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- 24. Le comité a examiné le présent cas pour la dernière fois à sa réunion d’octobre-novembre 2015. [Voir 376e rapport, paragr. 24 à 41, approuvé par la Conseil d’administration à sa 325e session.] Le cas porte sur des allégations relatives à des actes de discrimination antisyndicale et d’ingérence dans les affaires internes d’un syndicat par la création d’un syndicat fantoche, à des licenciements, à la suspension et au transfert de membres actifs d’un syndicat, à la réduction arbitraire des salaires, à des actes de violence physique et à la présentation d’accusations pénales fallacieuses contre des membres du syndicat. A l’occasion de cette réunion, le comité a rappelé que, depuis le début de son examen du présent cas, il a constaté que l’absence d’une procédure claire, objective et précise pour la détermination du syndicat le plus représentatif a empêché le règlement du problème, et il a prié une nouvelle fois le gouvernement d’envisager activement, dans le cadre de consultations approfondies et franches avec les partenaires sociaux, d’établir des règles objectives pour la désignation du syndicat le plus représentatif aux fins de la négociation collective, et de le tenir informé à cet égard. Le comité a noté en outre avec une profonde préoccupation que presque toutes les procédures judiciaires concernant les allégations de licenciement antisyndical sont restées en instance d’examen de nombreuses années après le licenciement des demandeurs, et il a prié instamment le gouvernement de veiller à ce que les décisions de première instance ordonnant la réintégration des travailleurs sans interruption de la continuité du service et le paiement de leurs arriérés de salaires soient appliquées en attendant l’examen du recours intenté devant la Haute Cour de Madras, et de lui fournir des informations détaillées sur les progrès accomplis à cet égard. Le comité a de nouveau prié instamment le gouvernement de lui transmettre des informations détaillées et à jour sur toutes les procédures pénales prétendument fallacieuses engagées contre des membres et des dirigeants du Syndicat des travailleurs unis de Madras Rubber Factory (MRFUWU), y compris la procédure engagée contre des membres de l’organisation plaignante à la suite des événements qui se sont produits le 30 juillet 2009 à Chennai (CC no 1223 de 2010), en instance devant le tribunal présidé par le magistrat métropolitain en chef d’Egmore, à Chennai. De plus, le comité a prié une fois encore le gouvernement d’accorder toute l’attention voulue à l’adoption de dispositions législatives propres à promouvoir la lutte contre la discrimination antisyndicale, notamment en prévoyant des sanctions suffisamment dissuasives pour de tels actes. Enfin, le comité a prié instamment le gouvernement de mener une enquête judiciaire indépendante sur les allégations de recours excessif à la force par la police lors d’une manifestation pacifique organisée en juillet 2009 à Chennai, en vue d’éclaircir les faits et déterminer le motif à l’origine de l’action de la police, ainsi que les responsabilités, et de le tenir informé du résultat de cette enquête.
