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Rapport intérimaire - Rapport No. 365, Novembre 2012

Cas no 2871 (El Salvador) - Date de la plainte: 13-JUIN -11 - En suivi

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Allégations: Déclaration d’illégalité d’une grève au sein de l’entreprise LIDO S.A. de C.V.; détention de son dirigeant syndical et licenciement de représentants des travailleurs

  1. 603. La plainte figure dans une communication de la Confédération syndicale des travailleuses et des travailleurs d’El Salvador (CSTS), la Fédération syndicale des travailleurs salvadoriens du secteur des produits alimentaires, des boissons, de l’hôtellerie et de la restauration, et de l’industrie agroalimentaire (FESTSSABHRA) et du Syndicat de l’entreprise LIDO S.A. de C.V. (SELSA) en date du 13 juin 2011. Lesdites organisations ont transmis des informations complémentaires et de nouvelles allégations par des communications en date du 11 juillet et du 3 octobre 2011.
  2. 604. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 20 août 2012.
  3. 605. El Salvador a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 606. Dans leurs communications en date du 13 juin, du 11 juillet et du 3 octobre 2011, la Confédération syndicale des travailleuses et des travailleurs d’El Salvador (CSTS), la Fédération syndicale des travailleurs salvadoriens du secteur des produits alimentaires, des boissons, de l’hôtellerie et de la restauration, et de l’industrie agroalimentaire (FESTSSABHRA) (entité salvadorienne affiliée à l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA)) et le Syndicat de l’entreprise LIDO S.A. de C.V. (SELSA) allèguent que l’entreprise LIDO S.A. de C.V. se consacre depuis soixante-sept ans à la fabrication de diverses variétés de pain blanc, pan dulce, pâtisseries et cakes. De même, est en vigueur depuis plus de quarante ans une convention collective du travail dont la dernière révision remonte à l’année 2007; cette convention collective est révisée tous les trois ans, et sa clause salariale chaque année.
  2. 607. En décembre 2008, le syndicat a demandé la révision du barème des salaires pour qu’il puisse entrer en vigueur la deuxième semaine de février 2009, conformément aux dispositions de la clause 43 de ladite convention collective du travail. A cette occasion, il a été conclu, en raison de la crise économique internationale, que l’augmentation entrerait en vigueur en décembre 2009 et qu’il n’y aurait pas de révision salariale prévue pour février 2010. Faisant preuve de souplesse, le SELSA a accepté cet accord en décembre 2010 et a présenté une nouvelle demande de révision de la clause salariale pour une entrée en vigueur en février 2011. Durant cette phase, l’entreprise a refusé catégoriquement de procéder à une augmentation salariale en arguant de la crise économique et du faible niveau des ventes. Après avoir suivi toutes les étapes et les prescriptions légales requises, le syndicat a lancé une grève au cours de laquelle le directeur adjoint de la production, M. José Heriberto Pacas, a lancé des accusations fallacieuses qui ont abouti à l’arrestation du dirigeant syndical, M. Guadalupe Atilio Jaimes Pérez, et à son emprisonnement pendant quatre jours.
  3. 608. La chronologie des faits est la suivante:
    • – Le 20 décembre 2010, le SELSA demande au ministère du Travail de commencer la phase de contacts directs en vue de réviser la clause salariale en présentant toute la documentation nécessaire à l’appui.
    • – Le 26 janvier 2011 commencent les négociations de contacts directs convoquées par le ministère du Travail. Durant cette phase, aucun accord n’est conclu du fait que l’entreprise ne propose aucune augmentation salariale.
    • – Le 7 mars 2011 commence la phase de conciliation sous les auspices du ministère du Travail.
    • – Le 8 avril, le ministère fait savoir que la phase de conciliation est terminée sans que l’entreprise n’ait fait d’offre d’augmentation salariale.
    • – Le 11 avril, le syndicat sollicite la phase d’arbitrage.
    • – Le 14 avril, l’entreprise rejette la phase d’arbitrage; la décision est notifiée par le ministère du Travail au SELSA le 15 avril.
    • – Le 28 avril, le SELSA informe le ministère du Travail de la décision des travailleurs de lancer une grève.
    • – Le 11 mai, le SELSA communique l’accord de grève au ministère du Travail.
