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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 368, Juin 2013

Cas no 2976 (Türkiye) - Date de la plainte: 15-AOÛT -12 - En suivi

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Allégations: L’organisation plaignante allègue que, depuis le début de 2012, aucun syndicat n’a obtenu de certificat de compétence, d’où la suspension de fait des droits de négociation collective dans le pays et l’incapacité des syndicats à désigner leurs représentants, à bénéficier de la retenue à la source des cotisations syndicales, et à protéger leurs membres contre des actes de discrimination et d’intimidation

  1. 827. L’IndustriALL Global Union a présenté sa plainte dans une communication en date du 15 août 2012.
  2. 828. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 28 janvier 2013.
  3. 829. La Turquie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 830. Dans sa communication en date du 15 août 2012, l’IndustriALL Global Union, qui représente plus de 50 millions de travailleurs dans les secteurs manufacturier, minier et énergétique dans environ 140 pays, dont 19 syndicats turcs (Tes-İş, Belediye-İş, Petrol-İş, Turkiye Maden-İş, Birleşik Metal-İş, Lastik-İş, Selüloz-İş, Kristal-İş, Genel Maden-İş, Çimse-İş, Tümka-İş, Teksif, Öz İplik-İş, Çelik-İş, Tekstil, Deri-İş, Dok Gemi-İş, Türk Enerji-sen, Türk Tarim Orman-Sen), allègue la suspension de fait des droits de négociation collective en Turquie. L’organisation plaignante explique que, selon la législation turque, le processus de négociation collective commence par la délivrance d’un certificat de compétence par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Toutefois, depuis le début de 2012, ce ministère n’a délivré aucun certificat de compétence pour aucun syndicat, y compris les syndicats affiliés à l’IndustriALL Global Union, et les travailleurs sont donc dans l’impossibilité de fait d’exercer leurs droits de négociation collective. L’organisation plaignante considère que cette situation est contraire à la convention no 98, à la Constitution de la Turquie, ainsi qu’à la loi no 2822 sur les conventions collectives, la grève et le lock-out. Elle estime à environ 950 le nombre de lieux de travail pour lesquels un certificat de compétence n’aurait pas été délivré, ce qui représente 350 000 travailleurs.
  2. 831. L’organisation plaignante se réfère à l’article 53 de la Constitution turque, qui dispose que:
    • Les travailleurs et les employeurs ont dans leurs rapports mutuels le droit de conclure des conventions collectives de travail en vue de réglementer leur situation économique et sociale et leurs conditions de travail. La loi détermine le mode de conclusion des conventions collectives de travail.
  3. Elle se réfère également aux articles applicables suivants de la loi no 2822:
    • Article 12. Un syndicat représentant au moins 10 pour cent des travailleurs d’une branche d’activité donnée (à l’exclusion de celle comprenant l’agriculture, la foresterie, la chasse et la pêche) et plus de la moitié des travailleurs employés dans l’établissement, ou dans chacun des établissements, auquel s’appliquera la convention collective est habilité à conclure une convention collective applicable à l’établissement ou aux établissements en question. S’agissant des conventions collectives d’entreprise, les établissements sont considérés comme une seule unité pour le calcul de la majorité absolue – soit plus de la moitié des suffrages. … Les statistiques publiées par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale en janvier et juillet de chaque année servent d’instrument pour le calcul des 10 pour cent de travailleurs engagés dans une branche d’activité donnée. Le nombre total de travailleurs d’une branche d’activité et les effectifs de chacun des syndicats de cette branche tels qu’indiqués dans les statistiques sont valables aux fins des conventions collectives et d’autres formalités jusqu’à la publication de nouvelles statistiques. La compétence d’un syndicat de travailleurs qui a obtenu un certificat de compétence ou en a fait la demande n’est pas affectée par les statistiques publiées ultérieurement.
