que la réunion n’a pas eu lieu en raison du manque d’intérêt de la part de l’organisation plaignante.
  5. 469. Le gouvernement affirme également que les procédures d’inscription et d’enregistrement des comités directeurs des syndicats n’ont pas été entravées et que, comme il ressort d’une note établie le 3 août 2018 par la Direction technique du Département des relations professionnelles et Registre syndical du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale (jointe en annexe par le gouvernement), les comités directeurs des syndicats suivants de l’entité binationale ont notamment été enregistrés: SINATRAY (dernier comité exécutif le 11 mai 2015), SITPAY-DT (dernier comité directeur le 24 août 2016), SIFEBY-A (dernier comité directeur le 21 juillet 2015) et SIFUSEBY (dernier comité directeur le 10 août 2017).

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 470. Le comité note en l’espèce que les organisations plaignantes affirment qu’une entreprise binationale de production d’électricité (l’entité binationale) créée il y a plus de quarante ans n’a négocié aucune convention collective sur les conditions de travail. Elles allèguent aussi le licenciement et le transfert de travailleurs à la suite d’une grève tenue du 2 au 5 février 2015 et que l’autorité administrative du travail a exercé des représailles contre ces organisations en omettant d’enregistrer et de certifier les documents relatifs à l’enregistrement du renouvellement de leurs comités directeurs.
  2. 471. En ce qui concerne la négociation collective, le comité note que les organisations plaignantes allèguent que: i) depuis sa création, l’entité binationale n’a négocié aucune convention collective sur les conditions de travail, bien qu’elle y soit tenue en vertu de l’article 334 du Code du travail du Paraguay; ii) du 2 au 5 février 2015, une grève a eu lieu pour exiger, entre autres, la signature d’une convention collective sur les conditions de travail; et iii) le 26 février 2015, dans le cadre d’une table ronde de dialogue organisée après la fin de la grève, la direction de l’entité a conclu un accord avec les organisations plaignantes, dans lequel elle s’est notamment engagée à entamer des négociations sur une convention collective portant sur les conditions de travail, qui ne s’est jamais concrétisée. A cet égard, le comité note que le gouvernement: i) indique que, sur le plan du droit du travail, l’entité binationale est régie par le «Protocole relatif au travail et à la sécurité sociale» adopté par le Paraguay en vertu de la loi no 606 du 19 novembre 1976 (le comité a noté que, selon l’article 4 de ce protocole, les droits syndicaux des travailleurs de l’entité binationale sont déterminés par la loi du pays dans lequel les travailleurs sont embauchés); et ii) informe que la signature de la convention collective sur les conditions de travail a fait l’objet d’un procès intenté devant la juridiction du travail par plusieurs syndicats de fonctionnaires de l’entité binationale, intitulé «Syndicats des fonctionnaires professionnels de la EBY et autres c. Entité binationale Yacyretá – obligation de conclure une convention collective sur les conditions de travail», et que, bien que par décision rendue le 28 octobre 2013, le tribunal civil et du travail de première instance de la capitale (Primer turno, Secretaría no 1) ait fait droit à la demande présentée par les syndicats et ordonné à l’entreprise de conclure et signer une convention collective de travail dans les quatre-vingt-dix jours, la deuxième chambre de la cour d’appel du travail de la capitale, par décision no 83 du 26 août 2014, a annulé la décision prise en première instance.
  3. 472. Le comité note que l’allégation concernant l’absence de négociation collective au sein de l’entité binationale a récemment été examinée par le comité dans le cadre d’un autre cas concernant l’entité en question. A cette occasion, le comité a rappelé que des mesures devraient être prises pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d’employeurs, d’une part, et les organisations de travailleurs, d’autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d’emploi et a prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour encourager l’entité binationale à mener des négociations de bonne foi sur les conditions de travail [voir cas no 3127, 386e rapport de juin 2018, paragr. 546-551]. En outre, le comité note que, selon l’information du gouvernement, la cour d’appel a annulé en 2014 une décision de première instance obligeant l’entreprise à conclure et signer une convention collective sur les conditions de travail dans les quatre-vingt-dix jours. Le comité note que le gouvernement a communiqué le texte desdites décisions et observe que, dans ses conclusions, la cour d’appel a souligné qu’il ne s’agissait pas d’une convention collective pleinement acceptée par les parties et prête à être signée, mais plutôt d’un projet de convention collective qui devait encore être examiné et approuvé par les autorités compétentes de l’entité. La cour d’appel a également souligné que, comme le prévoit le règlement intérieur de l’entité, toute décision créant une obligation à l’égard de l’entité devait être prise par les deux administrateurs et non par un seul d’entre eux (en l’espèce, seul un des deux administrateurs avait participé à la négociation du projet de convention collective). La cour d’appel a conclu que l’entité n’était donc pas tenue de signer le projet de convention collective et que le projet ne pouvait lier l’entité qu’après avoir été accepté et approuvé par elle. Le comité prend dûment note de ladite décision et, rappelant qu’il assure le suivi de cette question dans le cas no 3127, invite le gouvernement à examiner, dans le cadre des règlements de l’entité, les conditions permettant le plein exercice de la négociation collective.
