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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 368, Juin 2013

Cas no 2980 (El Salvador) - Date de la plainte: 21-AOÛT -12 - En suivi

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Allégations: Présentation par les autorités de projets de loi prévoyant la modification de 19 lois relatives à des institutions officielles autonomes qui affectent les intérêts des employeurs, n’ont pas été soumis à la consultation préalable de l’organe tripartite national et confient au Président de la République la charge de désigner les représentants du patronat au sein des organes de direction paritaires ou tripartites

  1. 300. La plainte figure dans une communication de l’Association nationale de l’entreprise privée (ANEP) en date du 21 août 2012.
  2. 301. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication en date du 26 février 2013.
  3. 302. El Salvador a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 303. Dans sa communication en date du 21 août 2012, l’Association nationale de l’entreprise privée (ANEP) allègue que le 16 août 2012, sans avoir consulté au préalable les organisations d’employeurs et de travailleurs, le Président de la République a soumis des projets de loi prévoyant la modification de 19 lois organiques relatives à des institutions officielles autonomes en vue d’une modification de la représentation du patronat au sein des structures correspondantes de leurs conseils d’administration. L’objectif en la matière était de transférer au Président de la République la charge de désigner et nommer les représentants des organisations d’employeurs au sein des conseils d’administration desdites institutions, ce qui constitue une violation des dispositions de la convention no 87 de l’OIT, notamment en ce qui concerne le droit des organisations d’employeurs d’élire librement leurs représentants et l’obligation pour les autorités publiques de s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal.
  2. 304. L’ANEP déclare que les réformes envisagées supposent la violation du principe de l’indépendance des organisations et une ingérence contraire aux dispositions des conventions nos 87 et 98 puisqu’elles confient désormais au Président de la République la charge de choisir les représentants du patronat au sein des institutions autonomes dotées d’organes de direction paritaires ou tripartites.
  3. 305. L’ANEP allègue que cette situation est contraire aux principes définis par le Comité de la liberté syndicale en matière de consultation tripartite et de participation des organisations représentatives des employeurs et des travailleurs au sein des organes bipartites ou tripartites. Selon le rapport du Comité de la liberté syndicale, on peut conclure à une atteinte aux principes de la liberté syndicale lorsqu’une organisation représentative des travailleurs ou des employeurs d’un pays est empêchée de faire partie des organes paritaires ou tripartites des secteurs ou branches d’activité où elle est implantée.
  4. 306. L’ANEP ajoute que la commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations a appelé l’attention sur les principes de fonctionnement pour la gouvernance et la bonne administration des organismes de sécurité sociale, principes qui veulent que le système soit placé sous la supervision des autorités publiques et administré conjointement par les employeurs et les travailleurs, les cotisations de ces derniers représentant en effet la plus grande partie des revenus de sécurité sociale. Promulguer une réforme prévoyant ainsi la désignation des représentants du patronat par le Président de la République, et ce au sein d’institutions aussi importantes que la sécurité sociale, c’est porter atteinte aux principes de fonctionnement établis par l’OIT aux fins d’une bonne administration des organes en question, dans l’intérêt des assurés et des employeurs, qui sont ceux qui cotisent à la sécurité sociale et contribuent à son financement.
  5. 307. L’ANEP souligne en outre qu’El Salvador a ratifié la convention no 144 de l’OIT sur les consultations tripartites, qui fait obligation à l’Etat de procéder à des consultations nationales tripartites sur les projets de réformes législatives. En El Salvador, le règlement du Conseil supérieur du travail (organe tripartite) prévoit que tout projet de loi devra être soumis au conseil pour consultation avant sa présentation. Cependant, la question de la modification des 19 lois susmentionnées n’a jamais fait l’objet de consultations tripartites, qu’elles soient formelles ou informelles, avec les organisations de travailleurs et d’employeurs, par l’intermédiaire du Conseil supérieur du travail, ce qui est contraire au texte et à l’esprit de la convention no 144 et de la loi portant création du Conseil supérieur du travail en tant qu’organe de consultation.