    • Article 13. Un syndicat qui estime avoir la compétence requise pour conclure une convention collective doit s’adresser par écrit au ministère du Travail et de la Sécurité sociale pour lui demander d’établir que l’ensemble de ses membres dans la branche d’activité (à l’exclusion de celle comprenant l’agriculture, la foresterie, la chasse et la pêche) dans laquelle le syndicat est constitué représentent au moins 10 pour cent des travailleurs engagés dans cette branche, et de déterminer le nombre de travailleurs employés et le nombre de membres dans l’établissement ou les établissements auxquels s’appliquera la convention collective à la date de la présentation d’une telle demande. Le syndicat de travailleurs doit remettre les formulaires d’adhésion sous sa responsabilité à l’employeur dans les trois jours ouvrables à compter de la date de la présentation de sa demande au ministère du Travail et de la Sécurité sociale aux fins de la détermination de compétence. Lorsque le syndicat a la majorité requise d’après les registres du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, ce dernier doit transmettre la demande, ainsi que le nombre de travailleurs employés et le nombre de membres dans chaque établissement concerné, aux autres syndicats de travailleurs constitués dans la même branche d’activité et aux associations d’employeurs et employeurs n’appartenant pas à de telles organisations qui seront parties à la convention, dans les six jours ouvrables suivant la réception de la demande, comme il est indiqué dans les registres du ministère à la date de la demande. Lorsque le ministère établit que le syndicat n’a pas la majorité requise, cette information doit être communiquée seulement à ce dernier dans le même délai.
    • Article 16. Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale doit délivrer un certificat de compétence au syndicat concerné dans les six jours ouvrables suivant l’expiration du délai imparti pour l’introduction d’un appel, en l’absence d’un tel appel ou dans les six jours ouvrables suivant la réception de la décision du tribunal de rejeter l’appel.
  4. L’organisation plaignante explique que, malgré ces dispositions législatives obligatoires, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale de la Turquie n’a pas publié de statistiques du travail depuis 2009. La loi le permettait jusqu’à la fin de 2011, le Parlement turc ayant amendé la loi no 2822 en ajoutant un nouvel article, provisoire, selon lequel les statistiques antérieures relatives au travail seraient valables pour la reconnaissance des syndicats aux fins de la négociation collective. Toutefois, la période de validité dudit article provisoire ayant expiré, le ministère, qui aurait dû publier des statistiques du travail, a omis de le faire.
  5. 832. En conséquence, l’organisation plaignante considère que le droit de négociation collective est suspendu de fait en Turquie à cause d’une décision administrative arbitraire et illégale du ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Des centaines de milliers de travailleurs et leurs syndicats ne peuvent exercer leur droit à la négociation collective de leurs salaires, avantages sociaux et autres conditions de travail, ce qui empêche les syndicats de défendre et d’améliorer leurs droits et intérêts. L’organisation plaignante se réfère, entre autres, au cas de son organisation affiliée, le Syndicat turc des travailleurs du secteur du pétrole, de la chimie et du caoutchouc (Petrol-İş), qui a présenté au ministère une demande de certificat de compétence pour les lieux de travail suivants:
    • 1. Erze Ambalaj ve Plastik Sanayi ve Ticaret A.Ş. (date de la demande: 13 janvier 2012);
    • 2. Gripin İlaç A.Ş. (date de la demande: 17 février 2012);
    • 3. Sa-ba Endüstriyel Ürünler İmalat ve Ticaret A.Ş. (date de la demande: 24 février 2012);
    • 4. Elba Bant Sanayi ve Ticaret A.Ş. (date de la demande: 2 mars 2012);
    • 5. Arili Plastik Sanayii A.Ş. (date de la demande: 4 mai 2012);
    • 6. Reckitt Benckiser Temizlik Malzemeleri San. ve Tic. A.Ş. (date de la demande: 4 mai 2012);
    • 7. Ürosan Kimya San. ve Tic. A.Ş. (date de la demande: 4 mai 2012);
    • 8. Akin Plastik San. ve Tic. A.Ş. (date de la demande: 4 mai 2012);
    • 9. Sandoz İlaç San. ve Tic. A.Ş. (date de la demande: 4 mai 2012);
    • 10. Plastimak Plastik Profil Enjeksiyon San. ve Ticaret Ltd. Sti. (date de la demande: 15 mai 2012);
    • 11. PIastiform Plastik Sanayi ve Ticaret A.Ş. (date de la demande: 22 mai 2012);
    • 12. Plaskar Plastik Enjeksiyon Otomotiv Yedek Parça Nakliye Ambalaj Kalip Sanayi İthalat Ihracat Ticaret ve Sanayi A.Ş. (date de la demande: 22 mai 2012);
    • 13. Mehmetçik Vakfi Turizm, Petrol, İnşaat Sağlik Gida ve Ticaret Ltd. Sti. (date de la demande: 20 juin 2012).
