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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 365, Novembre 2012

Cas no 2758 (Fédération de Russie) - Date de la plainte: 20-JANV.-10 - En suivi

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Allégations: Les organisations plaignantes allèguent de nombreuses violations des droits syndicaux, y compris des agressions physiques de dirigeants syndicaux, des violations de la liberté d’opinion et d’expression, l’ingérence des pouvoirs publics dans les activités des syndicats, le refus par les autorités d’enregistrer des syndicats, des actes de discrimination antisyndicale et l’absence de mécanisme efficace pour assurer une protection contre les actes de cette nature, le refus d’octroyer des facilités aux représentants des travailleurs, des violations du droit de négociation collective et l’absence d’enquête des autorités sur ces violations

  1. 1301. La plainte figure dans une communication de la Confédération du travail de Russie (VKT) et de la Confédération russe du travail (KTR) datée du 20 janvier 2010. Depuis le dépôt de la plainte, les organisations plaignantes ont fusionné au sein de la KTR. La KTR a présenté de nouvelles allégations et des informations complémentaires dans des communications en date du 18 octobre 2010 et du 9 décembre 2011.
  2. 1302. Dans des communications datées respectivement des 2, 4, 10, 15 et 22 février 2010, la Confédération syndicale internationale (CSI), l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA), la Fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie (FIOM), la Fédération des syndicats indépendants de Russie (FNPR) et la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) se sont associées à cette plainte.
  3. 1303. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications datées du 24 septembre 2010, du 1er mars, des 12 et 23 mai, du 1er août 2011 et du 3 février 2012.
  4. 1304. La Fédération de Russie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 1305. Dans ses communications en date du 20 janvier et du 18 octobre 2010, la Confédération russe du travail a présenté une plainte contre le gouvernement de la Fédération de Russie faisant état de nombreuses allégations de violations de la liberté syndicale dans le pays (Note 1).

    Agressions physiques, harcèlement et intimidation à l’encontre de dirigeants syndicaux

  1. 1306. L’organisation plaignante décrit de manière détaillée des agressions physiques subies par des dirigeants syndicaux et allègue que les autorités n’ont pas dûment enquêté sur ces faits. En premier lieu, la KTR affirme que, en novembre 2008, M. Alexey Etmanov, président du syndicat de base dans l’entreprise automobile Ford, a été attaqué et battu à deux reprises. Après le premier incident, qui s’est produit le 7 novembre, M. Etmanov a déposé une plainte officielle auprès du bureau du procureur local. Le bureau du procureur a, dans un premier temps, refusé d’ouvrir une procédure pénale. Un mois plus tard environ, cette décision a été cassée par le procureur adjoint de la région de Leningrad, qui a demandé un supplément d’enquête. L’organisation plaignante allègue en outre que, le 21 novembre 2008, alors qu’il entrait dans l’immeuble où il réside, M. Etmanov a été agressé par un homme armé d’une barre de fer. M. Etmanov a appelé un inspecteur de police local, qui a arrêté l’assaillant et l’a emmené au poste de police. Toutefois, l’agresseur a été relâché; après s’être présenté à une séance d’interrogatoire accompagné d’un avocat, il a disparu. M. Etmanov a été informé par la suite que la police ne parvenait pas à retrouver le suspect. M. Etmanov a déposé plainte auprès des autorités mais, comme dans la première affaire, on ignore pour l’instant le résultat de l’enquête.
  2. 1307. Deuxièmement, l’organisation plaignante allègue que, en décembre 2008, M. Evgeniy Ivanov, président de l’organisation de premier niveau de l’Union interrégionale des travailleurs de l’industrie automobile (MPRA), a reçu plusieurs appels téléphoniques d’un homme qui lui a affirmé savoir quel jardin d’enfants fréquentaient ses fils, et lui a recommandé de cesser ses activités syndicales. M. Ivanov a enregistré les appels et a déposé des plaintes au poste de police, demandant l’ouverture d’une procédure pénale. La police a toutefois jugé que les enregistrements ne contenaient aucun élément criminel et elle a refusé d’engager une procédure. Le 8 février 2009, deux personnes non identifiées ont agressé M. Ivanov devant son domicile, le frappant au visage à plusieurs reprises. M. Ivanov a été soigné pour contusion et fracture du nez. Il a déposé une plainte auprès de la police, à la suite de laquelle une procédure pénale a été ouverte le 10 février 2009. Peu de temps après cette agression, M. Ivanov a été convoqué à une réunion avec des fonctionnaires de l’Office de Saint-Pétersbourg de lutte contre l’extrémisme (centre «E») du ministère de l’Intérieur. Les fonctionnaires ont tenté de convaincre M. Ivanov de coopérer avec eux, en lui demandant de devenir leur informateur sur les activités des syndicats de l’entreprise et de Saint-Pétersbourg. Pensant que les fonctionnaires étaient mêlés à l’agression, M. Ivanov s’est adressé au département de police du district de Kolpino pour demander que l’enquête pénale soit transférée au bureau du procureur. Cette demande a été rejetée. Le tribunal du district de Kolpino a aussi refusé d’examiner l’affaire, au motif que tout litige concernant les compétences en matière d’enquête relève des prérogatives du bureau du procureur et non du tribunal. En outre, la demande d’une enquête sur l’éventuelle participation des fonctionnaires du centre «E» avec l’agression du 8 février a été rejetée. La procédure pénale a été suspendue par la suite en raison de l’impossibilité d’identifier les responsables.
  3. 1308. La troisième affaire concerne les agressions subies par M. Sergey Bryzgalov et M. Alexey Gramm, militants du syndicat de base dans l’entreprise TagAZ à Taganrog. Les deux syndicalistes ont été roués de coups par des inconnus le 24 juin 2008. La veille de l’agression, M. Gramm avait participé à un piquet organisé par le syndicat à l’entrée de l’entreprise pour exiger de la direction qu’elle respecte la législation du travail, qu’elle délivre des fiches de paie et qu’elle reconnaisse le syndicat. A la suite de ces attaques, M. Bryzgalov et M. Gramm ont déposé plainte auprès de la police en relevant les relations entre les agressions et leurs activités syndicales. Toutefois, selon M. Bryzgalov, la police n’a pas réagi aux plaintes et elle a clos le dossier le 26 juillet 2008. Le 24 juillet 2008, alors qu’il regagnait son domicile après sa journée de travail, M. Bryzgalov a été à nouveau attaqué et battu par une personne non identifiée.

    Violation de la liberté d’opinion et d’expression

  1. 1309. L’organisation plaignante affirme que, dans sa décision du 28 août 2009, le tribunal du district de Zavoljsky de la ville de Tver a déclaré que les tracts, journaux et documents syndicaux préparés et diffusés par les militants syndicaux de la MPRA dans l’entreprise «Tsentrosvarmash» de Tver étaient des documents à caractère extrémiste. L’organisation plaignante indique que la liste fédérale de documents extrémistes, qui est régulièrement compilée par le ministère de la Justice, a été mise à jour en automne 2009, après cette décision, pour inclure les éléments suivants:
    • – tracts avec en-tête comprenant une caricature représentant une courbe économique à la baisse accompagnée du slogan «Faisons payer la crise à ceux qui l’ont causée!»;
    • – tract avec en-tête comportant l’emblème de la MPRA et le slogan «Contre les emplois de mauvaise qualité»;
    • – tract avec un titre «Faisons payer la crise à ceux qui l’ont causée!» et un pied de page comportant un emblème «SotsSopr» et l’appellation entière de l’organisation, «Résistance socialiste (Section du Comité pour l’Internationale des travailleurs dans la CEI)», accompagnée du site Web, de l’adresse de courrier électronique et d’un numéro de téléphone mobile à Tver;
    • – tract avec un en-tête comportant l’emblème «Syndicat MPRA Tsentrosvarmash», les mots «Camarades travailleurs!» en accroche et un rapport intitulé «Formation d’un nouveau syndicat»;
    • – tract comportant l’emblème de la MPRA et le slogan «Nous exigeons d’être payés pour notre travail de nuit!»;
    • – tract comportant un en-tête avec une caricature montrant le «coupable de la crise» au sommet de la page, portant un haut-de-forme orné du symbole du dollar, avec au-dessus de la tête un graphique montrant une courbe de récession économique et le slogan «Ce n’est pas à nous de payer leur crise».
  2. L’organisation plaignante relève que l’article 13 de la loi sur la prévention des activités extrémistes, du 27 juin 2002, telle qu’amendée le 29 avril 2008, interdit de diffuser, de produire et de détenir des publications à caractère extrémiste.
  3. 1310. La KTR explique que la décision du tribunal était fondée sur le raisonnement suivant: «Sur la base d’une analyse linguistique effectuée le 12 mars 2009 par un expert de la faculté des lettres de l’Université d’Etat de Tver, ce tract a été jugé contenir des indications d’activité extrémiste, inciter à la discorde et à l’hostilité sociales et encourager l’exclusion en prêchant la supériorité ou l’infériorité des personnes en fonction du groupe social auquel elles appartiennent.» La décision ne cite cependant aucune formule précise pour indiquer en quoi les documents seraient de nature extrémiste.
  4. 1311. Selon la KTR, l’affaire a été entendue sur requête du procureur adjoint du district de Zavoljsky de la ville de Tver. La direction de l’entreprise «Tsentrosvarmash» ainsi que des fonctionnaires du ministère de la Justice de la région de Tver ont été cités à comparaître en tant que tiers. Ni la MPRA ni sa section locale dans l’entreprise «Tsentrosvarmash» n’ont été invitées à assister à l’audience, dont elles n’ont pas été informées, et la décision du tribunal ne leur a pas été communiquée.
  5. 1312. Le 4 février 2010, la MPRA a fait appel devant le tribunal de province de Tver de la décision rendue par le tribunal du district de Zavoljsky. Toutefois, le 8 février 2010, le président du tribunal de province a décidé de rejeter l’appel de la MPRA, sans audience sur le fond, pour les motifs suivants: «Selon l’article 376, alinéa 2, du Code de procédure pénale, toute décision de justice peut faire l’objet d’un recours devant une juridiction supérieure dans un délai de six mois, à condition que les recourants aient épuisé les autres voies de recours. Or la décision rendue le 28 août 2009 par le tribunal du district n’a pas fait l’objet d’un recours en cassation.» Le juge a en outre considéré qu’un appel devant l’instance de contrôle doit être rejeté sans examen quant au fond si les pièces jointes ne contiennent pas des copies certifiées conformes par le tribunal de la décision de justice contre laquelle le recours est formulé. L’appel de la MPRA ne remplissait pas cette condition. Sur ce point, la KTR explique que ni la MPRA ni sa section locale dans l’entreprise «Tsentrosvarmash» n’ont été en mesure d’obtenir des copies certifiées conformes de la décision du tribunal du district de Zavoljsky parce que ledit tribunal a catégoriquement refusé de fournir des copies à toute personne qui n’est pas partie à l’affaire. Seule l’intervention d’un député a permis d’obtenir le texte de la décision, avec plusieurs mois de retard.
  6. 1313. Le 18 mars 2010, la MPRA a déposé un recours auprès du tribunal du district de Tver à Moscou contre les mesures judiciaires prises par le ministère de la Justice pour inscrire les publications d’information de l’organisation de premier niveau du syndicat dans l’entreprise «Tsentrosvarmash» au registre fédéral des documents à caractère extrémiste. Le 10 juin 2010, le tribunal a débouté la MPRA, affirmant dans sa décision que, conformément à la loi sur la prévention de l’extrémisme, la présence de signes d’extrémisme dans n’importe quel document est établie par le tribunal sur la base d’une requête du ministère public, ou par les procédures judiciaires connexes dans une affaire administrative, civile ou pénale. Une fois la décision entrée en vigueur, une copie en est envoyée au ministère de la Justice. Le non-respect d’une décision de justice constituant une infraction, les fonctionnaires du ministère sont tenus d’exécuter même les décisions dont on sait qu’elles sont illégales. La MPRA a intenté un pourvoi en cassation auprès du tribunal municipal de Moscou, mais l’appel n’a pas encore été entendu.
  7. 1314. La KTR indique que, le 26 février 2010, la MPRA a introduit une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme pour violation de la liberté d’expression (art. 10 de la Convention européenne des droits de l’homme) et du droit à être entendu équitablement (art. 6, alinéa 1, de la convention).

