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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 374, Mars 2015

Cas no 3073 (Lituanie) - Date de la plainte: 17-AVR. -14 - Clos

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Allégations: L’organisation plaignante allègue que le refus de l’employeur, du service de police et de l’Etat d’associer au processus de négociation collective la Fédération des syndicats de Lituanie «Sandrauga», une organisation syndicale dûment enregistrée, constitue un acte d’ingérence qui est proscrit par les conventions nos 87 et 98 et qui est contraire à la Constitution nationale selon laquelle tous les syndicats ont des droits égaux

  1. 479. La plainte figure dans une communication de la Fédération des syndicats de Lituanie («Sandrauga») en date du 17 avril 2014.
  2. 480. Le gouvernement a répondu à ces allégations dans une communication en date du 8 août 2014.
  3. 481. La Lituanie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 482. Dans une communication en date du 17 avril 2014, l’organisation plaignante dénonce l’hostilité du service de police à l’endroit de la Sandrauga, indiquant que, alors même qu’elle fonctionne au sein du système de police lituanien depuis 2009, le service de police a violé le principe constitutionnel de l’égalité entre les syndicats, a ignoré le dialogue social, a dissimulé des informations devant être partagées et a compliqué le fonctionnement du syndicat, tout en entretenant le dialogue social exclusivement avec deux autres syndicats qui, selon lui, représentaient mieux la police.
  2. 483. L’organisation plaignante indique que, comme il a été précisé dans la lettre du service de police en date du 18 juin 2010, le service de police a invité les représentants des policiers «les plus au fait des problèmes policiers et des attentes des employés» à un forum le 26 mai 2010. Selon l’organisation plaignante, le fait d’établir des distinctions entre syndicats n’a aucun fondement législatif et a porté atteinte à ses intérêts, comme il en a informé le service le 21 juin 2010.
  3. 484. Selon l’organisation plaignante, le service a continué à dissimuler des informations et à entretenir le dialogue uniquement avec les autres syndicats. Par exemple, elle a indiqué qu’elle avait présenté, en septembre-octobre 2010, trois propositions écrites au service de police, conformément à l’article 22(1) du Code du travail, concernant le manque de fonds, les horaires de travail à temps partiel, les congés sans solde, etc.; malgré cela, elle a été avisée le 21 octobre 2010 que le service avait choisi d’autres options avec l’appui d’autres syndicats lors d’une réunion à laquelle la Sandrauga n’avait pas été invitée.
  4. 485. L’organisation plaignante indique en outre qu’elle n’a pas été informée de la création d’une commission de conciliation et qu’elle a, de ce fait, perdu la possibilité d’y être représentée. Bien que, le 23 novembre 2010, l’organisation plaignante ait demandé à participer aux travaux de cette commission, la police a indiqué, le 30 novembre 2010, que la commission avait été créée en vertu d’un accord de coopération préexistant conclu entre le service de police et trois autres syndicats. Le 20 août 2013, une autre commission a été établie «pour évaluer la liste de réserve concernant les postes d’encadrement» où les syndicats précités étaient représentés, mais pas la Sandrauga; le 22 août 2013, l’organisation plaignante a demandé son inclusion au même titre que les autres représentants syndicaux. L’organisation plaignante estime qu’en ignorant la Sandrauga, organisation tout aussi légale, le service de police a violé le principe énoncé à l’article 50 de la Constitution de la République de Lituanie selon lequel tous les syndicats ont des droits égaux.
  5. 486. Le 2 août 2013, l’organisation plaignante a demandé au gouvernement et au Parlement de la Lituanie d’évaluer les activités du service de police. Le 22 août 2013, le vice-président du Parlement a fourni une réponse que l’organisation plaignante a jugée discriminatoire et semblable à celle de la police, en notant que la Sandrauga comptait moins de membres policiers que les deux autres syndicats.
  6. 487. L’organisation plaignante a également soulevé des questions découlant des négociations collectives de 2013-14. Le 30 août 2013, ayant appris par d’autres sources que la convention collective de la branche de la police était en train d’être rédigée avec les deux autres syndicats choisis par le service de police, à l’exclusion de la Sandrauga, l’organisation plaignante a demandé d’y participer. Le 2 septembre 2013, le service a toutefois informé la Sandrauga qu’elle n’avait pas présenté sa demande conformément à la procédure établie par le Code du travail. Le 17 septembre 2013, l’organisation plaignante s’est adressée une nouvelle fois au service de police pour tenter d’obtenir des droits à la négociation collective.