  6. 308. L’ANEP ajoute que la modification des 19 lois organiques relatives à des institutions officielles autonomes, qui limite l’exercice du droit d’élire librement les représentants appelés à siéger au conseil d’administration d’institutions comme la Sécurité sociale ou le Fonds social pour le logement, nuit à la capacité de représentation du patronat. L’ANEP rappelle qu’en vertu de l’article 19, paragraphe 5, alinéa d), de la Constitution de l’OIT l’Etat qui ratifie une convention est tenu de prendre les mesures nécessaires pour rendre ses dispositions effectives, c’est-à-dire qu’il doit non seulement incorporer la convention dans le droit interne mais aussi veiller à son application dans les faits.
  7. 309. L’application des conventions nos 87, 98, 142 et 144 de l’OIT rend impérative l’organisation de consultations tripartites dès lors qu’il est envisagé de modifier la loi relative à la sécurité sociale, la loi relative au Fonds social pour le logement, etc., si bien que l’Etat a l’obligation absolue, avant la présentation de projets de loi, de procéder à de telles consultations avec les secteurs intéressés.
  8. 310. Par conséquent, l’ANEP indique qu’elle présente une plainte contre l’Etat et le gouvernement d’El Salvador pour violation des dispositions des conventions nos 87, 98, 142 et 144, en dénonçant une atteinte à son droit de désigner librement ses représentants au sein de 19 institutions autonomes, notamment l’Institut salvadorien de la sécurité sociale et le Fonds social pour le logement, suite à des actes d’ingérence de la part des autorités publiques, qui ont présenté ces réformes législatives en portant atteinte au principe de l’indépendance des organisations d’employeurs dans l’exercice de leurs activités, à l’obligation pour l’Etat de procéder à des consultations tripartites avant de lancer des réformes législatives et à la règle d’une représentation sur un pied d’égalité au sein des organes tripartites.
  9. 311. L’ANEP cite parmi les projets de loi contestés celui qui porte sur l’Institut salvadorien de formation professionnelle, déjà examiné par le Comité de la liberté syndicale à sa réunion de mars 2013. [Voir 367e rapport, cas no 2930.]

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 312. Dans sa communication en date du 26 février 2013, le gouvernement déclare, au sujet de la plainte de l’Association nationale de l’entreprise privée (ANEP), que le 16 août 2012 le Président de la République a adressé à l’Assemblée législative, par l’intermédiaire du ministre du Travail et de la Prévoyance sociale, trois décrets de présentation, par lesquels il prend l’initiative de la loi en proposant trois projets de texte prévoyant la modification des normes suivantes: la loi relative à la formation professionnelle (projet déjà examiné par le Comité de la liberté syndicale dans le cadre d’un cas précédent), la loi relative à la sécurité sociale et la loi relative au Fonds social pour le logement.
  2. 313. Le gouvernement indique que la présentation de ces projets de loi et les motifs produits à l’appui reposent sur l’article 133, paragraphe 2, de la Constitution, qui habilite le Président de la République à prendre l’initiative de la loi par l’intermédiaire de ses ministres, ainsi que sur l’article 168, paragraphe 15, du même texte, qui donne au Président de la République le mandat et l’obligation de veiller à la bonne administration et au bon déroulement des affaires publiques. Avec les réformes proposées, il s’agit de créer les compétences légales permettant à l’administration publique de choisir les fonctionnaires du secteur privé les plus compétents, grâce à des propositions nombreuses et variées assurant une participation et une représentation accrues du patronat au sein des institutions officielles autonomes telles que l’Institut salvadorien de la sécurité sociale (ISSS) et le Fonds social pour le logement (FSV), et ce afin de donner effet au mieux au mandat et à l’obligation pesant sur le Président de la République en application de la Constitution.