    Refus d’enregistrer des syndicats et des amendements aux statuts des syndicats

  1. 1315. Pour situer la question dans son contexte, la KTR explique que, en application de l’article 8, alinéa 1, de la loi sur les syndicats, les organisations syndicales, leurs associations et leurs organisations de premier niveau sont enregistrées en tant que personnes morales sur la base d’une notification. Selon l’article 8, alinéa 3, de la même loi, les autorités responsables de l’enregistrement n’ont aucun droit de regard sur les activités des syndicats et ne peuvent en aucun cas refuser de les enregistrer officiellement. Les instances responsables peuvent toutefois refuser l’enregistrement en se fondant sur l’article 23, alinéas 1), 2), de la loi relative aux associations publiques, selon lequel l’enregistrement par l’Etat peut être refusé lorsque les pièces requises ne sont pas présentées ou ne sont pas dûment préparées. L’article 8, alinéa 2, de la loi sur les syndicats offre aux syndicats la possibilité de recourir en justice contre le refus ou l’annulation de l’enregistrement par les services de l’Etat.
  2. 1316. L’organisation plaignante affirme que, dans la pratique, cependant, les organes chargés de l’application des lois exercent une large emprise sur l’enregistrement des organisations syndicales comme sur le contenu de leurs statuts. Selon la KTR, il existe de nombreux cas dans lesquels l’enregistrement a été refusé, ou les documents ont été renvoyés aux syndicats, accompagnés de commentaires touchant le contenu de leurs statuts. Un contrôle très strict est effectué sur l’exactitude des noms des organisations syndicales s’agissant des zones géographiques qu’elles couvrent. Selon l’organisation plaignante, l’article 3 de la loi sur les syndicats (intitulée «termes de base») ne contient que des définitions des termes utilisés dans la loi, or elle est souvent interprétée comme une liste exhaustive des types légitimes de syndicats. Ainsi, les instances d’enregistrement interprètent l’exigence légale d’indiquer une référence à la zone géographique où opère un syndicat comme une exigence, pour les syndicats interrégionaux et les associations syndicales, de fournir une liste complète des régions spécifiques où leurs organisations affiliées sont actives au moment où ils présentent leurs documents aux fins de l’enregistrement. Dans ces conditions, pour accepter des membres d’autres régions, les syndicats doivent amender leurs statuts et enregistrer leurs amendements par une procédure que les organes responsables de l’application des lois s’ingénient à rendre aussi compliquée que possible.
  3. 1317. A titre d’exemple, la KTR indique que, en août 2006, la MPRA a demandé à être enregistrée par les services de l’Etat à Saint-Pétersbourg. En novembre 2006, les autorités ont refusé l’enregistrement aux motifs suivants: i) il ne ressortait pas clairement des documents présentés si l’organisation était une association publique ou un syndicat; ii) le syndicat ne figurait pas sur la liste du registre d’Etat unifié des droits immobiliers à l’adresse indiquée comme son siège; iii) la zone géographique d’activité du syndicat n’était pas spécifiée et les statuts contenaient une liste ouverte de régions dans lesquelles le syndicat pourrait opérer, afin de lui permettre de s’étendre dans de nouvelles zones; enfin, iv) les statuts du syndicat disposaient qu’il avait le droit de mener d’autres types d’activités non prohibées par la loi. Les statuts prévoyaient aussi que toute organisation de premier niveau nouvellement fondée notifierait la MPRA de sa création, alors que, selon les autorités, une organisation de premier niveau est une composante structurelle d’un syndicat et ne saurait être constituée sans que les autorités d’enregistrement en aient été préalablement informées. Souhaitant obtenir le statut de personne morale dans les meilleurs délais, la MPRA a modifié ses statuts. Un an plus tard, ces modifications ont commencé à entraver le développement du syndicat, et il est apparu nécessaire d’apporter de nouveaux amendements aux statuts et de les faire enregistrer. En effet, les statuts originels limitaient la zone dans laquelle le syndicat pouvait mener ses activités, en énumérant spécifiquement les régions où il pouvait être actif. Le 28 juillet 2008, la MPRA a donc déposé une demande d’enregistrement des amendements à ses documents fondateurs, afin d’étendre la liste des régions où elle pouvait être active. Le 28 août 2008, le ministère de la Justice a refusé l’enregistrement, aux motifs suivants: i) le syndicat n’avait pas fourni trois exemplaires des statuts révisés, mais uniquement les amendements, sans fournir le texte original des statuts; et ii) au lieu de fournir les pièces originales, seules des copies du procès-verbal et de l’ordre de paiement avaient été fournies. La MPRA a suivi les instructions du ministère, apporté toutes les corrections nécessaires aux documents et les a transmis au ministère de la Justice le 14 novembre 2008. C’est finalement le 1er février 2009, soit sept mois après la demande, que la MPRA a été enregistrée.
  4. 1318. L’organisation plaignante indique par ailleurs que le Syndicat russe des brigades de conducteurs de locomotives (RPLBJ) a été fondé le 27 janvier 1992 pour fonctionner dans les chemins de fer russes et dans leurs sections. Le 31 décembre 1999, le ministère de la Justice a enregistré des amendements aux statuts du RPLBJ faisant du syndicat une organisation active dans l’ensemble de la Russie. En 2003, le RPLBJ est passé par une procédure de réenregistrement, dans le cadre de laquelle des documents ont été soumis au ministère de la Justice, confirmant son statut de syndicat actif dans tout le pays. Le 14 juin 2005, un certificat confirmant ce statut a été délivré. En 2007, le président de l’entreprise s’est adressé au procureur général pour lui demander de contrôler les activités du RPLBJ. C’est le bureau du procureur du Département du transport interrégional de Moscou qui s’est vu chargé de cette tâche. Le 1er février 2008, il a déposé une plainte devant le tribunal du district de Lyublino de Moscou, demandant au RPLBJ d’amender son document fondateur pour en supprimer toutes les mentions de son statut d’organisation nationale. Le 26 novembre 2008, le tribunal du district de Lyublino a partiellement accédé à la requête du bureau du procureur du Département des transports en décidant que le RPLBJ devait amender et réenregistrer ses statuts. Le 30 avril 2009, l’huissier de justice a entamé la procédure d’exécution, en dépit du fait que le RPLBJ ait fait valoir à de nombreuses reprises que tout amendement aux statuts exigeait la convocation d’un congrès extraordinaire, seul habilité à prendre la décision nécessaire, et que cette convocation demandait davantage de temps. Néanmoins, les ordonnances suivantes ont été émises à l’encontre du RPLBJ et de son président, M. Evgeny Kulikov, pour n’avoir pas respecté la décision rendue par le tribunal: i) le 26 mai 2009, l’huissier de justice a émis une ordonnance de recouvrement de frais d’exécution de 5 000 roubles; ii) le 27 mai 2009, M. Kulikov a été averti qu’il pourrait encourir une responsabilité pénale en cas de non-exécution de la décision du tribunal; iii) le 15 juin 2009, l’huissier de justice a émis une injonction d’application de la décision du tribunal; iv) le 30 juin 2009, l’huissier de justice a émis une décision imposant au RPLBJ une amende de 30 000 roubles; v) le 13 juillet 2009, l’huissier de justice a émis un avertissement concernant une éventuelle responsabilité pénale en cas de non-exécution de la décision du tribunal; vi) le 20 juillet 2009, l’huissier de justice a émis et transmis à la banque un ordre de prélever les frais d’exécution de 30 000 roubles sur le compte en banque du RPLBJ; et vii) le 11 septembre 2009, l’huissier de justice a émis un autre avertissement concernant une éventuelle responsabilité pénale en cas de non-exécution de la décision du tribunal. Les 9 et 10 septembre, une assemblée extraordinaire du RPLBJ s’est déroulée et a décidé d’amender les statuts en modifiant le nom de l’organisation syndicale en Syndicat fédéral des cheminots (FPJ), supprimant la référence à son statut de syndicat actif dans tout le pays. Le 29 septembre 2009, l’ensemble des documents requis ont été transmis au ministère de la Justice pour enregistrement. Toutefois, le 22 octobre 2009, le ministère de la Justice a refusé d’enregistrer les amendements. Qui plus est, le 19 novembre 2009, une plainte pénale a été déposée contre M. Kulikov pour non-application de la décision du tribunal. Après un interrogatoire, le 11 décembre 2009, décision a été prise de prolonger d’un mois la phase d’instruction. La KTR indique qu’après un certain nombre de recours la procédure pénale contre M. Kulikov a été abandonnée faute de preuve, sur décision du directeur du Département des huissiers de Lyublino du service des huissiers du Tribunal fédéral de Moscou en date du 11 juin 2010.
  5. 1319. En ce qui concerne l’amende prélevée sur les fonds du RPLBJ pour non-application de la décision de justice appelant la modification des statuts du syndicat (30 000 roubles et 5 000 roubles prélevés pour frais d’exécution), la KTR indique que, à la suite d’un appel, le 16 octobre 2009, le directeur adjoint du Département du service des huissiers du tribunal de Moscou a conclu que le juge de l’exécution qui avait imposé une amende de 35 000 roubles au syndicat avait agi illégalement. Le syndicat s’est alors adressé au tribunal pour obtenir le remboursement des sommes illégalement prélevées. La demande a cependant été rejetée le 26 août 2010, par décision du juge arbitral. Le tribunal a déclaré que l’appel contre les décisions du juge de l’exécution de prélever les frais et d’imposer une amende, et contre les mesures prises pour appliquer ces décisions, n’avait pas été formulé conformément aux normes prescrites par la loi.
  6. 1320. Le 27 janvier 2010, le syndicat a tenu une deuxième assemblée générale extraordinaire afin d’adopter de nouveaux amendements à ses statuts et, le 9 février, conformément à la décision du tribunal, les documents pertinents ont été envoyés au siège central du ministère de la Justice à Moscou. Le 16 mars 2010, en application des amendements adoptés, le RPLBJ a changé de nom pour devenir le Syndicat interrégional des cheminots (MPJ). Pourtant, le 27 février 2010, la somme de 50 000 roubles a été prélevée sur le compte en banque du syndicat. Le 12 avril 2010, le RPLBJ s’est adressé au tribunal du district de Lyublino de Moscou, pour qu’il déclare illégale la décision du juge de l’exécution d’imposer une amende et le prélèvement de la somme de 50 000 roubles du compte en banque du syndicat. Le 5 août 2010, le tribunal a jugé que le remplacement du mot «russe» par le mot «fédéral» ne respectait pas pleinement la décision de justice du 26 novembre 2008. Selon la KTR, le tribunal n’a pas tenu compte du fait que le syndicat avait organisé une deuxième assemblée générale extraordinaire le 27 janvier 2010. A ce jour, les droits du MPJ (ex-RPLBJ) n’ont pas été rétablis et le syndicat n’a toujours pas obtenu le remboursement de la somme prélevée sur son compte à titre d’amende.
  7. 1321. L’organisation plaignante se réfère par ailleurs au cas du Syndicat fédéral des contrôleurs du trafic aérien de Russie (FPAD), qui est actif depuis 1991 et regroupe les contrôleurs du trafic aérien ainsi que d’autres travailleurs du secteur. Elle affirme en particulier que, en 2010, un certain nombre de sections locales du FPAD ont été informées par les bureaux du procureur compétents que la disposition suivante de leurs statuts, qui figure aussi dans les statuts du FPAD, était illégale: «Le comité du syndicat, agissant dans le respect des dispositions légales, organise et dirige des actions collectives à l’appui des demandes qui ont été formulées, en se conformant à la législation en vigueur, décide s’il y a lieu d’appeler à la grève, quel organe devrait diriger la grève et qui devrait représenter les travailleurs dans les procédures de conciliation concernant le personnel des compagnies d’aviation civile.» Comme ces dispositions contenaient une référence au fait que toutes les mesures devaient être prises «conformément à la loi», le FPAD et ses sections locales n’avaient pas jugé nécessaire d’amender les statuts et les règles relatifs aux sections locales. De l’avis du syndicat, ces questions étaient régies par la législation, qui pouvait imposer des formes diverses de réglementation à des périodes différentes. Néanmoins, les tribunaux ont donné raison aux bureaux des procureurs, et décidé que cette disposition était illégale. C’est ainsi que, le 11 mai 2010, le tribunal du district de Savelov de Moscou, sur requête du procureur chargé du contrôle de l’application des lois régissant le transport aérien et par voie d’eau, a jugé illégal l’alinéa 8, du paragraphe 7.5, du règlement du syndicat de base des travailleurs de l’entreprise publique «Russian Air». La décision a été confirmée le 3 août 2010 par le tribunal municipal de Moscou. Les dispositions similaires inscrites dans les statuts du syndicat de base des contrôleurs aériens de Kolpashevo, du Syndicat des contrôleurs aériens de Tomsk et du Syndicat des contrôleurs aériens du district de Mirny ont aussi été déclarées illégales par les tribunaux, sur requête des bureaux des procureurs chargés des transports. Dans tous ces cas, les syndicats se sont vu ordonner d’amender leurs statuts. Enfin, la KTR indique que le tribunal du district de Savelov de Moscou, agissant sur la base d’une requête déposée par le bureau du procureur de Moscou chargé du contrôle de l’application des lois régissant le transport aérien et par voie d’eau, a déclaré illégale la disposition correspondante contenue dans les statuts du FPAD.

