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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 382, Juin 2017

Cas no 3231 (Cameroun) - Date de la plainte: 03-AOÛT -16 - Clos

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Allégations: L’organisation plaignante fait état de mesures de harcèlement et de représailles à son encontre, s’agissant notamment de la procédure d’enregistrement et de la non-prise en compte des votes obtenus en sa faveur lors des élections sociales de 2016

  1. 190. La plainte figure dans une communication du Syndicat national Entente des enseignants publics contractuels du Cameroun (SYNAEEPCAM) en date du 3 août 2016.
  2. 191. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 3 novembre 2016.
  3. 192. Le Cameroun a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (nº 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 193. Dans sa communication en date du 3 août 2016, l’organisation plaignante indique qu’il lui a fallu neuf mois pour obtenir son certificat d’enregistrement, alors que selon elle toutes les conditions formelles étaient réunies au sens de l’article 11 du Code du travail. Le certificat d’enregistrement a été obtenu le 4 août 2015, mais, selon l’organisation plaignante, l’actuel secrétaire général du ministère du Travail et de la Sécurité sociale (MINTSS), greffier des syndicats, envisagerait de l’annuler, au mépris de l’article 4 de la convention no 87. L’organisation plaignante précise que le secrétaire général aurait convoqué les dirigeants du SYNAEEPCAM à une réunion, le 5 août 2016, ayant pour objet l’examen de son «dossier administratif» selon les termes portés sur la convocation.
  2. 194. L’organisation plaignante allègue que les résultats des élections sociales de 2016 seraient entachés d’une volonté délibérée de l’administration locale du travail d’ignorer les procès verbaux de l’élection de nombreux délégués du personnel appartenant au SYNAEEPCAM, et ce dans plusieurs régions et départements du Cameroun: i) dans le département de la Manyu, région du Sud-Ouest, où la tentative de dissimulation des procès-verbaux porterait sur 1 000 élus en faveur du SYNAEEPCAM; ii) dans le département de la Meme, région du Sud-Ouest, où elle porterait sur 384 élus; et iii) dans le département de la Sanaga maritime, région du Littoral, où elle porterait sur 832 élus. L’organisation plaignante allègue que les responsables du MINTSS ont instrumentalisé, voire intimidé, certains autres responsables des administrations où le SYNAEEPCAM avait présenté des candidats, les obligeant à leur adresser des correspondances hors délais, pour justifier la non-prise en compte des procès-verbaux.
  3. 195. L’organisation plaignante allègue que l’arrêté du ministre du Travail et de la Sécurité sociale du 11 juillet 2016 portant constatation du classement national des confédérations syndicales a privé la Confédération syndicale Entente des résultats obtenus par le SYNAEEPCAM à laquelle il est affilié, et ne traduit donc pas la véritable représentativité des confédérations syndicales au Cameroun.
  4. 196. En relation avec les élections sociales susmentionnées dans la région du Nord-Ouest, département de la Mezam, l’organisation plaignante informe en outre que, les 30 mars et 5 avril 2015, un représentant syndical local, M. Innocent Ngwa Folum, a reçu de son chef hiérarchique, le délégué départemental du ministère de l’Education de base, deux demandes d’explications sans lien avec son activité professionnelle, mais qui, selon elle, auraient pour seul but d’intimider le représentant syndical en raison de son appartenance au SYNAEEPCAM et des activités syndicales menées dans ce cadre.