  7. 488. La résolution gouvernementale no 799 sur le «mandat de négocier avec les organisations syndicales au niveau des branches du système d’application des peines, des douanes et de la police de la République de Lituanie» est entrée en vigueur le 8 septembre 2013 et autorise la police à entamer des négociations pour rédiger une convention collective dans la branche de la police. L’organisation plaignante considère que le service de police a néanmoins continué à agir contre les intérêts de la Sandrauga, en dissimulant des informations et en négociant exclusivement avec les deux «syndicats choisis».
  8. 489. En réponse à une enquête de l’organisation plaignante, le ministère de la Sécurité sociale et du Travail de la Lituanie s’est prononcé le 27 janvier 2014, affirmant qu’une seule convention collective peut être signée dans la branche de la police et que les syndicats doivent établir un bureau représentatif conjoint, nommer leurs négociateurs et signer ensemble la convention collective. L’organisation plaignante considère qu’aux termes de l’article 60(2) du Code du travail tous les syndicats actifs doivent être inclus dans le bureau représentatif conjoint s’ils ont manifesté leur intérêt en vertu de l’article 48 du code. L’organisation souligne qu’il s’agit du seul critère obligatoire énoncé dans la législation. Néanmoins, l’organisation plaignante affirme qu’on lui refuse encore la possibilité de participer aux négociations collectives en cours dans la branche de la police.
  9. 490. L’organisation plaignante prétend également que seuls les syndicats précités faisaient partie d’un groupe de travail constitué pour examiner le projet de loi sur les activités de police. Aux termes de l’article 87(1) du Code du travail prévu dans ce projet de loi présenté aux comités parlementaires, un seul syndicat pouvait agir pour protéger les intérêts des policiers, ce qui entrait manifestement en conflit avec la législation nationale selon l’organisation. En réponse aux demandes de la Sandrauga et après un complément d’examen du projet, un nouveau projet comportant le même article 87(1) du Code du travail a été enregistré et présenté à nouveau pour examen à la session du printemps 2014 du Parlement. L’organisation plaignante indique qu’elle a contacté plusieurs fois le Conseil du Parlement et l’opposition parce qu’elle estimait que le projet de loi était contraire à la Constitution.
  10. 491. En résumé, l’organisation plaignante souligne que, bien qu’elle ait soulevé la question de la discrimination entre syndicats et de la limitation du droit à la négociation collective dans la branche de la police, notamment auprès du gouvernement et des institutions publiques, la situation n’a pas changé et les institutions étatiques compétentes n’ont pas appliqué le principe d’égalité des droits. La Sandrauga s’est vu refuser la possibilité de négociation collective. L’organisation estime que la coopération de la police avec seulement deux syndicats devrait être considérée comme une forme d’appui indirect propre à placer ces organisations sous le contrôle d’employeurs, contrairement à la convention no 98. L’organisation plaignante est d’avis que le gouvernement n’a pas su protéger convenablement la Sandrauga contre toute ingérence, que l’employeur agit illégalement en choisissant les représentants d’organisations d’employés qui seront ses interlocuteurs et que l’Etat n’a rien fait pour favoriser et développer des négociations volontaires entre organisations d’employeurs et de travailleurs.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 492. Dans une communication en date du 8 août 2014, le gouvernement a indiqué que le ministère de la Sécurité sociale et du Travail a avisé la Sandrauga, et le service de police relevant du ministère de l’Intérieur, qu’une seule convention collective pouvait être signée dans la branche de la police et que les syndicats, sans préjudice du principe d’égalité consacré dans l’article 50 de la Constitution, devraient établir un organe représentatif conjoint et nommer un négociateur pour la signature de la convention collective de branche. Les syndicats actifs dans une institution particulière peuvent être admis à un organe représentatif conjoint. Selon le gouvernement, le ministère de la Sécurité sociale et du Travail a proposé que des syndicats ne soient pas mentionnés spécifiquement dans la résolution concernant les autorisations de mener des négociations dans la branche de la police afin d’associer au processus tous les syndicats qui fonctionnent dans cette branche. Au 1er août 2014, aucune convention collective n’avait été enregistrée pour la branche de la police.