    Ingérence des autorités dans les activités syndicales

  1. 1322. L’organisation plaignante allègue que les syndicats se heurtent à plusieurs types d’ingérence de la part des autorités. Dans certains cas, des dirigeants syndicaux sont convoqués par divers organes chargés de l’application de la loi pour être interrogés et donner des explications. Dans d’autres cas, des procédures pénales sont intentées contre des dirigeants syndicaux. Certaines de ces procédures n’entraînent pas de conséquences et, de l’avis de l’organisation plaignante, elles ont pour objet d’exercer des pressions et de harceler les représentants syndicaux.
  2. 1323. La KTR évoque en particulier le cas de M. Valentin Urusov, qui purge actuellement une peine d’emprisonnement de six ans. Pour situer les faits dans leur contexte, la KTR explique que l’organisation syndicale de base «PROFSVOBODA» du Syndicat russe des ouvriers métallurgistes SOTSPROF, représentant des employés de l’entreprise «ALROSA», a été créée le 16 juin 2008. M. Urusov était la personne responsable de la mise sur pied et de la direction de l’organisation. Les ouvriers du dépôt de véhicules no 2 de l’usine Udachny de traitement du minerai, filiale de l’entreprise «ALROSA», ont adressé à l’employeur plusieurs demandes d’augmentation de salaire, qui était abusivement bas pour des territoires situés dans le Grand Nord, d’amélioration des conditions de travail et de négociation collective, auxquelles l’employeur n’avait pas donné suite. A la mi-août, les conducteurs du dépôt de véhicules no 2 ont envoyé à l’employeur une lettre déclarant qu’ils entamaient une grève de la faim; le 25 août 2008, ils se sont mis en grève. Le 28 août 2008, une réunion syndicale s’est déroulée sur la place centrale de la ville, réunissant plus de 200 ouvriers. A l’initiative du comité du syndicat, dirigé par M. Urusov, des revendications ont été adressées à l’employeur dans le cadre d’un conflit collectif. Toutefois, les représentants de la direction de l’entreprise «ALROSA» ont refusé de rencontrer les travailleurs et ont commencé à recourir à la violence contre des membres du syndicat. Le matin du 3 septembre 2008, M. Urusov a été agressé par des personnes en habits civils, qui l’ont battu, traîné à l’intérieur d’une voiture après lui avoir passé des menottes, et ont glissé un paquet contenant des stupéfiants dans sa poche. Il est apparu par la suite que ces personnes étaient des fonctionnaires du Département de lutte contre les stupéfiants de Mirny. M. Urusov a été contraint de rédiger une déclaration selon laquelle le paquet contenant la drogue se trouvait déjà dans sa poche avant son arrestation. Du 3 au 9 septembre 2008, M. Urusov a été détenu dans les locaux de la permanence du Département de lutte contre les stupéfiants à Mirny. Ce n’est que le 4 septembre, plus de 24 heures après son arrestation, qu’il a reçu un repas. Il a ensuite subi un test de dépistage de drogues, qui a montré qu’il avait ingéré de la morphine. Aucun test n’avait été effectué lors de son incarcération dans la cellule de la permanence et, devant le tribunal, le médecin qui avait réalisé le test a déclaré que l’ingestion de la morphine remontait tout au plus à deux heures avant le test. Le 5 septembre 2008, le juge de paix de la 18e division de Mirny a rendu deux décisions touchant M. Urusov: une amende de 500 roubles pour résistance à arrestation et une peine de détention de dix jours, au titre de l’article 6, alinéa 9, du Code des infractions administratives, pour usage de stupéfiants sans prescription médicale.
  3. 1324. Parallèlement, une procédure pénale a été ouverte et M. Urusov a été arrêté le 13 septembre 2008 pour soupçon de détention de stupéfiants. Le 26 décembre 2008, le tribunal du district de Mirny, en République de Sakha (Yakoutie), a condamné M. Urusov à six années d’emprisonnement pour détention de stupéfiants. Selon l’avocat de M. Urusov, le tribunal n’a pas pris en considération les éléments de preuve qui auraient disculpé l’accusé. Le tribunal n’a accordé aucun poids à la déclaration de M. Urusov, selon laquelle il avait subi des violences physiques et des menaces au moment de son arrestation, et les seuls témoins présents au moment de la perquisition étaient des membres du personnel de sécurité de l’entreprise «ALROSA». Selon la KTR, l’arrestation de M. Urusov constitue un cas évident de persécution pour activités syndicales. Après sa condamnation, le 26 décembre 2008, M. Urusov a interjeté appel de la décision du tribunal du district de Mirny devant la Cour suprême de la République de Sakha. Le 12 mai 2009, la division pénale de la Cour suprême a infirmé le verdict du tribunal du district de Mirny, concluant à de graves erreurs de procédure dans le traitement de l’affaire par le tribunal de première instance, et a renvoyé l’affaire pour être rejugée. Les mesures de contrainte contre M. Urusov ont été limitées à un engagement écrit de ne pas quitter son lieu de résidence, et il a été remis en liberté. Toutefois, le tribunal du district de Mirny n’a pas modifié ses conclusions au terme du deuxième procès, et il a rendu le 26 juin 2009 une nouvelle décision identique à la première: M. Urusov a été condamné à six années d’emprisonnement dans une colonie de redressement à régime ordinaire.
  4. 1325. La KTR allègue en outre qu’une tentative a été faite pour ouvrir une procédure pénale contre M. Dmitry Kojnev, président du syndicat MPRA dans l’entreprise «Tsentrosvarmash». En avril 2009, un officier du Service fédéral de sécurité l’a appelé pour lui dire qu’il souhaitait s’entretenir avec lui de ses activités extrémistes. Le Service fédéral de sécurité envisageait d’intenter une action pénale au titre de l’article 280, alinéa 1, du Code pénal, portant incitation publique à des activités extrémistes. L’enquête concernait le journal Tsentrosvar Worker, divers tracts et plusieurs numéros du journal Socialist and Leviy Avangard. M. Kojnev a expliqué que le nombre d’exemplaires du journal Tsentrosvar Worker imprimés et payés par les cotisations syndicales était inférieur à 1 000, qu’il contenait des articles sur les nouvelles du syndicat et qu’il n’avait aucun rapport avec d’autres journaux. En outre, le 30 juin 2009, M. Vasili Molchanov, vice président de l’organisation syndicale de base «Nashe Delo», affiliée à l’Union indépendante des mineurs de Russie, a été interrogé par des fonctionnaires du Département de lutte contre la criminalité organisée, sans que lui ait été présenté aucun document autorisant sa convocation. L’interrogatoire portait sur ses activités syndicales et la présence d’un avocat lui a été refusée.
  5. 1326. L’organisation plaignante affirme aussi que, dans le cadre d’inspections fiscales et de contrôle des sources de financement des organisations syndicales, les syndicats sont sommés de fournir des listes de leurs membres, ce qui entraîne de très graves conséquences. L’organisation plaignante cite en particulier un contrôle subi par l’organisation de premier niveau du Syndicat russe des dockers (RPD), affilié à la KTR, au port maritime commercial de Novorossiysk (NMTP). L’organisation plaignante explique que, à la suite d’un conflit collectif du travail, suivi d’une grève du zèle, d’une conciliation et finalement d’un accord entre le syndicat et la direction, les autorités de l’Etat ont commencé à exercer des pressions sur le syndicat de base et à s’ingérer dans ses activités. Le 23 janvier 2007, M. Pereboev, le président du syndicat, a été invité dans les locaux de la police des transports de Novorossiysk pour donner des explications concernant le préjudice financier causé à l’entreprise, à la suite d’une plainte du premier vice-directeur général du NMPT, qui est aussi député à l’assemblée parlementaire de la région de Krasnodar. Le 7 février 2007, trois policiers se sont présentés dans les locaux du syndicat et ont exigé de M. Pereboev, en invoquant la demande du député, qu’il leur remette des documents du syndicat, y compris des listes de ses membres. Le 5 mars 2007, le département de police de Novorossiysk a demandé à son tour une liste des membres du syndicat ainsi que les documents sur la base desquels les cotisations syndicales étaient vérifiées. Les documents, y compris les formules individuelles d’inscription autorisant la déduction et le transfert des cotisations syndicales, ont été fournis à la police le jour même. Néanmoins, le 27 avril 2007, le directeur en exercice de la police criminelle de Novorossiysk a ordonné une enquête sur les opérations financières et commerciales du RPD, une perquisition des locaux du syndicat et une vérification des documents reflétant ses activités financières et commerciales. Les activités du syndicat ont été pour ainsi dire bloquées pendant trois mois, car la police avait saisi toute la documentation du syndicat et posé des scellés sur son bureau de la comptabilité. Selon l’organisation plaignante, les conclusions de la vérification ne figurent dans aucun document, et ses résultats n’ont pas été formulés ni communiqués au syndicat. Sur la base de ces faits, la KTR a déposé plainte auprès des services du procureur général. La plainte a été transmise au bureau du procureur de la région de Krasnodar pour examen, puis au procureur de Novorossiysk; aucune réponse n’a toutefois été reçue. Des plaintes ont aussi été déposées auprès du ministre de l’Intérieur. Dans leur réponse, les autorités ont simplement déclaré que la vérification avait été effectuée à la demande d’un député, sans aucune référence à une évaluation de la légalité et de la nécessité de ce contrôle. Le 20 juillet 2007, une procédure pénale a été engagée contre le président du syndicat pour détournement de fonds. Le 23 juillet 2007, M. Pereboev a été convoqué au département d’instruction de la police de Novorossiysk pour y être interrogé. L’affaire a par la suite été classée. L’organisation plaignante affirme que les actions de l’employeur et des autorités ont bloqué le fonctionnement normal du syndicat. Les contrôles et la procédure pénale engagée contre le président du syndicat ont sapé le moral des syndicalistes et montré qu’être membre d’un syndicat présentait des dangers. Il en est résulté une baisse importante des effectifs du syndicat.
  6. 1327. L’organisation plaignante allègue aussi que, à la suite d’une grève survenue en novembre 2007 à l’usine Ford Motor, le syndicat de base affilié à la MPRA a reçu, le 28 avril 2008, notification d’un contrôle fiscal et une demande de transmettre aux services d’inspection fiscale du district de Petrograd à Saint-Pétersbourg des documents financiers ainsi qu’une liste complète des membres du syndicat. Les documents financiers demandés concernaient les fonds transférés sur le compte du syndicat pendant la grève. Le syndicat a refusé de fournir ces documents et a interjeté appel de la demande des inspecteurs fiscaux devant le tribunal. Le tribunal a conclu à l’illégalité de la demande de remise de listes des membres du syndicat.
  7. 1328. Entre septembre et juin 2009, un policier du Département des enquêtes et des opérations de recherche de la police judiciaire de Samara a exigé de trois fondateurs du syndicat de base «Nashe Delo» dans l’entreprise «Togliattikauchuk» qu’ils signent des déclarations affirmant qu’ils n’avaient pas été présents lors de l’assemblée constituante du syndicat. Ces déclarations ont été utilisées pour affirmer aux services d’inspection fiscale de l’Etat que les informations présentées pour l’enregistrement du syndicat étaient fausses. Sur cette base, les services d’inspection fiscale de l’Etat ont ouvert une procédure en responsabilité administrative, alléguant la présentation de fausses informations.
  8. 1329. En outre, le 20 novembre 2009, des membres de la MPRA, créée le 16 octobre 2009 dans l’usine de wagons de Tver, ont été convoqués dans le bureau du procureur pour fournir des explications au sujet de la création de leur syndicat. Quelques jours plus tard, le 23 novembre 2009, un assistant principal du procureur du district de Zavoljsky, à Tver, s’est rendu dans l’entreprise pour y interroger le président du syndicat au sujet de la création de l’organisation syndicale au sein de l’entreprise.
  9. 1330. L’organisation plaignante allègue encore que, après l’annonce d’une grève en novembre 2007, déclarée par la suite illégale par le tribunal, des policiers ont perquisitionné le bureau du RPLBJ, prétendument sur la base d’une plainte anonyme affirmant que le RPLBJ détenait des tracts de propagande, de l’argent et des explosifs à utiliser dans des émeutes de masse dans les chemins de fer pendant les élections. Les locaux du syndicat ont été perquisitionnés en l’absence de représentants syndicaux. Le lendemain matin, un officier du Département de la sécurité économique a exigé que le syndicat lui remette une liste des membres du personnel, des pièces comptables, des documents attestant la source et le montant des revenus, ainsi que des documents relatifs aux salaires. Ce même policier a menacé de trouver des motifs pour engager des poursuites pénales contre le syndicat. Après ces événements, le 20 mars 2008, les organisations territoriales et les organisations de premier niveau du RPLBJ ont été expulsées de leurs locaux respectifs. Depuis, certaines organisations syndicales sont toujours dépourvues de bureau.
  10. 1331. La KTR allègue en outre des violations des droits de l’organisation de premier niveau du RPD, le syndicat des dockers du port de mer de Tuapse (MPT). Elle indique à cet égard qu’en février 2008 le bâtiment situé sur le site de l’entreprise dans lequel se trouvait le bureau de la section locale du syndicat a été démoli. Avant cette démolition, quelqu’un avait pénétré par effraction dans le bureau du syndicat, et des documents ainsi qu’une partie du matériel et des fournitures appartenant au syndicat avaient disparu. Le syndicat a écrit au ministère public et aux services de l’Intérieur pour demander l’ouverture d’une enquête pénale afin d’identifier et de sanctionner les responsables du vol de biens. La procédure a été ouverte le 28 mars 2008, mais aucune enquête n’a été effectuée. A ce jour, les biens du syndicat n’ont pas été retrouvés et les coupables n’ont pas été identifiés. L’employeur ayant refusé de fournir un bureau à l’organisation de premier niveau du RPD des dockers du MPT, le syndicat partage maintenant un bureau avec une autre organisation de premier niveau active dans le port (affilié au Syndicat des travailleurs des transports par eau de la Fédération de Russie).
  11. 1332. La KTR allègue en outre que, le 29 janvier 2008, le directeur général du port de mer commercial de Tuapse a déposé plainte auprès des services de l’Intérieur du Département des transports de Tuapse, accusant les dirigeants de l’organisation de premier niveau du RPD de vol de fonds. Le 8 février 2008, des fonctionnaires du Département de lutte contre la criminalité économique se sont présentés dans les locaux que partagent les deux syndicats de base et ont exigé de ceux-ci qu’ils leur remettent leurs états financiers. L’organisation de premier niveau du RPD n’a pas été en mesure de fournir ses documents, en raison des faits décrits ci-dessus. Le 3 mars 2008, une enquête pénale a été ouverte, au cours de laquelle plus de 150 membres de l’organisation de premier niveau du RPD ont été interrogés et fouillés. Les deux syndicats de base ont protesté contre ces actes dans le cadre de procédures administratives, dans lesquelles ils se sont plaints des actes illégaux de l’employeur, qui avait fait une déclaration mensongère. Ils ont aussi déposé plainte auprès des services du procureur contre les actes illégaux des responsables des services de l’Intérieur. Ces plaintes ont été transmises au bureau du procureur chargé des transports de Tuapse, qui a conclu à l’absence de violation. L’instruction de l’affaire pénale, qui est toujours en cours, perturbe gravement l’activité syndicale.

