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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 373, Octobre 2014

Cas no 3021 (Türkiye) - Date de la plainte: 09-AVR. -13 - Clos

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Allégations: L’organisation plaignante allègue que la loi sur les syndicats et les conventions collectives (loi no 6356) n’est pas conforme à la convention no 98, notamment en ce qui concerne les seuils requis pour la négociation collective

  1. 471. La plainte figure dans une communication présentée par le Syndicat des employés de la sécurité sociale, de l’enseignement, de l’administration, du commerce, des coopératives et des beaux-arts de Turquie (SOSYAL-IS) en date du 9 avril 2013.
  2. 472. Le gouvernement a répondu à ces allégations dans une communication en date du 9 juillet 2014.
  3. 473. La Turquie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 474. Dans une communication en date du 9 avril 2013, l’organisation plaignante dénonce la violation du droit d’organisation et de négociation collective par l’annulation de l’autorisation du SOSYAL-IS selon la loi sur les syndicats et les conventions collectives (loi no 6356). La loi a été promulguée le 18 octobre 2012 et est entrée en vigueur le 7 novembre 2012, par publication de son texte dans le Journal officiel.
  2. 475. L’organisation plaignante indique que l’article 41(1) de la loi no 6356 impose un seuil par branche d’activité de 3 pour cent aux syndicats comme condition d’habilitation à la négociation collective. Selon l’article provisoire 6 de la loi, pour les syndicats affiliés à une confédération représentée dans le Conseil économique et social (la TÜRK-IS, la HAK-IS et la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK)), le seuil par branche d’activité est fixé à 1 pour cent de janvier 2012 à juillet 2016, à 2 pour cent de juillet 2016 à juillet 2018 et à 3 pour cent par la suite. Les statistiques publiées par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale le 26 janvier 2013 étaient valables à compter de la date de publication. En raison de son affiliation à la DISK qui est représentée au Conseil économique et social, le seuil par branche d’activité de 1 pour cent est appliqué au SOSYAL-IS. Toutefois, le SOSYAL-IS n’a pu satisfaire à cette exigence et n’est donc plus habilité à négocier collectivement.
  3. 476. L’organisation plaignante estime que le «seuil par branche d’activité» n’est pas conforme aux conventions nos 87 et 98 et qu’il restreint gravement le droit d’organisation et de négociation collective, comme le montre l’analyse approfondie qui suit du seuil par branche d’activité imposé par la loi no 6356.

    1. Dispositions pertinentes de la loi no 6356

    a) Les deux premières conditions de compétence pour la négociation collective

  1. 477. Comme dans la loi précédente, la loi no 6356 autorise la constitution de syndicats sur la base de la branche d’activité et ne permet pas aux travailleurs de s’organiser en syndicats constitués sur la base de la profession ou du lieu de travail. En vertu du paragraphe 2(1)(ğ), le terme «syndicat» désigne une organisation ayant la personnalité juridique requise pour mener des activités dans un secteur donné, constituée par l’association d’au moins sept travailleurs ou employeurs afin de protéger et de promouvoir leurs droits et intérêts économiques et sociaux communs dans les relations professionnelles.
  2. 478. Compte tenu également de la définition de «convention collective» aux termes de la loi no 6356, cela signifie que seuls les syndicats établis sur la base de la branche d’activité (qui remplissent également les exigences prévues par la loi) sont habilités à négocier collectivement. Autrement dit, d’autres organisations, fédérations, confédérations de travailleurs et aussi des syndicats établis sur la base de la profession ou du lieu de travail sont écartés des processus de négociation collective. Aux termes du paragraphe 2(1)(h), l’expression «convention collective» s’entend de l’accord conclu entre un syndicat de travailleurs et un syndicat d’employeurs, ou un employeur qui n’est pas membre d’un syndicat, en vue de réglementer les questions concernant la conclusion, le contenu et la résiliation des contrats de travail.
  3. 479. En résumé, les deux premières conditions prescrites par la loi en matière d’habilitation à la négociation collective sont les suivantes: i) constituer un syndicat; ii) être constitué sur la base de la branche d’activité.

    b) Le seuil par branche d’activité combiné au seuil par lieu de travail ou entreprise

  1. 480. Bien que l’existence d’un syndicat de travailleurs constitué sur la base de la branche d’activité soit une condition préalable à l’exercice du droit de négociation collective, la loi no 6356 prescrit un double critère numérique pour l’exercice du droit de négociation collective: le seuil par branche d’activité et le seuil au niveau du lieu de travail ou de l’entreprise. Selon l’article 41(1) de la loi, un syndicat doit représenter au moins 3 pour cent des travailleurs d’une branche d’activité donnée et plus de 50 pour cent des travailleurs employés sur un lieu de travail et 40 pour cent des travailleurs d’une entreprise couverts par la convention collective pour être habilité à conclure une convention collective applicable au lieu de travail ou à l’entreprise en question. L’article provisoire 6 de la loi prescrit la période de transition mentionnée plus haut.
  2. 481. En d’autres termes, seuls les syndicats établis sur la base de la branche d’activité qui atteignent le seuil fixé par branche d’activité sont habilités à négocier collectivement. Toutes ces exigences doivent être remplies sans exception.

    c) Statistiques

  1. 482. L’article 41(5) de la loi définit l’instrument par lequel le seuil par branche d’activité sera appliqué. Il prévoit que les statistiques publiées par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale en janvier et juillet de chaque année serviront au calcul du pourcentage de travailleurs occupés dans une branche d’activité donnée. Ces statistiques porteront sur le nombre total de travailleurs de chaque branche d’activité et sur les effectifs des syndicats dans chaque branche. Les statistiques publiées seront valables aux fins des conventions collectives et d’autres formalités jusqu’à la publication de nouvelles statistiques. La compétence d’un syndicat de travailleurs qui a obtenu un certificat de compétence ou en fait la demande n’est pas affectée par les statistiques publiées ultérieurement.

    2. Incomparabilité de la loi antérieure et de la loi no 6356 concernant le seuil par branche d’activité

  1. 483. Réservant son argument de fond selon lequel l’existence même du seuil par branche d’activité, non son pourcentage ou son niveau, est contraire aux dispositions des conventions nos 87 et 98, l’organisation plaignante souligne qu’en abaissant le seuil par branche d’activité de 10 à 3 pour cent la loi no 6356 n’est pas conforme aux dispositions des conventions de l’OIT ni ne met en œuvre les recommandations de l’OIT. Elle précise les raisons pour lesquelles la loi antérieure et la loi actuelle ne sont pas comparables en ce qui a trait au seuil par branche d’activité.

    a) Le changement apporté au système de statistiques

  1. 484. La loi antérieure, la loi sur les conventions collectives, la grève et le lock-out (loi no 2822), a été promulguée en 1983 après le coup d’Etat militaire. Bien que la loi antérieure qui a été en vigueur entre 1963 et 1980 ne prévoyait pas de seuil par branche d’activité, la loi no 2822 prescrivait un seuil par branche d’activité de 10 pour cent pour faire diminuer le nombre de syndicats et pour entraîner la liquidation de fait des syndicats de l’opposition, particulièrement les syndicats affiliés à la DISK.
  2. 485. La loi no 2822 n’a atteint son but qu’en partie puisqu’elle n’a pas permis d’instaurer un système sain de vérification des effectifs des syndicats et que les millions de travailleurs n’étant plus membres d’un syndicat sont toujours considérés comme syndiqués dans les statistiques publiées par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale. En outre, la base de données du ministère du Travail et de la Sécurité sociale qui ne reflétait pas la réalité a été prise en compte et, de ce fait, les statistiques concernant les travailleurs par branche d’activité étaient bien inférieures au nombre réel de travailleurs. En conséquence, presque tous les syndicats étaient en dessous du seuil par branche d’activité en raison de statistiques non conformes à la réalité, on a estimé que bon nombre d’entre eux dépassaient ce seuil et étaient habilités à négocier collectivement.
  3. 486. Selon les statistiques publiées par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale en juillet 2009, 51 syndicats avaient atteint le seuil de 10 pour cent dans leur branche d’activité respective et, sur 5 398 296 travailleurs enregistrés, 3 232 679 étaient affiliés à un syndicat.
  4. 487. Toutefois, la loi no 6356 a modifié le système de compilation de statistiques en stipulant à l’article 41(7) que, pour l’inventaire des syndicats autorisés et la compilation des statistiques, le ministère tient compte de l’information qui lui est envoyée concernant l’affiliation et la désaffiliation des membres et les notifications faites à l’Institution de sécurité sociale sur les travailleurs.
  5. 488. Depuis que les notifications faites à l’Institution de sécurité sociale sont prises en compte, le nombre de syndiqués a chuté de façon spectaculaire dans les statistiques de janvier 2013. En utilisant la base de données de l’Institution de sécurité sociale, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale n’a pas tenu compte de l’affiliation de millions de travailleurs syndiqués qui n’étaient alors pas employés dans un lieu de travail ou une entreprise où était établi le syndicat dont ils faisaient partie. En d’autres termes, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a comparé sa base de données et la base de données de l’Institution de sécurité sociale et, si le syndicat/le travailleur syndiqué correspondait à une relation d’emploi effective dans un lieu de travail ou une entreprise au sein de la branche d’activité pertinente, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale jugeait l’affiliation valide et en tenait compte dans les statistiques; par contre, en l’absence d’un tel appariement, l’affiliation était jugée invalide et ne figurait pas dans les statistiques.
  6. 489. De plus, puisque le nombre de travailleurs enregistrés était supérieur selon la base de données de l’Institution de sécurité sociale, le nombre de travailleurs au total et dans chaque branche d’activité a également beaucoup augmenté.
  7. 490. Le changement global est illustré dans le tableau suivant:
    • Statistiques de juillet 2009 (loi no 2822)Statistiques de janvier 2013 (loi no 6356)
      Nombre de travailleurs syndiqués3 232 6791 001 671
      Nombre de travailleurs enregistrés5 398 29610 881 618
      Pourcentage de syndicalisation59,889,21
      >
  8. 491. Selon l’organisation plaignante, la diminution en nombre et l’abaissement en pourcentage du seuil par branche d’activité de 10 à 3 est un changement nominal et non effectif; loin d’atténuer l’exigence relative au seuil par branche d’activité, il la renforce dans certains cas. Il n’est donc pas possible de comparer la loi antérieure et la nouvelle loi concernant la branche d’activité, et la thèse du gouvernement, selon laquelle le déclin de la branche d’activité est conforme aux dispositions des conventions de l’OIT, ne tient pas.