- 25. Dans sa communication en date du 6 octobre 2016, l’organisation plaignante fournit des informations supplémentaires sur un certain nombre de points. Elle indique que la demande d’autorisation spéciale de recours déposée par la direction de l’usine d’Arakkonam de MRF Limited (ci-après dénommée «l’usine») et le Syndicat de protection des travailleurs de cette usine (AMRFWWU) contre la décision, rendue par la Haute Cour de Madras en 2009, ordonnant au gouvernement de Tamil Nadu et au bureau du commissaire au travail d’appliquer la procédure de détermination du syndicat le plus représentatif prévue par le Code de discipline, a finalement été retirée en décembre 2015, mais que ni le gouvernement ni le gouvernement de Tamil Nadu ne se sont prononcés sur la nécessité de respecter les recommandations du comité préconisant l’adoption de mesures appropriées visant à obtenir de l’employeur qu’il reconnaisse l’organisation plaignante aux fins de la négociation collective. Suite au retrait de la demande d’autorisation spéciale de recours, et à la demande de l’organisation plaignante, une procédure de détermination des syndicats les plus représentatifs dans l’usine a été engagée en mars 2016. L’organisation plaignante allègue cependant que cette procédure était entachée de graves irrégularités et que ses résultats ont été manipulés de manière à ce que l’AMRFWWU soit désigné comme agent de négociation exclusif dans l’usine alors que, d’après l’organisation plaignante, ce syndicat n’est ni représentatif ni indépendant (selon les résultats, l’AMRFWWU compte 826 membres et l’organisation plaignante 778). L’organisation plaignante allègue notamment que: i) la procédure de détermination des syndicats les plus représentatifs a été menée par Mme Kalaivani, commissaire adjointe au travail à Chennai, qui est une ancienne employée de l’une des usines de l’entreprise – ce qui veut dire que la procédure n’a pas été conduite par un organe offrant toutes les garanties d’indépendance et d’objectivité, et ce fait n’a été révélé qu’une fois que la procédure était achevée; ii) alors que l’organisation plaignante avait demandé que la procédure soit menée en dehors de l’usine et que le bureau du commissaire au travail avait désigné un lieu à cet effet, la procédure a finalement été conduite dans l’usine après que l’AMRFWWU eut saisi la Haute Cour de Madras d’une demande de suspension de l’ordonnance du bureau du commissaire au travail; iii) un avis a été apposé sur le panneau d’affichage de l’usine pour informer les travailleurs qu’une enquête sur l’affiliation syndicale serait menée mais aucune autre précision sur la procédure de vérification a été donnée aux travailleurs; iv) au cours de la procédure, chaque travailleur s’est vu présenter une fiche sur laquelle figuraient sa photographie, des indications sur son emploi et la liste des sept syndicats implantés dans l’usine, imprimée en très petits caractères risquant de prêter à confusion, et a été prié de cocher le syndicat auquel il appartenait; v) les fiches étaient imprimées et fournies par la direction; vi) la procédure manquait de transparence: aucun responsable de l’organisation plaignante n’a été autorisé à assister aux vérifications ou au comptage; même après avoir contesté les résultats et saisi le bureau du commissaire au travail, le syndicat n’a pas été autorisé à voir les formulaires remplis; et bien que la procédure ait été enregistrée en vidéo à la demande de l’organisation plaignante, on ne dispose que de l’image, pas du son; et vii) la procédure prévue par le Code de discipline n’a pas été respectée, car des syndicats qui n’existaient pas en 2009, ainsi que les syndicats qui étaient implantés dans l’usine depuis moins d’un an, ont été autorisés à participer aux opérations de vérification. L’organisation plaignante fait savoir qu’elle a contesté devant la Haute Cour de Madras la procédure suivie par le bureau du commissaire au travail et que l’affaire est actuellement en instance. Elle allègue en outre que la reconnaissance des syndicats n’est prévue par aucune disposition législative nationale et que, en raison de cette lacune législative, les syndicats de nombreuses usines du pays qui sont véritablement indépendants et représentatifs peinent à obtenir leur reconnaissance. D’après l’organisation plaignante, une nouvelle loi sur la question devrait être adoptée d’urgence conformément aux recommandations du comité et devrait prévoir la désignation d’un agent de négociation exclusif par vote à bulletin secret, en particulier dans les cas de double affiliation.
- 26. L’organisation plaignante dénonce également le harcèlement dont ses membres actifs ne cessent de faire l’objet de la part de la direction de l’usine, surtout depuis que ces derniers ont participé à un jeûne d’une journée pour protester contre les irrégularités de la procédure de vérification et la manipulation des résultats. Parmi les incidents allégués, on peut citer l’engagement de procédures disciplinaires sur la base de fausses accusations contre R. Pitchandi, G. Venkatesan, G. Kannan, B. Pazhani, V. Dananjeriyan, A. Kailasam, S. Sivakumar, G. Thulasi et V. Dananjeriyan; des retenues arbitraires sur les salaires de C. Damodharan et de K. Sundarajan; et la suspension de la mesure d’affectation à des travaux légers dont bénéficiait S. Pazhani en raison d’une incapacité médicale. L’organisation plaignante allègue en outre que la direction de l’usine continue de déduire les cotisations syndicales au profit de l’AMRFWWU.
