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Rapport intérimaire - Rapport No. 383, Octobre 2017

Cas no 3184 (Chine) - Date de la plainte: 15-FÉVR.-16 - Actif

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Allégations: Arrestation et détention de huit conseillers et assistants juridiques qui ont fourni des services de soutien à des travailleurs et à leurs organisations en vue du règlement de conflits collectifs et/ou individuels du travail, et ingérence de la police dans des conflits collectifs du travail

  1. 135. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa session d’octobre 2016. [Voir 380e rapport, paragr. 193-243.]
  2. 136. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications du 3 mars 2017 et du 2 octobre 2017.
  3. 137. La Confédération syndicale internationale (CSI) a fourni des informations supplémentaires dans une communication du 12 mai 2017.
  4. 138. La Chine n’a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 139. A sa session d’octobre 2016, le comité a formulé les recommandations suivantes en rapport avec ce cas [voir 380e rapport, paragr. 243]:
    • a) Le comité prie le gouvernement de communiquer copie des jugements dans les cas de M. Zeng Feyiang, de Mme Zhu Xiaomei et de M. Tang Huanxing et de veiller à ce que ces trois militants puissent continuer sans entrave à fournir des conseils aux travailleurs.
    • b) Le comité s’attend à ce que l’enquête en cours concernant M. Deng Xiaoming et M. Peng Jiayong aboutisse sans délai supplémentaire, à ce qu’elle tienne compte des principes précités et qu’elle fasse la lumière sur les allégations d’agression de M. Zeng le 20 décembre 2014, et de passage à tabac et de détention de plusieurs travailleurs de l’usine Lide Shoes, et de M. Meng en avril 2015. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard et de transmettre copie des jugements dans les cas de M. Meng Han, de M. Deng Xiaoming et de M. Peng Jiayong dès qu’ils auront été rendus.
    • c) Le comité prie le gouvernement d’indiquer si M. Chen a été accusé de «rassemblement public en vue de troubler l’ordre social» et, dans l’affirmative, de fournir des informations détaillées concernant son cas.
    • d) Le comité attend du gouvernement qu’il diligente une enquête indépendante sur l’allégation relative à l’intervention policière dans le conflit du travail à l’usine de confection de sacs Cuiheng, en mars-avril 2015, à la suite de laquelle quatre travailleurs ont été détenus et beaucoup d’autres ont été blessés, dont M. Peng Jiayong, bénévole au Centre de services aux travailleurs Haige, M. Chen et Zhu Xinhua, un représentant des travailleurs d’une autre usine. Il prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les résultats de cette enquête.
    • e) Le comité prie le gouvernement de fournir ses observations à propos des allégations de pressions dont auraient fait l’objet les proches de M. Zeng et de M. Meng.

B. Observations de l’organisation plaignante

B. Observations de l’organisation plaignante
  1. 140. Dans sa communication du 12 mai 2017, la CSI réfute les observations antérieures du gouvernement et fournit de nouvelles informations sur le procès des quatre militants syndicaux, à savoir M. Zeng Feiyang, Mme Zhu Xiaomei, M. Tang Huanxing et M. Meng Han.
  2. 141. S’agissant des indications antérieures du gouvernement concernant le fait que l’enregistrement du Centre de traitement des documents des travailleurs de Panyu a été annulé en 2007 et que le Centre de services aux travailleurs de Panyu n’a pas été enregistré, la CSI indique que c’est l’enregistrement du Centre culturel pour les travailleurs migrants à Shiqi qui a été annulé en 2007, et non celui du centre de Panyu. Selon l’organisation plaignante, les dirigeants du Centre de services aux travailleurs de Panyu ont essayé plusieurs fois de l’enregistrer, sans succès, et les autorités ont fait savoir qu’il n’y avait pas de lignes directrices relatives à l’enregistrement d’organisations non gouvernementales (ONG) qui défendent les droits du travail. L’organisation plaignante rappelle que le centre a été au service des travailleurs de la ville de Guangzhou pendant dix-sept ans, au vu et au su de tous, et que la communauté ainsi que les autorités locales étaient bien au fait de ses activités. La CSI considère que les poursuites engagées contre les dirigeants du centre sont directement liées à l’appui technique qu’ils ont fourni aux travailleurs, y compris à ceux qui étaient en grève.