    b) La combinaison de plusieurs branches d’activité

  1. 492. La loi antérieure inventorie 28 branches d’activité. Selon la loi no 6356, certaines d’entre elles ont fusionné, et leur nombre total est passé à 20, comme suit:
    • – «Industrie alimentaire» (no 2) regroupe deux branches d’activité différentes, soit «Industrie alimentaire» et «Sucre».
    • – «Textiles, prêt-à-porter et cuir» (no 5) regroupe deux branches d’activité différentes, soit «Textiles» et «Cuir».
    • – «Industrie du bois et du papier» (no 6) regroupe deux branches d’activité différentes, soit «Industrie du bois» et «Papier».
    • – «Publications et journalisme» (no 8) regroupe deux branches d’activité différentes, soit «Publications imprimées» et «Journalisme».
    • – «Transports» (no 15) regroupe trois branches d’activité différentes, soit «Transport terrestre», «Transport ferroviaire» et «Transport aérien».
    • – «Construction navale et transport maritime, entreposage et stockage» (no 16) regroupe trois branches d’activité différentes, soit «Construction navale», «Transport maritime» et «Entreposage et stockage».
  2. 493. Du fait de la combinaison de plusieurs branches d’activité, le nombre de travailleurs qui y sont employés a augmenté considérablement pour les syndicats correspondants, et l’abaissement du seuil par branche d’activité, qui est passé de 10 à 3, a entraîné dans bien des cas une augmentation, et non une diminution, du nombre minimum de travailleurs requis pour constituer un syndicat, comme l’illustre le tableau suivant:
    • Nombre de travailleurs Statistiques de juillet 2009Seuil de 10 %Nombre de travailleurs Statistiques de juillet 2013Seuil de 3 %
      Industrie alimentaire371 09837 109520 91315 628
      Industrie sucrière26 5132 651520 91315 628
      Textiles583 24458 324995 64029 869
      Cuir92 6929 269995 64029 869
      Bois93 9089 390222 9816 689
      Papier36 1333 613222 9816 689
      Publications 48 8614 886104 1413 124
      Journalisme15 3911 539104 1413 124
      Transport terrestre139 61613 961671 17920 135
      Transport ferroviaire25 8382 583671 17920 135
      Transport aérien33 0053 300671 17920 135
      Construction navale16 5011 650143 7644 313
      Transport maritime49 5094 950143 7644 313
      Entreposage, stockage32 8713 287143 7644 313
      >

    c) Diminution du nombre de syndicats habilités à signer des conventions collectives