  2. 493. D’autres informations fournies par le service de police le 7 juillet 2014 portent sur cinq points. Premièrement, concernant le fonctionnement de l’organisation plaignante au sein du système de police, le service de police note que la Sandrauga n’a pas fourni de données exactes sur les institutions policières particulières dans lesquelles elle fonctionne, le nombre de membres de la police qu’elle représente, ni de documents à l’appui. Le service considère que l’organisation n’a pas fait la preuve qu’elle se conforme à l’article 19(1) du Code du travail, démontrant qu’elle fonctionne au sein du système de police lituanien et qu’elle détient les autorisations nécessaires pour protéger les droits et les intérêts des policiers. Le service souligne que les normes internationales du travail se réfèrent aux organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives et considère que rien ne permettait d’affirmer que la Sandrauga fonctionnait au niveau d’une branche plutôt qu’à l’échelle nationale. Le partenariat social au sein du système de police opère à divers niveaux et environ 4 050 des 12 100 employés du système de police sont membres de 23 organisations professionnelles. Le service estime à 130 le nombre de membres de la Sandrauga dans les trois institutions de police, dont 120 sont employés par le commissariat central de police du comté de Kaunas qui collabore avec tous les syndicats représentant ses employés, dont la Sandrauga, et qui a invité cette dernière à agir dans des commissions et lui a fourni de l’information.
  3. 494. Deuxièmement, s’agissant de sa collaboration avec d’autres syndicats, le service de police indique que l’accord de coopération entre le service de police et trois autres syndicats a été conclu en 2006 et reconduit en 2009. Le forum tenu en mai 2010 auquel ont assisté des représentants de ces syndicats était ouvert à tous les employés et représentants syndicaux. Le service indique que l’organisation plaignante, ayant exprimé le souhait d’y assister et ayant fourni les coordonnées nécessaires le 21 juin 2010, a été invitée à un forum organisé le 22 septembre 2011, auquel son président a eu la possibilité de présenter un rapport. Le service de police déclare que la Commission de conciliation a été formée le 3 juin 2010 non pas en tant qu’organisme officiel intervenant dans les différends collectifs du travail, conformément aux articles 71-74 du Code du travail, mais en tant que mécanisme de collaboration avec les partenaires sociaux pour l’examen des différends individuels de travail soulevés par les syndicats qui y étaient représentés.
  4. 495. Troisièmement, le service de police indique que le projet de loi prévoyant que seul un syndicat pouvait protéger les intérêts des policiers n’a pas été approuvé et que diverses versions ont été proposées. Le service souligne que: i) le gouvernement a indiqué que la disposition contrevenait à l’article 50 de la Constitution; ii) toutes les parties intéressées peuvent commenter les projets de loi; et iii) la convention no 87 prévoit que la mesure dans laquelle les garanties s’appliquent aux forces armées et à la police sera déterminée par la législation nationale.
  5. 496. Quatrièmement, concernant la question de la négociation collective, le service de police a indiqué que, le 20 septembre 2013, il avait informé tous les syndicats, y compris l’organisation plaignante, qu’il avait été autorisé à entamer des négociations collectives et qu’un bureau représentatif conjoint de deux syndicats l’avait contacté. Les syndicats ont été invités à informer le service qu’ils avaient constitué un bureau représentatif conjoint ou qu’ils s’étaient joints au bureau existant et à inclure une liste d’institutions de police dans lesquelles les syndicats concernés étaient représentés; le service a noté que la Sandrauga n’avait pas encore présenté une telle liste. Le service de police considère qu’il a fourni à l’organisation plaignante toute l’information nécessaire pour lui permettre de participer à des négociations collectives. Le service indique que, comme il n’est pas habilité à intervenir dans la formation d’organes représentatifs syndicaux, il pouvait seulement proposer que la Sandrauga s’adresse à d’autres syndicats pour former un bureau représentatif conjoint.
