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Rapport définitif - Rapport No. 375, Juin 2015

Cas no 2794 (Kiribati) - Date de la plainte: 17-JUIN -10 - Clos

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Allégations: L’organisation plaignante allègue une atteinte au droit de grève dans le secteur de l’éducation

  1. 372. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa réunion d’octobre 2013 et, à cette occasion, a présenté au Conseil d’administration un rapport intérimaire. [Voir 370e rapport, paragr. 456 à 464, approuvé par le Conseil d’administration à sa 319e session (octobre 2013).]
  2. 373. Le gouvernement a adressé ses observations dans une communication en date du 31 mars 2015.
  3. 374. Kiribati a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 375. Lors de son examen antérieur du présent cas, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 370e rapport, paragr. 464]:
    • a) Le comité regrette profondément que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte, le gouvernement n’ait à nouveau pas répondu aux allégations de l’organisation plaignante alors qu’il a été invité à le faire à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant. Le comité prie instamment le gouvernement de se montrer plus coopératif en l’espèce et l’encourage fermement à se prévaloir de l’assistance technique du BIT.
    • b) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir sans délai des informations détaillées en réponse aux allégations selon lesquelles le ministre du Travail aurait déclaré la grève illégale bien que le KUT se soit conformé aux conditions requises par la législation en vigueur pour lancer un ordre de grève.
    • c) Le comité prie en outre instamment le gouvernement de fournir sans délai des informations détaillées concernant les menaces et actes d’intimidation allégués du ministère de l’Education pendant la grève, lequel aurait laissé entendre que les grévistes seraient licenciés s’ils ne reprenaient pas le travail, ainsi que les sanctions et les mesures de licenciement dont auraient fait l’objet des membres du KUT pour avoir participé à ce mouvement. Il prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires afin de faire en sorte que tout travailleur qui a été licencié pour l’exercice légitime de son droit de grève soit immédiatement réintégré dans son poste, sans perte de salaire, et que les éventuelles sanctions imposées aux grévistes soient levées.
    • d) Le comité prie le gouvernement et l’organisation plaignante d’indiquer l’état d’avancement des négociations entre le ministère de l’Education, le Bureau de la fonction publique et le KUT et de préciser si une nouvelle convention collective a maintenant été signée.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 376. Dans sa communication en date du 31 mars 2015, le gouvernement dit, à propos de la question de la légalité de la grève lancée par le Syndicat des enseignants de Kiribati (KUT), que le ministre du Travail a signalé que la procédure d’examen du conflit n’avait pas encore été épuisée étant donné que le ministère de l’Education et le Bureau de la fonction publique examinaient encore toutes les propositions en vue d’une convention collective. Pourtant, le KUT continue d’affirmer que le délai est écoulé et que la procédure de règlement du conflit prévue par le Code du travail (IRC) a été épuisée. Le KUT a intenté un recours sur la question de la légalité de la grève devant la Haute Cour (le recours a été examiné le 22 novembre 2011) puis devant la Cour d’appel (le recours a été examiné le 10 août 2012) mais, dans leurs décisions prises dans les deux cas (copie des décisions est jointe à la réponse du gouvernement), les deux cours ont confirmé que la grève des enseignants était illégale.
  2. 377. En ce qui concerne les menaces et actes d’intimidation allégués du ministère de l’Education pendant la grève, le gouvernement indique ce qui suit: 1) rien n’a permis de démontrer ces allégations et, la grève des enseignants ayant eu lieu pendant la semaine d’examens, des enseignants retraités ont été engagés pour répondre aux besoins; 2) après la grève, la plupart des enseignants ont été autorisés à reprendre le travail, et le ministère de l’Education a repris le versement de leurs salaires; 3) les meneurs de la grève qui avaient été licenciés en raison du caractère illégal de la grève ont tous été réintégrés à la suite de leur appel devant la Commission de la fonction publique; et 4) aucune sanction n’a été infligée aux enseignants grévistes.