  1. 494. Selon les statistiques publiées par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale en juillet 2009 (valables jusqu’en janvier 2012), il y avait 94 syndicats, dont 51 étaient habilités à signer des conventions collectives. Sur les 51 syndicats compétents, 45 dépassaient le seuil de 10 pour cent et six syndicats du secteur «Chasse, pêche, agriculture et sylviculture» étaient automatiquement compétents, ce secteur étant dispensé du seuil par branche d’activité.
    • Branche d’activitéSyndicatsConf.Nombre de membresNombre de membresNombre de travailleursNombre de travailleurs20092013-20162016-20182018
      20092013200920131 %2 %3 %
      1) Chasse, pêche, agric., sylvic.Orman-İş SendikasiTÜRK-IS55 10272496 682123 171Au-delàEn deçà (-507)En deçà (-1 738) En deçà (-2 969)
      1) Chasse, pêche, agric., sylvic.Öz Tarim-İş SendikasiHAK-IS 66996 682123 171Au-delàs.o.s.o.s.o.
      1) Chasse, pêche, agric., sylvic.Tarim-İş SendikasiTÜRK-IS43 3379 95396 682123 171Au-delàAu-delàAu-delà
      1) Chasse, pêche, agric., sylvic.Emek Tarim-İş S.Indepen.3 14196 682123 171Au-delàs.o.s.o.s.o.
      1) Chasse, pêche, agric., sylvic.Birlik Orman-İş S.HAK-IS 10 367096 682123 171Au-delàEn deçà (-1 231)En deçà (-2 462)En deçà (-3 693)
      1) Chasse, pêche, agric., sylvic.Öz Orman-İş SendikasiHAK-IS 25 12523 78096 682123 171Au-delàAu-delàAu-delàAu-delà
      2) Industrie alimentaireÖz Gida-İş SendiksiHAK-IS 74 67720 971371 098520 913Au-delàAu-delàAu-delàAu-delà
      2) Industrie alimentaireTek Gida-İş SendikasiTÜRK-IS191 64131 179371 098520 913Au-delàAu-delàAu-delàAu-delà
      2) Industrie alimentaireŞeker-İş SendikasiTÜRK-IS26 17515 66726 513520 913Au-delàAu-delàAu-delàAu-delà
      3) Mines et carrièresGMİSTÜRK-IS35 05311 418137 861186 698Au-delàAu-delàAu-delàAu-delà
      3) Mines et carrièresTürkiy e Maden-İş S.TÜRK-IS58 59124 201137 861186 698Au-delàAu-delàAu-delàAu-delà
      4) Pétrole, chimie, pneumatique, P.M.Petrol-İş SendikasiTÜRK-IS89 44227 392245 877466 031Au-delàAu-delàAu-delàAu-delà
      4) Pétrole, chimie, pneumatique, P.M.Lastik-İş SendikasiDISK42 9267 168245 877466 031Au-delàAu-delàEn deçà (-2 152)En deçà (-6 812)
      5) Textiles, prêt-à-porter et cuirTEKSİFTÜRK-IS338 83554 845583 244995 640Au-delàAu-delàAu-delàAu-delà
      5) Textiles, prêt-à-porter et cuirTekstilDISK76 23710 203583 244995 640Au-delàAu-delàEn deçà (-9 709)En deçà (-19 912)
      5) Textiles, prêt-à-porter et cuirÖz İp lik-İş SendikasiHAK-IS 90 06717 006583 244995 640Au-delàAu-delàEn deçà (-2 906)En deçà (-12 862)
      5) Textiles, prêt-à-porter et cuirDeri-İş SendikasiTÜRK-IS17 5941 80492 692995 640Au-delàEn deçà (-8 152)En deçà (-18 108)En deçà (-28 064)
      6) Bois et papierAgaç-İş SendikasiTÜRK-IS13 6972 44693 908222 981Au-delàAu-delàEn deçà (-2 012)En deçà (-4 241)
      6) Bois et papierTümka-İş SendikasiDISK3 75759336 133222 981Au-delàEn deçà (-1 636)En deçà (-3 865)En deçà (-6 094)
      6) Bois et papierSelüloz İş SendikasiTÜRK-IS17 5243 26836 133222 981Au-delàAu-delàEn deçà (-1 190)En deçà (-3 488)
      6) Bois et papierÖz Agaç-İş SendikasiHAK-IS 14 7287 38093 908222 981Au-delàAu-delàAu-delàAu-delà
      7) CommunicationsTürkiy e Haber-İş S.TÜRK-IS28 82616 20346 25368 394Au-delàAu-delàAu-delàAu-delà
      8) Presse et journalismeTürkiy e Gazeteciler S.TÜRK-IS4 63281715 391104 141Au-delàEn deçà (-224)En deçà (-1 265)En deçà (-2 306)
      8) Presse et journalismeBasin-İş SendikasiTÜRK-IS5 5251 79148 861104 141Au-delàAu-delàEn deçà (-291)En deçà (-1 332)
      9) Banque et assuranceBASSTÜRK-IS18 36810 446157 515265 736Au-delàAu-delàAu-delàAu-delà
      9) Banque et assuranceBANKSİSIndepen.30 15311 584157 515265 736Au-delàAu-delàAu-delàAu-delà
      9) Banque et assuranceBASİSENTÜRK-IS72 99138 131157 515265 736Au-delàAu-delàAu-delàAu-delà
      10) Commerce, bureau, enseignement, beaux-artsSosyal-İş SendikasiDISK43 9147 246436 7942 151 600Au-delàEn deçà (-14 270)En deçà (-35 786)En deçà (-57 302)
      10) Commerce, bureau, enseignement, beaux-artsKoop-İş SendikasiTÜRK-IS46 15728 089436 7942 151 600Au-delàAu-delàEn deçà (-14 943)En deçà (-36 459)
      10) Commerce, bureau, enseignement, beaux-artsTez Koop-İş SendikasiTÜRK-IS62 33750 319436 7942 151 600Au-delàAu-delàAu-delàEn deçà (-14 229)
      11) Ciment, céramique et verreÇimse-İş SendikasiTÜRK-IS71 51020 142173 602161 908Au-delàAu-delàAu-delàAu-delà
      11) Ciment, céramique et verreKristal-İş SendikasiTÜRK-IS21 3426 747173 602161 908Au-delàAu-delàAu-delàAu-delà
      12) MétauxBirleşik Metal-İş Sen.DISK74 35926 061671 0151 367 258Au-delàAu-delàEn deçà (-2 104)En deçà (-14 452)
      12) MétauxÇelik-İş SendikasiHAK-IS 95 34227 493671 0151 367 258Au-delàAu-delàAu-delàEn deçà (-13 523)
      12) MétauxTürk Metal SendikasiTÜRK-IS343 263151 734671 0151 367 258Au-delàAu-delàAu-delàAu-delà
      13) ConstructionYol-İş SendikasiTÜRK-IS165 50532 385761 3261 438 464Au-delàAu-delàAu-delàEn deçà (-10 767)
      14) EnergieTes İş SendikasiTÜRK-IS122 35045 882153 029234 575Au-delàAu-delàAu-delàAu-delà
      15) TransportsTÜMTİSTÜRK-IS14 8896 775139 616671 179Au-delàAu-delàEn deçà (-6 647)En deçà (-13 358)
      15) TransportsNakliy at-İş SendikasiDISK16 9092 789139 616671 179Au-delàEn deçà (-3 922)En deçà (-10 633)En deçà (-17 344)
      15) TransportsHava-İş SendikasiTÜRK-IS18 09313 49733 005671 179Au-delàAu-delàAu-delàEn deçà (-6 636)
      15) TransportsDemiry ol-İş SendikasiTÜRK-IS23 20914 56325 838671 179Au-delàAu-delàAu-delàEn deçà (-5 570)
      16) Docks, trans. mar., constr. nav.Dok Gemi-İş SendikasiTÜRK-IS7 4052 24516 501143 764Au-delàAu-delàEn deçà (-629)En deçà (-2 066)
      16) Docks, trans. mar., constr. nav.Liman-İş SendikasiTÜRK-IS8 2063 14032 781143 764Au-delàAu-delàAu-delàEn deçà (-1 171)
      16) Docks, trans. mar., constr. nav.Türkiy e Denizciler Sen.TÜRK-IS14 3714 53649 509143 764Au-delàAu-delàAu-delàAu-delà
      17) Santé et services sociauxTürkiy e Sağlik-İş Sen.TÜRK-IS18 0815 264102 611281 196Au-delàAu-delàEn deçà (-358)En deçà (-3 169)
      18) Org. d’événements, divertissementOLEYİSHAK-IS 33 2626 357327 929630 768Au-delàAu-delàEn deçà (-6 257)En deçà (-12 564)
      18) Org. d’événements, divertissementTOLEYİSTÜRK-IS48 63514 012327 929630 768Au-delàAu-delàAu-delàEn deçà (-4 909)
      19) Défense et sécuritéÖz-İş SendikasiHAK-İSs.o.1 93631 090191 784s.o.Au-delàEn deçà (-1 898)En deçà (-3 815)
      19) Défense et sécuritéHarb-İş SendikasiTÜRK-IS30 98921 13431 090191 784Au-delàAu-delàAu-delàAu-delà
      20) Travaux générauxGenel-İş SendikasiDISK83 97641 466491 622655 417Au-delàAu-delàAu-delàAu-delà
      20) Travaux générauxHizmet-İş SendikasiHAK-IS 130 94251 079491 622655 417Au-delàAu-delàAu-delàAu-delà
      20) Travaux générauxBelediy e-İş SendikasiTÜRK-IS205 66641 314491 622655 417Au-delàAu-delàAu-delàAu-delà
      Note: Ce tableau concerne les syndicats qui étaient compétents selon les statistiques de juillet 2009 et montre leur situation actuelle. Aucun des 43 syndicats qui n’étaient pas compétents selon les statistiques de juillet 2009 n’a atteint le seuil de 1 pour cent selon les statistiques de janvier 2013. Ils ne figurent donc pas au tableau. Un seul syndicat (Öz-İş Sendikasi) constitué après les statistiques de juillet 2009 est devenu compétent selon les statistiques de janvier 2013 et figure donc au tableau. Un autre syndicat, Turkon-Is Sendikasi, constitué après les statistiques de juillet 2009, a également atteint le seuil de 1 pour cent. Toutefois, il n’est pas affilié à une confédération représentée au Conseil économique et social et, faute d’avoir pu atteindre le seuil, il n’est pas habilité.
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  2. 495. Du fait de la mise en œuvre de la nouvelle loi et du seuil par branche d’activité provisoirement fixé à 1 pour cent, sept syndicats, qui étaient habilités selon les statistiques antérieures, ont perdu leur compétence en janvier 2013 puisqu’ils étaient en deçà du seuil par branche d’activité de 1 pour cent. De plus, deux syndicats (Öz Tarim-Is Sendikasi et Emek Tarim-Is Sendikasi) ont été exclus des nouvelles statistiques. Seul un syndicat (Oz-is Sendikasi, affilié à la HAK-IS, présent dans le secteur de la défense et de la sécurité), qui n’était pas inclus dans les statistiques antérieures puisqu’il a été constitué par la suite, a dépassé le seuil de 1 pour cent et a été habilité. En conclusion, le nombre de syndicats habilités à la négociation collective a diminué, passant de 43 à 51.
  3. 496. Prenant en considération les statistiques de janvier 2013, l’organisation plaignante estime que: i) du fait de l’application du seuil par branche d’activité de 2 pour cent en 2016, au moins 13 autres syndicats risquent de rester en deçà du seuil et de perdre leur compétence en matière de négociation collective; ii) du fait de l’application du seuil par branche d’activité de 3 pour cent en 2018, au moins sept autres syndicats pourraient perdre leur compétence en matière de négociation collective; iii) en conclusion, suite à l’application du seuil par branche d’activité de 3 pour cent en 2018, le nombre de syndicats habilités à la négociation collective pourrait passer de 51 à 23 comparativement à la loi antérieure (qui fixait le seuil à 10 pour cent). L’organisation plaignante en conclut que l’abaissement en pourcentage du seuil par branche d’activité entraîne non pas une augmentation, mais une diminution du nombre des syndicats habilités à négocier collectivement, tendance qui va persister. Il ne fait aucun doute que moins il y aura de syndicats compétents, moins il y aura de travailleurs couverts par des conventions collectives.
  4. 497. L’organisation plaignante indique que, selon un rapport publié par la DISK, la nouvelle loi et les seuils peuvent avoir les conséquences suivantes: i) dans six branches d’activité (presse et journalisme; commerce, bureau, enseignement et beaux-arts; construction; transports; santé et services sociaux; organisation d’événements et divertissement), il pourrait n’y avoir aucun syndicat habilité à négocier collectivement. Etant donné que 5 107 348 travailleurs, soit 46,1 pour cent de tous les travailleurs, sont employés dans ces branches d’activité, près de la moitié des travailleurs pourraient être privés du droit de négociation collective en l’absence d’un syndicat compétent dans leur branche d’activité; ii) dans huit branches d’activité (pétrole, chimie, pneumatique, plastique et médecine; textiles, habillement et cuir; bois et papier; métaux; énergie; construction navale, transport maritime, entreposage et stockage; défense et sécurité), il pourrait n’y avoir qu’un seul syndicat compétent. Etant donné que 3 690 427 travailleurs, soit 33,9 pour cent de tous les travailleurs, sont employés dans ces branches d’activité, un tiers de tous les travailleurs pourraient être privés du droit de choisir librement leur syndicat du fait du monopole syndical existant dans leur branche d’activité; iii) en conclusion, seulement 20 pour cent des travailleurs pourraient être libres de choisir l’un des syndicats dans leur branche d’activité qui les représentera dans des négociations collectives.