  6. 833. L’organisation plaignante allègue en outre que les syndicats ne pouvant obtenir un certificat de compétence sont dans l’impossibilité de percevoir les cotisations syndicales. A cet égard, elle se réfère à l’article 61 de la loi no 2821 sur les syndicats, aux termes duquel:
    • A la demande écrite du syndicat qui est partie à la convention collective en vigueur dans l’établissement ou du syndicat de travailleurs qui a obtenu le certificat de compétence pour négocier, dans l’éventualité où la convention collective a pris fin ou n’est pas conclue, et sur réception de la liste des travailleurs membres du syndicat dont les cotisations doivent être déduites, l’employeur est tenu de prélever à la source la cotisation des membres fixée par les statuts du syndicat ainsi que la contribution de solidarité à verser au syndicat en vertu de la loi sur les conventions collectives, la grève et le lock-out, et de présenter au syndicat une liste des travailleurs dont les cotisations ont été ainsi prélevées, en indiquant le type de cotisation, et de verser le montant des déductions au syndicat.
  7. Puisque la retenue à la source des cotisations syndicales repose sur l’existence d’une convention collective ou d’un certificat de compétence, selon l’organisation plaignante, cette situation compromet la viabilité des syndicats d’un point de vue financier.
  8. 834. Par ailleurs, les syndicats ne pouvant obtenir un certificat de compétence ne peuvent désigner de représentants syndicaux. A cet égard, elle se réfère à l’article 34 de la loi no 2821 sur les syndicats, aux termes duquel:
    • Un syndicat dont la compétence en vue de conclure la convention collective est certifiée doit désigner des représentants syndicaux parmi ses membres à l’établissement de la manière suivante, et doit fournir les noms de tels représentants syndicaux à l’employeur dans un délai de quinze jours.
  9. La désignation de représentants syndicaux repose donc sur l’existence d’une convention collective ou d’un certificat de compétence, c’est pourquoi, selon l’organisation plaignante, cette situation compromet la viabilité des syndicats d’un point de vue organisationnel.
  10. 835. Enfin, selon l’IndustriALL Global Union, en raison de la suspension de fait des droits de négociation collective en Turquie, les travailleurs ne peuvent exercer leurs droits syndicaux. Comme les syndicats ne peuvent fournir de services à leurs membres ni assurer leur protection sur les lieux de travail nouvellement organisés, les travailleurs hésitent beaucoup à s’affilier à un syndicat parce qu’ils risquent d’être licenciés ou victimes d’intimidation. L’organisation plaignante allègue qu’il y a un certain nombre de cas de ce genre et se réfère, en particulier, aux deux cas suivants concernant ses affiliés:
    • ■ Le Syndicat turc des travailleurs du cuir et de la chaussure (Deri-İş) a recruté la majorité des travailleurs de la société Togo Ayakkabi Sanayi ve Ticaret A.Ş., située à Ankara, et a présenté une demande de certification au début d’avril. Dès que la direction a été informée de la campagne de recrutement du syndicat, 35 syndiqués ont été licenciés au début de mai 2012. Les travailleurs licenciés continuent leur piquet de grève malgré les attaques, menaces et intimidations régulières et massives des forces de sécurité. Comme le ministère du Travail et de la Sécurité sociale ne lui a pas délivré de certificat de compétence, Deri-İş ne peut défendre ses membres au sein de l’entreprise ni protéger leurs droits.
    • ■ Le Syndicat unifié des métallurgistes (Birleşik Metal-İş) a recruté la majorité des travailleurs de l’entreprise Ceha Buro Mobilyalari Ltd. Sti., située à Kayseri, et a présenté une demande de certification au début de 2012. Dès que la direction a été informée de la campagne de recrutement du syndicat, 20 membres ont été licenciés. Comme le ministère du Travail et de la Sécurité sociale ne lui a pas délivré de certificat de compétence, le syndicat ne peut défendre ses membres au sein de l’entreprise ni protéger leurs droits.