  3. 378. En ce qui concerne les négociations entre le ministère de l’Education, le Bureau de la fonction publique et le KUT, le gouvernement indique qu’un accord de convention collective n’a encore été ni obtenu ni signé, mais que le ministère de l’Education et le Bureau de la fonction publique examinent encore les propositions du KUT en vue d’une convention collective. Le gouvernement ajoute que, tout en ayant à l’esprit le droit que le KUT a de négocier collectivement en vertu de l’article 41 du Code du travail, y compris pour les fonctionnaires relevant des conditions nationales de service (c’est le cas des enseignants), les obligations du gouvernement au regard du code ne comprennent pas celle de conclure une convention collective, mais se limitent à celle de participer à une négociation à cette fin. Le gouvernement souligne qu’à Kiribati il n’y a pas d’antécédents de négociation collective et qu’elle n’a jamais été pratiquée, les conditions d’emploi de l’ensemble des fonctionnaires étant fixées par le système des conditions nationales de service ou par des décisions gouvernementales. Le gouvernement estime par conséquent que conclure une convention collective avec le KUT peut avoir des conséquences considérables sur la réglementation des conditions d’emploi de l’ensemble des fonctionnaires et, donc, cette question doit être examinée avec attention. De plus, une assistance technique sera probablement nécessaire pour aider toutes les parties à négocier collectivement, et des discussions préalables ont été entamées à cette fin avec le bureau de l’OIT à Suva.
  4. 379. Enfin, le gouvernement indique qu’il mène actuellement une réforme de la législation du travail afin d’améliorer l’application des conventions nos 87 et 98 et exprime l’espoir qu’un cadre législatif plus propice et favorable à la négociation collective sera bientôt adopté.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 380. Le comité rappelle que le présent cas porte sur des allégations selon lesquelles le gouvernement aurait porté atteinte au droit de grève du KUT, et sur des actes de discrimination antisyndicale liés à une grève ayant eu lieu du 4 au 7 décembre 2009.
  2. 381. En ce qui concerne la légalité de la grève, le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle le ministre du Travail a informé le KUT que la procédure visant à examiner leur conflit n’avait pas encore été épuisée, étant donné que le ministère de l’Education et le Bureau de la fonction publique examinaient encore l’ensemble des questions proposées en vue d’une convention collective. Le comité note aussi que le gouvernement fait mention des décisions de la Haute Cour et de la Cour d’appel, lesquelles ont établi que la grève était illégale.
  3. 382. De plus, en ce qui concerne les menaces et actes d’intimidation allégués du ministère de l’Education pendant la grève, le comité prend note des indications suivantes du gouvernement: 1) rien n’a permis de démontrer ces allégations et, la grève des enseignants ayant eu lieu pendant la semaine d’examens, des enseignants retraités ont été engagés pour répondre aux besoins; 2) après la grève, la plupart des enseignants ont été autorisés à reprendre le travail, et le ministère de l’Education a repris le versement de leurs salaires; 3) les meneurs de la grève qui avaient été licenciés en raison du caractère illégal de la grève ont tous été réintégrés à la suite de leur appel devant la Commission de la fonction publique; et 4) aucune sanction n’a été infligée aux enseignants grévistes. Enfin, le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle aucune convention collective n’a été signée, en partie parce qu’il n’y a pas d’antécédents de négociation collective et qu’elle n’a jamais été pratiquée à Kiribati. Conclure une convention collective avec le KUT demande beaucoup d’attention, car cela peut avoir des conséquences considérables sur la réglementation des conditions d’emploi de l’ensemble des autres fonctionnaires. Des discussions préalables ont eu lieu avec le bureau de l’OIT à Suva en vue d’une assistance technique pour renforcer la capacité des parties de négocier collectivement.