    Refus des employeurs de reconnaître des syndicats nouvellement créés

  1. 1333. L’organisation plaignante indique que, au regard de la législation nationale, un syndicat est considéré comme établi dès l’instant où la décision de le créer a été prise, où sa constitution a été adoptée et où ses organes directeurs et de contrôle ont été élus. L’enregistrement officiel d’une entité juridique n’est pas obligatoire. Or les organisations syndicales de base se heurtent souvent au refus d’un employeur de reconnaître un syndicat créé dans l’entreprise, ce qui entraîne le refus de correspondre, de coopérer ou de négocier avec ce syndicat. L’organisation plaignante cite plusieurs exemples de cas où des dirigeants syndicaux ont adressé à la direction de l’entreprise des notifications de création d’un syndicat, accompagnées d’une demande de locaux, conformément aux dispositions du Code du travail, ainsi que d’accès au lieu de travail et d’un espace pour afficher des informations de nature syndicale. Selon l’organisation plaignante, il est fréquent que la direction d’une entreprise refuse d’accepter les documents et les communications du syndicat, et ce qu’ils soient remis en mains propres ou envoyés par courrier recommandé. Par la suite, la direction refuse tout simplement de reconnaître qu’elle est informée de l’existence du syndicat. Les employeurs utilisent aussi cet argument devant les tribunaux lorsque sont examinés des cas de violations alléguées des droits des travailleurs ou des droits syndicaux.
  2. 1334. Selon l’organisation plaignante, tel a été le cas lorsque le tribunal a examiné l’affaire du licenciement de 25 employés, membres du syndicat de l’entreprise GM-AVTOVAZ. Par sa décision du 14 septembre 2009, le tribunal a refusé d’ordonner la réintégration de tous les travailleurs, à l’exception d’un seul d’entre eux. L’entreprise a prétendu ne pas avoir connaissance de l’existence du syndicat. Après que le syndicat eut prouvé que, depuis sa création, le 28 juillet 2006, il avait, à maintes reprises, informé l’entreprise de sa création, l’entreprise l’a reconnu, mais elle a nié que le syndicat lui ait envoyé des informations touchant les militants syndicaux récemment élus, dont le licenciement devait faire l’objet d’un accord avec le syndicat. Le tribunal a refusé d’ordonner que les employés licenciés soient réintégrés, en acceptant les arguments invoqués par l’entreprise, à savoir qu’elle n’avait pas été informée de leur élection à la tête du syndicat.
  3. 1335. En outre, l’organisation plaignante allègue que la direction de l’entreprise TagAZ n’a pas reconnu la section locale de la MPRA, créée le 31 août 2007, n’a pas répondu à ses lettres proposant d’entamer une négociation collective, n’a pas mis en place de système de précompte et a affirmé aux agences de l’Etat chargées de la vérification qu’il n’existait aucun syndicat dans l’entreprise. De la même manière, l’administration de l’école publique d’enseignement supérieur à l’Université de Saint-Pétersbourg du ministère de l’Intérieur a refusé de reconnaître le Syndicat de base de l’Union russe des travailleurs du commerce et des services (OPRTU), établi en février 2008, et a encouragé les dirigeants du syndicat à quitter l’université. Après l’échec de toutes les tentatives du syndicat de nouer un dialogue constructif avec l’administration, le syndicat a été dissous.

    Discrimination antisyndicale et pressions contre les travailleurs

  1. 1336. L’organisation plaignante indique que, bien que la discrimination antisyndicale soit prohibée par la loi, les pratiques antisyndicales des employeurs sont monnaie courante, y compris la discrimination et les pressions exercées sur les dirigeants syndicaux et les membres des syndicats pour qu’ils quittent les syndicats ou sur les travailleurs pour les empêcher d’y adhérer. La plainte invoque l’article 3, alinéa 4, du Code du travail, aux termes duquel les personnes qui estiment avoir subi une discrimination au travail ont le droit d’intenter une action en justice pour être rétablies dans leurs droits, être dédommagées des pertes matérielles subies et recevoir réparation du préjudice moral. L’interprétation de cette disposition par les organes de l’Etat a pour effet que seuls les tribunaux sont compétents pour entendre les plaintes pour discrimination antisyndicale, ce qui signifie qu’elles ne peuvent pas être examinées par les instances de l’inspection du travail. L’article 29 de la loi sur les syndicats prévoit aussi la protection judiciaire des droits syndicaux. Par conséquent, toutes les plaintes relatives à des cas de discrimination antisyndicale doivent être déposées devant un tribunal; les inspecteurs du travail ne les examinent pas, car elles ne relèvent pas de leur compétence. En outre, la législation nationale ne prévoit pas de responsabilité administrative pour les personnes jugées coupables de violation des droits syndicaux, y compris de discrimination antisyndicale. Alors que l’article 136 du Code pénal sanctionne les personnes responsables d’actes de discrimination et instaure une obligation de réparer en cas de violation des droits à l’égalité, dans la pratique cette disposition légale n’est jamais appliquée, et personne n’a jamais été tenu responsable au pénal pour avoir commis des actes de discrimination. C’est ce qui entraîne la pratique largement répandue de discrimination et de pressions sur les travailleurs et les dirigeants syndicaux. L’absence de protection contre la discrimination par les instances publiques renforce le sentiment qu’un tel comportement est admissible et normal. L’organisation plaignante affirme, à titre d’illustration, que, même après que des actes de discrimination antisyndicale contre des membres de l’organisation de premier niveau du Syndicat indépendant des mineurs de Russie (NPGR) dans l’entreprise «Togliattikauchuk» aient été attestés par le tribunal, les responsables de l’entreprise, reconnus coupables d’avoir commis ces actes, n’ont pas été considérés responsables au regard de l’article 136 du Code pénal parce que le ministère public a refusé à plusieurs reprises d’engager des poursuites pénales, arguant de l’absence d’éléments constitutifs de l’infraction. L’une de ces décisions était motivée comme suit: «Les actes de la direction de l’entreprise ne constituaient pas une infraction, dans la mesure où ils ne présentaient aucun danger public et n’ont pas causé de tort considérable aux droits ni aux intérêts légaux du syndicat, celui-ci ne s’étant pas vu refuser la possibilité de défendre les droits des travailleurs en justice.» Bien que cette décision ait par la suite été annulée par le tribunal du district de Samara, aucune procédure pénale n’a été ouverte.
  2. 1337. En outre, l’organisation plaignante affirme que, le 2 août 2008, M. Dmitry Kojnev a été élu président du comité de la section locale de la MPRA au sein de l’entreprise «Tsentrosvarmash». Dès son élection, M. Kojnev a lancé un appel au directeur général de l’entreprise pour exiger des conditions de travail sûres ainsi que le respect des règles de santé et de sécurité au travail. Ces appels ont entraîné de nombreuses mesures disciplinaires à l’encontre de M. Kojnev, y compris des avertissements, puis son licenciement, le 19 janvier 2009, au motif qu’il avait quitté son lieu de travail, en compagnie de 11 autres travailleurs, vingt minutes avant le terme de sa période de travail. L’organisation plaignante explique, à ce sujet, que la température sur le lieu de travail atteignait à peine 6 °C, mais que les travailleurs en question avaient achevé les tâches qui leur avaient été confiées. M. Kojnev et les 11 autres travailleurs ont été licenciés en application de l’article 81, alinéa 1) 5), du Code du travail, pour manquements répétés et non justifiés à l’accomplissement de leurs devoirs. La direction n’a pas consulté le syndicat au sujet du licenciement du dirigeant syndical. Le 28 mai 2009, le tribunal du district de Zavoljsky de la ville de Tver a jugé illégal le licenciement de M. Kojnev, pour diverses raisons, au nombre desquelles le fait que l’entreprise n’avait pas obtenu le consentement du conseil de la MPRA concernant le licenciement d’un syndicaliste élu, comme l’exige l’article 374 du Code du travail. Devant le tribunal, les représentants de l’employeur ont affirmé que le licenciement de M. Kojnev n’avait pas à être discuté avec la MPRA. La direction considérait que la création du syndicat au sein de l’entreprise était illégale, car les statuts du syndicat indiquaient que la MPRA n’était active que dans les régions de Samara et de Leningrad; de ce fait, il était impossible qu’une organisation de premier niveau fût établie dans la région de Tver. Les représentants de l’employeur ont affirmé en outre que, selon les statuts, le syndicat est actif dans le secteur de l’industrie automobile, alors que l’entreprise appartient à l’industrie ferroviaire. La direction a aussi affirmé qu’elle n’avait pas reçu les documents dûment certifiés par notaire concernant la création du syndicat. Le procureur a suivi les allégations du défendeur et a souligné que la création de l’organisation syndicale MPRA dans l’entreprise était illégale. Toutefois, le tribunal a jugé que les considérations touchant la légalité de l’existence du syndicat n’étaient pas pertinentes. M. Kojnev a été réintégré dans l’entreprise, sans perte de salaire, et il s’est vu attribuer un dédommagement pour préjudice moral. Malgré le verdict rendu le 28 mai 2009 par le tribunal, M. Kojnev a été empêché de travailler du 14 au 31 juillet 2009, puis mis en inactivité jusqu’en février 2010 (à deux tiers de la rémunération normale), suivant des instructions mensuelles de son employeur. Sa rémunération réelle pendant cette période d’inactivité s’élevait à environ 4 000 roubles (100 euros). Etant donné qu’il n’y avait pas de raisons objectives d’instaurer un chômage technique dans l’entreprise «Tsentrosvarmash», que la décision était motivée uniquement par la volonté de le priver de ses moyens de subsistance et qu’il s’agissait d’une forme de discrimination antisyndicale, M. Kojnev a saisi le tribunal pour qu’il déclare illégale la décision de le placer au chômage technique. Le 15 avril 2010, le tribunal du district de Zavoljsky de Tver a rejeté la plainte de M. Kojnev, en reprenant à son compte l’argument avancé par l’entreprise, à savoir que «le chômage technique ne dépendait pas de la volonté du défendeur, car le manque de travail résultait d’un manque de commandes» et qu’«une interdiction de mettre au chômage technique un travailleur pour lequel il n’y a objectivement pas de travail restreindrait de manière disproportionnée les droits de l’employeur en tant que partie au contrat de travail comme en tant qu’acteur économique et propriétaire». Le tribunal n’a pas tenu compte du fait que les autres ouvriers continuaient à travailler pendant ce temps.
  3. 1338. Un appel en cassation a été interjeté contre la décision du 15 avril 2010, mais il a été rejeté par le tribunal de la province de Tver le 1er juin 2010. Le 1er février 2010, M. Kojnev a été convoqué au département du personnel, où il a été informé d’une instruction de cesser le travail. En application de cette instruction, un certain nombre de travailleurs, dont M. Kojnev et son adjoint, M. Adrianov, ont été mis au chômage technique du 1er au 12 février 2010. L’employeur a insisté pour leur faire signer une attestation par laquelle ils reconnaissaient avoir pris connaissance de l’instruction, non pas sur le document lui-même cependant, mais sur une feuille séparée qui ne comportait que le titre de l’instruction et une liste des noms des travailleurs. Lorsque M. Kojnev et M. Adrianov se sont présentés sur leur lieu de travail le 15 février 2010, ils ont été priés d’expliquer pourquoi ils s’étaient absentés de leur travail. La copie de l’instruction de cesser le travail qui leur a été alors montrée par l’employeur comportait des dates différentes de cessation de l’activité, du 1er au 5 février. Le 5 mars 2010, M. Kojnev et M. Adrianov ont été licenciés pour «manquement grave à leurs obligations de travail». Jugeant leur licenciement illégal, les deux dirigeants syndicaux ont interjeté appel de la décision devant le tribunal. Le 28 avril 2010, l’appel a été rejeté par le tribunal du district de Zavoljsky de Tver. Selon la KTR, le tribunal n’a pas examiné la question de la proportionnalité de la sanction ni les circonstances dans lesquelles elle avait été prononcée. Un appel en cassation a été interjeté devant le tribunal de la province de Tver, mais il a été rejeté le 3 août 2010.
  4. 1339. L’organisation plaignante affirme par ailleurs que des membres de l’organisation syndicale de base «Edinstvo», affiliée à la MPRA, au sein de l’entreprise «Avtovaz» à Togliatti, ont fait l’objet de pressions et de discrimination systématiques et à grande échelle pendant plusieurs années. Dès la création du syndicat en 1991, l’employeur s’est montré très hostile à son égard et n’a eu de cesse d’exercer des pressions sur les travailleurs, par des menaces et des sanctions, pour inciter ses adhérents à le quitter. Les pressions exercées sur les travailleurs ont entraîné une chute des effectifs du syndicat, qui ont chuté de 2 500 membres en 2 000 à 1 000 membres en 2008-09. La KTR affirme que de nombreux travailleurs qui soutenaient les activités du syndicat de base «Edinstvo» et qui auraient souhaité y adhérer ont eu peur de le faire, redoutant des sanctions. Un certain nombre de travailleurs ont témoigné qu’ils avaient démissionné du syndicat sous la pression de la direction de l’entreprise entre 2005 et 2009. D’autres membres du syndicat se sont vu refuser la possibilité de faire des heures supplémentaires ou de bénéficier de certains avantages.
  5. 1340. La KTR affirme encore que, tout au long de l’année 2009, des méthodes d’intimidation et de pression similaires ont été employées contre des membres du syndicat de base «Edinstvo» dans d’autres entreprises. Mme Vera Gundareva, employée de Plastic Items Unit, a indiqué que, à compter du moment où elle avait adhéré au syndicat, elle n’avait plus été affectée aux équipes travaillant en heures supplémentaires pour une rémunération deux fois plus élevée. Elle n’avait plus reçu que des affectations mal rémunérées, qui avaient entraîné une chute de son salaire, passant de 12 000-13 000 roubles à 8 000-10 000 roubles. M. Mikhail Tarasov, technicien matériel membre du syndicat depuis 2007, a signalé que son chef d’atelier a insisté à plusieurs reprises auprès de lui et d’autres travailleurs syndiqués pour qu’ils quittent le syndicat. Selon la direction, le syndicat gênait ses relations avec les travailleurs. M. Tarasov a fini par quitter le syndicat en mars 2009. Mme Olga Lisova, économiste dans l’entreprise Catering Company (KOP), a adhéré au syndicat «Edinstvo» en compagnie d’autres employées à la fin de l’année 2008. Une fois que la liste des membres du syndicat a été transmise à la direction de l’entreprise, ces personnes ont subi des pressions pour quitter le syndicat. La direction de l’entreprise aurait dit à Mme Lisova qu’elle avait ruiné sa carrière en adhérant au syndicat, et qu’elle ne serait pas engagée, même à des postes temporaires. L’une de ses collègues s’est vu signifier qu’elle ne serait engagée qu’à condition qu’elle quitte le syndicat. De fait, après avoir démissionné du syndicat, elle a été embauchée.
  6. 1341. Selon l’organisation plaignante, les services du procureur, auxquels le syndicat s’est adressé à plusieurs reprises pour demander des mesures de protection contre des actes de pression et de discrimination, n’ont rien entrepris si ce n’est des inspections de pure forme. En dépit des éléments de preuve réunis par le syndicat, les autorités ont refusé de prendre des mesures pour protéger les travailleurs. Dans un certain nombre de cas, comme avec le syndicat «Edinstvo», les procureurs n’ont communiqué qu’avec les représentants des employeurs, sans jamais s’entretenir avec les travailleurs qui avaient déposé plainte. De l’avis de la KTR, le système d’enquête par le ministère public qui permet de n’entendre que l’une des parties (à savoir les représentants des employeurs) est le signe d’une démarche partiale qui ne permet ni de comprendre la situation réelle ni de protéger efficacement les droits des victimes.
  7. 1342. L’organisation plaignante affirme en outre que, le 7 avril 2008, le RPLBJ a communiqué à l’employeur, les Chemins de fer de Moscou, ses exigences, telles qu’adoptées par la conférence des employés et approuvées par le congrès du syndicat. L’employeur n’a pas donné suite aux exigences formulées par le syndicat et il a refusé de participer aux procédures de conciliation. Le 28 avril 2008, les travailleurs se sont mis en grève. Outre des membres du RPLBJ, des travailleurs membres du syndicat Roselière se sont joints à la grève, qui a été suivie par environ 150 mécaniciens de locomotive et leurs assistants aux Chemins de fer de Moscou (directions de Yaroslavl, de Gorki et de Kachira). Afin d’éviter la situation traditionnelle dans laquelle les employeurs, une fois informés du préavis de grève, s’adressent aux tribunaux pour déclarer la grève illégale, le syndicat n’a pas notifié l’employeur dix jours avant le début de la grève, comme l’exige le Code du travail. Il a en revanche respecté toutes les autres exigences fixées par la loi et a veillé à ce que le service minimal soit assuré. Comme l’explique l’organisation plaignante, le Code du travail prévoit que les employés peuvent subir des sanctions disciplinaires pour leur participation à une grève dans le seul cas où ils ne mettent pas un terme à leur mouvement après qu’une décision de justice déclarant la grève illégale eut pris effet. L’organisation plaignante affirme que, en dépit du fait que l’entreprise n’avait pas contesté la légalité de la grève devant le tribunal, tous les participants à la grève ont subi des sanctions, sous forme d’un blâme ou du refus d’une prime qui leur était due. Le montant des primes allait de 3 000 à 10 000 roubles, soit environ 40 pour cent du salaire des travailleurs. Cinq travailleurs ont été licenciés et deux ont fait l’objet d’une mesure administrative pour avoir organisé la grève. Ces employés ont déposé plainte devant le tribunal du district de Mechtchansky de Moscou, pour demander leur réintégration et l’abrogation des mesures disciplinaires. Le tribunal a rejeté leurs demandes, au motif que l’article 17 de la loi sur le transport ferroviaire dans la Fédération de Russie, du 10 janvier 2003, dispose que la grève en tant que moyen de règlement d’un conflit collectif du travail est illégale et ne peut être autorisée aux employés des services de transport à usage général dont le travail inclut la conduite et la manœuvre de trains ainsi que les services aux passagers, aux affréteurs et aux destinataires de fret. Le tribunal municipal de Moscou ainsi que la Cour suprême ont confirmé cette décision.
  8. 1343. L’organisation plaignante indique que, après la publication par la direction de l’entreprise d’une décision datée du 28 novembre 2008 sur la réduction de personnel et la suppression d’emplois, les travailleurs membres du syndicat MPRA dans l’entreprise «Festalpine Arkada Profil» ont déposé, le 4 décembre 2008, une plainte auprès de l’Inspection nationale du travail de la région de Smolensk, dans laquelle ils soulignaient un certain nombre de violations, et en particulier le fait que 65 des employés dont le licenciement avait été annoncé étaient membres du syndicat, dont sept des 12 membres du comité du syndicat. Dans sa réponse en date du 26 décembre 2008, l’inspecteur du travail a déclaré que la direction de l’entreprise n’avait commis aucune infraction à la législation du travail, sans examiner les arguments du syndicat concernant la discrimination. Après l’intervention, le 24 février 2009, de M. Kravchenko, à l’époque président de la VKT, l’inspecteur a découvert certaines violations commises lors des licenciements, mais il ne s’est pas penché sur le problème de la discrimination. Le 16 janvier 2009, le syndicat a déposé plainte contre la décision auprès du ministère public de la région de Smolensk, en insistant encore une fois sur la discrimination antisyndicale exercée contre les travailleurs à l’occasion des licenciements. Dans sa réponse, en date du 16 février 2009, le procureur interrégional de Yartsevo n’a pas réfuté les cas de discrimination ni indiqué que cette allégation de discrimination antisyndicale avait été examinée. Ainsi, aucune enquête n’a été effectuée pour déterminer si des membres du syndicat avaient fait l’objet de mesures discriminatoires dans le cadre des licenciements.
  9. 1344. La KTR allègue par ailleurs que, après l’arrestation de M. Urusov (dans les conditions décrites plus haut), l’entreprise «ALROSA» a persisté dans sa campagne pour détruire le syndicat. Des représentants de la direction ont menacé des militants et même les personnes qui avaient simplement déposé une demande d’adhésion au syndicat. Entre janvier et mars 2009, les 13 derniers militants syndicaux ont été licenciés. Ils ont saisi le tribunal pour contester la décision de licenciement, mais sans obtenir leur réintégration. Les personnes licenciées n’ont pas réussi à retrouver un emploi, car toutes les entreprises de la ville sont liées à l’entreprise «ALROSA».
  10. 1345. L’organisation plaignante fournit aussi des informations détaillées sur les pratiques antisyndicales (pressions exercées pour inciter les travailleurs à quitter les syndicats, licenciements, suspensions, transferts, refus de primes, refus d’accès à des dirigeants syndicaux) dans les entreprises suivantes: GM-AVTOVAZ à Saint-Pétersbourg; GM AVTOVAZ à Togliatti; TagAZ à Taganrog; Baltika Brewery-Baltika Rostov à Rostov-sur-le-Don; Ecole publique d’éducation supérieure, Université de Saint-Pétersbourg du ministère de l’Intérieur; «Nevskiye Porogi»; et département de Saint-Pétersbourg et département régional de Leningrad de l’Office fédéral de la poste, «Pochta Rossii Piter».