  3. 142. Concernant la déclaration du gouvernement selon laquelle M. Zeng, M. Meng, M. Tang, Mme Zhu Xiaomei, M. Peng et M. Deng avaient effectué des arrêts de travail à l’usine Lide Shoes (ci-après «l’usine de chaussures»), menant à un rassemblement public en vue de troubler l’ordre social trois fois de décembre 2014 à avril 2015, la CSI fait savoir que les arrêts de travail se sont déroulés à l’intérieur et aux alentours des locaux de l’usine de chaussures, qu’ils étaient pacifiques et qu’aucune preuve ne justifie une quelconque atteinte à l’ordre public. Elle indique en outre que, s’il est vrai que, lors des trois grèves, certains travailleurs sont parfois restés sur les lieux pendant la nuit et ont empêché que des produits soient acheminés hors de l’usine de chaussures, ils n’ont en revanche pas proféré de menaces ni tenu de propos offensants à l’encontre des travailleurs qui avaient décidé de ne pas abandonner leur poste de travail. Selon la CSI, si la paix a effectivement été troublée, c’est lorsque la police a fait irruption dans l’usine, frappé plusieurs travailleurs et emmené de force leurs dirigeants.
  4. 143. Pour ce qui est de la déclaration du gouvernement dans laquelle il affirme que M. Zeng et six autres personnes s’étaient livrés à des activités criminelles, notamment en organisant des rassemblements publics en vue de troubler l’ordre social, l’organisation plaignante fait savoir que l’objectif légitime d’une grève ou d’une manifestation légale est d’interrompre la production de manière ferme, mais pacifique, et d’inciter les travailleurs à ne pas travailler, et que le gouvernement déforme l’exercice légitime des droits syndicaux en le taxant d’activité criminelle. L’organisation plaignante considère en outre que la détention de personnes pour des raisons liées à des activités syndicales constitue une grave ingérence vis à-vis des droits syndicaux, quelle que soit la nature de ces actes. Elle indique également que les autorités chargées de la sécurité publique ont enfreint l’article 14 du Code de procédure pénale lorsqu’elles ont empêché des avocats de rendre visite aux personnes en détention.
  5. 144. De surcroît, la CSI fait savoir que, contrairement à l’affirmation du gouvernement selon laquelle la liberté syndicale est pleinement protégée en Chine, la législation et la réglementation en vigueur en Chine interdisent aux travailleurs de s’affilier à un syndicat ou d’en former un, à moins que les syndicats locaux ne soient membres de la Fédération des syndicats de Chine. Elle soutient également que le gouvernement a souvent appliqué des lois régissant l’ordre public au détriment des militants et dirigeants syndicaux et souligne que les travailleurs ne peuvent pas participer à une grève ou à une manifestation légale sans enfreindre la loi chinoise qui interdit toute atteinte à l’ordre public. En outre, la CSI allègue qu’il arrive souvent en Chine que le procureur ou le tribunal considèrent que les actions syndicales des travailleurs portent atteinte à la sécurité publique et qu’elles ne correspondent donc pas à l’exercice de droits fondamentaux.
  6. 145. Concernant les accusations déposées contre M. Zeng pour avoir bloqué le portail de l’usine ainsi que la circulation des véhicules traversant le portail, troublé les commerces et bureaux, empêché le travail normal des autres et perturbé gravement l’ordre de production normal de l’entreprise, l’organisation plaignante fait savoir que, contrairement aux accusations du gouvernement, M. Zeng a agi en tant que consultant pour faciliter la négociation collective, fournir une assistance juridique aux travailleurs, aider à organiser des réunions et apprendre aux travailleurs à faire valoir leurs exigences légitimes et à défendre leurs droits dans le respect des lois.
  7. 146. Pour ce qui est des droits des défendeurs (M. Zeng, M. Tang et Mme Zhu) pendant leur période de détention, la CSI allègue que, même si les défendeurs ont plaidé coupable et pris acte du jugement, leurs plaidoyers ont été prononcés sous la contrainte afin d’éviter d’autres poursuites de la part des autorités. En outre, les défendeurs ont subi un traitement brutal lorsqu’ils étaient en détention, et la situation a empiré une fois qu’ils ont été emprisonnés. Selon la CSI, M. Zeng a été interrogé 65 fois pendant environ trois heures à chaque interrogatoire. Pendant ses trois premiers jours de détention, M. Meng a été interrogé chaque jour et n’a eu droit qu’à environ trois heures de sommeil par jour; une fois transféré dans un autre centre de détention à Guangzhou, il a été interrogé treize jours de suite et n’a pu dormir qu’environ deux heures par jour; par la suite, il a été soumis à un interrogatoire au moins une fois par jour. L’organisation plaignante allègue que, lors des interrogatoires, la police a dit à M. Meng que, s’il impliquait M. Zeng, elle ferait preuve d’indulgence à son égard.