    • – Le 13 mai, le ministère du Travail notifie à l’entreprise l’accord de grève, les travailleurs de l’entreprise LIDO étant habilités à lancer une grève dans les trente jours.
    • – Le 16 mai, l’entreprise place 17 travailleurs en congé annuel dans une démarche visant clairement à perturber le droit de grève, et le syndicat demande le même jour une inspection du ministère du Travail.
    • – Le 6 juillet, l’entreprise place 15 autres travailleurs en congé annuel dans le cadre d’une nouvelle opération de perturbation du droit de grève.
    • – Le ministère du Travail réalise l’inspection sur la base des faits dénoncés le 16 mai.
    • – Le 8 juillet, date du démarrage de la grève, la police nationale civile procède à l’arrestation du dirigeant syndical, M. Guadalupe Atilio Jaimes Pérez (secrétaire général du syndicat), suite à une plainte du sous-directeur de la production pour menaces de mort à son encontre, et il est incarcéré avec des prisonniers de droit commun dans les locaux de San Bartolo-llopango.
    • – Durant la nuit du 8 juillet, l’avocat de l’entreprise LIDO, M. Sergio Méndez, évoque la possibilité d’abandonner les poursuites contre le dirigeant syndical en échange d’une levée de la grève par les travailleurs.
    • – Le dirigeant syndical est libéré l’après-midi du 12 juillet.
    • – Le 13 juillet a lieu l’audience au premier tribunal de paix d’llopango, au cours de laquelle sont ordonnées des mesures de substitution à l’arrestation et est décrété le lancement de l’instruction formelle.
    • – Le 17 juillet, le cinquième tribunal du travail de San Salvador, par l’intermédiaire du tribunal de paix de Soyapango, notifie aux travailleurs grévistes la déclaration d’illégalité de la grève et donne jusqu’au 20 juillet pour lever le moyen de pression.
    • – Les travailleurs déclarent la fin de la grève l’après-midi du 18 juillet sans obtenir d’augmentation salariale.
  4. 609. Les organisations plaignantes soulignent que les travailleurs ont respecté chacun des principes liés à l’exercice du droit de grève: 1) l’obligation de donner un préavis; 2) l’obligation de recourir à la conciliation, à la médiation et à l’arbitrage (volontaire) dans les conflits collectifs comme condition préalable à la déclaration de grève; 3) l’obligation de respecter un quorum précis et d’obtenir l’accord d’une majorité de travailleurs et l’organisation d’un vote à bulletin secret pour décider de la tenue de la grève; 4) l’adoption de moyens pour respecter les règles de sécurité et éviter les accidents, et le maintien d’un service minimal dans certains cas; et 5) la garantie de la liberté de travail des non-grévistes.
  5. 610. Les organisations plaignantes signalent le lancement de procédures de licenciement visant à nuire aux représentants des travailleurs de l’entreprise LIDO S.A. de C.V. et de l’entreprise FAMOLCAS S.A. de C.V., entreprise sous-traitante de LIDO S.A. de C.V. (Mmes Ana María Barrios Jiménez et María Isabel Oporto Jacinta, et M. Oscar Armando Pineda).

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 611. Dans sa communication en date du 20 août 2012, le gouvernement déclare que, à la Direction générale du travail du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, on peut trouver le dossier no 35/2010 relatif au conflit collectif portant sur la révision salariale de la convention collective du travail déposé le 20 décembre 2010 par le Syndicat de l’entreprise LIDO S.A. de C.V. (SELSA) à l’encontre de la société LIDO S.A. de C.V. Selon le dossier, conformément à l’article 538 du Code du travail, les parties mentionnées ont été accompagnées par les représentants de ce ministère dans le cadre d’une inspection spéciale visant à contrôler le déroulement pacifique de la grève. Durant celle-ci, une table ronde de dialogue a été créée, avec des représentants de la direction et des syndicats. A cette occasion, les représentants syndicaux ont fait savoir qu’ils avaient demandé une inspection spéciale, car les représentants de la société LIDO S.A. de C.V. avaient violé le droit de grève en avançant les congés annuels de 15 personnes parmi lesquelles se trouvaient des travailleurs et des dirigeants syndicaux. Cette opération visait à affaiblir le mouvement de grève.