- 27. Enfin, l’organisation plaignante exprime le souhait de pouvoir être entendue lors d’une audience organisée par le comité, de sorte que ses représentants puissent expliquer de vive voix la situation difficile dans laquelle se trouvent les travailleurs en raison du fait que la direction ne reconnaît pas leur syndicat.
- 28. Le gouvernement transmet ses observations dans une communication en date du 18 avril 2017. En ce qui concerne l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle elle n’était pas représentée lors de la conclusion de l’accord entre la direction de l’usine et l’AMRFWWU, le gouvernement rappelle l’information fournie précédemment, à savoir que, avant la signature de la convention salariale à long terme, l’agent de conciliation avait donné à de nombreuses reprises à l’organisation plaignante – ainsi qu’à tous les syndicats de l’unité – l’occasion de participer à la procédure de conciliation, mais que l’organisation en question avait choisi de se retirer du processus. D’après le gouvernement, cela prouve que tout le possible a été fait pour tenir des consultations approfondies et franches durant la procédure de conciliation, qui a été menée de manière équitable et juste.
- 29. Le gouvernement rappelle également qu’une procédure précise est prévue par le Code de discipline pour déterminer le syndicat le plus représentatif. En ce qui concerne la reconnaissance de l’organisation plaignante, le gouvernement explique que, conformément à la décision rendue par la Haute Cour de Madras en 2009, une procédure de détermination du syndicat le plus représentatif (ci-après dénommée «la procédure») a été menée dans les locaux de l’usine et, compte tenu qu’il existait des cas d’affiliation multiple, il a fallu identifier chaque travailleur personnellement pour pouvoir déterminer le syndicat qui comptait le plus grand nombre d’adhérents. En réponse à l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle la procédure a été entachée de graves irrégularités, le gouvernement fournit les informations suivantes: i) l’intégralité de la procédure a été menée en toute transparence par une commission qui a suivi à la lettre la procédure prévue par le Code de discipline; ii) avant le lancement de la procédure, une réunion a été organisée, durant laquelle la procédure a été expliquée en détail aux représentants des six syndicats implantés dans l’usine, ainsi qu’à la direction de l’usine, et le mode opératoire a été approuvé par tous les participants, y compris l’organisation plaignante, puis accroché au panneau d’affichage de l’usine; iii) tous les représentants syndicaux ont donné leur accord au lancement de la procédure dans les locaux de l’usine; iv) la procédure a permis aux travailleurs de s’exprimer librement et franchement, elle a été enregistrée en vidéo et documentée, comme cela avait été convenu dans le mode opératoire, garantissant ainsi la plus grande transparence; v) l’allégation selon laquelle la liste des syndicats a été imprimée en très petits caractères est sans fondement; et vi) la direction de l’usine a fourni les fiches imprimées, car elle est la seule à pouvoir communiquer la liste du personnel et les informations personnelles concernant les travailleurs; tous les travailleurs n’en ont pas moins été personnellement identifiés par une équipe d’agents, en présence du commissaire au travail et de la police. Le gouvernement indique ensuite que les résultats de la procédure ont montré que, sur les 1 666 travailleurs syndiqués que comptait l’usine en 2015, 826 étaient membres de l’AMRFWWU, tandis que l’organisation plaignante totalisait 778 adhérents. Après l’annonce des résultats, l’organisation plaignante a contesté la procédure, et le cas est à présent en instance devant la Haute Cour de Madras. Le gouvernement précise également que, s’il n’existe actuellement dans l’Etat de Tamil Nadu aucune loi sur la reconnaissance de la représentativité syndicale, la procédure prévue par le Code de discipline est néanmoins strictement respectée.