  11. L’IndustriALL Global Union a écrit une lettre au ministère du Travail et de la Sécurité sociale concernant ces deux cas, mais n’a reçu aucune réponse.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 836. Dans sa communication en date du 28 janvier 2013, le gouvernement indique que les allégations de l’organisation plaignante concernent la situation qui existait avant l’adoption de la loi no 6356 sur les syndicats et les conventions collectives, du 18 septembre 2012, loi qui est entrée en vigueur le 7 novembre 2012. Le gouvernement répond néanmoins de manière détaillée aux allégations de l’organisation plaignante.
  2. 837. S’agissant du droit de négociation collective, le gouvernement se réfère à l’article 53 de la Constitution turque et aux dispositions connexes de la loi no 2822. Il indique en particulier que, conformément à l’article 12, des statistiques publiées par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale en janvier et juillet de chaque année servent d’instrument pour le calcul des 10 pour cent de travailleurs engagés dans une branche d’activité donnée. Par suite de l’amendement de la loi no 5838 (loi en date du 18 février 2009 portant modification de diverses lois), les statistiques n’ont pu être publiées par le ministère en janvier ni en juillet de chaque année en l’absence de règlement législatif connexe. Comme aucun amendement n’a pu être apporté aux lois nos 2821 et 2822, une disposition a été ajoutée à l’article 12 de la loi no 2822 par l’adoption de la loi no 5921, qui est entrée en vigueur le 28 janvier 2010, par laquelle le ministère doit utiliser les statistiques existantes au 1er août 2010. En vertu du règlement adopté conformément à la loi no 6111, qui est entrée en vigueur le 25 février 2011, il a été décidé en outre que de nouvelles statistiques ne seraient pas publiées avant le 30 juin 2011 et que la plus récente liste de membres et les dernières statistiques sur les travailleurs publiées par le ministère seraient considérées comme étant valables jusqu’à la date de publication de nouvelles statistiques. Dans le cadre de la loi no 6236 (loi ajoutant un article provisoire à la loi no 2822 sur les conventions collectives, la grève et le lock-out), il a été décidé en outre que de nouvelles statistiques ne seraient pas publiées avant le 31 décembre 2011 et que la plus récente liste de membres et les dernières statistiques sur les travailleurs publiées par le ministère seraient considérées comme étant valables jusqu’à la date de publication de nouvelles statistiques. Toutefois, en l’absence des statistiques qui auraient dû être publiées en janvier 2012 et en l’absence d’une nouvelle période de suspension, les revendications des syndicats présentant une demande en matière de compétence aux fins de convention collective dans un lieu de travail ou une entreprise ne pouvaient être satisfaites. Bien que les demandes des syndicats au ministre en matière de compétence n’aient pu être traitées conformément à l’article 13 de la loi no 2822 et que les certificats de compétence n’aient pu être délivrés conformément à l’article 16, le gouvernement considère que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale n’a pas manqué à ses obligations relativement à la publication de statistiques.
  3. 838. Le gouvernement indique par ailleurs que des études approfondies ont été réalisées dans le cadre de l’élaboration de la loi no 6356 sur les syndicats et les conventions collectives, au cours des réunions du conseil consultatif tripartite et du comité technique en vue d’harmoniser les lois concernant les droits syndicaux avec les normes de l’OIT et de l’Union européenne. Selon le gouvernement, la loi a été rédigée en consultation avec les partenaires sociaux. Le gouvernement indique en outre que, après l’entrée en vigueur de la loi no 6356, les statistiques ont commencé à être publiées régulièrement et que toutes les données doivent être informatisées.