  5. 197. Enfin, l’organisation plaignante dénonce une fraude massive au sein de l’administration du travail par le biais d’enregistrement de syndicats fictifs et indique qu’elle a porté l’affaire devant les tribunaux pour faux, usage de faux et détournement de fonds publics.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 198. Dans une communication en date du 3 novembre 2016, le gouvernement rejette les allégations selon lesquelles il aurait multiplié les tracasseries administratives pour ne pas délivrer de certificat d’enregistrement au SYNAEEPCAM. Le gouvernement explique qu’il a engagé un processus d’assainissement du mouvement syndical, fortement réclamé et soutenu par les leaders syndicaux, afin de disposer d’un fichier syndical conforme, actualisé et fiable. Il fait observer que, dans le cadre de l’authentification des pièces constitutives des dossiers d’enregistrement des organisations syndicales, suite à la vérification opérée par le ministre de la Justice à la demande du greffier des syndicats – concernant spécifiquement les extraits de casier judiciaire présentés par le SYNAEEPCAM –, il est apparu que les extraits de casier judiciaire fournis par le syndicat étaient des faux. Le gouvernement indique que, en vertu de l’article 13.1 du Code du travail, le greffier peut annuler l’enregistrement d’un syndicat si le certificat d’enregistrement a été obtenu par fraude. Le gouvernement indique n’avoir pris aucune mesure en ce sens, préférant inviter le président national du syndicat à une séance de travail le 5 août 2016, dont l’ordre du jour portait sur l’examen du dossier administratif du syndicat, invitation que le dirigeant syndical a déclinée.
  2. 199. S’agissant des élections sociales, le gouvernement fait savoir que, le 13 janvier 2016, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale a pris une décision fixant la date de déroulement des élections de délégués du personnel au 1er mars et au 8 avril 2016, et portant organisation de la campagne électorale. Des commissions mixtes départementales, régionales et nationale ont été créées pour assurer la collecte, la vérification et l’analyse des résultats des élections afin de garantir la sincérité, l’équité et la crédibilité du scrutin.
  3. 200. Le gouvernement fait observer que, lors du dépouillement des procès-verbaux des élections sociales du 1er mars et du 8 avril 2016, auxquelles a pris part le SYNAEEPCAM et dont les résultats ont été restitués par la Commission mixte nationale, en ses sessions du 23 mars et du 26 mai 2016, ledit syndicat, affilié à la Confédération syndicale Entente, a revendiqué un score suspect de plus de 4 000 délégués du personnel prétendument élus, qui aurait placé l’Entente en tête des confédérations syndicales représentatives. Le gouvernement explique que cette performance électorale inédite d’un syndicat nouvellement créé a suscité de vives contestations de protestation des membres de la Commission mixte nationale, notamment des commissaires travailleurs et employeurs et que les autorités administratives locales impliquées dans le processus électoral avaient également attiré l’attention du ministre du Travail et de la Sécurité sociale sur les manœuvres et cas de fraude impliquant le syndicat en question.
  4. 201. Le gouvernement précise que la Commission mixte nationale a alors donné mandat à son président de dépêcher trois équipes dans les régions théâtres de fraude, afin de vérifier l’authenticité des procès-verbaux contestés, et que ces dernières ont relevé dans leurs conclusions d’énormes irrégularités, des procès-verbaux fictifs, un gonflement artificiel des listes électorales et autres manœuvres orchestrées par l’organisation syndicale. Le gouvernement souligne à cet égard que la Commission mixte nationale, lors de sa session du 26 mai 2016, a formulé des recommandations pour: i) engager la procédure d’annulation du certificat d’enregistrement du SYNEEEPCAM; et ii) sanctionner à l’avenir toute confédération portant atteinte à la sincérité et à la crédibilité du scrutin par le recours à des manœuvres illégales et frauduleuses.
  5. 202. S’agissant de l’allégation relative à l’enregistrement d’organisations fictives, le gouvernement indique que l’affaire à laquelle l’organisation plaignante fait allusion, qui concerne une confédération syndicale en particulier, fait l’objet d’une enquête judiciaire en cours et qu’il tiendra le comité informé de l’issue de la procédure engagée.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 203. Le comité note que les allégations de l’organisation plaignante portent sur: i) les conditions d’octroi du certificat d’enregistrement du SYNAEEPCAM et les menaces qui pèsent sur sa dissolution, alors que d’autres organisations feraient l’objet de favoritisme de la part du gouvernement; ii) les résultats des élections sociales de 2016, le mécanisme utilisé pour déterminer la représentativité des organisations syndicales dans le pays; et iii) des mesures d’intimidation à l’encontre d’un représentant syndical du SYNAEEPCAM.