- 30. En ce qui concerne les licenciements antisyndicaux et les accusations pénales fallacieuses précédemment dénoncées par l’organisation plaignante, le gouvernement affirme que toutes les mesures disciplinaires prises à l’encontre de travailleurs sont fondées sur des comportements fautifs – actes de violence, intimidation, agression, troubles sociaux – et il signale qu’il est intervenu à chaque occasion pour assurer un retour à la normale et empêcher que des dommages ne soient causés aux installations et aux travailleurs. Il rappelle aussi les informations fournies précédemment sur la commission d’enquête indépendante nommée en 2008 pour enquêter sur ces allégations, et il explique qu’il est possible que, lorsque l’organisation plaignante a intensifié ses activités syndicales, ses militants aient cherché à ralentir la production ou refusé de coopérer en signe de protestation contre la direction ou pour affirmer la domination de leur syndicat. Concernant les nouvelles allégations de harcèlement à l’encontre de travailleurs, le gouvernement transmet les observations formulées par l’Etat de Tamil Nadu et l’usine, selon lesquelles la direction n’a pas harcelé de dirigeants syndicaux ni exercé de pratiques de travail déloyales, et que, par conséquent, les allégations de l’organisation plaignante sont dénuées de fondement et injustifiées. D’après les informations fournies, les travailleurs ne craignent pas la direction et ne se sont pas plaints de dysfonctionnements du système de précompte syndical, et il est prématuré d’introduire une plainte devant le comité pour ces faits, dès lors que les procédures de réclamation et de règlement des litiges énoncées dans la loi de 1947 sur les conflits du travail n’ont pas encore été utilisées. Les informations concrètes suivantes ont été communiquées:
- – R. Pichandi a été accusé le 8 avril 2016 de comportement fautif, d’insubordination et d’oisiveté au travail. Une enquête a été menée entre mai et août 2016, et la direction attend que le bureau chargé de l’enquête rende ses conclusions. L’enquête a été prolongée de plus de huit mois à la demande du travailleur, et l’allégation de harcèlement est donc dénuée de fondement. Après conclusion de l’enquête, le travailleur peut soulever un différend du travail.
- – G. Venkatesen a été accusé le 14 janvier 2016 de faute grave ayant entraîné des perturbations du processus. Une enquête a été menée, et une nouvelle injonction lui a été adressée en décembre 2016 pour lui notifier son renvoi. Le travailleur s’est excusé pour son comportement et la direction est en train de reconsidérer la sanction proposée, qui ne saurait donc être vue comme un acte de harcèlement.
- – G. Kannan a été accusé le 26 juin 2016 de faute grave ayant entraîné des perturbations du processus. Au cours de l’enquête, l’intéressé a eu maintes occasions de prouver son innocence, néanmoins, le bureau chargé de l’enquête l’a reconnu coupable. La direction est sur le point de proposer une sanction appropriée.
- – B. Palani a, par une convocation reçue le 10 mai 2016, été sommé de s’expliquer sur son comportement répréhensible à l’égard d’un représentant de l’Etat qui visitait l’usine à des fins d’inspection. Une enquête a eu lieu et le travailleur a été reconnu coupable, avant d’être une nouvelle fois sommé de s’expliquer. Cette fois-ci, le travailleur a fourni sa réponse par écrit, laquelle est actuellement examinée.
- – V. Dhananjayan a, par une convocation reçue le 19 avril 2016, été sommé de s’expliquer sur une faute grave qu’il a commise en retirant un panneau signalétique d’un mur de l’usine dans l’intention d’escroquer et de tromper l’entreprise. Le travailleur a expliqué son acte, et la direction lui a adressé par écrit un sévère avertissement, avant de classer l’affaire.