  8. 147. Par ailleurs, la CSI fait état d’un enregistrement vidéo dans lequel on peut voir que trois hommes masqués et armés d’une hache ont essayé d’entrer par effraction dans l’appartement des parents de M. Meng le 5 mai 2016. Selon l’organisation plaignante, il est très probable que cet acte de vandalisme ait été commis en guise de représailles contre l’engagement de M. Meng en faveur des droits des travailleurs.
  9. 148. La CSI rappelle que M. Zeng, Mme Zhu, M. Tang et M. Meng ont fait l’objet de poursuites au motif qu’ils avaient participé à trois grèves visant l’usine de chaussures. Le 29 septembre 2016, M. Zeng a été jugé coupable d’avoir enfreint l’article 290 du Code pénal, à la suite de quoi il a été condamné à trois ans d’emprisonnement et suspendu pendant quatre ans; M. Tang et Mme Zhu ont été condamnés à un an et demi d’emprisonnement et suspendus pendant deux ans; tous trois ont été libérés le même jour. M. Meng, accusé d’avoir mobilisé des représentants de travailleurs pour mener la deuxième grève le 15 décembre 2014, grève lors de laquelle des travailleurs ont bloqué le portail de l’usine de chaussures et qui a été suivie d’un «sit in» le 20 avril 2015, a été jugé le 3 novembre 2016. Il a été condamné à un an et neuf mois d’emprisonnement. Auparavant, soit en avril 2014, il avait été condamné à neuf mois d’emprisonnement en vertu de l’article 240 du Code pénal au motif qu’il avait protesté avec d’autres agents de sécurité à l’hôpital de Guangzhou pour demander le versement d’une compensation du fait de la cessation de leur contrat de travail par les agences d’emploi. Selon l’organisation plaignante, les jugements prononcés dans les cas susmentionnés indiquent que ces quatre militants ont formé des travailleurs de l’usine, facilité l’élection des représentants chargés de la négociation collective et incité les travailleurs à mener trois grèves entre 2014 et 2015. M. Zeng, en tant que directeur du Centre de services aux travailleurs de Panyu, a été jugé par le tribunal comme étant «pleinement responsable» des trois grèves. M. Meng a été jugé responsable d’avoir mis en œuvre le plan de grève, étant donné qu’il a organisé des réunions, donné des instructions aux travailleurs lors des grèves et fait des mises à jour en ligne. M. Tang a été accusé de relations avec la presse, et Mme Zhu d’interférences avec les travailleurs et leurs représentants. Les juges ont conclu que les actions de ces quatre personnes avaient entraîné de graves pertes économiques s’élevant à 2,7 millions de yuan renminbi (soit environ 400 000 dollars E-U) et porté atteinte à l’ordre public.
  10. 149. Selon l’organisation plaignante, aucune preuve avancée par le ministère public n’appuie la déclaration d’atteinte à l’ordre public, que ce soient les photos, les séquences vidéo des trois grèves, les messages tweetés, les correspondances et les documents de réunion. Le ministère public a convoqué 26 témoins, dont quatre membres de la direction, six membres des autorités locales et dix ouvriers de l’usine. Aucun témoin n’a fourni de preuve indiquant que les grèves étaient devenues violentes ou incontrôlées; en revanche, tous ont souligné que les actions des travailleurs s’étaient limitées aux enceintes de l’usine. Certains témoins ont fait savoir que la tension était montée chez les grévistes, faisant référence aux travailleurs qui scandaient des slogans d’une voix plus forte lors de la troisième grève et manifestaient dans les bureaux de l’usine. L’organisation plaignante avance que les témoignages ne pouvaient confirmer que la déclaration d’arrêt de travail ayant conduit à un arrêt de la production, certaines protestations visant des employés de l’usine, le «sit-in» devant l’entrée de l’usine et le blocage de véhicules à la sortie de l’usine. Toutefois, s’il est vrai que les grèves étaient particulièrement animées, aucune preuve ne justifie leur caractère violent ni une quelconque atteinte à l’ordre public ou le fait qu’elles étaient sur le point de dégénérer. Pour ce qui est de la demande formulée par le comité visant à ce que les trois militants condamnés, M. Zeng, M. Tang et Mme Zhu, puissent continuer sans entrave à fournir des conseils aux travailleurs, la CSI fait savoir qu’aucun militant n’a été autorisé à occuper de nouveau sa fonction et à fournir des conseils aux travailleurs. En effet, M. Tang, M. Peng et M. Deng ont mis un terme à leurs activités syndicales et ont quitté la province de Guangdong; Mme Zhu et M. Zeng sont contraints d’être munis d’appareils GPS pour que les autorités puissent retracer leurs mouvements et leurs prises de contact; M. Meng est encore en train de purger sa peine, et M. Chen n’a pas encore été jugé.