    3. Raisons pour lesquelles le seuil par branche d’activité prévu dans la loi no 6356 viole les conventions nos 87 et 98

    a) La convention no 98 et le seuil par branche d’activité

  1. 498. Se référant à l’article 4 de la convention, ainsi qu’aux décisions du comité, l’organisation plaignante croit que, pour être habilité à la négociation collective, il faut satisfaire à deux critères de base: i) la représentativité – le syndicat devrait pouvoir représenter les travailleurs d’une unité donnée de négociation collective. Lorsqu’un syndicat représente la majorité des travailleurs, il ne fait aucun doute qu’il mènera des négociations collectives; en l’absence d’un syndicat représentant la majorité des travailleurs, les droits de négociation collective devraient être accordés à tous les syndicats de cette unité, au moins au nom de leurs propres membres. Selon l’organisation plaignante, le fait d’imposer un critère numérique (nombre minimum de membres) ou l’obligation d’affiliation à une organisation de niveau supérieur comme conditions de représentativité n’est pas conforme aux dispositions de la convention no 98; ii) indépendance – les syndicats devraient être indépendants de l’employeur, des organisations d’employeurs et des autorités. Par ailleurs, la décision de savoir quelles organisations répondent à ces critères doit être prise par un organisme indépendant et objectif.
  2. 499. Selon l’organisation plaignante, lorsque les critères précités sont pris en considération, le seuil par branche d’activité prévu par la loi no 6356 n’est pas conforme aux dispositions de la convention pour les raisons suivantes:
    • – La loi prescrit une exigence numérique (représentativité de 3 pour cent dans une branche d’activité donnée) à remplir pour pouvoir négocier collectivement. Même si un syndicat représente la majorité des travailleurs dans une entreprise, s’il ne représente pas également 3 pour cent des travailleurs dans la branche d’activité pertinente, les droits de négociation collective ne lui sont pas accordés. En d’autres termes, les syndicats qui ne représentent pas 3 pour cent des travailleurs dans leur branche d’activité sont privés du droit de négociation collective.
    • – Le critère numérique de représentativité est prescrit par la loi, ce qui signifie que le législateur et le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, et non un organisme indépendant et objectif, déterminent ceux des syndicats qui seront habilités à la négociation collective.
    • – Comme le démontrent les données et les statistiques précitées, au lieu de favoriser et de promouvoir la négociation collective, la loi entraîne une diminution du nombre des syndicats habilités à négocier collectivement et le nombre de travailleurs couverts par des conventions collectives; elle limite le développement potentiel de mécanismes de négociation collective; elle restreint également le droit des travailleurs de choisir librement le syndicat qui les représentera dans les négociations collectives.
  3. 500. L’organisation plaignante rappelle que l’OIT critique depuis des années le gouvernement en raison des restrictions du droit de négociation collective résultant des deux exigences numériques précitées. Ainsi, dans ses rapports de 1989, 1991, 1992, 1993, 1994, 1995, 1997, 1998, 1999, 2000, 2001, 2002, 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2009 et 2011, la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) a dénoncé le double seuil, a souligné que le seuil par branche d’activité enfreint gravement l’article 4 de la convention no 98 et a demandé au gouvernement de retirer purement et simplement le double seuil. La Commission de l’application des normes de la Conférence a débattu de la question de l’application de la convention no 98 par la Turquie en 1983, 1984, 1985, 1986 1987, 1988, 1989, 1991, 1993, 1994, 1995, 1996, 1998 et 2000. Depuis 1993, se référant aux appels lancés par la CEACR, la Commission de l’application des normes de la Conférence a prié le gouvernement de lever les restrictions imposées à la négociation collective résultant du double critère de représentativité. Les représentants du gouvernement ont promis d’éliminer le double seuil et ont indiqué qu’ils légiféraient en ce sens. Toutefois, la loi no 6356 ne l’a pas éliminé; en d’autres termes, le gouvernement n’a pas tenu ses promesses.
  4. 501. L’organisation plaignante en conclut que, de toute évidence, le seuil par branche d’activité et le seuil au niveau du lieu de travail ou de l’entreprise (double critère) prescrits par la loi no 6356 enfreignent les dispositions de la convention no 98 et devraient être totalement éliminés pour favoriser et promouvoir la négociation collective. Il n’est pas possible d’affirmer que l’abaissement en pourcentage du seuil par branche d’activité est un changement satisfaisant dans la législation qui donne suite aux dispositions de la convention no 98. Cette constatation a été faite à plusieurs reprises par des organes de l’OIT et des universitaires, et le gouvernement est parfaitement au courant et a promis à maintes reprises d’éliminer ce double critère.

    b) La convention no 87 et le seuil par branche d’activité

  1. 502. Sur la foi de l’article 2 de la convention no 87, l’organisation plaignante croit qu’il est impossible d’affirmer que le seuil par branche d’activité prescrit par la loi no 6356 ne porte pas atteinte aux droits des travailleurs de constituer un syndicat et d’adhérer au syndicat de leur choix. Les droits syndicaux forment un tout; l’absence de l’un d’entre eux en affecte inévitablement d’autres et fait obstacle à la pleine jouissance de ces droits. Compte tenu du fait que le système syndical turc est fondé sur des conventions collectives conclues sur les lieux de travail ou dans les entreprises, la fonction première des syndicats est la négociation collective, et les syndicats sont financés par les cotisations syndicales des membres pour lesquels les syndicats signent des conventions collectives; il est évident que, s’il n’est pas habilité à négocier collectivement, un syndicat ne peut se développer, se renforcer ni même survivre. En d’autres termes, les travailleurs auront beau préférer un syndicat donné, si ce syndicat n’est pas habilité à conclure des conventions collectives, ils se verront forcés d’adhérer à un autre syndicat ayant cette compétence, même si ce n’est pas leur vrai choix. Selon l’organisation plaignante, dès lors que le seuil par branche d’activité empêche bon nombre de syndicats de négocier collectivement, il porte gravement atteinte au droit des travailleurs de choisir librement leur syndicat et les oblige à opter pour l’un des syndicats qui sont habilités à conclure des conventions collectives, même s’il ne s’agit pas du syndicat de leur choix; par conséquent, il est contraire aux dispositions de la convention no 87 de l’OIT.
  2. 503. Le gouvernement affirme qu’il adopte le seuil par branche d’activité pour empêcher les syndicats maison et la prolifération des syndicats pour favoriser un syndicalisme fort et un mouvement syndical uni, mais le Comité de la liberté syndicale a souligné à plusieurs reprises qu’une telle unité au sein du mouvement syndical ne devrait pas être imposée par la loi.
  3. 504. L’organisation plaignante en conclut que, en prescrivant un seuil par branche d’activité, et en diminuant et en limitant le nombre de syndicats habilités à la négociation collective, la loi no 6356 porte atteinte aux droits des travailleurs de s’organiser et d’adhérer au syndicat de leur choix.

    c) Conventions de l’OIT et inconstitutionnalité du seuil par branche d’activité

  1. 505. L’article 90(5) de la Constitution de la République de Turquie se lit comme suit: «Les accords internationaux dûment mis en vigueur ont force de loi et ne peuvent faire l’objet d’un recours en inconstitutionnalité auprès de la Cour constitutionnelle. En cas de conflit entre les traités internationaux en matière de libertés et droits fondamentaux dûment mis en vigueur et les lois nationales, les dispositions des traités internationaux priment.» Aux termes de cet article de la Constitution, les traités internationaux en matière de libertés et droits fondamentaux, et donc les conventions nos 87 et 98 de l’OIT, priment sur les lois nationales. Selon l’organisation plaignante, puisque le seuil par branche d’activité prescrit par la loi no 6356 est contraire aux dispositions des conventions nos 87 et 98, le gouvernement viole l’article 90 de la Constitution. L’opposition a fait appel devant la Cour constitutionnelle pour obtenir l’annulation de plusieurs dispositions de la loi du fait de leur incompatibilité avec divers articles de la Constitution.