  4. 839. S’agissant du cas du syndicat Petrol-İş, le gouvernement confirme que le syndicat a présenté au ministère une demande de certificat de compétence dans certains lieux de travail. Il ajoute que, à compter du 1er octobre 2012, 1 688 demandes de certificat de compétence étaient en attente, ce qui représente 349 226 travailleurs. Le gouvernement souligne toutefois que les procédures pour la détermination de compétence qui, pour les raisons susmentionnées, sont temporairement bloquées reprendront leur cours à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi. Par conséquent, les demandes de certificat de compétence présentées par Petrol-İş pour les lieux de travail suivants seront examinées de toute urgence:
    • 1. Gripin Pharmaceutical Co.;
    • 2. Elba Plaster Industry and Trade Inc.;
    • 3. Arili Plastic Industry Inc.;
    • 4. Saba Industrial Products Manufacturing and Trade Inc.;
    • 5. Reckitt Benckiser Cleaning Supplies Industry and Trade Inc.;
    • 6. Urosan Chemical Industry and Trade Inc.;
    • 7. Akin Plastic Industry and Trade Inc.;
    • 8. Sandoz Pharmaceutical Industry and Trade Inc.;
    • 9. Plastimak Profiled Injection Industry and Trade Limited Co.;
    • 10. Plaskar Plastic Injection, Automotive, Accessories, Transport, Packaging, Molding Industry, Import, Export, Trade and Industry Inc.;
    • 11. Mehmetcik Foundation Tourism, Oil, Instruction, Health, Food and Trade Limited Co.
  5. Cependant, selon le gouvernement, lorsque certains des registres du ministère ont été examinés, d’autres questions ont fait surface concernant les lieux de travail suivants mentionnés dans les demandes de Petrol-İş:
    • ■ Erze Packaging and Plastic Industry and Trade Inc. – Petrol-İş a présenté une demande de détermination de la compétence le 19 décembre 2011. Toutefois, comme le syndicat a contesté la décision concernant une demande antérieure en matière de compétence (rejetée en l’absence du quorum requis) et, à cet égard, une affaire était en attente de jugement devant le cinquième tribunal du travail d’Izmir, le syndicat a été prié de communiquer une «règle d’annotation spécifique». Bien que, par la suite, le 13 janvier 2012, le syndicat ait indiqué que neuf autres membres étaient inscrits, et le quorum requis ainsi atteint, le syndicat a été à nouveau prié dans une lettre en date du 2 mars 2012 de communiquer la «règle d’annotation spécifique»; le syndicat n’a encore rien fait en ce sens.
    • ■ Plastiform Plastic Industry and Trade Inc. – Une demande de détermination de la compétence a été présentée le 22 mai 2012. Toutefois, lorsque les registres pertinents ont été examinés, il est apparu que le bureau du procureur en chef d’İnegöl enquêtait sur des allégations de violations des droits syndicaux à l’entreprise.
  6. 840. Concernant l’allégation selon laquelle, sans certificat de compétence, les syndicats ne peuvent bénéficier de la retenue à la source des cotisations syndicales, le gouvernement indique qu’il n’y aura plus de problème à cet égard lorsque la nouvelle loi entrera en vigueur.
  7. 841. Concernant l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle les syndicats ne pouvant obtenir de certificat de compétence ne peuvent désigner de représentants syndicaux et cette situation compromet la viabilité organisationnelle des syndicats, le gouvernement se réfère à l’article 34 de la loi no 2821, qui exige effectivement que le syndicat ait un certificat de compétence pour pouvoir désigner un délégué syndical. Le gouvernement convient qu’un délégué syndical demeure en fonction tant que le syndicat est déclaré compétent, et que cette situation pose problème pour les lieux de travail qui ont présenté une demande de détermination de la compétence à compter de février 2012. Le gouvernement indique, cependant, que le ministère commencera à examiner la question de la compétence des syndicats autorisés. Lorsque la nouvelle loi entrera en vigueur, les syndicats qui auront obtenu un certificat de compétence pourront désigner leurs représentants.