  2. 204. S’agissant de la procédure d’enregistrement, le comité note que celle-ci a duré près de neuf mois. Le comité note que le gouvernement ne fournit pas d’explications sur les raisons de ces lenteurs administratives. En l’absence d’éléments portés à sa connaissance sur ce point, le comité souhaite rappeler à cet égard qu’une longue procédure d’enregistrement constitue un obstacle sérieux à la création d’organisations et équivaut à un déni du droit des travailleurs de créer des organisations sans autorisation préalable. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 307.]
  3. 205. Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement selon lesquelles, dans le cadre de l’authentification des pièces constitutives des dossiers d’enregistrement des organisations syndicales – qui, dans le cas du SYNAEEPCAM, a été déclenchée après la délivrance du certificat d’enregistrement –, le greffier des syndicats a demandé au ministre de la Justice de vérifier l’authenticité des extraits de casiers judiciaires présentés par le SYNAEEPCAM et que, d’après les résultats de cette enquête ministérielle, il est apparu que les extraits de casier judiciaire fournis à l’époque par le syndicat étaient des faux. Tout en notant qu’il n’a pas été fait usage des prérogatives conférées au greffier des syndicats en vertu de l’article 13.1 du Code du travail, qui dispose que le greffier peut annuler l’enregistrement d’un syndicat si le certificat d’enregistrement a été obtenu par fraude, le comité rappelle que la dissolution d’organisations syndicales est une mesure qui ne devrait intervenir que dans des cas de gravité extrême. Une telle dissolution ne devrait pouvoir intervenir qu’à la suite d’une décision judiciaire afin de garantir pleinement les droits de la défense. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 699.]
  4. 206. Sur la question de la non-prise en compte de certains procès-verbaux favorables au SYNAEEPCAM et, par suite, à la Confédération syndicale Entente à laquelle il est affilié, le comité note, d’après les informations fournies par le gouvernement et les pièces produites par celui-ci, que la Commission mixte nationale, organe tripartite chargé de la collecte, de la vérification et de l’analyse des résultats des élections des délégués du personnel qui se sont déroulées les 1er mars et 8 avril 2016, a constaté de nombreuses irrégularités qui ont conduit cette dernière à ne pas comptabiliser les procès-verbaux litigieux. Rappelant que les cas de contestation des élections syndicales doivent relever des autorités judiciaires, qui devraient garantir une procédure impartiale, objective et rapide [voir Recueil, op. cit., paragr. 442], le comité observe qu’en l’espèce le SYNAEEPCAM n’a pas contesté les résultats des élections sociales devant la justice et prie ce dernier d’indiquer les raisons pour lesquelles il ne l’a pas fait.
  5. 207. S’agissant de l’allégation selon laquelle un représentant syndical local, M. Innocent Ngwa Folum, a reçu de son chef hiérarchique, le délégué départemental du ministère de l’Education de base, deux demandes d’explications qui auraient pour seul but d’intimider le représentant syndical en raison de son appartenance au SYNAEEPCAM et des activités menées en relation avec les élections sociales susmentionnées,le comité prie l’organisation plaignante de fournir des informations complémentaires sur toute action prise par le délégué départemental.
  6. 208. Le comité note enfin les allégations de favoritisme à l’égard d’une Confédération syndicale en relation avec la procédure d’enregistrement, alors que le SYNAEEPCAM se dit victime de harcèlement. Le comité observe que cette question a été portée devant la justice nationale et que la procédure est en cours et prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue de la procédure engagée.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 209. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie l’organisation plaignante d’indiquer les raisons pour lesquelles elle n’a pas contesté le résultat des élections sociales de 2016 devant la justice et de fournir également des informations complémentaires sur toute action prise par le délégué départemental du ministère de l’Education de base s’agissant de la situation du représentant syndical local, M. Innocent Ngwa Folum.
    • b) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue de la procédure engagée devant la justice nationale relativement aux allégations de favoritisme concernant la procédure d’enregistrement d’une confédération syndicale au Cameroun.
    • c) Le comité invite les parties concernées à avoir recours aux mécanismes de dialogue social afin de mettre un terme aux différends qui les opposent.
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