  4. 383. A propos de la légalité de la grève, le comité observe que, dans leurs décisions, la Haute Cour et la Cour d’appel ont établi que l’appel à la grève du KUT comportait un vice de procédure et n’était pas conforme aux dispositions pertinentes du Code du travail. En vertu de l’article 10(1) du code, lorsque le ministre a pris des dispositions en application de l’article 9(1), que l’une des parties au conflit l’informe que le conflit n’a pas été réglé et qu’il constate que c’est le cas, il dispose alors d’un délai de sept jours pour informer les parties ou leurs représentants qu’il prendra des dispositions supplémentaires en vertu de l’article 9(1). Cet article établit que le ministre examine les conflits du travail qui sont portés à sa connaissance conformément à l’article 7, et peut prendre l’une ou plusieurs des dispositions suivantes qui lui semblent les plus opportunes pour régler le conflit: a) lorsque le ministre estime qu’un dispositif non prévu par le code mais approprié pour régler les conflits du travail n’a pas encore été utilisé ou suffisamment utilisé par les parties, il renvoie le conflit aux parties pour que celles-ci entament ou poursuivent la négociation et le règlement du conflit dans le cadre de ce mécanisme; b) il renvoie le conflit au greffe, conformément à l’article 7; c) en tout état de cause, il renvoie le conflit aux parties et, s’il l’estime approprié, il adresse à l’une ou l’autre des parties, ou aux deux, des propositions sur la base desquelles les parties pourront négocier le règlement du conflit; d) il renvoie le conflit à la commission d’enquête prévue à l’article 18; et e) il renvoie le conflit à la Commission des revenus en application de l’article 19.
  5. 384. La Haute Cour et la Cour d’appel ont estimé que la lettre du 9 octobre 2009 qui, selon le KUT, indiquait au ministre du Travail que le conflit n’avait pas été réglé ne peut pas être considérée comme conforme à l’article 10(1). En effet, le 6 octobre 2009, le KUT avait adressé une lettre au ministère de l’Education pour proposer une date de négociation, à savoir le 21 octobre 2009. Par conséquent, il était trop tôt pour que le KUT affirme, le 9 octobre, que la négociation n’avait pas abouti, puisque d’autres négociations devaient avoir lieu entre les parties; le KUT aurait dû attendre l’issue de la négociation du 21 octobre 2009. Les cours ont donc estimé que la procédure de règlement n’était pas épuisée, ce qui rendait la grève illégale.
  6. 385. Le comité note que, au regard de l’article 27 du Code du travail, une grève n’est pas illégale dans les cas suivants: a) vingt et un jours se sont écoulés depuis la date à laquelle le conflit du travail qui a donné lieu à une grève a été porté à la connaissance du ministre ou du greffe, conformément à l’article 7; et b) le ministre n’a pas pris d’initiatives en vertu de l’article 9(1) ou, s’il en a pris, sa décision n’a pas été communiquée aux parties au conflit ou à leurs représentants, comme le prévoit l’article 9(2); ou c) le greffe n’a pas pris d’initiatives conformément à l’article 8(1), ou, s’il a pris une initiative, sa décision n’a pas été communiquée aux parties au conflit ou à leurs représentants, comme le prévoit l’article 8(2). Le comité note que, le 15 septembre 2009, un cahier de revendications a été soumis au ministre, et que le syndicat lui a adressé ultérieurement, le 24 septembre 2009, une lettre pour l’informer d’un conflit du travail, conformément à l’article 7(1) du Code du travail. Le 2 octobre 2009, le ministre du Travail a indiqué par courrier au syndicat que, avant de traiter cette situation comme un conflit du travail, il renvoyait la question aux parties en les encourageant à poursuivre le dialogue. Le syndicat a répondu dans une lettre du 9 octobre 2009 que ce moyen de négociation ne convenait pas et qu’il avait satisfait à toutes les dispositions de l’article 7 sur la communication de conflits du travail. Le 3 novembre 2009, le syndicat a informé le ministre que, au regard de l’article 10(2), les procédures prescrites par le Code du travail pour le règlement de conflits du travail étaient considérées comme épuisées puisque le conflit n’avait pas été réglé et que le ministre n’avait pas informé le syndicat de son intention de prendre d’autres initiatives, conformément à l’article 9(1), ou n’avait pas pris d’initiatives dans un délai de sept jours. Dans des communications des 5 et 6 novembre 2009 adressées au syndicat, le ministre a rappelé qu’il avait déjà renvoyé l’affaire aux parties le 2 octobre 2009 en vue d’une négociation, en application de l’article 9(1)(a) du Code du travail, et que, pour qu’il puisse prendre d’autres initiatives, les parties devaient se réunir afin d’examiner la question.