    4. Le cas du SOSYAL-IS

  1. 506. Le SOSYAL-IS a été constitué par des travailleurs de l’Institution de sécurité sociale le 10 décembre 1966. Dans les années qui ont suivi, le SOSYAL-IS s’est lancé dans une grande campagne de syndicalisation dans de nombreux marchés, supermarchés et commerces de détail. De plus, un grand nombre de syndicats constitués sur le lieu de travail se sont joints au SOSYAL-IS au cours de ces années-là. En 1974, le SOSYAL-IS était le porte-parole de 11 720 travailleurs et organisations affiliées à la DISK. Avant le coup d’Etat militaire de 1980, le SOSYAL-IS était le syndicat le plus puissant dans sa branche d’activité. Toutefois, après le coup d’Etat militaire du 12 septembre 1980, un projet a été mis à exécution en vue de liquider systématiquement la DISK et ses affiliés. Dans ce contexte, les activités du SOSYAL-IS ont été suspendues en 1980, une action a été intentée contre le SOSYAL-IS et des membres du conseil d’administration du SOSYAL-IS ont été jugés. A la fin de la procédure judiciaire, en 1991, le SOSYAL-IS a repris ses activités et a entrepris de réparer les dégâts causés par le coup d’Etat militaire. Au bout de quelque temps, le SOSYAL-IS a réussi à dépasser le seuil par branche d’activité de 10 pour cent et a commencé à mener des négociations collectives. Jusqu’à l’adoption de la loi no 6356, le SOSYAL-IS représentait des dizaines de milliers de travailleurs et concluait de nombreuses conventions collectives. Il y a trois ans, le SOSYAL-IS a lancé une nouvelle campagne de syndicalisation et a doublé le nombre de ses membres. Cependant, comme il était toujours en deçà du seuil par branche d’activité en janvier 2013, le syndicat a perdu son habilitation à la négociation collective. Dans le processus de réparation des énormes dégâts causés par le coup d’Etat militaire, le SOSYAL-IS a été privé du principal outil de syndicalisation: le droit à la négociation collective.
  2. 507. L’organisation plaignante souligne que la nouvelle loi et les nouveaux seuils fixés n’affectent pas uniquement le SOSYAL-IS. Le SOSYAL-IS s’est vu attribuer la branche d’activité «Commerce, enseignement, administration et beaux-arts». Jusqu’en 2013, il y avait trois syndicats habilités à la négociation collective: le SOSYAL-IS (affilié à la DISK); le Koop-İş et le Tez Koop-İş (affiliés à la TÜRK-IS). Comme le montre le tableau ci-dessous, le nombre de syndicats dans cette branche d’activité est passé de cinq à neuf entre 2009 et 2013; toutefois, le nombre de syndicats habilités à la négociation collective (dépassant le seuil) est passé de trois à deux à cause du seuil par branche d’activité de 1 pour cent requis. En 2016, le Koop-İş ne pourra peut-être pas atteindre le seuil de 2 pour cent et, en 2018, le Tez Koop-İş n’atteindra peut-être pas le seuil de 3 pour cent requis. Compte tenu du fait que plus de 2 millions de travailleurs sont employés dans cette branche d’activité, l’organisation plaignante craint qu’il ne reste plus un seul syndicat habilité à la négociation collective d’ici cinq ans, d’où la perte du droit de négocier collectivement pour plus de 2 millions de travailleurs. Même si le Tez Koop-İş atteignait le seuil de 3 pour cent requis, il est fort probable qu’un monopole syndical émergera dans cette branche d’activité.
    • SyndicatConf.Nbre de membresNbre de membresNbre de travailleursNbre de travailleurs20092013- 20162016- 20182018
      20092013200920131 %2 %3 %
      SOSYAL-İS SendikasiDISK43 9147 246436 7942 151 600Au-delàEn deçà (-14 270)En deçà (-35 786)En deçà (-57 302)
      Koop-İş SendikasiTÜRK-IS46 15728 089436 7942 151 600Au-delàAu-delàEn deçà (-14 943)En deçà (-36 459)
      Tez Koop-İş SendikasiTÜRK-IS62 33750 319436 7942 151 600Au-delàAu-delàAu-delàEn deçà (-14 229)
      Öz Büro-İş SendikasiHAK-IS s.o.5 988436 7942 151 600s.o.En deçà (-15 528)En deçà (-37 044)En deçà (-58 560)
      Bil-İş SendikasiIndep.484s.o.436 7942 151 600En deçàs.o.s.o.s.o.
      Sine-Sen SendikasiDISK3115436 7942 151 600En deçàEn deçàEn deçàEn deçà
      Turkiye Yazarlar SendikasiIndep.s.o.0436 7942 151 600s.o.En deçàEn deçàEn deçà
      Müzik-SenIndep.s.o.0436 7942 151 600s.o.En deçàEn deçàEn deçà
      Oyuncular SendikasiIndep.s.o.40436 7942 151 600s.o.En deçàEn deçàEn deçà
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  3. 508. Bien que cette branche d’activité soit la plus importante en nombre de travailleurs employés, la syndicalisation y est limitée. Selon les statistiques de janvier 2013, 91 752 travailleurs sur 2 151 600 sont affiliés à un syndicat dans cette branche d’activité, soit un taux de syndicalisation de 4,3 pour cent, qui est bien inférieur au taux général de syndicalisation de 9,21 pour cent. Le nombre de travailleurs couverts par une convention collective est forcément inférieur: il tourne autour de 50 000, ce qui signifie que seulement 2 pour cent des travailleurs jouissent du droit de négocier collectivement. Il est évident que, comme le SOSYAL-IS ne sera pas habilité à la négociation collective et que seuls deux syndicats auront cette compétence, le niveau de négociation collective baissera.
  4. 509. De plus, selon l’organisation plaignante, la nature même de cette branche d’activité requiert une pluralité syndicale. Cette branche d’activité compte au total 426 237 lieux de travail; le nombre moyen de syndiqués employés dans un lieu de travail tourne autour de cinq. La syndicalisation concernant des centaines de milliers de lieux de travail, des syndicats plus compétents requièrent davantage de membres, davantage de lieux de travail syndiqués et davantage de conventions collectives. En outre, la diversité des métiers exercés dans cette branche d’activité requiert également une pluralité syndicale. Bien des groupes professionnels différents étant représentés dans ce secteur (professeurs d’université, concierges dans les universités publiques, caissiers et caissières, acteurs et actrices, employés de bureau, personnel de centres d’appel, spécialistes dans les entreprises, secrétaires, etc.), il importe d’avoir beaucoup de syndicats spécialisés dans des sous-secteurs et concentrés sur différents groupes professionnels. Toutefois, au lieu de favoriser la négociation collective, la loi y fait obstacle en prescrivant un seuil par branche d’activité, entraînant ainsi une diminution du nombre des syndicats compétents.
  5. 510. L’organisation plaignante souligne par ailleurs que, comme le SOSYAL-IS, un syndicat affilié à la DISK, n’a pu atteindre le seuil requis, plus de 2 millions de travailleurs aspirant au droit de négociation collective ont été obligés de choisir un autre syndicat (le Koop-İş ou le Tez Koop-İş) qui sont affiliés à la même confédération. Les travailleurs ne pourront donc être représentés par un syndicat qui adopte une politique différente de celle de la TÜRK-IS. Dans ces conditions, il n’y a ni pluralité syndicale ni droit de choisir son syndicat.
  6. 511. D’autre part, l’organisation plaignante indique que le SOSYAL-IS s’est employé à syndiquer des travailleurs en sous-traitance dans les universités et établissements publics, qui constituent un groupe sous-rémunéré important travaillant dans des conditions extrêmement difficiles et précaires. Le SOSYAL-IS s’emploie également à syndiquer des travailleurs dans de petits établissements qui sont sous-estimés par d’autres syndicats, car le travail de syndicalisation y est très difficile, exigeant trop de temps et d’énergie. Le SOSYAL-IS est également le seul à syndiquer des centaines de milliers d’employés de fondations universitaires et d’établissements d’enseignement privés. En conséquence, si SOSYAL-IS n’est pas habilité à conclure des conventions collectives, bien des travailleurs employés dans plusieurs sous-secteurs ne trouveront peut-être aucun syndicat auquel adhérer.
  7. 512. L’organisation plaignante en conclut que la loi no 6356 risque d’entraîner la disparition du SOSYAL-IS, un syndicat actif depuis un demi-siècle dans le mouvement syndical turque, où il occupait une position particulière. C’est pourquoi il importe de rappeler au gouvernement que le seuil par branche d’activité constitue une violation des droits syndicaux protégés par les conventions nos 87 et 98.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 513. Dans une communication en date du 9 juillet 2014, le gouvernement aborde en premier lieu l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle les syndicats sont constitués sur une base sectorielle et les travailleurs n’ont pas le droit de s’organiser en syndicats constitués sur la base de l’entreprise ou du métier. Le gouvernement reconnaît que, compte tenu de la situation en Turquie et de son expérience syndicale, les syndicats sont constitués sur une base sectorielle. Toutefois, la loi no 6356 n’impose aucune restriction concernant la création de syndicats sur la base du métier ou de l’entreprise. En Turquie, les syndicats comme le syndicat des acteurs, le syndicat des journalistes, le Sine-Sen et le Müzik-Sen poursuivent toujours leurs activités, organisées sur la base de la profession. Les partenaires sociaux n’ont présenté aucune demande écrite ou verbale de constitution d’un syndicat sur la base d’une entreprise ou d’un métier; au contraire, ils ont affirmé que le syndicalisme de métier est globalement dépassé et que de tels modes d’organisation risquaient de porter atteinte à la structure du système des relations professionnelles en Turquie.