- – A. Kailasam a, par une convocation reçue le 18 avril 2016, été sommé d’expliquer son manquement à certaines normes (temps d’attente) et la raison pour laquelle il a court circuité le processus, ce qui aurait pu endommager la qualité du produit. Le travailleur a expliqué son acte dans une lettre, qui a été examinée, et la direction a décidé de le laisser partir avec une lettre d’avertissement.
- – S. Sivakumar a commis une grave faute d’inattention en omettant d’ajouter le composant chimique approprié à un mélange spécial, si bien que la direction l’a sommé le 4 août 2016 de s’expliquer sur son acte. L’enquête est toujours en cours, car le travailleur persiste dans son attitude.
- – G. Thulasi ne fait actuellement l’objet d’aucune mesure disciplinaire.
- – V. Dhananjayan a, par une convocation reçue le 9 août 2016, été sommé de s’expliquer sur des dégâts occasionnés sur des pneus. Suite à la réponse qu’il a fournie, une enquête est en cours.
- – C. Damodharan et K. Sundarrajan n’ont pas fait l’objet de retenues sur salaire prétendument arbitraires.
- – Les travailleurs étant censés effectuer des tâches diverses, comme cela a été décidé par leurs superviseurs, la question de suspendre la mesure d’affectation à des travaux légers dont bénéficiait S. Pazhani ne se pose pas.
- 31. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle la police aurait fait un usage excessif de la force en réaction à un défilé pacifique organisé à Chennai le 30 juillet 2009, le gouvernement indique que la police n’est intervenue qu’après que des violences représentant une grave menace pour la loi et l’ordre public ont éclaté. Le gouvernement précise que l’organisation plaignante a elle-même admis que les protestations avaient été violentes, reconnaissant qu’un certain nombre de travailleurs et un enfant ont été blessés. Le gouvernement affirme de nouveau que la police n’a pas fait un usage excessif de la force, il se dit satisfait qu’elle soit intervenue à point nommé pour faire face au chaos, à la violence et au danger auxquels était exposé le public, c’est pourquoi il ne juge pas nécessaire de diligenter une enquête judiciaire.
- 32. Enfin, le gouvernement explique que l’organisation plaignante a, à de multiples reprises, incité les travailleurs de plusieurs entreprises à mener des activités illégales, à se soustraire aux décisions judiciaires, et à délibérément faire en sorte qu’aucun règlement amiable ne soit atteint, préférant intenter des actions en justice. Il estime que, en privilégiant les procédures judiciaires plutôt que la conciliation, l’organisation plaignante cherche à troubler la paix sociale, alors qu’il existe plusieurs instances propres à faciliter le règlement amiable des conflits du travail.
- 33. Le comité prend dûment note des informations détaillées fournies par le gouvernement et l’organisation plaignante. Concernant le fait que l’employeur n’a toujours pas reconnu l’organisation plaignante, le comité constate que la demande d’autorisation spéciale de recours déposée par la direction et l’AMRFWWU contre la décision rendue par la Haute Cour de Madras en 2009, ordonnant au gouvernement de Tamil Nadu et au bureau du commissaire au travail d’appliquer la procédure de détermination du syndicat le plus représentatif prévue par le Code de discipline, a finalement été retirée en décembre 2015; que le bureau du commissaire au travail a effectué l’opération de vérification en mars 2016, laquelle a permis d’établir que, en 2015, l’AMRFWWU comptait 826 membres, contre 778 pour l’organisation plaignante; et que l’organisation plaignante a déposé une pétition écrite auprès de la Haute Cour de Madras mettant en cause la procédure, l’affaire étant en instance d’examen. Le comité constate également que, si l’organisation plaignante estime que la procédure a été entachée de graves irrégularités à plusieurs égards et que ses résultats ont été manipulés de manière à ce que l’AMRFWWU soit prétendument désigné comme le syndicat comptant le plus grand nombre d’adhérents, le gouvernement affirme que l’ensemble de la procédure a été menée en toute transparence par une commission qui a respecté à la lettre la procédure prévue par le Code de discipline, et il rappelle que tous les syndicats implantés dans l’usine ont approuvé par écrit les modalités de la procédure. Le comité note en outre que, si l’organisation plaignante dénonce le fait qu’il n’existe pas de législation nationale régissant la désignation du syndicat le plus représentatif et que, compte tenu de cette lacune législative, les syndicats implantés dans de nombreuses usines se battent pour