  7. 386. En ce qui concerne la procédure de règlement de conflits établie aux articles 8(1) et 9(1) du Code du travail, le comité rappelle que la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations a relevé à cet égard que le Code du travail ne prévoit aucune limite de temps spécifique pour l’épuisement de la procédure de conciliation, et que les articles 8(1)(a), (b), (c) et 9(1)(a) confèrent au greffe et au ministre compétent le pouvoir de prolonger à leur entière discrétion et sans aucune limite de temps précise la négociation, la conciliation et la procédure de règlement (y compris le pouvoir d’imposer l’arbitrage obligatoire (articles 7, 8, 9, 12 et 14)), tandis que l’article 27(1) rend illégale toute grève qui interviendrait avant l’épuisement des procédures prescrites pour le règlement des conflits du travail.
  8. 387. Tout en rappelant que les procédures de conciliation et de médiation doivent cependant avoir pour seule finalité de faciliter la négociation, et qu’elles ne devraient donc pas être si complexes ou entraîner des délais si longs qu’une grève licite devienne impossible en pratique ou soit privée de toute efficacité, le comité prend note de l’information que le gouvernement a donnée récemment à la commission d’experts, selon laquelle il est proposé, dans le cadre du projet de 2013 de Code de l’emploi et du travail, de raccourcir les délais dont dispose le greffier pour répondre lorsqu’un conflit du travail est porté à sa connaissance. Le comité prie le gouvernement, en vertu de sa ratification des conventions nos 87 et 98, de communiquer copie du projet de code de 2013 à la commission d’experts et attire l’attention de cette dernière sur les aspects législatifs de ce cas.
  9. 388. Notant que, selon le gouvernement, la plupart des enseignants ont été autorisés à reprendre le travail après la grève, les meneurs de la grève qui avaient été licenciés ont tous étés réintégrés et aucune sanction n’a été infligée aux enseignants grévistes, le comité note que la seule question en suspens est celle de la nécessité de promouvoir la négociation collective dans le secteur. A cet égard, le comité regrette que, près de six ans après la grève, aucune convention collective n’ait été signée. Le comité note que, selon le gouvernement, il n’y a jamais eu de négociation collective à Kiribati, et que toutes les parties intéressées ont besoin d’une assistance pour renforcer leurs capacités dans ce domaine. A l’évidence, le présent cas semble confirmer qu’il faut renforcer les capacités de négociation collective de toutes les parties. Notant que le gouvernement a engagé une réforme de la législation du travail pour améliorer l’application des conventions nos 87 et 98 et accueillant favorablement son engagement à discuter avec le BIT sur la promotion de la négociation collective, le comité l’invite à recourir à l’assistance technique du BIT pour élaborer, en consultation avec les partenaires sociaux, un cadre de négociation collective adapté à la situation nationale et pour renforcer les capacités de toutes les parties afin de donner pleinement effet, en droit et dans la pratique, à l’article 4 de la convention no 98 que Kiribati a ratifiée.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 389. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) En ce qui concerne la procédure de règlement des conflits, le comité note qu’il est proposé, dans le cadre du projet de 2013 de Code de l’emploi et du travail, de raccourcir les délais pour répondre lorsqu’un conflit du travail est signalé. Le comité prie le gouvernement en vertu de sa ratification des conventions nos 87 et 98 de communiquer à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations copie du projet de code et attire l’attention de cette dernière sur les aspects législatifs de ce cas.
    • b) A propos de la négociation collective, le comité invite le gouvernement à recourir à l’assistance technique du BIT pour élaborer, en consultation avec les partenaires sociaux, un cadre de négociation collective adapté à la situation nationale, et pour renforcer les capacités de toutes les parties afin de donner pleinement effet, en droit et dans la pratique, à l’article 4 de la convention no 98 que Kiribati a ratifiée.
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