  4. 473. En ce qui concerne les licenciements qui auraient été effectués à la suite de la grève ayant eu lieu du 2 au 5 février 2015, le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle ils seraient dus au fait que de nombreux projets de travail ont été menés à terme et que tous les licenciements ont été effectués conformément au Code du travail et aux règlements internes de l’entité. En même temps, le comité note que dans la plainte les organisations plaignantes ne désignent aucun travailleur en particulier qui aurait été congédié à la suite de la grève. En ce qui concerne les licenciements allégués, bien que les organisations plaignantes aient joint en annexe une lettre en date du 2 mars 2015 signée du conseiller juridique de l’entité binationale indiquant que le licenciement de M. Alberto Andrés Bernal Ruíz était lié aux politiques menées par l’entité dans le cadre d’un programme visant à optimiser les ressources humaines, ni cette lettre ni aucun autre document annexé ne permettent de dire à quelle date le licenciement de ce travailleur a eu lieu, ni si son licenciement était lié à son activité syndicale ou à sa participation à la grève. Les organisations plaignantes n’indiquent pas non plus si un appel judiciaire a été interjeté en lien avec le licenciement. Dans ces conditions, et en l’absence d’informations substantielles sur les licenciements, le comité ne poursuivra pas l’examen de ces allégations mais invite le gouvernement à discuter avec les partenaires sociaux concernés afin de s’assurer que ces licenciements n’avaient pas de motifs antisyndicaux.
  5. 474. Le comité observe que le gouvernement n’a pas communiqué ses observations sur les transferts qui auraient été effectués à la suite de la grève qui a eu lieu du 2 au 5 février 2015. Le comité observe également que les organisations plaignantes n’ont pas indiqué les noms de travailleurs qui auraient fait l’objet d’un transfert. Le comité observe qu’il ressort des documents annexés par les organisations plaignantes que: i) le 15 janvier 2015, les organisations syndicales ont adressé une lettre à la direction de l’entité l’informant de la décision de mener une grève de trente jours à compter du 2 février; ii) par décision no 1047 du 19 janvier 2015, le directeur de l’entité a ordonné le transfert de six fonctionnaires qui resteraient à la disposition du secteur des ressources humaines; et iii) dans l’accord conclu le 26 février 2015 entre les organisations plaignantes et l’entité binationale, dans le cadre d’une table ronde de dialogue organisée à l’issue du mouvement de grève, l’entité s’est engagée à revoir le transfert de l’un des travailleurs, M. Ramón Rodríguez, et a indiqué que les autres fonctionnaires transférés faisaient l’objet d’une enquête administrative. Le comité invite le gouvernement à discuter avec les partenaires sociaux concernés afin de s’assurer que ces transferts n’avaient pas de motifs antisyndicaux.
  6. 475. Enfin, en ce qui concerne l’allégation selon laquelle l’autorité administrative du travail aurait exercé des représailles contre les organisations plaignantes en omettant d’enregistrer et de certifier les documents relatifs à l’enregistrement du renouvellement des comités directeurs, le comité note que, selon une note en date du 11 décembre 2015 établie par la Direction technique du Département des relations professionnelles et Registre syndical du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale (jointe en annexe par le gouvernement), les comités directeurs des organisations plaignantes ont été enregistrés aux dates suivantes: SINATRAY (dernier comité directeur le 11 mai 2015), SITPAY-DT (dernier comité directeur le 13 août 2015), SIFEBY-A (dernier comité directeur le 21 juillet 2015) et SIFUSEBY (dernier comité directeur le 25 août 2015).

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 476. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Rappelant qu’il assure le suivi de la question de la négociation collective dans ce contexte spécifique dans le cas no 3127, le comité invite le gouvernement à examiner, dans le cadre des règlements de l’entité, les conditions permettant le plein exercice de la négociation collective.
    • b) Le comité invite le gouvernement à discuter avec les partenaires sociaux concernés afin de s’assurer que les licenciements et les transferts auxquels se réfère le présent cas n’avaient pas de motifs antisyndicaux.
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