  8. 842. Concernant l’allégation selon laquelle la suspension des droits de négociation collective porte atteinte aux droits syndicaux des travailleurs, le gouvernement fournit les éléments d’information suivants au sujet des entreprises mentionnées dans la plainte:
    • ■ Togo Footwear Industry and Trade Inc. – Selon les dossiers du ministère, il ressort que, pour conclure une convention collective à l’entreprise, Deri-İş a adressé au ministère une demande de détermination de la compétence le 4 avril 2012. Toutefois, comme il est expliqué plus haut, à compter du 1er février 2012, une telle détermination ne pouvait être faite. Une instance a été introduite au troisième tribunal du travail d’Ankara en vue de l’examen de l’allégation selon laquelle 35 travailleurs auraient été licenciés par l’employeur par suite de la demande présentée par Deri-İş au ministère. Après examen des registres du ministère concernant le lieu de travail, il semblerait que, au 16 novembre 2011, 56 travailleurs étaient employés par l’entreprise; toutefois, il n’y avait aucune information sur le nombre de syndiqués. Le gouvernement indique en outre que, au 4 avril 2012, 33 travailleurs sur 59 étaient syndiqués. Deri-İş a saisi la présidence de la Commission d’enquête sur les droits de l’homme de la Grande Assemblée nationale de Turquie en alléguant que tous les travailleurs qui étaient syndiqués avaient été licenciés. Une instance a également été introduite au tribunal du travail. Aucune demande n’a été faite à la direction provinciale de l’Agence pour le travail et l’emploi à Ankara concernant cette question.
    • ■ Ceha Office Furniture Limited Company – Le Syndicat unifié des métallurgistes a saisi le ministère le 5 mars 2012, lui demandant de déterminer de quelle branche d’activité relevait l’entreprise. Après examen par les inspecteurs du travail du ministère, il a été établi que ce lieu de travail relevait de la métallurgie, numéro de série 13, selon la Réglementation des branches d’activité. Le syndicat a affirmé que les travailleurs avaient été licenciés par suite de la présentation d’une demande de détermination de la compétence. Après une enquête effectuée par la direction provinciale de l’Agence pour le travail et l’emploi à Kayseri, il a été établi que les contrats de 20 travailleurs avaient pris fin par le versement d’indemnités de préavis et de licenciement. Il a été conclu, toutefois, qu’aucun travailleur n’a été licencié du fait de ses activités syndicales.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 843. Le comité note que l’organisation plaignante, dans le présent cas l’IndustriALL Global Union, allègue que, depuis le début de 2012, aucun syndicat n’a obtenu de certificat de compétence, d’où la suspension de fait des droits de négociation collective dans le pays et l’incapacité des syndicats à désigner leurs représentants, à bénéficier de la retenue à la source des cotisations syndicales, et à protéger leurs membres contre des actes de discrimination et d’intimidation. Le comité prend note de la réponse détaillée fournie par le gouvernement à ce sujet et observe que, de façon générale, le gouvernement ne réfute pas les allégations de l’organisation plaignante.
  2. 844. Le comité regrette la suspension de fait, en 2012, des droits de négociation collective dans le pays, qui a provoqué la suspension du droit de retenue à la source des cotisations syndicales et du droit d’élire des représentants, et rappelle que le droit de négocier librement avec les employeurs au sujet des conditions de travail constitue un élément essentiel de la liberté syndicale, et que les syndicats devraient avoir le droit, par le moyen de négociations collectives ou par tout autre moyen légal, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu’ils représentent. Les autorités publiques devraient s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal. Toute intervention de ce genre semblerait une violation du principe selon lequel les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d’action. Le comité rappelle en outre que les accords doivent être obligatoires pour les parties. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 881.] Le comité note, cependant, l’indication du gouvernement selon laquelle les allégations de l’organisation plaignante concernant la situation qui existait avant l’adoption, le 18 septembre 2012, de la loi no 6356 sur les syndicats et les conventions collectives, loi qui est entrée en vigueur le 7 novembre 2012, et que, par suite de l’entrée en vigueur de cette nouvelle loi, toutes les demandes de détermination de la compétence seront examinées, dont celles qu’évoque l’organisation plaignante. Selon le gouvernement, cela résoudra les questions de négociation collective, de retenue à la source des cotisations syndicales et de représentation syndicale soulevées par l’organisation plaignante. Tout en notant que les allégations concernant la loi no 6356 ont été récemment présentées dans le contexte d’un autre cas, qu’il examinera lorsque la réponse du gouvernement à ce sujet aura été reçue, le comité s’attend à ce que toutes les demandes de détermination de la compétence en matière de négociation collective, dont celles mentionnées dans la plainte, soient examinées sans délai pour que les travailleurs puissent exercer leurs droits de négociation collective, jouir de leur droit d’élire leurs représentants, et bénéficier de la retenue à la source des cotisations syndicales comme le prévoit la législation nationale. Le comité demande au gouvernement et à l’organisation plaignante de le tenir informé à cet égard. Concernant la société Plastiform Plastic Industry and Trade Inc., le comité note que, selon le gouvernement, une enquête sur les allégations de violations des droits syndicaux est en cours et considère que cela ne devrait pas empêcher le ministère d’examiner la demande de détermination de la compétence présentée par Petrol-İş.