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement
  1. 150. Dans ses communications du 3 mars et du 2 octobre 2017, le gouvernement indique qu’il a mené une enquête en bonne et due forme sur les allégations formulées dans ce cas. Le gouvernement rappelle que M. Deng et M. Peng ont été accusés d’avoir organisé un rassemblement en vue de troubler l’ordre public et ont été placés en détention pénale par la division de Panyu du Bureau de la sécurité publique de Guangzhou. Le 8 janvier 2016, ils ont été libérés sous caution et renvoyés dans leurs lieux de résidence habituelle respectifs – Leiyang, dans la province du Hunan, et Yichang, dans la province du Hubei. Le 3 janvier 2017, la division de Panyu du Bureau de la sécurité publique de Guangzhou a mis fin à leur liberté sous caution conformément à la législation en vigueur. M. Deng et M. Peng ont quitté Guangzhou respectivement les 5 et 11 janvier 2017. M. Deng est travailleur autonome et M. Peng travaille maintenant pour une autre compagnie.
  2. 151. Le gouvernement fait savoir que, le 3 novembre 2016, la deuxième chambre pénale du Tribunal du district de Fanyu de la préfecture de Guangzhou a examiné le cas de M. Meng, accusé d’avoir organisé un rassemblement en vue de troubler l’ordre public. Le tribunal a estimé que les faits en l’espèce étaient clairs et vérifiés. M. Meng a été condamné à un an et neuf moins d’emprisonnement. Selon le gouvernement, il a pris acte du jugement et n’en fera pas appel. Le 3 septembre 2017, M. Meng, ayant complété sa sentence, a été libéré.
  3. 152. Le gouvernement indique que, durant l’audience, la poursuite a présenté des éléments de preuve, incluant des enregistrements vidéo, montrant que M. Zeng a organisé, mené et activement participé à l’arrêt collectif de travail. Le témoignage de plusieurs témoins a démontré que, durant l’arrêt de travail, les travailleurs ont collectivement insulté et attaqué les autres individus qui entraient et sortaient du lieu de travail et ont troublé les employés qui travaillaient à l’intérieur. La cour a estimé que l’usine de chaussures a subi une perte de la valeur de la production s’élevant approximativement à RMB 2,7 millions (approximativement 400 000 E.-U.) et une perte de profit brut s’élevant à RMB 933 041,2 (approximativement 140 000 E.-U.). La cour a conclu que les actions des travailleurs durant l’arrêt de travail ont sérieusement troublé le cours normal du travail des autres employés, l’ordre de production de la compagnie et ont mené à de sérieuses pertes économiques pour la compagnie. En vertu de l’article 290 (1) du Code pénal, M. Zeng et les autres sont criminellement responsables pour avoir troublé le cours normal de l’ordre de production de la compagnie qui a mené à de sérieuses pertes économiques. M. Zeng, M. Tang et Mme Zhu sont présentement en période de probation et, par conséquent, doivent effectuer du service communautaire sur une base régulière.
  4. 153. Le gouvernement indique qu’il a transféré une copie des décisions de la cour relatives aux cas de M. Zeng, M. Tang, M. Meng et Mme Zhu (non jointes). En ce qui concerne la question de savoir si M. Zeng et les autres peuvent continuer à fournir des services de soutien, le gouvernement indique qu’une telle activité serait sujette à sa conformité avec les lois et la réglementation nationale.
  5. 154. Le gouvernement réaffirme qu’il n’existe aucune preuve que M. Chen s’est rendu coupable du crime d’organisation d’un rassemblement en vue de troubler l’ordre public et que, en conséquence, aucune mesure de contrainte n’a été ordonnée à son endroit.
  6. 155. Selon le gouvernement, une enquête sur le conflit du travail à l’usine de confection de sacs Cuiheng (ci-après «l’usine de confection de sacs») a révélé que, le 2 mars 2015, les travailleurs de l’usine du village de Nanlang (ville de Zhongshan, province du Guangdong) ont exigé le maintien des niveaux de salaire initiaux ou le versement d’indemnités en compensation de la réduction du temps de travail normal et des heures supplémentaires causée par la baisse des commandes. Certains travailleurs participant à l’interruption du travail ont empêché les personnes ne prenant pas part à la mobilisation de travailler. Quatre meneurs ont été accusés d’avoir perturbé la production et ont en conséquence été placés en détention administrative le 24 mars 2015 par la division de Nanlang du Bureau de la sécurité publique de Zhongshan. La production de l’usine de confection de sacs a par la suite repris son cours normal.
