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Rapport définitif - Rapport No. 378, Juin 2016

Cas no 3122 (Costa Rica) - Date de la plainte: 16-FÉVR.-15 - Clos

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Allégations: Refus des autorités de suspendre pendant quelques jours les travaux de la Commission de négociation des salaires pour le secteur public afin de permettre que les organisations plaignantes mènent des consultations internes et conclusion de l’accord correspondant sur les salaires sans leur participation

  1. 199. La plainte figure dans une communication en date du 16 février 2015, signée par l’Association nationale des éducateurs (ANDE), l’Association des professeurs de l’enseignement du second degré (APSE), l’Union nationale des employés de la Caisse de sécurité sociale (UNDECA) et le Syndicat indépendant des fonctionnaires de l’Etat (SITECO), conjointement avec la Confédération générale des travailleurs (CGT).
  2. 200. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 13 novembre 2015.
  3. 201. Le Costa Rica a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 202. Dans leur communication du 16 février 2015, les organisations plaignantes dénoncent le refus des autorités de suspendre provisoirement les séances de la Commission de négociation des salaires pour le secteur public pour qu’elles puissent mener des consultations. Elles allèguent que les autorités leur ont de ce fait imposé une décision dans laquelle leur représentativité n’a pas été prise en compte, et que le processus de négociation a perdu sa crédibilité.
  2. 203. Les organisations plaignantes indiquent que, depuis janvier 2015, elles ont assisté à plusieurs réunions de la Commission de négociation des salaires pour le secteur public (chargée de revoir et de négocier les salaires des employés du secteur public et composée d’un représentant de chacune des confédérations syndicales, d’un représentant de l’ANDE, d’un représentant de l’APSE et d’un représentant élu par les cinq organisations de fonctionnaires les plus représentatives qui ne font pas partie d’une fédération) dans le but de discuter du réajustement des salaires du premier semestre de l’année. Les organisations précisent qu’en participant à ces réunions leur objectif était que les salaires soient remontés au même niveau que le coût de la vie, mais que, depuis le début, elles se sont heurtées à la ferme décision du gouvernement de limiter le réajustement des salaires à 0,94 pour cent (soit le taux d’inflation correspondant au semestre antérieur). Dans une contre-proposition, les organisations plaignantes ont demandé une augmentation de 1,94 pour cent pour la catégorie des professionnels (dont 0,94 pour cent correspondent à l’inflation du semestre précédent et 1 pour cent correspond à la moitié de l’inflation attendue pour le premier semestre 2015) et une augmentation additionnelle de 2,06 pour cent pour la catégorie des non-professionnels (dont l’augmentation atteindrait alors les 4 pour cent), dans le but de réduire l’écart entre les salaires de chaque catégorie (dans les deux cas, il est demandé d’inclure les 0,14 pour cent dus qui correspondent à la négociation des salaires pour le second semestre de 2014). Quelques semaines après que les organisations plaignantes ont annoncé publiquement qu’elles avaient refusé la proposition du gouvernement et présenté cette contre-proposition, le gouvernement a convoqué une nouvelle réunion de la Commission de négociation des salaires pour le secteur public le 4 février.