  2. 514. Le mode de fonctionnement sectoriel soulève la question de savoir à quel secteur appartient le lieu de travail dans lequel un syndicat souhaite intervenir. En Turquie, les syndicats interviennent dans les lieux de travail depuis longtemps. Le choix du secteur dont relève un syndicat actif dans un lieu de travail est fonction du classement des activités économiques. Selon la loi, il n’est plus nécessaire «d’exercer ses activités dans toute la Turquie» pour se constituer en syndicat, ce qui élimine pour les syndicats l’obligation de s’organiser sur la base d’un seul lieu de travail.
  3. 515. Deuxièmement, concernant l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle la loi no 6356 impose un double critère quantitatif pour la négociation collective, le gouvernement indique que, lors de la préparation de la loi et par suite des négociations menées avec les partenaires sociaux, l’abaissement de la limite supérieure du seuil sectoriel, et non son retrait, a fait l’objet d’un large consensus, y compris par les confédérations de travailleurs. En conséquence, selon l’article 41 de la loi, le seuil sectoriel, qui avait causé des problèmes lors de sa mise en application, a été abaissé à 3 pour cent compte tenu des réalités du pays. Cependant, l’article 6 provisoire de la loi prévoit la réduction de ce taux à 1 pour cent jusqu’en juillet 2016. En outre, le seuil sectoriel requis n’a pas été imposé aux syndicats dûment habilités à négocier collectivement avant l’entrée en vigueur de la loi. Par conséquent, tous les syndicats autorisés existants ont eu droit à une période de transition.
  4. 516. L’article 41 dispose également qu’un syndicat sera autorisé à mener des négociations collectives à condition de représenter 50 pour cent des employés plus un dans un milieu de travail et 40 pour cent des employés dans une entreprise couverts par la convention collective. Par conséquent, la majorité requise pour les conventions collectives est passée de 50 à 40 pour cent des employés. Etant donné que de tels accords constituent la grande majorité des conventions collectives en Turquie, le gouvernement affirme que cette disposition facilite l’habilitation des syndicats dont les membres sont employés dans des lieux de travail relevant du même secteur et appartenant au même employeur, calmant ainsi de beaucoup les critiques formulées par les organes de contrôle de l’UE et de l’OIT.
  5. 517. Troisièmement, concernant l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle l’abaissement du seuil sectoriel est un changement nominal, et non effectif, découlant de la modification du système de statistiques, le gouvernement indique que, lorsque la loi no 2822 était en vigueur, il n’existait pas de système fiable pour vérifier le nombre d’adhérents des syndicats. Selon le gouvernement, des millions de travailleurs qui s’étaient désaffiliés d’un syndicat étaient toujours enregistrés comme membres, et de nombreux syndicats dépassaient le seuil grâce à des statistiques ne reflétant pas la réalité et étaient autorisés à négocier collectivement alors qu’ils n’atteignaient pas le seuil en réalité.
  6. 518. Le gouvernement déclare avoir donné suite aux critiques légitimes formulées par les syndicats en créant un système fondé sur des données effectives, non plus sur des données nominales. L’article 41 de la loi no 6356 prévoit que les statistiques publiées par le ministère en janvier et juillet de chaque année serviront de base au calcul du pourcentage de travailleurs employés dans un secteur donné. Cet article stipule également que les statistiques sont compilées, et l’inventaire des syndicats autorisés est fait en fonction des avis d’affiliation et de désaffiliation et des déclarations des travailleurs présentées à l’Institution de sécurité sociale, d’où des statistiques réalistes permettant d’identifier les travailleurs qui sont décédés, qui se sont désaffiliés ou qui avaient une double affiliation. Les statistiques de janvier 2013 sur le nombre de travailleurs dans chaque secteur et le nombre de syndiqués ont été publiées dans le Journal officiel en date du 26 janvier 2013. Les affirmations du SOSYAL-IS selon lesquelles, sur la foi des déclarations présentées à l’Institution de sécurité sociale, le nombre de syndiqués a nettement diminué selon les statistiques de janvier 2013 parce que des millions de travailleurs sans emploi ont été privés de leur affiliation syndicale, ne sont pas réalistes. Selon le gouvernement, un système visant à solidifier la structure d’organisation d’un réseau syndical a été créé.
  7. 519. Quatrièmement, s’agissant de l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle la fusion de certains secteurs a entraîné une augmentation du nombre des travailleurs dans ces secteurs et l’abaissement du seuil sectoriel a entraîné une augmentation du nombre de travailleurs que les syndicats doivent organiser, le gouvernement indique que, conformément à la loi no 6356, le nombre de secteurs a été réduit à 20 compte tenu des pratiques et des normes internationales. Cette réduction s’est traduite par la fusion de divers secteurs – aliments et sucre, textiles et cuir, bois et papier, presse et journalisme, transports terrestre, ferroviaire et aérien, entreposage et stockage – et les services privés de sécurité ont été incorporés au secteur de la défense et de la sécurité. Le législateur a prévu cette redistribution par secteur après consultation des confédérations d’employés et d’employeurs. Il a ainsi été proposé d’éliminer les problèmes résultant de la désignation des secteurs selon la loi antérieure, et le nouveau classement des secteurs est entré en vigueur à sa publication dans le Journal officiel en date du 19 décembre 2012. Par ailleurs, selon l’amendement apporté à un article provisoire de la loi, le seuil sectoriel ne s’appliquait plus aux syndicats existants autorisés à conclure des conventions collectives, ce qui leur permettait de conserver leur compétence et de profiter d’une période de transition pour s’adapter.
  8. 520. Cinquièmement, concernant l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle le nombre de syndicats habilités à signer des conventions collectives a diminué, le gouvernement explique que cette baisse pourrait être due au faible taux de syndicalisation. Par conséquent, les obstacles auxquels faisaient face les syndicats ont été éliminés par l’instauration d’une période de transition permettant aux syndicats autorisés existants de continuer à négocier des conventions collectives. Selon le gouvernement, les estimations du SOSYAL-IS concernant les retombées de 2016 et 2018 sont basées sur des hypothèses, et il est inexact de faire des projections sur cinq ans en se basant sur les chiffres actuels. Si les syndicats concentrent leurs efforts sur l’organisation des travailleurs, le taux de syndicalisation remontera à l’avenir, hausse qui se répercutera sur le nombre de syndicats autorisés.
  9. 521. De plus, le gouvernement affirme que, selon l’article provisoire 1 de la loi no 6356, les syndicats doivent désigner le secteur dans lequel ils interviendront, un mois après la publication du classement des secteurs le 19 décembre 2012. Les statistiques de janvier 2013 ne portaient pas sur les quinze syndicats qui n’avaient pas spécifié le secteur dans lequel ils interviendraient. De ce fait, le nombre de syndicats autorisés à signer des conventions collectives semblait plus modeste qu’il ne l’était en réalité. L’analyse des statistiques de janvier 2013 révèle que sept syndicats ont peu d’adhérents, n’ont pas d’activités ni ne sont autorisés à signer des conventions collectives selon la loi antérieure. C’est un autre facteur à l’origine du nombre limité de syndicats autorisés à signer des conventions collectives.
  10. 522. Enfin, le gouvernement aborde l’allégation selon laquelle le SOSYAL-IS a perdu son autorisation de négocier collectivement faute d’avoir atteint le seuil sectoriel requis en janvier 2013. Se référant à la déclaration de l’organisation plaignante selon laquelle le SOSYAL-IS avait syndiqué bon nombre de travailleurs à l’entrée en vigueur de la loi et avait signé de nombreuses conventions collectives, et que le nombre de ses membres a doublé au cours des trois dernières années, le gouvernement indique que le SOSYAL-IS a contesté en justice les données statistiques publiées en juillet 2003 et que, conformément à l’ordonnance de référé émise par le tribunal et à la lumière des statistiques de juillet 2009, le SOSYAL-IS a obtenu l’autorisation de conclure des conventions collectives (avec 43 914 membres, soit 10,5 pour cent de l’ensemble des travailleurs du secteur visé). Les statistiques de janvier 2013 révèlent que le SOSYAL-IS, qui est constitué dans le secteur «Commerce, administration, enseignement et beaux-arts» (no 10), compte actuellement 7 246 membres (soit un taux de syndicalisation de 0,34 pour cent).