  7. 156. De plus, une enquête sur les allégations d’agressions dont auraient été victimes M. Peng et d’autres personnes a révélé que, le 2 avril 2015, aux environs de 19 heures, M. Peng a opposé résistance à son interrogatoire par la division de Nanlang du Bureau de la sécurité publique de Zhongshan. Il a par conséquent été convoqué au poste de police local pour enquête et rééducation. Le 3 avril 2015, M. Peng a indiqué à la police avoir été enlevé et agressé par sept ou huit inconnus après avoir quitté le poste de police, mais n’a pu apporter aucune preuve. Le visionnage de l’enregistrement vidéo n’a fourni aucune preuve pertinente. Lors de l’examen médical préliminaire, M. Peng a fait état d’abrasions cutanées mineures.
  8. 157. Le gouvernement indique par ailleurs qu’il n’existe aucun rapport de police sur les allégations d’intimidation de la famille de M. Zeng. S’agissant des allégations similaires concernant M. Meng, le gouvernement signale que, mi-septembre 2015, ce dernier a loué avec sa compagne un logement pour une durée de deux ans dans le village de Nantou, à Zhongshan, dans la province du Guangdong. Le 3 décembre 2015, alors que M. Meng était en détention pénale, le propriétaire du logement a exigé la résiliation du bail au vu de la participation de M. Meng à des activités illégales. Toutefois, la compagne de M. Meng a refusé de déménager et a exprimé plusieurs demandes irraisonnables. Elle a fait emménager les parents de M. Meng avec elle. Le 7 mai 2016, le père de M. Meng a informé la police locale qu’un inconnu avait enfoncé la porte du logement loué par la famille à l’aide d’une hache. La plainte a été admise et fait actuellement l’objet d’une enquête.
  9. 158. Faisant référence à sa Constitution et à sa législation, le gouvernement réaffirme qu’il protège les droits de ses citoyens en matière de liberté d’association. Il précise toutefois que, comme dans d’autres pays, les travailleurs et leurs organisations doivent, dans l’exercice de ces droits, respecter la législation nationale et ne pas troubler l’ordre public normal ni nuire aux intérêts de leurs concitoyens. Les personnes concernées dans le présent cas n’ont pas été sanctionnées pour avoir créé des organisations de travailleurs ni pour avoir pris part à des activités syndicales, mais pour avoir utilisé des méthodes illégales en vue du règlement de conflits du travail. Le gouvernement souligne que, dans le traitement de ces cas, le pouvoir judiciaire chinois et les autorités nationales chargées de la sécurité publique ont respecté les procédures existantes; les droits des personnes concernées ont été sauvegardés.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 159. Le comité rappelle que ce cas concerne des allégations d’arrestations et de détentions pour «organisation d’un rassemblement en vue de troubler l’ordre public» de sept conseillers et assistants juridiques (M. He Xiaobo, M. Zeng Feyiang, M. Meng Han, Mme Zhu Xiaomei, M. Deng Xiaoming, M. Peng Jiayong et M. Tang Huanxing) qui ont fourni des services de soutien à des travailleurs et à leurs organisations en vue du règlement de conflits collectifs et/ou individuels du travail.
  2. 160. Il rappelle en particulier qu’il a exprimé sa préoccupation devant les lourdes peines, même assorties de sursis, infligées à M. Zeng (trois ans), Mme Zhu (dix-huit mois) et M. Tang (dix huit mois), et qu’il a prié le gouvernement de communiquer copie des jugements rendus. Il a en outre demandé au gouvernement de veiller à ce que les trois militants puissent continuer sans entrave à fournir des conseils aux travailleurs. Le comité s’attend également à ce que l’enquête en cours concernant M. Deng Xiaoming et M. Peng Jiayong aboutisse sans délai supplémentaire, à ce qu’elle fasse la lumière sur les allégations d’agression de M. Zeng, le 20 décembre 2014, et de passage à tabac et de détention de plusieurs travailleurs de l’usine de chaussures, et de M. Meng en avril 2015. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard et de transmettre copie des jugements dans les cas de M. Meng Han, M. Deng Xiaoming et M. Peng Jiayong une fois qu’ils auront été rendus.