    Refus d’accorder aux syndicalistes l’accès aux lieux de travail

  1. 1346. L’organisation plaignante allègue que des dirigeants syndicaux se sont vu refuser l’accès aux lieux de travail. Elle cite en particulier la situation dans l’entreprise GM-AVTOVAZ, dans laquelle, dès la création du syndicat de base «Edinstvo» en 2007, la direction a refusé l’accès aux locaux de l’entreprise aux représentants du syndicat de base ainsi qu’aux dirigeants des syndicats auxquels il était affilié. En ce qui concerne ces derniers, bien que les motifs du refus n’aient pas été fournis, il est fait mention de l’article 29 du Code du travail, lequel dispose que les intérêts des travailleurs d’une entreprise ne peuvent être représentés que par un syndicat de base, et des laissez-passer ne peuvent être fournis qu’aux représentants d’une organisation syndicale de ce type. Le syndicat de premier degré «Edinstvo» s’est adressé à plusieurs reprises aux autorités publiques, y compris aux services de l’Inspection nationale du travail de la région de Samara, pour demander que soient garantis le droit d’accès aux locaux de l’entreprise ainsi que le droit de recevoir un exemplaire des instructions relatives à l’accès et au régime interne de l’entreprise. L’Inspection nationale du travail a répondu que le contrôle de l’application de la loi sur les syndicats ne relevait pas de sa compétence. Le ministère de la Santé et du Développement social a confirmé la position de l’inspection du travail et a conseillé au syndicat de s’adresser à un bureau du procureur ainsi qu’au tribunal.
  2. 1347. Le président d’«Edinstvo» a aussi déposé une plainte devant le tribunal du district d’Avtozavodsky de Togliatti contre le refus de l’entreprise d’accorder l’accès aux dirigeants de la MPRA et de la VKT. Le 11 mars 2009, la plainte a été rejetée. Le tribunal a conclu qu’il ne voyait pas la nécessité d’accorder à ces personnes des laissez-passer permanents pour accéder aux locaux de l’entreprise, puisque l’on pouvait conclure des dispositions du Code du travail que «les responsables autorisés de la MPRA peuvent avoir librement accès aux locaux de l’entreprise uniquement en leur capacité d’inspecteurs du travail syndicaux, et exclusivement aux fins d’une inspection (…). La demande déposée par le président d’“Edinstvo” avait pour objet d’obtenir de l’entreprise un laissez-passer afin de permettre au syndicaliste d’effectuer des visites sans supervision plutôt que d’exercer les droits légaux du syndicat.» L’organisation plaignante ajoute que les responsables d’un autre syndicat de base disposent de laissez-passer permanents et peuvent pénétrer dans les locaux de l’entreprise sans être fouillés, tandis que les dirigeants d’«Edinstvo» doivent déposer une demande de laissez-passer pour chaque entrée; leur capacité de communiquer avec les membres du syndicat est de ce fait soumise au bon vouloir de la direction, et cela limite de manière notable le temps qu’ils peuvent passer avec les membres du syndicat.
  3. 1348. Les plaignants affirment aussi que les représentants du Syndicat russe des gens de mer (RPSM), du RPD et du Syndicat russe des travailleurs du transport maritime, tous affiliés à la Fédération des syndicats des travailleurs du transport maritime, sont empêchés d’exercer pleinement leur droit d’accéder sans entrave aux lieux de travail de leurs membres. De nombreuses entreprises de sécurité, publiques et privées, actives sur le territoire des ports de mer commerciaux, opposent toutes sortes d’obstacles en refusant d’émettre des laissez-passer, en faisant traîner l’examen des demandes de laissez-passer, en exigeant des listes des membres du syndicat, en facturant, voire en extorquant des frais pour les laissez-passer. La fédération a tenté à maintes reprises, sans succès, de régler ces problèmes en s’adressant au ministère des Transports ainsi qu’à l’Agence fédérale des transports par voie maritime et fluviale. Une tentative de demander l’aide des services du procureur général, en le priant de s’assurer du respect de la législation concernant les droits des syndicats dans tous les ports de mer, a aussi échoué, car l’appel de la fédération a été transmis au ministère des Transports, lequel n’a pas la compétence requise.
  4. 1349. L’organisation plaignante indique en outre qu’en 2007 le syndicat de base des dockers du port de mer de Tuapse, organisation de premier niveau du RPD fondée en 1991, a prié l’employeur d’envisager une augmentation des salaires. Après que l’employeur eut rejeté cette demande, le syndicat a pris diverses mesures d’action collective. La direction du port a réagi en prenant des mesures destinées à entraver l’activité syndicale. L’un de ces moyens a consisté à restreindre l’accès des dirigeants syndicaux aux lieux de travail. A cet égard, la KTR explique que, alors que jusqu’à la fin de 2007 le président du comité du syndicat pouvait se rendre sans entrave sur les lieux de travail après le terme de la journée de travail, la direction du port a introduit, le 21 décembre 2007, un système de laissez-passer qui a modifié les conditions d’accès au site. Cependant, selon l’organisation plaignante, ces modifications ont été et sont toujours appliquées de manière sélective, et uniquement aux membres du syndicat de base et à ses dirigeants. Les autres travailleurs, et même les personnes extérieures, peuvent traverser le port librement. Le comité du syndicat a écrit au bureau du procureur de Tuapse responsable des transports. Dans sa réponse, datée du 11 août 2008, le bureau du procureur indique que les arguments du demandeur ne sont pas étayés, que la procédure de délivrance et d’utilisation des laissez-passer a été fixée pour toutes les catégories de travailleurs, qu’elle est identique pour tous et n’autorise aucune exception. Le deuxième appel adressé au bureau du procureur des transports n’a pas eu plus de résultats.