  3. 204. Les organisations plaignantes indiquent qu’à la réunion du 4 février: i) le gouvernement a présenté une proposition qui, dans l’ensemble, maintenait le réajustement des salaires à 0,94 pour cent, en accordant uniquement une augmentation progressive et échelonnée de 0,5 pour cent aux employés non professionnels (sans fournir les détails relatifs à cette courbe de réajustement additionnel); ii) les organisations plaignantes ont demandé que la réunion soit suspendue pendant quelques jours, afin que leurs comités de direction respectifs puissent prendre connaissance du contenu de la proposition élargie et du rapport technique qui devait accompagner la proposition de réajustement additionnel de 0,5 pour cent (le fait que la nouvelle proposition du gouvernement ne prévoie aucune autre amélioration pour les catégories professionnelles était un sujet sensible pour certaines des organisations plaignantes, telles que l’ANDE et l’APSE – les syndicats les plus représentatifs du secteur public costaricien; en effet, ce sont les seuls à siéger à la Commission de négociation des salaires pour le secteur public et la plupart de leurs affiliés appartiennent à la catégorie professionnelle des enseignants); iii) face à la demande de suspension de la séance, l’autre groupe d’organisations syndicales, composé de plusieurs confédérations et centrales, a déclaré qu’il souhaitait poursuivre la réunion avec le gouvernement; iv) les représentants gouvernementaux ont décidé unilatéralement de ne pas suspendre la séance, sans recourir au vote ni prendre en considération le critère de représentativité, empêchant de ce fait les organisations plaignantes de mener les consultations internes nécessaires, et sans laisser de place à une véritable négociation dans le cadre de laquelle des possibilités d’amélioration auraient pu être envisagées pour la catégorie des professionnels; v) l’attitude autoritaire du gouvernement, qui a ignoré la position légitime des organisations plaignantes en tant que représentants majoritaires, a conduit lesdites organisations à quitter la séance en indiquant expressément qu’elles attendaient d’être convoquées à la prochaine réunion, à laquelle elles présenteraient une position arrêtée sur la question; et vi) malgré cette situation, le gouvernement a poursuivi la séance avec les autres organisations et conclu avec elles un accord de réajustement des salaires qui maintient une augmentation d’à peine 0,94 pour cent pour la catégorie professionnelle (à quoi s’ajoutent les 0,14 pour cent dus) et fixe une augmentation additionnelle allant jusqu’à 0,66 pour cent pour la catégorie des non-professionnels (les organisations plaignantes estiment donc que, puisque aucune amélioration réelle n’a été apportée à la proposition initiale du gouvernement, la conclusion de l’accord avec certaines organisations syndicales n’est pas justifiée).
  4. 205. Les organisations plaignantes allèguent que les conventions ratifiées par le Costa Rica exigent qu’il soit fait preuve de transparence et de bonne foi au cours des négociations et que des critères objectifs soient établis pour la prise de décisions conjointe. Elles estiment que la décision du gouvernement de refuser unilatéralement la demande présentée par plusieurs organisations majoritaires afin de disposer de quelques jours pour effectuer des consultations internes représente une négation de leur droit à la négociation collective et à la représentation syndicale et les exclut de cet accord de réajustement des salaires.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 206. Dans sa communication en date du 13 novembre 2015, le gouvernement indique que les représentants gouvernementaux ont agi conformément à la législation costaricienne, ainsi qu’aux principes de bonne foi et de négociation libre et volontaire promus par l’OIT; il demande par conséquent que la plainte soit rejetée.
  2. 207. Le gouvernement indique que la Commission de négociation des salaires pour le secteur public a mené trois réunions (les 15 et 20 janvier et le 4 février 2014) et que, à la dernière réunion, le 4 février: i) le gouvernement a soumis sa proposition en matière de salaires et celle-ci a été examinée; ii) par la suite, les organisations plaignantes ont proposé de suspendre la séance dans le but de soumettre l’initiative du gouvernement à leurs organes de direction; iii) les autres organisations syndicales présentes, qui représentent les confédérations syndicales (sauf la CGT), ont signalé qu’elles souhaitaient poursuivre la négociation; iv) afin de respecter la volonté des organisations syndicales qui souhaitaient poursuivre la séance, les représentants gouvernementaux ont décidé de laisser cet espace ouvert au dialogue, raison pour laquelle la séance s’est poursuivie; et v) à la fin de la séance, les représentants du gouvernement et des syndicats présents sont convenus d’une proposition de réajustement des salaires pour le premier semestre 2015, qui vient améliorer la proposition initiale du gouvernement en accordant une augmentation de 0,66 pour cent, au lieu de 0,5, au premier niveau de salaire.