  3. 161. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle des copies des jugements rendus concernant M. Zeng, M. Tang, M. Meng et Mme Zhu ont été transmises au Bureau. Le comité regrette que ces documents n’aient pas encore été reçus. Le comité note que, selon les indications du gouvernement, le 3 novembre 2016, la deuxième chambre pénale du Tribunal du district de Fanyu de la préfecture de Guangzhou a examiné le cas de M. Meng, accusé d’avoir organisé un rassemblement en vue de troubler l’ordre public, et a estimé que les faits en l’espèce étaient clairs et vérifiés. M. Meng a été condamné à un an et neuf mois d’emprisonnement. Selon le gouvernement, il a pris acte du jugement et n’en fera pas appel. Le comité note que M. Meng a été libéré le 3 septembre 2017 après avoir purgé sa peine.
  4. 162. Le comité note avec préoccupation que, selon l’organisation plaignante, les jugements rendus concernant Mme Zhu, M. Zeng, M. Tang et M. Meng indiquent que ces quatre militants ont formé des travailleurs de l’usine, facilité l’élection des représentants chargés de la négociation collective et incité les travailleurs à mener trois grèves entre 2014 et 2015. M. Zeng, en tant que directeur du Centre de services aux travailleurs de Panyu, a été jugé par le tribunal comme étant «pleinement responsable» des trois grèves. M. Meng a été jugé responsable d’avoir mis en œuvre le plan de grève, étant donné qu’il a organisé des réunions, donné des instructions aux travailleurs lors des grèves et fait des mises à jour en ligne. M. Tang a été accusé de relations avec la presse, et Mme Zhu d’interférences avec les travailleurs et leurs représentants. Selon l’organisation plaignante et tel qu’indiqué par le gouvernement, les juges ont estimé que les actions de ces quatre personnes avaient entraîné de graves pertes économiques s’élevant à 2,7 millions de yuan renminbi (soit environ 400 000 dollars E.-U.) et qu’elles avaient porté atteinte à l’ordre public. L’organisation plaignante allègue en outre qu’aucune preuve avancée par le ministère public n’appuie la déclaration d’atteinte à l’ordre public, que ce soient les photos, les séquences vidéo des trois grèves, les messages tweetés, les correspondances et les documents de réunion. Le ministère public a convoqué 26 témoins, dont quatre membres de la direction, six membres des autorités locales et dix ouvriers de l’usine. Aucun témoin n’a fourni de preuves indiquant que les grèves sont devenues violentes ou illégitimes; en revanche, tous ont souligné que les actions des travailleurs s’étaient limitées aux enceintes de l’usine. Certains témoins ont fait savoir que la tension était montée chez les grévistes, faisant référence aux travailleurs qui scandaient des slogans d’une voix plus forte lors de la troisième grève et manifestaient dans les bureaux de l’usine. L’organisation plaignante avance que les témoignages ne pouvaient confirmer que la déclaration d’arrêt de travail ayant conduit à un arrêt de la production, certaines protestations visant des employés de l’usine, le «sit-in» devant l’entrée de l’usine et le blocage de véhicules à la sortie de l’usine. Toutefois, s’il est vrai que les grèves étaient particulièrement animées, aucune preuve ne justifie leur caractère violent, ni une quelconque atteinte à l’ordre public ou le fait qu’elles étaient sur le point de dégénérer. Le comité note que le gouvernement considère qu’il a été prouvé que M. Meng a activement mené et participé à l’arrêt collectif de travail et que le témoignage démontre que, durant l’arrêt de travail, les travailleurs ont collectivement insulté et attaqué d’autres individus entrant et sortant du lieu de travail et ont troublé les employés qui travaillaient à l’intérieur. Le gouvernement ajoute que la cour a estimé que l’usine de chaussures a subi une importante perte de la valeur de la production. Le comité note, en outre, l’indication du gouvernement selon laquelle M. Zeng, M. Tang et Mme Zhu sont présentement en période de probation et, par conséquent, doivent effectuer du service communautaire sur une base régulière.