garantir leur reconnaissance, le gouvernement indique que, même s’il n’existe actuellement dans l’Etat de Tamil Nadu aucune loi en ce sens, le Code de discipline prévoit une procédure qui est strictement respectée. Au vu des informations fournies, le comité se voit obligé de rappeler que, depuis le début de son examen du présent cas, il a constaté que l’absence d’une procédure claire, objective et précise pour la détermination du syndicat le plus représentatif a empêché le règlement du problème et regrette d’observer à nouveau que cette question continue à attiser des conflits au sein de l’entreprise, ce qui n’est pas propice au développement de relations professionnelles harmonieuses. Compte tenu de ce problème persistant et des préoccupations exprimées par l’organisation plaignante au sujet des conséquences des lacunes législatives mentionnées sur le fonctionnement des syndicats, le comité prie à nouveau le gouvernement d’envisager activement, dans le cadre de consultations approfondies et franches avec les partenaires sociaux concernés, d’établir des règles objectives régissant la désignation du syndicat le plus représentatif aux fins de la négociation collective, le cas échéant par l’adoption d’un instrument législatif, et de le tenir informé à cet égard.
- 34. En ce qui concerne les allégations de licenciement antisyndicaux et les accusations pénales fallacieuses portées à l’encontre de membres et de dirigeants du MRFUWU, le comité constate que, selon le gouvernement, toutes les mesures disciplinaires prises à l’encontre de travailleurs étaient fondées sur des comportements fautifs – actes de violence, intimidation, agressions, troubles sociaux – et que le gouvernement est intervenu à chaque occasion pour assurer un retour à la normale et empêcher que des dommages ne soient causés aux installations et aux travailleurs, y compris par la mise en place, en 2008, d’une commission d’enquête indépendante. Tout en tenant compte de ces informations, le comité rappelle que, lors de son précédent examen du présent cas, il avait noté avec une grande préoccupation que presque toutes les procédures judiciaires concernant les licenciements étaient restées en instance d’examen de nombreuses années après le licenciement des demandeurs (24 cas étaient toujours en instance auprès de la Haute Cour de Madras, et neuf étaient toujours en instance devant le tribunal industriel de Chennai), et il constate que ni le gouvernement ni l’organisation plaignante ne fournissent d’informations concrètes sur cet aspect. Le comité souhaite souligner que les affaires soulevant des questions de discrimination antisyndicale devraient être examinées promptement afin que les mesures correctives nécessaires puissent être réellement efficaces, et il rappelle que plus il faut de temps pour qu’une procédure arrive à son terme, plus il est difficile pour l’organe compétent d’octroyer une réparation juste et appropriée étant donné par exemple que la situation ayant fait l’objet d’une plainte, souvent, peut avoir changé de manière irréversible ou que des personnes peuvent avoir été mutées, de sorte qu’il devient impossible d’ordonner une réparation appropriée ou de revenir à la situation antérieure. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 821.] Au vu de ce qui précède, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que, lorsque cela n’a pas encore été fait, les procédures judiciaires qui étaient encore en instance lors de son précédent examen du présent cas [voir 376e rapport, paragr. 26, 31-32 et 40] soient conclues sans délai, et de fournir des informations détaillées sur leur avancement, y compris sur les conclusions, les mesures correctives adoptées et les sanctions imposées. Concernant les accusations pénales prétendument fallacieuses à l’encontre de membres et de dirigeants du MRFUWU, le comité constate que le gouvernement ne fournit pas d’informations précises à cet égard et le prie instamment une nouvelle fois de lui transmettre des informations détaillées et à jour sur toutes les affaires de ce type, y compris celles découlant de plaintes déposées à l’encontre de 42 membres de l’organisation plaignante à la suite des événements du 30 juillet 2009 à Chennai (CC no 1223 de 2010). [Voir 376e rapport, paragr. 27 et 40.] Le comité prie une fois encore le gouvernement d’accorder toute l’attention voulue à l’adoption de dispositions législatives propres à promouvoir la lutte contre la discrimination antisyndicale, notamment en prévoyant des sanctions suffisamment dissuasives contre de tels actes, et de l’informer de toute mesure prise ou envisagée à cet égard.