  11. 523. Le gouvernement souligne toutefois que, selon l’article provisoire 6(3) de la loi no 6356, les syndicats existants autorisés à mener des négociations collectives se sont vu accorder la permission de signer de nouvelles conventions collectives dans les lieux de travail où une convention collective a été signée avant le 7 novembre 2012, qu’ils aient atteint ou non le seuil sectoriel. L’article 35 de la loi (durée des conventions collectives entre un an et trois ans) garantissait pour sa part que lesdits syndicats resteraient exemptés de l’obligation d’atteindre le seuil sectoriel jusqu’en 2016. Le SOSYAL-IS n’est donc pas tenu d’atteindre le seuil sectoriel pour le moment selon les dispositions pertinentes de la loi, et il sera à nouveau habilité à conclure des conventions collectives dans les lieux de travail et les entreprises où il n’a plus l’autorité voulue pour négocier collectivement. Dans le cadre de la loi no 6356, qui a éliminé les obstacles à la syndicalisation, le SOSYAL-IS pourrait être à nouveau habilité à signer des conventions collectives s’il concentre à l’avenir ses efforts sur les activités organisationnelles pour accroître le nombre de ses membres dans le secteur où il est constitué.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 524. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue que la loi sur les syndicats et les conventions collectives (loi no 6356) n’est pas conforme à la convention no 98, notamment en ce qui concerne les seuils requis pour la négociation collective.
  2. 525. Le comité prend note en particulier des allégations suivantes de l’organisation plaignante selon laquelle: i) l’article 41(1) prescrit un double critère numérique à atteindre pour permettre à un syndicat de négocier collectivement dans un lieu de travail ou une entreprise spécifique – le seuil par branche d’activité et le seuil au niveau du lieu de travail ou de l’entreprise; ii) l’abaissement du seuil par branche d’activité de 10 (loi antérieure) à 3 pour cent est un changement nominal et non effectif qui ne contribue pas à atténuer une telle exigence, mais plutôt à la renforcer et qui ne respecte pas les recommandations de l’OIT; iii) depuis que le système de compilation des statistiques a été modifié par la prise en compte des notifications faites à l’Institution de sécurité sociale, le nombre des travailleurs selon les statistiques de janvier 2013 a doublé (passant de 5 à 10 millions) parce que les statistiques antérieures fondées sur la base de données du ministère du Travail et de la Sécurité sociale ne reflétaient pas fidèlement la réalité; mais le nombre de syndiqués a considérablement baissé (passant de 3 millions à 1 million) parce que, en utilisant la base de données de l’Institution de sécurité sociale, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale n’a pas tenu compte de l’affiliation de millions de travailleurs syndiqués qui n’étaient alors pas employés dans un lieu de travail ou une entreprise où était établi le syndicat auquel ils adhéraient; iv) du fait de la fusion de certaines des branches d’activité et de leur révision à la baisse, de 28 à 20, dans la loi no 6356, le nombre de travailleurs employés par branche a augmenté considérablement, et l’abaissement du seuil par branche d’activité a entraîné dans bien des cas une augmentation, et non une diminution, du nombre minimum de travailleurs requis pour constituer un syndicat; v) selon les statistiques de juillet 2009, 51 syndicats étaient habilités à signer des conventions collectives, tandis qu’en janvier 2013, par suite de la mise en œuvre de la nouvelle loi et du seuil par branche d’activité provisoirement fixé à 1 pour cent, le nombre de syndicats habilités à la négociation collective est passé à 43 (sept syndicats ont perdu leur compétence); vi) bien que le SOSYAL-IS ait entrepris une nouvelle campagne de syndicalisation et ait doublé le nombre de ses membres il y a trois ans, il n’a pu atteindre le seuil par branche d’activité en janvier 2013 et a perdu sa compétence en matière de négociation collective; vii) si le SOSYAL-IS ne peut conclure de conventions collectives, bien des travailleurs employés dans plusieurs sous-secteurs ne trouveront peut-être aucun syndicat auquel adhérer, le SOSYAL-IS étant le seul syndicat dans sa branche à organiser des travailleurs en sous-traitance, des travailleurs employés dans de petits lieux de travail, etc.; viii) étant donné que la fonction première des syndicats a toujours été la négociation collective et que les syndicats sont financés par les cotisations des membres pour lesquels les syndicats signent des conventions collectives dans les lieux de travail et les entreprises, un syndicat ne peut se développer, se renforcer ni même survivre s’il n’est pas habilité à négocier collectivement parce que les travailleurs sont forcés d’adhérer à un autre syndicat ayant cette compétence, même si leur préférence va à un autre syndicat; ix) la loi no 6356 pourrait donc entraîner la disparition du SOSYAL-IS; x) selon des estimations, 13 syndicats ne pourront peut-être pas atteindre le seuil par branche d’activité de 2 pour cent en 2016, et sept syndicats pourraient rester sous le seuil de 3 pour cent en 2018; la réduction du nombre de syndicats habilités à la négociation collective de 51 selon la loi antérieure (en dépit du seuil fixé alors à 10 pour cent) à 23 signifie que, dans cinq ans, il n’y aura peut-être plus de syndicat habilité à la négociation collective dans six branches d’activité (dont la branche du SOSYAL-IS «Commerce, enseignement, bureau et beaux-arts», la branche plus importante puisqu’elle compte 2 millions de travailleurs employés, qui requiert une pluralité syndicale en raison de ses innombrables lieux de travail et de sa diversité professionnelle), privant ainsi près de la moitié de tous les travailleurs du droit de négocier collectivement; dans huit branches d’activité, il ne restera peut-être qu’un seul syndicat compétent, privant ainsi le tiers de tous les travailleurs du droit de choisir librement un syndicat dans leur branche d’activité; et seulement 20 pour cent des travailleurs pourraient être libres de choisir l’un des syndicats dans leur branche d’activité qui les représentera dans les négociations collectives; xi) le seuil par branche d’activité devrait être purement et simplement éliminé car il limite gravement les droits des travailleurs de s’organiser et de négocier collectivement, et qu’il n’est pas conforme aux dispositions des conventions nos 87 et 98.
  3. 526. Le comité prend également note des indications du gouvernement selon lesquelles: i) selon l’article 41 de la loi no 6356, le seuil sectoriel, qui avait causé des problèmes lors de sa mise en application, a été abaissé à 3 pour cent; ii) l’abaissement du seuil sectoriel, et non son retrait, a fait l’objet d’un large consensus parmi les partenaires sociaux; iii) également selon l’article 41, le seuil fixé au niveau de l’entreprise a été abaissé par une réduction de 50 à 40 pour cent de la majorité d’employés affiliés requise pour négocier des conventions collectives dans une entreprise (alors que ce seuil est de 50 pour cent au niveau du lieu de travail); iv) lorsque la loi no 2822 était en vigueur, en l’absence d’un système fiable pour vérifier le nombre d’adhérents aux syndicats, des millions de travailleurs qui s’étaient désaffiliés d’un syndicat étaient toujours enregistrés comme membres, et de nombreux syndicats dépassaient le seuil requis grâce à des statistiques ne reflétant pas la réalité; v) aujourd’hui, les statistiques sont compilées en fonction des avis d’affiliation et de désaffiliation et des déclarations des travailleurs présentées à l’Institution de sécurité sociale, d’où des statistiques réalistes permettant d’identifier les travailleurs qui sont décédés, qui se sont désaffiliés ou qui avaient une double affiliation; vi) l’affirmation du SOSYAL-IS selon laquelle, sur la foi des déclarations présentées à l’Institution de sécurité sociale, le nombre de syndiqués a nettement diminué selon les statistiques de janvier 2013 parce que des millions de travailleurs sans emploi ont été privés de leur affiliation syndicale, ne sont pas réalistes; vii) le nombre de secteurs a été réduit à 20 compte tenu des pratiques et des normes internationales et après consultation des confédérations d’employés et d’employeurs pour éliminer les problèmes résultant du classement des secteurs selon la loi antérieure; viii) selon l’article provisoire 1 de la loi no 6356, les syndicats doivent désigner le secteur dans lequel ils interviendront, un mois après la publication du classement des secteurs le 19 décembre 2012, les quinze syndicats n’avaient pas spécifié à temps pour les statistiques de janvier 2013 le secteur dans lequel ils interviendraient et, de ce fait, le nombre de syndicats autorisés à signer des conventions collectives semblait plus modeste qu’il ne l’était en réalité; ix) le gouvernement affirme que la diminution du nombre de syndicats habilités à signer des conventions collectives pourrait être due au faible taux de syndicalisation, d’où la décision prise d’éliminer les obstacles auxquels faisaient face les syndicats en prévoyant une période de transition: premièrement, selon l’article provisoire 6(1) de la loi no 6356, le seuil par branche d’activité est réduit pour passer à 1 pour cent jusqu’en juillet 2016, et à 2 pour cent jusqu’en juillet 2018; deuxièmement, aux termes de l’article provisoire 6(3), les syndicats existants autorisés à mener des négociations collectives se sont vu accorder la permission de signer de nouvelles conventions collectives dans les lieux de travail où une convention collective a été signée avant le 7 novembre 2012, qu’ils aient atteint ou non le seuil sectoriel; x) cette dernière disposition garant que les syndicats restent exemptés jusqu’en 2016 des seuils sectoriels fixés par la loi no 6356, ce qui implique que le SOSYAL-IS n’est pas tenu d’atteindre le seuil sectoriel pour le moment et sera à nouveau habilité à conclure des conventions collectives dans les lieux de travail et les entreprises lorsqu’il n’aura plus l’autorité voulue pour négocier collectivement; xi) dans le cadre de la loi no 6356, qui a éliminé les obstacles à l’organisation au sein des syndicats, le SOSYAL-IS pourrait être à nouveau habilité à signer des conventions collectives s’il concentre à l’avenir ses efforts sur les activités organisationnelles pour accroître le nombre de ses membres dans le secteur où il est constitué; xii) les estimations du SOSYAL-IS concernant les retombées de 2016 et 2018 sont basées sur des hypothèses, et il est inexact de faire des projections sur cinq ans en se basant sur les chiffres actuels. Si les syndicats concentrent leurs efforts sur l’organisation des travailleurs, le taux de syndicalisation remontera à l’avenir, hausse qui se répercutera sur le nombre de syndicats autorisés à négocier collectivement.