  5. 163. Le comité considère que les allégations de l’organisation plaignante laisseraient penser que les quatre militants ont été poursuivis pour le simple fait d’avoir exercé des activités syndicales. Il rappelle par ailleurs que le fait de participer à un piquet de grève et d’inciter fermement, mais pacifiquement, les autres travailleurs à ne pas rejoindre leur poste de travail ne peut être considéré comme une action illégitime. Etant donné le caractère sérieux des allégations et afin de pouvoir mener son examen en toute objectivité, le comité prie le gouvernement de lui transmettre copie des jugements des cas susmentionnés qui n’ont pas été joints tel qu’il a été indiqué. Tout en notant que le gouvernement soutient généralement que la police et les tribunaux procèdent à l’examen des cas conformément à la loi nationale et que les droits des accusés et de leurs avocats étaient garantis, le comité prie en outre le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les allégations de traitement brutal des militants syndicaux en détention et, en particulier, sur celles relatives aux interrogatoires, nombreux et sévères, auxquels les accusés ont été soumis. A cet égard, le comité considère que, au cours de leur détention, les syndicalistes, comme toute autre personne, devraient bénéficier des garanties prévues dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, selon lequel toute personne privée de liberté doit être traitée avec humanité et avec le respect dû à la dignité inhérente à la personne humaine. La détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités de défense des intérêts des travailleurs constitue une grave violation des libertés publiques, en général, et des libertés syndicales en particulier. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 54 et 64.]
  6. 164. Le comité comprend d’après l’indication du gouvernement que les conseillers susmentionnés peuvent continuer à fournir des conseils, sous réserve de la législation nationale. Toutefois, il note avec préoccupation que l’organisation plaignante signale au contraire qu’aucun militant n’a été autorisé à occuper de nouveau sa fonction et à fournir des conseils aux travailleurs. En effet, M. Tang, M. Deng et M. Peng ont mis un terme à leurs activités syndicales et ont quitté la province de Guangdong; Mme Zhu et M. Zeng sont contraints d’être munis d’appareils GPS pour que les autorités puissent retracer leurs mouvements et leurs prises de contact; M. Chen n’a pas encore été jugé; et, au moment de la communication de l’organisation plaignante, M. Meng purgeait toujours sa peine. En outre, le comité note avec préoccupation que l’organisation plaignante fait référence à une législation et une réglementation qui interdisent aux travailleurs de s’affilier à un syndicat ou d’en former un, à moins que les syndicats locaux ne soient membres de la Fédération des syndicats de Chine, et qu’elle allègue que le gouvernement a souvent appliqué des lois régissant l’ordre public au détriment des militants et dirigeants syndicaux; que les travailleurs ne peuvent pas participer à une grève ou à une manifestation légale sans enfreindre la loi chinoise qui interdit toute atteinte à l’ordre public; et qu’il arrive souvent en Chine que le procureur ou le tribunal considèrent que les actions syndicales des travailleurs portent atteinte à la sécurité publique et qu’elles ne correspondent donc pas à l’exercice de droits fondamentaux. Etant donné le caractère sérieux de ces allégations, le comité prie instamment le gouvernement de fournir des observations détaillées à cet égard.
  7. 165. Le comité rappelle en outre que M. Deng et M. Peng ont été libérés sous caution dans l’attente des conclusions de l’enquête pour une durée maximale de douze mois. Le comité note que, selon les indications du gouvernement, cette libération sous caution est arrivée à terme le 3 janvier 2017 et que les militants ont quitté Guangzhou (lieu de leur détention initiale), respectivement les 5 et 11 janvier 2017. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle M. Deng est un travailleur autonome et M. Peng travaille pour une autre compagnie et comprend que, dorénavant, ils ne feront plus l’objet d’une enquête et ne seront pas poursuivis en justice. Le comité prie le gouvernement de confirmer que tel en est le cas.
  8. 166. Le comité note que, selon le gouvernement, il n’existe aucune preuve que M. Chen s’est rendu coupable du crime d’organisation d’un rassemblement en vue de troubler l’ordre public et que, en conséquence, aucune mesure de contrainte n’a été ordonnée à son endroit.
  9. 167. Le comité regrette que le gouvernement n’ait fourni aucune information concernant les allégations de passage à tabac de plusieurs travailleurs de l’usine de chaussures, et il demande au gouvernement de diligenter une enquête indépendante concernant ces allégations et de fournir sans délai des informations détaillées sur les conclusions de cette enquête.