  3. 845. S’agissant du licenciement de 35 travailleurs de la société Togo Footwear Industry and Trade Inc., le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle, bien que le syndicat ait saisi la présidence de la Commission d’enquête sur les droits de l’homme de la Grande Assemblée nationale de Turquie et qu’une affaire soit en instance à cet égard devant le tribunal du travail, aucune demande n’a été présentée à la direction provinciale de l’Agence pour le travail et l’emploi à Ankara. Le comité rappelle que la discrimination antisyndicale est une des violations les plus graves de la liberté syndicale puisqu’elle peut compromettre l’existence même des syndicats. Le gouvernement a la responsabilité de prévenir tous actes de discrimination antisyndicale et doit veiller à ce que les plaintes pour des pratiques discriminatoires de cette nature soient examinées dans le cadre d’une procédure nationale qui doit être prompte, impartiale et considérée comme telle par les parties intéressées. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 769 et 817.] Le comité veut croire que toute information relative au caractère antisyndical présumé du licenciement sera examinée par le tribunal à la lumière des principes précités et il s’attend à ce que la décision soit rendue dans les meilleurs délais. Le comité s’attend également à ce que, dans l’éventualité où la discrimination antisyndicale a été établie, les travailleurs concernés soient réintégrés sans perte de salaire. Dans les cas où une réintégration s’avère impossible pour des raisons objectives et impérieuses, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que soit versée aux travailleurs concernés une indemnisation adéquate qui constituerait une sanction suffisamment dissuasive contre les licenciements antisyndicaux. Il prie le gouvernement de communiquer le jugement du tribunal dès qu’il sera rendu, ainsi qu’une copie des constatations de la Commission d’enquête sur les droits de l’homme.
  4. 846. En ce qui a trait au licenciement des 20 travailleurs de la Ceha Office Furniture Limited Company, le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle la direction provinciale de l’Agence pour le travail et l’emploi à Kayseri a effectué une enquête qui a révélé que les contrats de 20 travailleurs ont effectivement pris fin par le versement d’indemnités de préavis et de licenciement, mais qu’aucun travailleur n’a été licencié du fait de ses activités syndicales. Au nom des principes mentionnés ci-dessus, le comité prie le gouvernement de fournir une copie du rapport d’enquête.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 847. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité demande au Conseil d’administration d’approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité s’attend à ce que toutes les demandes de détermination de la compétence en matière de négociation collective, dont celles mentionnées dans la plainte, soient examinées sans délai pour que les travailleurs puissent exercer leurs droits de négociation collective, jouir de leur droit d’élire leurs représentants et bénéficier de la retenue à la source des cotisations syndicales comme le prévoit la législation nationale. Le comité demande au gouvernement et à l’organisation plaignante de le tenir informé à cet égard.
    • b) S’agissant du licenciement de 35 travailleurs de la société Togo Footwear Industry and Trade Inc., le comité veut croire que toute information relative au caractère antisyndical présumé du licenciement sera examinée par les tribunaux à la lumière des principes précités et il veut croire que la décision sera rendue dans les meilleurs délais. Le comité s’attend également à ce que, dans l’éventualité où la discrimination antisyndicale a été établie, les travailleurs concernés soient réintégrés sans perte de salaire. Dans les cas où une réintégration s’avère impossible pour des raisons objectives et impérieuses, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que soit versée aux travailleurs concernés une indemnisation adéquate qui constituerait une sanction suffisamment dissuasive contre les licenciements antisyndicaux. Il prie le gouvernement de communiquer le jugement du tribunal dès qu’il sera rendu, ainsi qu’une copie des constatations de la Commission d’enquête sur les droits de l’homme.
    • c) En ce qui a trait au licenciement des 20 travailleurs de la Ceha Office Furniture Limited Company, le comité prie le gouvernement de fournir une copie du rapport d’enquête.
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