  4. 527. Le comité note que, selon l’article 41(1) de la loi no 6356, un syndicat doit représenter au moins 3 pour cent des travailleurs d’une branche d’activité donnée et plus de 50 pour cent des travailleurs employés sur un lieu de travail et 40 pour cent des travailleurs d’une entreprise couverts par la convention collective pour être habilité à conclure une convention collective applicable au lieu de travail ou à l’entreprise en question. Le comité observe que, selon ces dispositions, un syndicat doit remplir deux exigences cumulatives pour devenir un agent de négociation collective: il doit représenter à la fois au moins 3 pour cent des travailleurs d’une branche d’activité donnée et plus de 50 pour cent des travailleurs employés sur un lieu de travail et 40 pour cent des travailleurs d’une entreprise couverts par la convention collective. Le comité note que la CEACR a réitéré à cet égard sa position de longue date selon laquelle une telle double condition peut susciter des obstacles à la négociation collective au niveau de l’entreprise où un syndicat représentatif devrait pouvoir négocier une convention collective sans considération de sa représentativité au niveau sectoriel d’une manière générale. A cet égard, le comité souhaite rappeler qu’il a toujours soutenu que, pour qu’un syndicat d’une branche d’activité puisse négocier une convention collective d’entreprise, il devrait suffire que ledit syndicat démontre être suffisamment représenté au niveau de l’entreprise en question. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 957.] En particulier, le comité rappelle qu’il s’est déjà penché sur cette question (double critère applicable à la négociation collective) dans le cadre du cas no 1830, où il a estimé que la loi pertinente (en l’espèce, la loi no 2822 sur les conventions collectives, la grève et le lock-out) n’avait pas pour effet de promouvoir ni d’encourager une négociation collective sans entraves au niveau de l’entreprise, et a prié instamment le gouvernement de modifier sa législation pour la mettre en conformité avec l’article 4 de la convention no 98 (voir 303e rapport, paragr. 57). Le comité considère que le cumul des seuils requis au niveau sectoriel et au niveau du lieu de travail ou de l’entreprise pose problème au regard des principes de la liberté syndicale en matière de représentativité.
  5. 528. Tout en prenant note de la déclaration du gouvernement selon laquelle le seuil par branche d’activité fixé dans la loi no 6356 est inférieur au seuil prescrit par la loi précédente (abaissé de 10 à 3 pour cent), le comité ne peut faire abstraction du fait que, en raison de la mise en œuvre en 2013 du seuil transitoire encore plus bas de 1 pour cent, l’organisation plaignante, le SOSYAL-IS, qui était jusqu’alors habilitée à négocier collectivement, a perdu cette compétence. Le comité est également obligé de noter les préoccupations exprimées par l’organisation plaignante concernant la diminution du nombre de syndicats autorisés à signer des conventions collectives en raison des changements apportés à la compilation des statistiques et de la réduction du nombre de branches d’activité. Le comité observe que: i) les avis concernant les allégations selon lesquelles, en utilisant la base de données de l’Institution de sécurité sociale, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale n’a pas tenu compte de l’affiliation de millions de travailleurs syndiqués qui n’étaient alors pas employés dans un lieu de travail ou une entreprise où était établi le syndicat auquel ils adhéraient; ii) le gouvernement souligne la nécessité, pour plus d’exactitude, des changements statistiques apportés mais ne conteste pas les allégations selon lesquelles ces changements ont entraîné une augmentation considérable du nombre de travailleurs enregistrés, une augmentation du nombre de travailleurs dans certaines branches et une augmentation considérable du nombre de syndiqués, autant de facteurs, selon le comité, qui empêchent les syndicats d’atteindre le seuil fixé par branche d’activité; iii) se référant aux raisons pour lesquelles le nombre de syndicats habilités à signer des conventions collectives semble plus faible qu’il ne l’est en réalité, le gouvernement reconnaît néanmoins que ce nombre est bas, attribue ce fait au taux de syndicalisation qu’il qualifie également de faible et prédit une augmentation du nombre de syndicats autorisés à la négociation collective si les syndicats font des efforts pour accroître le nombre de leurs affiliés à l’avenir.
  6. 529. Dans ces conditions, le comité ne peut qu’estimer que le seuil par branche d’activité, qui est requis par la loi no 6356, outre le seuil fixé au niveau du lieu de travail ou de l’entreprise pour être habilité à conclure une convention collective applicable au lieu de travail ou à l’entreprise en question, n’est pas propice à des relations professionnelles harmonieuses et ne favorise pas la négociation collective conformément aux dispositions de l’article 4 de la convention no 98, ratifiée par la Turquie, car il pourrait entraîner une diminution du nombre de travailleurs couverts par des conventions collectives dans ce pays. S’agissant du seuil au niveau de l’entreprise (40 pour cent) ou du seuil au niveau du lieu de travail (50 pour cent), le comité rappelle également que, lorsque dans un système de désignation d’agents négociateurs exclusifs aucun syndicat ne représente le pourcentage de travailleurs requis pour être déclaré agent négociateur exclusif, les droits de négociation collective devraient être accordés au syndicat de l’unité, au moins au nom de leurs propres membres. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 976.] Compte tenu de ce qui précède, le comité prie le gouvernement de diligenter sans délai un examen complet des répercussions de la loi no 6356 sur le mouvement syndical et les mécanismes de négociation collective à l’échelle nationale, en pleine concertation avec les partenaires sociaux et, à la lumière du résultat de cet examen, de réviser la loi pour la mettre en conformité avec les principes cités ci-dessus. Le comité demande à être tenu informé de tout fait nouveau à cet égard et invite le gouvernement à se prévaloir de l’assistance technique du BIT. Il prie également le gouvernement de fournir des informations sur le résultat du recours intenté devant la Cour constitutionnelle pour obtenir l’annulation de plusieurs dispositions de la loi no 6356. Prenant dûment note des dispositions transitoires de l’article provisoire 6(1) et (3) mentionnées par le gouvernement, le comité veut croire qu’aucun syndicat ne se verra retirer l’autorisation de conclure des conventions collectives, y compris l’organisation plaignante, pour défaut de se conformer au double seuil prescrit à l’article 41(1) de la loi.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 530. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité demande au Conseil d’administration d’approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de diligenter sans délai un examen complet des répercussions de la loi no 6356 sur le mouvement syndical et les mécanismes de négociation collective à l’échelle nationale, en pleine concertation avec les partenaires sociaux et, à la lumière du résultat de cet examen, de réviser la loi pour la mettre en conformité avec les principes cités dans ses conclusions. Le comité demande à être tenu informé de tout fait nouveau à cet égard et invite le gouvernement à se prévaloir de l’assistance technique du BIT.
    • b) Prenant dûment note des dispositions transitoires de l’article provisoire 6(1) et (3) mentionnées par le gouvernement, le comité veut croire qu’aucun syndicat ne se verra retirer l’autorisation de conclure des conventions collectives, y compris l’organisation plaignante, pour défaut de se conformer au double seuil prescrit à l’article 41(1) de la loi no 6356.
    • c) Le comité prie également le gouvernement de fournir des informations sur le résultat du recours intenté devant la Cour constitutionnelle pour obtenir l’annulation de plusieurs dispositions de la loi no 6356.
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