  10. 168. En ce qui concerne l’allégation relative à l’intervention policière dans le conflit de travail à l’usine de confection de sacs en mars-avril 2015, à la suite de laquelle quatre travailleurs ont été placés en détention et beaucoup d’autres ont été blessés, dont M. Peng Jiayong, M. Chen et M. Zhu Xinhua, un représentant des travailleurs d’une autre usine, le comité note que, selon les indications du gouvernement, une enquête sur les événements qui ont eu lieu pendant le conflit du travail a révélé que: le 2 mars 2015, les travailleurs ont exigé le maintien des niveaux de salaire initiaux ou le versement d’indemnités en compensation de la réduction du temps de travail normal et des heures supplémentaires causée par la baisse des commandes; certains travailleurs participant à l’interruption du travail ont empêché les personnes ne prenant pas part à la mobilisation de travailler; quatre meneurs ont été accusés d’avoir perturbé la production et ont en conséquence été placés en détention administrative le 24 mars 2015; la production de l’usine a par la suite repris son cours normal. Le comité prend par ailleurs note de l’indication du gouvernement selon laquelle une enquête sur les allégations d’agressions, dont auraient été victimes M. Peng et d’autres personnes, a révélé que, le 2 avril 2015, aux environs de 19 heures, M. Peng a opposé résistance à son interrogatoire par la division de Nanlang du Bureau de la sécurité publique de Zhongshan. Il a par conséquent été convoqué au poste de police local pour enquête et rééducation. Le 3 avril 2015, M. Peng a indiqué à la police avoir été enlevé et agressé par sept ou huit inconnus après avoir quitté le poste de police, mais n’a pu apporter aucune preuve. Le visionnage de l’enregistrement vidéo n’a fourni aucune preuve pertinente. Lors de l’examen médical préliminaire, M. Peng a fait état d’abrasions cutanées mineures. Le comité rappelle que, selon l’organisation plaignante en l’espèce, M. Chen et M. Zhu Xinhua ont également souffert de blessures, et il prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur le résultat de l’enquête concernant ces deux personnes.
  11. 169. Concernant les allégations de pressions dont auraient fait l’objet M. Zeng et M. Meng, le comité note que, selon les indications du gouvernement, il n’existe aucun rapport de police sur les allégations d’intimidation de la famille de M. Zeng. S’agissant des allégations similaires concernant M. Meng, le gouvernement signale que, mi-septembre 2015, ce dernier a loué avec sa compagne un logement pour une durée de deux ans. Le 3 décembre 2015, alors que M. Meng était en détention pénale, le propriétaire du logement a exigé la résiliation du bail au vu de la participation de M. Meng à des activités illégales. Toutefois, la compagne de M. Meng a refusé de déménager et a exprimé plusieurs demandes irraisonnables. Elle a fait emménager les parents de M. Meng avec elle. Le 7 mai 2016, le père de M. Meng a informé la police locale qu’un inconnu avait enfoncé la porte du logement loué par la famille à l’aide d’une hache, et l’affaire fait actuellement l’objet d’une enquête. Le comité prend note des informations fournies par l’organisation plaignante, notamment d’une vidéo accessible au public sur laquelle on peut voir des images de cette agression. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de l’enquête, et en particulier de lui indiquer s’il existe un lien avec l’allégation de détention de M. Meng pour participation à des activités de défense des droits des travailleurs.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 170. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie instamment le gouvernement de lui communiquer, sans délai, une copie des jugements rendus dans les cas de M. Zeng Feyiang, Mme Zhu Xiaomei, M. Tang Huanxing et M. Meng Han. Il demande en outre au gouvernement de fournir des informations détaillées sur les allégations de traitement brutal des militants syndicaux en détention et, en particulier, sur celles relatives aux nombreux interrogatoires auxquels les accusés ont été soumis.
    • b) Le comité prie le gouvernement de fournir ses informations détaillées sur les allégations d’obstacles à l’exercice de la liberté syndicale dans le pays, en particulier l’interdiction de joindre ou de former des organisations syndicales en dehors de la structure de la Fédération des syndicats de Chine; l’application par le gouvernement des lois régissant l’ordre public au détriment des militants et dirigeants syndicaux; l’impossibilité pour les travailleurs de participer à une grève ou à une manifestation légitime sans enfreindre la loi chinoise qui interdit toute atteinte à l’ordre public.
    • c) Le comité prie le gouvernement de confirmer que M. Deng et M. Peng ne font plus l’objet d’une enquête et qu’ils ne seront pas poursuivis.
    • d) Regrettant qu’aucune information n’ait été fournie concernant les passages à tabac et les blessures dont auraient été victimes des travailleurs et leurs représentants à l’usine de chaussures, ainsi que M. Chen et M. Zhu Xinhua (conflit de travail à l’usine de confection de sacs), le comité prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les résultats des enquêtes pertinentes.
    • e) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de l’enquête relative à l’incident allégué concernant le père de M. Meng et, en particulier, de lui indiquer s’il existe un lien avec l’allégation de détention de M. Meng pour participation à des activités de défense des droits des travailleurs.
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