  3. 208. Le gouvernement déplore que, malgré sa disposition et celle des autres organisations syndicales, les organisations plaignantes aient quitté la séance de la Commission de négociation des salaires pour le secteur public. Même s’il reconnaît que les instances de dialogue peuvent donner lieu à des situations de ce type, le gouvernement dit toujours garder l’espoir qu’une volonté préside aux négociations, dans le but d’établir un terrain d’entente qui soit utile au pouvoir exécutif pour la prise de décisions. Le gouvernement signale qu’il n’a jamais eu l’intention d’exclure des représentants syndicaux de la discussion sur les salaires, mais qu’il a, en revanche, écouté la volonté de négociation manifestée par les représentants syndicaux qui sont restés pendant la séance. Le gouvernement rappelle, d’une part, que le dialogue social doit être volontaire et qu’il n’est pas possible d’empêcher des participants de quitter la salle ni de les obliger à participer à une discussion et, d’autre part, que, lorsqu’aucun accord n’est conclu ou que la conclusion d’un accord est différée, il n’est pas juste de parler d’échec du dialogue social. Le gouvernement informe que depuis 2009, un total de 13 processus de fixation des salaires ont été lancés et que seuls trois d’entre eux (soit 23 pour cent) ont abouti à un accord entre les secteurs syndicaux et le gouvernement.
  4. 209. Le gouvernement rappelle que, conformément à la Constitution, l’établissement de la politique salariale applicable au secteur public relève de la compétence du pouvoir exécutif et que, en application des décisions prises par la Chambre constitutionnelle, la Commission de négociation des salaires pour le secteur public est, en tant qu’organe mixte, de nature consultative et consiste en un forum de dialogue qui n’a pas le pouvoir de prendre de décision définitive en matière d’augmentation des salaires. Le gouvernement fait cependant observer que cette instance offre un espace de dialogue social dans le cadre duquel les représentants des fonctionnaires peuvent discuter de leurs positions ainsi qu’échanger et analyser des informations relatives aux réajustements des salaires.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 210. Le comité note que la plainte porte sur le refus des autorités de suspendre pendant quelques jours les travaux de la Commission de négociation des salaires pour le secteur public pour permettre aux organisations plaignantes de mener des consultations internes. Ces organisations comprennent une confédération syndicale et les deux seuls syndicats qui siègent toujours, du fait de leur importante représentativité dans le secteur public, à la commission en question. Suite à la proposition de réajustement des salaires présentée par le gouvernement le 4 février 2015, les organisations plaignantes ont demandé que la séance soit suspendue pour consulter leurs comités de direction respectifs, à la lumière d’un rapport technique additionnel demandé au gouvernement. Les autres organisations présentes, comprenant plusieurs centrales et confédérations syndicales, ont indiqué qu’elles souhaitaient poursuivre la séance. Face à cette situation, le gouvernement n’a pas accédé à la demande de suspension de la séance, les organisations plaignantes ont quitté la salle (en indiquant qu’elles attendaient d’être convoquées à une prochaine réunion, à laquelle elles présenteraient une position arrêtée) et les autres organisations présentes et le gouvernement ont continué la séance et conclu un accord concernant l’augmentation des salaires, sans la participation des organisations plaignantes.
  2. 211. Le comité estime que, dans le cadre d’une négociation collective volontaire et de bonne foi, la demande des organisations plaignantes n’est pas insensée, puisqu’elle vise à suspendre pendant quelques jours les travaux de la Commission de négociation des salaires pour le secteur public pour que lesdites organisations puissent mener des consultations internes à propos de la proposition présentée par le gouvernement à cette réunion et au sujet de laquelle davantage de précisions techniques sont nécessaires – selon des indications des organisations plaignantes que le gouvernement n’a pas démenties. Etant donné que le gouvernement n’a pas précisé toutes les raisons pour lesquelles il n’était pas possible ou recommandable de répondre favorablement à la demande de suspension provisoire des travaux de la Commission de négociation des salaires pour le secteur public (outre la volonté manifestée par les autres organisations présentes de poursuivre la séance), le comité encourage le gouvernement et les partenaires sociaux à prendre, à l’avenir, les mesures nécessaires pour permettre la participation continue à la Commission de négociation des salaires pour le secteur public des différentes organisations qui la composent, afin de promouvoir dans toute la mesure possible le dialogue social et les accords convenus par toutes les organisations concernées.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 212. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité encourage le gouvernement et les partenaires sociaux à prendre, à l’avenir, les mesures nécessaires pour permettre la participation continue à la Commission de négociation des salaires pour le secteur public des différentes organisations qui la composent, dans le but de promouvoir dans toute la mesure possible le dialogue social et les accords convenus par toutes les organisations concernées.
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