  3. 314. Le gouvernement précise que l’esprit des réformes présentées n’est pas de limiter – et encore moins d’empêcher – la participation du patronat aux conseils d’administration des institutions susmentionnées, mais bien au contraire d’élargir, démocratiser et renforcer la représentation des différents secteurs de l’entreprise privée au sein des institutions officielles autonomes. Ces institutions sont toujours autonomes, c’est-à-dire qu’elles jouissent, comme prévu par les lois qui les établissent, de la personnalité morale, d’un patrimoine propre et d’une indépendance technique, administrative et financière, tout en restant soumises à l’autorité, à la direction et aux orientations de l’administration centrale, un système qui doit leur permettre d’assurer, avec aisance et efficacité et en temps opportun, la prestation de services publics à la collectivité conformément à leur mandat.
  4. 315. En ce qui concerne les éléments exposés dans la plainte de l’ANEP, qui allègue la violation des dispositions des conventions nos 87, 98, 142 et 144 de l’OIT en arguant une atteinte au principe du libre choix des représentants au sein de 19 institutions officielles autonomes, notamment l’Institut salvadorien de la sécurité sociale et le Fonds social pour le logement, le gouvernement estime que ces affirmations ne sont pas fondées sur les faits et qu’elles ne sont pas pertinentes dans la mesure où les projets présentés relèvent de l’exercice légitime des droits et devoirs du Président de la République en vertu de l’article 168, paragraphe 15, de la Constitution d’El Salvador, qui est libellé ainsi: «le Président de la République a le mandat et l’obligation d’assurer la bonne administration et le bon déroulement des affaires publiques».
  5. 316. Le gouvernement réfute pour conclure toute atteinte aux normes internationales relatives au travail ratifiées par l’Etat d’El Salvador et il demande la clôture du cas no 2980, estimant que les éléments allégués par l’organisation plaignante ne sont ni avérés ni pertinents.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 317. Le comité note que, dans le présent cas, l’Association nationale de l’entreprise privée (ANEP) allègue la présentation par le Président de la République à l’Assemblée législative, en dehors de toute consultation avec le Conseil supérieur du travail (organe tripartite national), de projets de loi prévoyant la modification de 19 lois relatives à des institutions officielles autonomes dans des domaines affectant les intérêts des employeurs (Institut salvadorien de la sécurité sociale, Fonds social pour le logement, etc.); les projets de loi en question confient au Président de la République la charge de désigner les membres devant représenter les employeurs et les travailleurs au sein des conseils d’administration des institutions en question. L’ANEP affirme que ces textes constituent une atteinte au droit des organisations d’employeurs d’élire librement leurs représentants et aux principes de la non-ingérence des autorités dans l’exercice des activités de telles instances, de l’indépendance des organisations d’employeurs, de la consultation tripartite et de la représentation sur un pied d’égalité au sein des organes bipartites ou tripartites, en violation des dispositions des conventions nos 87, 98, 142 et 144 ratifiées par El Salvador.
  2. 318. Le comité prend note des informations suivantes présentées par le gouvernement dans sa réponse: 1) l’initiative de la loi par le Président de la République est prévue par la Constitution, qui confie en outre à cette autorité le mandat et l’obligation de veiller à la bonne administration et au bon déroulement des affaires publiques (article 168, paragraphe 15, de la Constitution); il s’agit donc de prérogatives légitimes du Président de la République, si bien que le gouvernement réfute la violation des dispositions des conventions nos 87, 98, 142 et 144 de l’OIT; 2) dans l’idée de donner suite au mieux à cette obligation, les réformes présentées doivent permettre à l’administration publique de choisir les fonctionnaires du secteur privé les plus compétents, grâce à des propositions nombreuses et variées assurant une participation et une représentation accrues du patronat au sein des institutions officielles autonomes; et 3) les réformes proposées visent à élargir, démocratiser et renforcer la représentation des différents secteurs de l’entreprise privée au sein des conseils d’administration des institutions officielles autonomes.