    Refus de la négociation collective

  1. 1350. L’organisation plaignante explique que, selon l’article 37 du Code du travail, une organisation syndicale de base, un organe représentatif unique des employés ou un autre organe représentatif des employés, habilité à mener une négociation collective, doit signaler son intention d’ouvrir la négociation collective à toutes les organisations syndicales de base actives dans l’entreprise au moment où elle prend contact avec l’employeur pour lui proposer d’ouvrir la négociation collective; dans les cinq jours ouvrables qui suivent, elle doit constituer un organe représentatif commun et y inclure des représentants des autres organisations syndicales de base. Si, à l’expiration de ce délai, les organisations syndicales de base n’ont pas fait connaître leur décision, ou refusent de désigner leurs représentants au sein d’un organe représentatif unique des employés, la négociation collective commence sans leur participation. Cependant, les syndicats qui ne participent pas à la négociation collective conservent le droit de désigner leurs représentants au sein de l’organe représentatif unique pendant un mois à compter du début du processus de négociation. La KTR affirme que, malgré ces dispositions légales claires, les organisations syndicales de base des plaignants sont limitées dans l’exercice de leur droit de participer au processus de négociation collective, car les syndicats majoritaires ne les informent pas du début du processus de négociation collective. L’organisation plaignante allègue que, en 2006, le comité du syndicat «Edinstvo» a déposé une plainte auprès de l’Inspection nationale du travail de la région de Samara parce que le comité du syndicat «Avtoselhozmash» ne l’avait pas informée de l’ouverture de la négociation collective dans l’entreprise Avtovaz. L’inspecteur du travail a conclu qu’il n’y avait pas de raison d’adresser une directive ni au syndicat qui avait entamé la négociation collective, ni à l’employeur. L’inspecteur a estimé qu’un syndicat qui rassemble plus de la moitié du nombre total de travailleurs d’une entreprise est en droit de proposer à l’employeur d’ouvrir la négociation collective sans création préalable d’un organe représentatif unique des employés. Il a en outre été expliqué au syndicat que, en pareil cas, l’Inspection nationale du travail ne dispose d’aucun moyen d’intervention légal, car l’absence de notification des autres organisations syndicales de base quant à l’ouverture de la négociation collective ne constitue pas une infraction administrative au sens du Code des infractions administratives. Cette situation s’est répétée en 2008. En 2009, lorsque le comité du syndicat «Edinstvo» a proposé de participer à la rédaction d’une convention collective, le comité du syndicat «Avtoselhozmash» a répondu que tous les employés pouvaient participer à la rédaction en présentant leurs propositions. Aucun organe représentatif unique d’employés représentant les membres des deux syndicats n’a été constitué. Des années de démarches auprès des organes chargés de l’application des lois, à tous les échelons, n’ont pas permis de faire respecter le droit des syndicats minoritaires de participer à la négociation collective. Ainsi, les normes du Code du travail concernant la participation à la négociation collective des syndicats qui rassemblent moins de la moitié des employés d’une entreprise ne fonctionnent pas et n’assurent pas un droit effectif de participer aux négociations.

    Echec du gouvernement à mettre en place un système efficace de défense des droits syndicaux