- 35. Le comité note en outre que l’organisation plaignante dénonce le harcèlement dont ses membres actifs ne cessent de faire l’objet, surtout depuis que le syndicat a protesté contre les prétendues irrégularités de la procédure concernant la représentativité des syndicats, et la déduction des cotisations de ses membres au profit de l’AMRFWWU. Il constate que, d’après l’employeur et le gouvernement, ces allégations sont dénuées de fondement, étant donné que des mesures disciplinaires ont été prises uniquement en cas de faute professionnelle commise par les travailleurs concernés et après enquête, et que, d’une manière générale, l’organisation plaignante préfère porter une affaire devant un tribunal plutôt que de privilégier le règlement amiable des différends, ceci dans le but de troubler la paix sociale. A la lumière des vues contradictoires exprimées, le comité juge utile de rappeler que nul ne devrait faire l’objet de discrimination dans l’emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes, présentes ou passées [voir Recueil, op. cit., paragr. 770], et de souligner l’importance qu’il attache à la mise en place, au maintien et à la promotion, par toutes les parties, de relations professionnelles harmonieuses. Le comité veut croire que toutes les enquêtes en instance seront rapidement menées à bien et que toute mesure disciplinaire visant à intimider les membres d’un syndicat et toute déduction arbitraire des cotisations syndicales constatée feront rapidement l’objet de mesures correctives.
- 36. Le comité rappelle que l’organisation plaignante a également dénoncé l’usage excessif de la force fait par la police en réaction à un défilé pacifique organisé à Chennai le 30 juillet 2009 pour demander l’application des recommandations du comité, et que cette réaction a causé de graves blessures à plusieurs travailleurs et à un enfant. Le comité constate que, en réponse à cette allégation, le gouvernement indique que la police n’est intervenue qu’après que des violences représentant une grave menace pour la loi et l’ordre public ont éclaté durant la manifestation, que l’intervention de la force publique était proportionnée à la menace pour l’ordre public et que, par conséquent, il n’est pas nécessaire de diligenter une enquête judiciaire. Tout en tenant dûment compte des informations fournies, le comité tient à souligner que les droits syndicaux incluent le droit d’organiser des manifestations publiques et rappelle que, dans les cas où la dispersion d’assemblées publiques ou de manifestations par la police a entraîné la perte de vies humaines ou des blessures graves, le comité a attaché une importance spéciale à ce qu’on procède immédiatement à une enquête impartiale et approfondie des circonstances et à ce qu’une procédure légale régulière soit suivie pour déterminer le bien-fondé de l’action prise par la police et pour déterminer les responsabilités. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 49.] Constatant que le gouvernement et l’organisation plaignante ont des vues opposées sur la source des violences qui ont éclaté durant la manifestation, et regrettant que, plus de huit ans après les incidents allégués, l’affaire n’ait toujours pas été réglée, le comité veut croire que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour garantir le plein respect des principes susmentionnés et pour qu’à l’avenir une enquête indépendante soit diligentée au plus vite en cas de plaintes portant sur l’intervention excessive des forces de l’ordre.