  6. 497. Cinquièmement, le service de police indique que la Commission sur «l’évaluation de la liste de réserve concernant les postes d’encadrement» a été établie conformément à la réglementation approuvée en mai 2013 afin d’évaluer l’aptitude des candidats à certains postes d’encadrement dans la police. La réglementation stipule qu’un membre de la commission peut être un représentant syndical. Lorsque la commission a été formée, le service a cru comprendre que seulement deux syndicats étaient représentés dans toutes les institutions de police et que ces deux organisations consentaient à être représentées à tour de rôle. La réglementation stipule également que, sur demande, des représentants syndicaux peuvent être nommés pour participer à l’évaluation de candidats dans des institutions de police territoriale où ils représentent les employés. Dans le cas où plus d’un syndicat fonctionne dans une institution, il convient de s’entendre sur le choix d’un représentant commun, sinon aucun représentant ne sera nommé. Le service déclare que l’organisation plaignante n’a pas répondu à cet égard.
  7. 498. Enfin, le service de police indique que l’organisation plaignante n’a fait appel dans son système national d’aucune décision ni mesure prise par le service de police.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 499. Le comité constate que ce cas concerne des allégations selon lesquelles le service de police a agi contre les intérêts de l’organisation plaignante en entretenant le dialogue social uniquement avec deux autres syndicats qu’il estime mieux représentés, une appréciation que l’organisation plaignante juge contraire au principe constitutionnel de l’égalité entre les syndicats. Il est allégué qu’il y a eu dissimulation d’information et impossibilité d’être représenté dans un certain nombre de comités, de contribuer à des initiatives de réforme du droit et, en particulier, de participer à des négociations collectives. Il est allégué en outre qu’un projet de loi comporte une disposition selon laquelle seulement un syndicat peut agir pour protéger les intérêts des policiers. L’organisation plaignante souligne que cette attitude des autorités publiques constitue une violation des conventions nos 87, 98 et 154.
  2. 500. Le comité note que le gouvernement déclare que l’organisation plaignante n’a pas fait la preuve qu’elle est autorisée à protéger les droits et les intérêts des policiers et qu’elle semble représenter un petit nombre de policiers. Néanmoins, selon le gouvernement et le service de police, l’organisation a été invitée à participer au dialogue social, a reçu de l’information concernant les négociations collectives et a été invitée à se joindre à un bureau représentatif syndical conjoint à cette fin. Le gouvernement souligne que la disposition du projet de loi selon laquelle seulement un syndicat pouvait agir dans l’intérêt des policiers peut être contraire à la Constitution. Cela dit, le gouvernement déclare que la convention no 87 prévoit que la mesure dans laquelle les garanties s’appliquent aux forces armées et à la police sera déterminée par la législation nationale.
  3. 501. Le comité note que la Lituanie a ratifié les conventions nos 87, 98 et 154. Concernant l’application de ces instruments aux forces de police, l’article 9, paragraphe 1, de la convention no 87 et l’article 5, paragraphe 1, de la convention no 98 prévoient que: «La mesure dans laquelle les garanties prévues par la présente convention s’appliqueront aux forces armées et à la police sera déterminée par la législation nationale.» La convention no 154 contient une disposition semblable de même portée. Le comité a précédemment considéré que la Conférence internationale du Travail souhaitait clairement laisser aux Etats Membres le soin de décider de la mesure dans laquelle ils voulaient accorder aux membres des forces armées et de la police les droits prévus par les conventions nos 87, 98 et 154. [Voir 335e rapport, cas no 2325 (Portugal, paragr. 1257), et 368e rapport, cas no 2943 (Norvège, paragr. 761).]
  4. 502. Le comité, néanmoins, note avec intérêt que plusieurs Etats Membres ont reconnu le droit d’organisation et de négociation collective de la police et des forces armées, conformément aux principes de la liberté syndicale, et que cela semble être le cas en Lituanie.
  5. 503. Dans ces conditions, tout en accueillant favorablement les efforts déployés pour favoriser la négociation collective dans la police, le comité invite le gouvernement à le tenir informé de tout fait nouveau concernant le projet de loi sur les activités de police, dans la mesure où il influe sur les droits d’organisation et de négociation collective.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 504. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Tenant compte et accueillant favorablement les efforts déployés pour promouvoir la négociation collective dans la police, le comité invite le gouvernement à tenir le comité informé de tout fait nouveau concernant le projet de loi sur les activités de police, dans la mesure où il influe sur les droits d’organisation et de négociation collective.
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