  3. 319. Le comité formule les conclusions suivantes sur la base de la réponse du gouvernement: 1) les projets de loi présentés par le pouvoir exécutif à l’Assemblée législative en vue de la modification de 19 lois relatives à des institutions autonomes (dont l’Institut salvadorien de la sécurité sociale, le Fonds social pour le logement et l’Institut salvadorien de formation professionnelle) n’ont pas été soumis au Conseil supérieur du travail (organe tripartite national) aux fins de la réalisation des consultations prévues par la loi portant création de cet organe tripartite; et 2) le gouvernement convient que les réformes envisagées autorisent l’administration publique à désigner les représentants du secteur privé et motive ce choix par la volonté de «renforcer la représentation des différents secteurs de l’entreprise privée» au sein des conseils d’administration des différentes institutions officielles autonomes. Dans ces circonstances, le comité se voit dans l’obligation de conclure que les projets de loi en question constituent une atteinte grave aux principes de l’autonomie et de la non-ingérence des autorités dans les activités des organisations d’employeurs et de travailleurs, au droit de ces organisations d’élire librement leurs représentants et au principe de la consultation tripartite préalable en matière législative, et qu’ils représentent par conséquent une violation grave et directe des conventions nos 87, 98 et 144. Le comité déplore cette situation.
  4. 320. Dans ces conditions, le comité attire l’attention du gouvernement sur le principe selon lequel la consultation tripartite doit se dérouler avant que le gouvernement ne soumette un projet à l’Assemblée législative ou n’élabore une politique de travail, sociale ou économique, et sur le fait qu’il importe de tenir des consultations avec les organisations d’employeurs et de travailleurs avant l’adoption de toute loi dans le domaine du travail. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1070 et 1075.] Le comité a souligné l’importance qu’il convient d’attacher à ce que des consultations franches et complètes aient lieu sur toute question ou tout projet de dispositions législatives ayant une incidence sur les droits syndicaux [voir Recueil, op. cit., paragr. 1074], et rappelle que le processus de consultation en matière de législation contribue à ce que les lois, les programmes et les mesures devant être adoptés ou appliqués par les autorités publiques aient un fondement plus solide et soient respectés et appliqués. Dans la mesure du possible, le gouvernement devrait chercher le consensus général, étant donné que les organisations d’employeurs et de travailleurs doivent pouvoir contribuer au bien-être et à la prospérité de la communauté en général. Ce processus est d’autant plus fondé que les problèmes se posant dans les sociétés sont de plus en plus complexes. Aucune autorité publique ne peut prétendre avoir réponse à tout ni laisser entendre que ce qu’elle propose répondra de façon pleinement adaptée aux objectifs à atteindre. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1076.] Le comité prie le gouvernement d’assurer le plein respect de ces principes à l’avenir.
  5. 321. Par conséquent, le comité prie le gouvernement de veiller à ce que les représentants des organisations de travailleurs et d’employeurs au sein des organes tripartites soient désignés librement par les organisations en question, d’engager urgemment des consultations approfondies avec les organisations de travailleurs et d’employeurs dans le cadre du Conseil supérieur du travail afin de parvenir à une décision prise d’un commun accord, qui assure une représentation tripartite sur un pied d’égalité au sein des conseils d’administration des institutions autonomes mentionnées dans la plainte (notamment l’Institut salvadorien de la sécurité sociale et le Fonds social pour le logement) et de faire en sorte que la décision en question soit soumise sans délai à l’Assemblée législative dans le cadre de l’examen des projets de loi présentés par le gouvernement.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 322. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité appelle l’attention du gouvernement sur les principes mentionnés dans les conclusions quant au libre choix des représentants des employeurs et à la consultation tripartite et il le prie d’assurer le plein respect de ces principes à l’avenir.
    • b) Le comité prie le gouvernement d’engager urgemment des consultations approfondies avec les organisations de travailleurs et d’employeurs dans le cadre du Conseil supérieur du travail afin de parvenir à une décision prise d’un commun accord, qui assure la représentation tripartite sur un pied d’égalité au sein des conseils d’administration des institutions autonomes dont il est question dans la plainte (notamment l’Institut salvadorien de la sécurité sociale, le Fonds social pour le logement et l’Institut salvadorien de formation professionnelle) et de faire en sorte que la décision en question soit soumise sans délai à l’Assemblée législative dans le cadre de l’examen des projets de loi présentés par le gouvernement.
    • c) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des progrès réalisés à cet égard.
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