  2. 612. Le gouvernement ajoute que, à la table ronde de dialogue, les représentants syndicaux ont présenté une plate-forme de revendications contenant notamment les points suivants: 1) création d’un comité de dialogue comportant des personnes ayant un pouvoir de décision au sein de l’entreprise LIDO S.A. de C.V.; 2) augmentation salariale applicable à tous les travailleurs des sociétés LIDO S.A. de C.V. et FAMOLCAS S.A. de C.V.; 3) absence de représailles contre les travailleurs ayant participé à la grève; 4) licenciement du dirigeant de l’usine, M. Geovanny Sanchéz, et du sous-directeur de la production, M. Heriberto Pacas; enfin, 5) remboursement des salaires déduits aux dirigeants syndicaux durant la période concernée.
  3. 613. La société LIDO S.A. de C.V. a démenti les accusations du syndicat, selon lesquelles elle aurait affaibli la grève en avançant les vacances des travailleurs, en affirmant que les congés ont eu lieu à la demande d’un dirigeant syndical. En ce qui concerne l’augmentation salariale, elle a continué à déclarer ne pas avoir la capacité d’accorder l’augmentation demandée et avoir proposé d’acquérir des produits du panier de base à des prix de gros par l’intermédiaire de l’entreprise.
  4. 614. Durant la visite d’inspection, les représentants du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale ont été informés d’une altercation entre M. Guadalupe Atilio Jaimes Pérez et M. Heriberto Pacas; selon les informations portées à leur connaissance, ils se seraient battus. Trois agents de la police nationale civile se sont rendus sur les lieux et ont procédé à l’arrestation de M. Jaimes, du fait que M. Pacas se présentait comme l’agressé. Le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale n’a pas eu connaissance de l’issue du fait susmentionné.
  5. 615. Par la suite, le 2 septembre 2011, M. Guadalupe Atilio Jaimes Pérez, secrétaire général du SELSA, s’est présenté au ministère du Travail et de la Prévoyance sociale avec un écrit dans lequel il a déclaré avoir suivi toutes les étapes prévues par la loi pour le conflit collectif; aucun accord commun n’ayant été signé, et la date d’expiration de la convention collective de travail étant proche, un accord a été conclu pour sortir du conflit et procéder à la révision du contrat en raison de l’expiration de son délai de validité; la Direction générale du travail du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale a donc procédé à l’archivage du dossier concerné.
  6. 616. Par ailleurs, après avoir procédé aux consultations respectives auprès de la police nationale civile, le gouvernement, par l’intermédiaire de la communication PNC/DG no 13 0356 12, fait état des informations suivantes: le 8 juin 2011, M. José Heriberto Pacas s’est présenté au département des enquêtes du poste de police de Soyapango pour porter plainte contre M. Guadalupe Atilio Jaimes Pérez qui, selon la plainte, le jour même, vers 14 heures, a proféré des menaces à son encontre et l’a agressé physiquement. Les faits ont eu lieu au sein de l’entreprise LIDO S.A. de C.V. située au kilomètre 5 du boulevard de l’Armée nationale, lieu où ces deux personnes travaillent. De même, M. Pacas, le 9 juin 2011 à 14 h 30, en sa qualité de victime, a déposé une plainte pénale pour menaces contre M. Guadalupe Atilio Jaimes Pérez.