  1. 1351. L’organisation plaignante allègue que la majorité des nouvelles organisations syndicales, de même qu’un grand nombre de celles qui sont déjà actives depuis longtemps, sont victimes d’atteintes à leurs droits. Elle allègue en outre que, dans la pratique, les tentatives de défendre les droits syndicaux demandent beaucoup de temps et d’efforts, mais demeurent infructueuses. La KTR explique que les cas de violation des droits syndicaux sont jugés par les tribunaux sur requête d’un procureur, ou sur plainte d’un syndicat. Selon l’article 30, alinéa 1, de la loi sur les syndicats, les violations de la législation relative aux syndicats commises par des fonctionnaires fédéraux et locaux, par les employeurs, par leurs représentants et leurs associations, entraînent des sanctions disciplinaires, administratives ou pénales, conformément à la législation fédérale. Cependant, ni le Code pénal, ni le Code des infractions administratives ne contiennent de normes spéciales sur la responsabilité encourue pour violation de droits syndicaux. Les tentatives répétées de la part des syndicats d’appeler l’attention sur la nécessité d’instaurer une telle responsabilité n’ont pas apporté les résultats escomptés.
  2. 1352. L’organisation plaignante explique en outre que, selon l’article 356 du Code du travail, l’Inspection nationale du travail assure la supervision et le contrôle du respect par les employeurs de la législation du travail et des autres lois contenant des normes relatives au travail, en effectuant des inspections et des examens, en émettant des directives contraignantes pour corriger les violations, en rédigeant des rapports sur les infractions administratives relevant de sa compétence et en préparant d’autres documents afin que les parties coupables d’infractions répondent de leurs actes conformément aux lois fédérales et à la réglementation en vigueur. Comme certaines des dispositions régissent les droits des syndicats – en particulier les droits touchant le partenariat social, la négociation collective, le règlement des conflits collectifs du travail et l’octroi par les employeurs de certaines conditions pour les activités syndicales – sont inscrites dans le Code du travail, la distinction entre le contrôle du respect de la législation du travail, d’une part, et la législation relative aux droits syndicaux, d’autre part, n’est pas claire. Si, dans certaines régions, les services de l’inspection du travail examinent les plaintes sur des violations des droits des syndicats déposées par les syndicats eux-mêmes, dans beaucoup d’autres, ils refusent d’entrer en matière sur ce type de plainte. L’organisation plaignante est consciente du fait que les compétences de l’Inspection nationale du travail, telles que définies par ses statuts, n’englobent pas la supervision et le contrôle du respect des dispositions de la loi sur les syndicats, mais elle affirme que les appels lancés par les organisations syndicales au ministère public n’aboutissent à rien et conduisent même, dans bien des cas, à des pressions encore plus fortes sur les syndicats. Selon l’organisation plaignante, les services des procureurs manquent souvent d’objectivité dans leurs enquêtes.
  3. 1353. Qui plus est, selon l’organisation plaignante, il est certes possible de déposer plainte devant les tribunaux en cas de violation spécifique des droits syndicaux, mais la procédure est complexe et coûteuse en termes de temps et de moyens. D’ailleurs, même lorsque les tribunaux donnent raison aux syndicats, cela ne contribue guère à améliorer la situation dans son ensemble, car les violations des droits syndicaux sont nombreuses et constantes. L’organisation plaignante conclut qu’il n’existe pas de mécanisme ni d’organisme de surveillance et de contrôle du respect des droits syndicaux doté du pouvoir de réagir à des violations spécifiques ou systématiques et de rétablir les droits.
  4. 1354. En outre, l’organisation plaignante affirme que le système de garanties législatives destiné à protéger les dirigeants syndicaux contre la discrimination a été affaibli. Le 3 novembre 2009, la Cour constitutionnelle a abrogé l’article 374 du Code du travail, qui stipulait que les employeurs étaient tenus de consulter les instances supérieures élues des syndicats avant de licencier des dirigeants d’organes élus des organisations syndicales. Cette disposition offrait des garanties aux travailleurs élus à des fonctions syndicales, mais qui conservaient leur emploi principal. Le paragraphe 1 de l’article exigeait l’accord de l’organe élu au sein du syndicat pour tout licenciement d’un dirigeant syndical élu si l’un des trois motifs suivants était invoqué: réductions de personnel et suppression d’emplois (art. 81, alinéa 2, du Code du travail); inadéquation à un poste ou à un emploi due à un manque de qualifications, confirmé par une évaluation (art. 81, alinéa 3); et manquements multiples à l’accomplissement des tâches professionnelles sans justification suffisante de la part de travailleurs ayant déjà fait l’objet de mesures disciplinaires (art. 81, alinéa 5). La Cour constitutionnelle a déclaré que l’article 374, alinéa 1, du Code du travail, relatif aux licenciements tombant dans cette dernière catégorie, était anticonstitutionnel. Invoquant l’une de ses décisions antérieures, la cour a jugé que cette disposition imposait, entre autres:
    • (…) une restriction disproportionnée aux droits d’un employeur en tant que partie au contrat d’emploi, mais aussi en tant que sujet d’opérations économiques et en tant que propriétaire. Pareille restriction ne peut être justifiée par la sauvegarde des droits et des libertés telle que définie dans les articles 30, alinéa 1, 37, alinéa 1 et 38, alinéas 1 et 2, de la Constitution, et elle interfère avec la liberté d’action économique (l’entrepreneuriat) et avec le droit de propriété; elle présente une image fausse de l’essence du principe de la liberté du travail. Elle est donc en contradiction avec les règles inscrites aux articles 8, 34, alinéa 1, 35, alinéa 2, 37, alinéa 1, et 55, alinéa 3, de la Constitution. Les dispositions en question accordent aux travailleurs qui sont membres d’organes syndicaux tout en conservant leur emploi principal des avantages injustifiés par rapport aux autres travailleurs, et elles créent des possibilités d’abus du droit, ce qui est par ailleurs en contradiction avec les dispositions de l’article 19 de la Constitution, relatif à l’égalité de tous devant la loi et devant les tribunaux, et qui garantit l’égalité des droits et des libertés humains et civils.
  5. 1355. L’organisation plaignante affirme que, le 26 novembre 2008, en raison de nombreuses violations des droits de la section locale de la MPRA dans l’entreprise «Tsentrosvarmash», M. Kojnev, le président du syndicat, a adressé au procureur du district de Zavoljsky de Tver une plainte concernant les agissements illégaux de l’entreprise, en soulignant les violations commises par les représentants de l’employeur du droit du syndicat de recevoir des informations et de surveiller le respect de la législation du travail, et en décrivant les pressions exercées par la direction de l’entreprise sur les militants syndicaux. Il demandait au procureur d’intervenir. Or, durant l’enquête, seuls des représentants de l’employeur ont été priés de s’expliquer. Puis, au lieu de vérifier les faits décrits par M. Kojnev, le bureau du procureur a décidé de vérifier si la création du syndicat et ses activités étaient en tout point conformes à la loi. Dans le courant de l’enquête, le syndicat a été prié de fournir des comptes rendus de ses réunions contenant, en particulier, des listes de travailleurs présents et ayant adhéré au syndicat. Par lettre datée du 11 janvier 2009, le premier adjoint au procureur du district s’est adressé à la MPRA pour signaler que l’enquête avait révélé que la section locale du syndicat n’avait pas été créée dans l’entreprise; de ce fait, son affiliation à la MPRA et l’adoption de ses statuts étaient dépourvues de valeur au regard de la loi. Il en découlait que le bureau du procureur n’avait aucune base juridique pour intervenir. Le 21 janvier 2009, M. Kojnev a déposé plainte devant le bureau du procureur de la région de Tver. L’enquête du procureur a consisté à interroger les membres de la section locale de la MPRA dont les noms figuraient dans les procès-verbaux des réunions du comité du syndicat. La plupart de ces travailleurs ont été interrogés plusieurs fois au sujet des questions abordées durant les réunions du syndicat, de ses activités, et au sujet de son président. Les membres du syndicat se sont entendu dire que le syndicat était illégal, qu’il n’existait pas et que le Service fédéral de sécurité ouvrirait des dossiers sur tous ses membres. Plusieurs membres du syndicat se sont sentis menacés et intimidés et ont quitté l’organisation.
  6. 1356. Le 22 avril 2009, M. Kojnev a déposé plainte contre les actes du procureur, en faisant valoir que l’absence d’enregistrement auprès du ministère de la Justice ne pouvait pas servir de preuve de la non-existence du syndicat, puisque, selon l’article 8 de la loi sur les syndicats, ceux-ci ont le droit de ne pas se faire enregistrer. La réponse du chef du Département de surveillance du respect de la législation du bureau du procureur de la région de Tver, en date du 21 mai 2009, a avancé un nouvel argument, à savoir qu’aucune organisation syndicale de premier niveau, aucune section locale ni aucun bureau de représentation de la MPRA ne pouvaient être établis dans la région de Tver parce que, selon les statuts de la MPRA, le syndicat n’était actif que dans les régions de Leningrad et de Samara, et que la région de Tver ne figurait pas sur la liste des zones dans lesquelles le syndicat pouvait opérer. Le 11 juin 2009, M. Kojnev a déposé une nouvelle plainte devant le procureur de la région de Tver. Cette fois, la plainte concernait la lettre du 21 mai 2009 citée ci-dessus. M. Kojnev a fait valoir que, le 3 mars 2009, un service fédéral d’enregistrement pour Saint-Pétersbourg et la région de Leningrad avait enregistré les modifications et les amendements aux statuts de la MPRA en vertu desquels le syndicat pouvait mener ses activités sans restriction territoriale. En réponse à sa plainte, M. Kojnev a reçu une lettre l’informant que sa plainte avait été transmise pour enquête au procureur en exercice du district de Zavoljsky de Tver. Le 17 juillet 2009, le syndicat a reçu une réponse identique aux précédentes.
  7. 1357. La KTR explique que M. Kojnev a déposé au total au moins six plaintes devant divers bureaux de procureurs pour violations des droits des syndicats et des travailleurs. Aucune de ces plaintes n’a été examinée quant au fond. Estimant que les bureaux des procureurs avaient, par leur négligence, autorisé une violation des droits et des libertés des citoyens, M. Kojnev a saisi le tribunal du district de Zavoljsky de Tver pour se plaindre de la négligence des responsables et pour tenter d’obtenir que soit reconnue l’illégalité de leurs conclusions selon lesquelles aucune organisation de premier niveau de la MPRA n’aurait été créée dans l’entreprise «Tsentrosvarmash». Le 3 février 2010, le tribunal du district a rejeté sa plainte, justifiant sa position en affirmant que «le bureau du procureur a formulé une réponse dont il ressort clairement qu’une enquête a été effectuée et qu’il n’existe aucun motif pour une intervention de sa part (...). Par conséquent, le procureur n’a identifié aucune infraction à la loi.» Le tribunal a ensuite déclaré qu’il n’existait aucune preuve de négligence de la part des responsables du bureau du procureur du district de Zavoljsky, et que «toutes les requêtes ont été prises en considération et examinées par divers moyens; des conclusions ont été tirées sur la base des informations disponibles, et une réponse a été donnée dans les délais prescrits par la loi». En ce qui concerne l’illégalité des décisions du bureau du procureur, le tribunal a déclaré que «les procureurs n’ont rendu aucune décision de ce type», «les avis contenus dans ces réponses n’entraînent pas de conséquences juridiques, ne sauraient porter atteinte aux droits du demandeur et ne dénotent aucune action illégale de la part du procureur». La KTR relève toutefois que les réponses des bureaux du procureur ont, dans la pratique, privé le syndicat et ses membres de la protection dont ils auraient dû bénéficier.
  8. 1358. Le 3 février 2010, M. Kojnev a interjeté appel de cette décision devant le tribunal régional de Tver, mais celui-ci a confirmé la décision rendue par la juridiction inférieure. La KTR indique que cette dernière décision a été en outre confirmée par le présidium du tribunal régional de Tver le 21 juillet 2010. La KTR relève que le tribunal n’a pas tenu compte du fait que les mesures prises par le bureau du procureur concernaient des questions qui n’étaient pas abordées dans les requêtes de M. Kojnev, et que le procureur n’avait rien entrepris s’agissant du fond de ces requêtes.
  9. 1359. Par sa communication en date du 9 décembre 2011, la KTR exprime sa satisfaction au sujet des activités de la mission du BIT qui s’est rendue dans le pays en octobre 2011. Cette visite a offert l’occasion de débattre des questions soulevées dans la plainte avec les représentants du BIT et avec les autorités. La KTR souligne que les allégations qui font l’objet du présent cas concernent des problèmes systémiques liés à l’absence de mécanismes efficaces de protection des droits relatifs à la liberté syndicale dans le pays. Selon la KTR, tous les participants aux réunions tenues dans le cadre de la mission sont parvenus à cette conclusion. A cet égard, la KTR et la FNPR ont préparé un document conjoint, intitulé «proposition pour le règlement des problèmes soulevés dans la plainte». La KTR relève qu’il est dans son intérêt de collaborer avec le gouvernement afin de parvenir à des résultats concrets sur la base de la proposition conjointe.
  10. 1360. La KTR signale qu’elle n’a décelé à ce jour aucun geste de réciprocité de la part des autorités. Elle insiste en particulier sur le fait qu’aucune mesure n’a été prise en ce qui concerne les deux cas concrets qui revêtent une très grande importance pour le syndicat, à savoir le cas de M. Urusov et celui des publications syndicales qui ont été déclarées extrémistes. En ce qui concerne M. Urusov, la KTR indique que la Cour suprême de la République de Yakoutie a rejeté, le 29 novembre 2011, l’appel interjeté par M. Urusov contre la décision du tribunal du district de Khangalassky de la République de Sakha en date du 29 septembre 2011, refusant à M. Urusov la libération conditionnelle. En outre, les tracts, les journaux et les publications déclarées de nature extrémiste par la décision du tribunal du district de Zavoljsky de Tver en date du 28 août 2009 figurent toujours sur la liste fédérale de matériaux à caractère extrémiste.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 1361. Dans sa communication en date du 24 septembre 2010, le gouvernement affirme que le droit des citoyens de s’associer au sein d’organisations publiques, y compris au sein de syndicats, ainsi que la liberté d’action syndicale sont garantis par l’article 30 de la Constitution fédérale. Ce droit constitutionnel est mis en œuvre par une série de lois fédérales, dont la loi de 1995 relative aux associations publiques et la loi de 1996 relative aux syndicats, à leurs droits et aux garanties de leur action. Le gouvernement signale en outre que le ministère de la Santé et du Développement social a mené des consultations avec les dirigeants de la KTR sur les questions soulevées dans la plainte.
  2. 1362. En ce qui concerne les menaces et les agressions contre les dirigeants et les militants des sections locales du Syndicat interrégional des travailleurs de l’industrie automobile dans les entreprises «TagAZ» et Ford Motors, le gouvernement fournit les informations suivantes. En 2009, le ministère de la Santé et du Développement social a organisé une réunion de consultation sur le respect de la législation du travail et la protection des droits des travailleurs avec M. Etmanov, le dirigeant de l’organisation syndicale. A la suite de cette réunion, sur instruction du ministère de la Santé et du Développement social, les organes territoriaux du Service fédéral du travail et de l’emploi (Rostrud) ont effectué des inspections dans les deux entreprises et ont donné des instructions afin que soient rectifiées les infractions constatées à la législation du travail. Les fonctionnaires concernés ont fait l’objet de sanctions administratives et disciplinaires. Toutes les violations de la législation du travail énumérées dans les instructions émanant de l’Inspection nationale du travail ont été éliminées.
  3. 1363. Le gouvernement signale encore que le ministère de la Santé et du Développement social a discuté avec la KTR des propositions formulées par celle-ci pour améliorer la législation et la pratique en matière de sauvegarde des droits relatifs à la liberté syndicale. Les propositions concernent principalement l’amélioration de la législation en ce qui concerne la réglementation de la responsabilité administrative en cas de violation des droits syndicaux et du droit à adhérer à un syndicat, et l’amélioration de la supervision par le ministère public du respect de la législation concernant les syndicats. Selon le gouvernement, la proposition de mesures institutionnelles afin de régler les problèmes liés aux activités des organisations syndicales sont dignes d’attention et devraient être examinées dans le cadre de la Commission tripartite russe pour la réglementation des relations socioprofessionnelles (RTK) afin que l’ensemble des partenaires sociaux puissent parvenir à un accord. La question de la négociation collective mérite elle aussi de retenir l’attention. Les propositions concernant le règlement des conflits collectifs du travail et la conduite des grèves seront reflétées dans la doctrine de développement du partenariat social qui est en cours d’élaboration au sein du ministère de la Santé et du Développement social.
  4. 1364. Le gouvernement signale encore que, le 1er décembre 2009, la RTK a créé un groupe de travail sur l’élaboration de propositions relatives à l’amélioration du partenariat social. Ce groupe de travail se compose de représentants des organes fédéraux pertinents de l’exécutif, de fédérations syndicales (dont la KTR) et d’associations d’employeurs. La nouvelle doctrine de développement du partenariat social couvrira toute la gamme de problèmes liés au développement du partenariat social, et sera axée en particulier sur l’amélioration du processus de négociation collective, y compris la question de la représentation des intérêts des travailleurs et des employeurs, et sur les mécanismes de règlement des conflits collectifs du travail. Le gouvernement signale par ailleurs que le groupe de travail tripartite permanent élargi sur la pratique de l’application des lois et sur l’élaboration de propositions visant à améliorer la législation du travail a repris ses activités, sous l’égide du Comité du travail et de la politique sociale de la Douma d’Etat. Le groupe de travail réunit des représentants de la RTK, qui siègent au nom du gouvernement, des fédérations syndicales couvrant l’ensemble de la Fédération de Russie, et des associations d’employeurs couvrant l’ensemble de la Fédération de Russie.