  7. 617. De ce fait, le 8 juin 2011, le procureur de garde du parquet municipal de Soyapango a émis l’ordonnance no 1298-UDV-SOY-2011 dans laquelle il demande que l’on inculpe M. Guadalupe Atilio Jaimes Pérez pour menaces à l’encontre de M. José Heriberto Pacas. Le 9 juin 2011 à 17 heures, des fonctionnaires de police du département des enquêtes du poste de Soyapango ont procédé à l’arrestation de M. Guadalupe Atilio Jaimes Pérez et l’ont inculpé pour délit de menaces au préjudice de M. José Heriberto Pacas; enfin, selon la note no 1949-3-11, en date du 12 juillet 2011, le premier tribunal de paix de Soyapango a ordonné la remise en liberté de M. Atilio Jaimes Pérez.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 618. Le comité note que dans le présent cas l’organisation plaignante allègue: 1) la décision de l’entreprise de mettre 17 travailleurs, puis ultérieurement 15 autres travailleurs, en congé annuel imposé, cela en violation flagrante du droit de grève; 2) la détention du 8 au 12 juillet 2011 de M. Guadalupe Atilio Jaimes Pérez, secrétaire général du SELSA, et des poursuites pénales à son encontre en raison d’une plainte fallacieuse du sous-directeur de la production de l’entreprise LIDO S.A. de C.V. alléguant des menaces; 3) la déclaration d’illégalité de la grève, le 17 juillet 2011, par l’autorité judiciaire qui ordonne sa levée malgré le fait qu’elle avait pour objet des augmentations salariales; 4) le lancement d’une procédure de licenciement à l’encontre de représentants des travailleurs de l’entreprise LIDO S.A. de C.V. et de l’entreprise sous-traitante FAMOLCAS S.A. de C.V. (Mmes Ana María Barrios Jiménez et María Isabel Oporto Jacinta, et M. Oscar Armando Pineda). Le comité note que, selon le gouvernement, le ministère du Travail a accompagné les parties à une table ronde de dialogue durant la grève.
  2. 619. Le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles l’autorité judiciaire a ordonné la remise en liberté du dirigeant syndical, M. Guadalupe Atilio Jaimes Pérez (qui avait été inculpé du délit de menaces au sein de l’entreprise LIDO S.A. de C.V. à l’encontre du sous-directeur de la production; il avait été détenu du 9 au 12 juillet 2011). Le comité prie le gouvernement de préciser si ce dirigeant syndical fait toujours l’objet de poursuites et, dans l’affirmative, de lui communiquer le jugement qui sera prononcé.
  3. 620. Le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle le dirigeant susmentionné du SELSA s’est formellement désisté du conflit collectif auprès du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale qui a archivé le dossier relatif au conflit du travail, et qu’il s’est désisté pour pouvoir procéder à la révision de la convention collective du travail du fait de l’expiration de son délai de validité. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  4. 621. En ce qui concerne les allégations relatives aux congés annuels imposés par l’entreprise aux travailleurs durant la grève, le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle selon la compagnie le congé annuel payé des travailleurs a été avancé à la requête d’un dirigeant syndical. Le comité prie les organisations plaignantes de répondre à cette affirmation. S’agissant de l’allégation relative à la déclaration d’illégalité de la grève, le comité observe que la grève a conduit à l’octroi d’une augmentation des salaires et qu’ainsi la déclaration d’illégalité de la grève sur cette base ne paraît pas justifiée. Le comité exprime sa préoccupation et prie le gouvernement de communiquer la décision judiciaire déclarant illégale la grève des travailleurs de l’entreprise LIDO S.A. de C.V.
  5. 622. Enfin, le comité note que le gouvernement n’a pas répondu à l’allégation relative au licenciement des syndicalistes, Mmes Ana María Barrios Jiménez et María Isabel Oporto Jacinta, et M. Oscar Armando Pineda, et le prie de lui faire parvenir ses observations sans délai.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 623. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du cours de la révision de la convention collective demandée par le syndicat du fait de l’expiration de son délai de validité au sein de l’entreprise LIDO S.A. de C.V.
    • b) Le comité prie le gouvernement de préciser si le dirigeant syndical, M. Guadalupe Atilio Jaimes Pérez (dont la remise en liberté a été ordonnée par l’autorité judiciaire), fait toujours l’objet de poursuites et, dans l’affirmative, de lui communiquer le jugement qui sera prononcé.
    • c) Le comité prie les organisations plaignantes de répondre à l’affirmation que le congé annuel des travailleurs a été avancé à la demande d’un dirigeant syndical.
    • d) Le comité prie le gouvernement de communiquer le jugement qui, selon les allégations, aurait déclaré illégale la grève lancée au sein de l’entreprise.
    • e) Enfin, le comité note que le gouvernement n’a pas répondu à l’allégation relative au licenciement des syndicalistes, Mmes Ana María Barrios Jiménez et María Isabel Oporto Jacinta, et M. Oscar Armando Pineda, et le prie d’envoyer ses observations sans délai.
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