  5. 1365. Le ministère de la Santé et du Développement social et le Rostrud organisent régulièrement des réunions de consultation avec des dirigeants syndicaux sur la question de la protection des droits et des intérêts des travailleurs. Ces échanges de vues ouverts permettent d’aborder les questions vitales liées à l’évolution du marché du travail, à l’emploi, aux salaires et à la protection sociale des citoyens. En outre, conformément aux instructions du ministère de la Santé et du Développement social, les organes territoriaux du Rostrud effectuent des inspections pour s’assurer du respect de la législation du travail dans diverses entreprises afin d’éliminer les violations des droits des travailleurs. Les dirigeants des entreprises concernées font l’objet de mesures disciplinaires, administratives, civiles et pénales. Des tables rondes ont été organisées avec la participation de représentants des organes fédéraux du pouvoir exécutif, des syndicats et des employeurs pour débattre des problèmes qui se posent lorsque les employeurs et les travailleurs ne parviennent pas à se mettre d’accord pour conclure ou pour respecter les conventions collectives.
  6. 1366. Le gouvernement signale encore que, le 15 juin 2010, le groupe parlementaire à la Douma «Spravedlivaya Rossiya» a pris la décision de créer une commission sur les relations sociales et de travail, comprenant les députés à la Douma et des représentants de larges couches du mouvement syndical, y compris la KTR et certains de ses affiliés. La commission s’est réunie le 14 septembre 2010 et a discuté de l’amélioration de la législation du travail, et en particulier des questions liées à la nécessité d’amender le Code du travail afin de garantir les droits des travailleurs de former des syndicats et d’y adhérer et le droit à la négociation collective et d’améliorer la procédure permettant le règlement des conflits du travail.
  7. 1367. Dans sa communication en date du 1er mars 2011, le gouvernement transmet les informations réunies par le ministère de la Santé et du Développement social, le ministère de la Justice, le ministère de l’Intérieur, le Procureur général et le Rostrud au cours des enquêtes effectuées sur les allégations soulevées dans le présent cas.
  8. 1368. En ce qui concerne le droit de créer des organisations sans autorisation préalable et le refus allégué d’enregistrer des syndicats malgré les dispositions législatives interdisant de tels refus, le gouvernement indique que, au titre de l’article 8, alinéa 1, de la loi sur les syndicats, la capacité juridique des syndicats, des fédérations (associations) syndicales, de syndicats de base (tous désignés collectivement sous l’appellation de syndicats) en tant que personnes morales voit le jour dès l’instant de leur enregistrement officiel, conformément à la loi du 8 août 2001 sur l’enregistrement officiel des personnes morales et des entrepreneurs individuels. L’enregistrement des syndicats, toutefois, est soumis à une procédure spéciale (de notification). Les syndicats ont aussi le droit de ne pas être enregistrés. Conformément à l’article 8, alinéa 1) 8), de la loi sur les syndicats, les autorités responsables de l’enregistrement n’ont pas le droit de s’immiscer dans les activités des syndicats ni de leur refuser l’enregistrement.
  9. 1369. L’article 10, alinéa 3, de la loi sur les syndicats prévoit que les activités des syndicats peuvent être suspendues ou interdites dans les cas suivants:
    • – si l’activité du syndicat enfreint la Constitution et la législation en vigueur, par décision de la Cour suprême ou par décision du tribunal compétent des divisions administratives de la Fédération de Russie, sur requête du Procureur général ou du ministère public de la division administrative compétente; et
    • – pour les motifs fixés dans la loi du 25 juillet 2002 sur la prévention des activités extrémistes, par décision du tribunal sur requête du Procureur général, ou des ministères publics locaux, ou du ministère de la Justice, ou de ses offices locaux.
  10. 1370. L’article 8, alinéa 2, de la loi sur les syndicats et l’article 23 de la loi sur les associations publiques disposent que le refus ou l’esquive de l’enregistrement par les services de l’Etat peut faire l’objet d’un recours en justice. L’enregistrement d’un syndicat peut être refusé en invoquant les motifs fixés à l’article 23 de la loi sur l’enregistrement officiel des personnes morales et des entrepreneurs individuels dans les cas suivants: absence des documents requis ou remise des documents à une instance autre que l’autorité compétente. La décision d’enregistrement par les services de l’Etat est précédée par un examen des documents, qui a pour objet d’établir s’ils sont bien conformes à la législation en vigueur.
  11. 1371. S’agissant des allégations de discrimination antisyndicale à l’encontre de travailleurs sur la base de leur affiliation ou de leur activité syndicales, et les pressions exercées sur eux afin de les pousser à démissionner de leur syndicat, et l’absence de protection par les autorités, le gouvernement signale que l’article 2 du Code du travail interdit la discrimination dans le domaine du travail. L’article 3 du code interdit la discrimination au travail fondée sur l’affiliation à des associations. Les personnes s’estimant victimes de discrimination au travail ont le droit de saisir la justice. Selon l’article 136 du Code pénal, les personnes coupables de discrimination encourent une responsabilité pénale. L’article 29 de la loi sur les syndicats prévoit la protection judiciaire des droits syndicaux; au titre de cette disposition, les actes qui enfreignent les droits des syndicats sont examinés par les tribunaux sur requête du ministère public, ou à la demande du syndicat concerné. En outre, l’article 356 du Code du travail prévoit le droit de s’adresser à l’inspection du travail pour qu’elle enquête sur le respect de la législation du travail et des autres textes législatifs connexes. A cet égard, afin d’éliminer les atteintes aux droits des travailleurs, les bureaux locaux du Service fédéral du travail et de l’emploi surveillent le respect de la législation du travail dans les entreprises et les organisations. Si une violation est constatée, les chefs d’entreprise peuvent faire l’objet de sanctions disciplinaires, administratives, civiles et pénales. Il existe donc des mécanismes de protection efficaces contre la discrimination fondée sur l’appartenance à un syndicat et les activités syndicales.
  12. 1372. En ce qui concerne l’inscription de tracts syndicaux sur la liste des documents extrémistes interdits, le gouvernement explique que, en février 2009, la direction de l’entreprise s’est adressée au bureau du procureur du district de Zavoljsky de la province de Tver, pour qu’il vérifie la légalité des activités du président du syndicat de base, M. Kojnev, s’agissant de la diffusion de documents et d’imprimés à caractère extrémiste. Un expert de la faculté des lettres de l’Université d’Etat de Tver a effectué une analyse linguistique des imprimés et a conclu qu’ils étaient de nature extrémiste car ils visaient à inciter à la discorde et à l’hostilité sociales, à encourager l’exclusion en affirmant la supériorité ou l’infériorité des personnes en fonction du groupe social auquel elles appartiennent. Par décision en date du 28 août 2009, le tribunal du district de Zavoljsky a accueilli la requête du bureau du procureur visant à qualifier ces publications d’extrémistes. Le gouvernement explique que, en vertu de l’article 13 de la loi sur la prévention des activités extrémistes, une décision de justice affirmant le caractère extrémiste d’une publication peut faire l’objet d’un recours, dans le respect de la procédure légale établie. Dans ce cas d’espèce, cependant, la décision du tribunal n’a pas été contestée; elle a donc définitivement pris effet le 8 septembre 2009. C’est pourquoi, en application de l’article 13 de la loi sur la prévention des activités extrémistes et sur la base de cette décision de justice, le ministère de la Justice a inscrit les publications en question sur la liste des publications extrémistes interdites. Le gouvernement ajoute que, bien que l’article 15 de cette loi dispose que l’auteur d’imprimés et d’autres publications destinées à une diffusion publique qui contiennent l’une quelconque des indications contenues dans ladite loi sera considéré comme une personne menant des activités extrémistes, pouvant faire l’objet de poursuites conformément à la législation en vigueur, aucune poursuite pénale n’a été intentée contre M. Kojnev puisque ses actes ne constituaient pas une infraction pénale.
  13. 1373. S’agissant de l’allégation de violation du droit à la vie, à la sécurité et à l’intégrité physique et morale, des agressions contre des dirigeants syndicaux et de l’absence d’enquête efficace, le gouvernement fournit les informations suivantes. En ce qui concerne les blessures physiques infligées à M. Etmanov, le gouvernement indique qu’une procédure pénale a été ouverte le 18 novembre 2008, mais que l’enquête n’a pas permis d’identifier les personnes responsables de l’agression; la procédure a été close le 30 novembre 2010 pour motif de prescription. Le 8 février 2011, la procédure a été rouverte, mais l’enquête a une nouvelle fois échoué à identifier les coupables de l’agression contre M. Etmanov. L’enquête pénale a donc été suspendue. L’affaire a cependant été par la suite renvoyée pour nouvelle enquête, sur décision du bureau du procureur de Saint-Pétersbourg.
  14. 1374. En ce qui concerne les blessures infligées à M. Ivanov, le gouvernement explique qu’une procédure pénale a été ouverte le 10 février 2009. L’enquête a permis d’établir que, contrairement aux allégations de M. Ivanov, la police n’avait joué aucun rôle dans l’agression. L’enquête n’a cependant pas permis d’identifier le responsable de l’agression, et elle a donc été suspendue. Le gouvernement ajoute que M. Ivanov a été licencié par GM-AVTOVAZ le 20 novembre 2009, pour absence non autorisée. Le 15 mars 2010, le tribunal du district de Pouchkine de Saint-Pétersbourg a déclaré le licenciement illégal; M. Ivanov a été réintégré dans son emploi le 16 mars 2010, mais il a donné sa démission le jour même.
  15. 1375. Concernant les allégations de refus de la part des autorités de l’Etat d’enregistrer les amendements apportés aux statuts de la MPRA, le gouvernement indique qu’une demande d’enregistrement a été présentée le 5 octobre 2006. Après examen des pièces présentées, les autorités chargées de l’enregistrement ont estimé que les documents n’étaient pas conformes aux critères fixés par la loi, car ils ne contenaient pas l’adresse de l’organe directeur du syndicat et parce que les statuts n’étaient pas conformes à la loi sur les syndicats. Le service d’enregistrement a donc répondu au syndicat, le 3 novembre 2006, en indiquant les motifs du refus d’enregistrement. Le 28 juillet 2008, la MPRA a communiqué aux autorités chargées de l’enregistrement les amendements à ses statuts, en transmettant une copie du procès-verbal de l’assemblée du syndicat tenue le 16 juillet 2008, ainsi que d’autres pièces requises. Le gouvernement souligne que le syndicat n’a transmis que les amendements aux statuts, alors que la loi exige que le texte intégral des statuts soit présenté en trois exemplaires. C’est pourquoi les autorités compétentes ont refusé, en date du 28 août 2008, d’enregistrer les amendements. Le syndicat, après avoir corrigé ses erreurs, a soumis une nouvelle fois les documents, qui ont été enregistrés le 26 février 2009. Les allégations selon lesquelles l’enregistrement des amendements aurait pris huit mois sont donc dépourvues de fondement objectif.
  16. 1376. En ce qui concerne le refus d’enregistrer le RPLBJ, le gouvernement indique qu’après avoir amendé ses statuts le syndicat a soumis les documents pertinents à l’autorité d’enregistrement, qui a confirmé que le syndicat était actif sur le territoire de 54 divisions administratives de la Fédération de Russie. C’est sur cette base que son statut de syndicat couvrant le territoire de la Russie entière a été reconfirmé le 14 juin 2005. En 2006, une enquête a été menée, à la suite d’une requête déposée par le vice-président de la Société des chemins de fer russes (RGD), pour confirmer l’existence de subdivisions structurelles du RPLBJ dans toutes les divisions administratives de la Fédération de Russie qui étaient énumérées dans les statuts du syndicat. L’enquête a établi que le syndicat n’avait pas d’activité dans 19 de ces divisions. Le 1er février 2008, le procureur des transports interrégionaux de Moscou a adressé une requête au tribunal du district de Lyublino de Moscou pour qu’il émette une ordonnance demandant que les statuts du syndicat soient amendés et mis en conformité avec la législation. Par sa décision du 26 novembre 2008, le tribunal a ordonné au RPLBJ d’amender ses statuts pour supprimer le mot «russe» de son nom et enregistrer les amendements. Cette décision a été confirmée par le tribunal civil de Moscou le 2 avril 2009. Le 27 janvier 2010, l’assemblée extraordinaire du syndicat a approuvé les amendements, qui ont ensuite été dûment enregistrés le 16 mars 2010. Le 4 mars 2010, le bureau de Moscou du ministère de la Justice a approuvé l’enregistrement des amendements aux statuts, y inclus le nouveau nom du syndicat, l’Union interrégionale des cheminots.
  17. 1377. Pour ce qui est des exemples allégués de violations des droits syndicaux par les autorités de l’Etat et d’ingérence dans les affaires internes des syndicats, le gouvernement donne les informations suivantes. Le gouvernement nie que les autorités fiscales compétentes aient jamais exigé de la section locale de la MPRA au sein de l’entreprise Ford Motor Company de fournir ses documents financiers ainsi que la liste de ses membres. Une enquête au sujet de ces allégations a d’ailleurs révélé que cette section locale du syndicat n’était même pas enregistrée auprès des autorités fiscales.
  18. 1378. Concernant les allégations d’ingérence dans les activités de la section locale du RPD au port commercial de Novorossiysk due à une enquête et à une procédure pénale engagée contre son président, M. Pereboev, le gouvernement indique que les poursuites contre M. Pereboev ont été abandonnées en août 2007 pour absence de preuve. Depuis 2007 et jusqu’à ce jour, le procureur des transports de Novorossiysk mène des enquêtes, y compris en rapport avec les allégations des dirigeants syndicaux dans les entreprises de transport maritime.
  19. 1379. Quant à l’allégation d’ingérence par les autorités de l’Etat dans les activités du RPLBJ à la suite d’un préavis de grève, le 29 novembre 2007, le gouvernement indique que le syndicat a, par une lettre en date du 22 juin 2007 adressée au président de la RGD, formulé des revendications de nature sociale et économique. Après avoir examiné ces demandes, la direction de l’entreprise a signifié son refus d’y accéder par une lettre datée du 7 août 2007, à laquelle le syndicat a réagi en envoyant un préavis d’une grève de 24 heures fixée au 28 novembre 2007. Le 19 novembre, l’entreprise s’est adressée au tribunal municipal de Moscou pour solliciter une ordonnance déclarant cette grève illégale. Le tribunal a accédé à cette requête, émettant l’ordonnance le 23 novembre 2007. Le 7 avril 2008, l’organisation de premier niveau du RPLBJ des cheminots de Moscou a adressé au directeur de la Société des chemins de fer de Moscou, filiale de la RGD, ainsi qu’au président de la RGD, une requête d’application de l’arrêté no 3/N, demandant une augmentation des salaires jusqu’au niveau fixé dans cet arrêté, conformément aux qualifications de chaque travailleur, etc. La direction ayant refusé d’accéder à la requête, des membres du syndicat ont déclenché, en violation de l’article 410 du Code du travail, une grève à laquelle ont participé quelque 150 travailleurs et qui a duré de 4 heures du matin le 28 avril 2008 à 12 heures le 29 avril 2008. Ce mouvement a entraîné, le 28 avril, l’ouverture d’une procédure contre le président du comité syndical du RPLBJ dans le dépôt de matériel de Pouchkino, M. Pavlov, et son adjoint, M. Mukhin, pour infraction administrative, au titre de l’article 20, alinéa 26, du Code des infractions administratives. Le gouvernement relève toutefois qu’aucune enquête pénale n’a été effectuée et qu’aucun membre du RPLBJ n’a été inculpé d’infraction pénale ni interrogé. Parallèlement, une enquête a été réalisée concernant la plainte déposée par M. Mukhin le 28 mai 2009, faisant état de violences physiques commises par la police au poste de Pouchkino. Après enquête, aucune procédure pénale n’a été ouverte, faute de preuve. Aucune poursuite n’a été intentée contre M. Mukhin; cependant, le 8 février 2011, le bureau du procureur de Moscou-Yaroslavl a infirmé cette décision et renvoyé l’affaire pour supplément d’enquête. Enfin, le gouvernement indique que les allégations d’incendie criminel des bureaux du RPLBJ n’ont pas été confirmées.
  20. 1380. En ce qui concerne les allégations de discrimination antisyndicale dans l’entreprise «Tsentrosvarmash», le gouvernement indique que l’inspection du travail a effectué une inspection le 21 septembre 2009, à la suite de laquelle elle a ordonné à la direction de l’entreprise de verser à M. Kojnev les deux tiers de son salaire pendant la période d’inactivité, ainsi que les arriérés de salaires et un dédommagement pour versement tardif. L’entreprise a recouru contre cette décision, et le tribunal a jugé le 10 juin 2010 que l’ordre donné par l’inspection du travail était illégal. En outre, le gouvernement indique que le tribunal du district de Zavoljsky a examiné les requêtes présentées par M. Andrianov et par M. Kojnev, affirmant que leur licenciement était illégal, demandant leur réintégration et un dédommagement pour leur absence forcée, ainsi que la reconnaissance du fait de discrimination antisyndicale. Le 28 avril 2010, le tribunal a conclu que les demandeurs s’étaient absentés de leur poste de travail sans raison valable les 8, 9, 10 et 11 février 2010, et qu’ils avaient de ce fait été licenciés légalement pour infraction aux règles du lieu de travail, conformément à l’article 81, alinéa 1) 6 a), du Code du travail. Cette décision a été confirmée par le tribunal de province le 3 août 2010.
  21. 1381. Quant aux allégations de discrimination à l’encontre de membres du syndicat de base «Edinstvo» au sein de l’entreprise Avtovaz, le gouvernement indique que, selon les informations fournies en 2010 par l’inspection du travail, 13 plaintes émanant de travailleurs d’Avtovaz membres du syndicat ont été déposées et examinées. Les plaintes concernaient des infractions aux règles de santé et de sécurité, les salaires, le refus de fournir des certificats de travail, l’imposition illégale de mesures disciplinaires et le non-respect des instructions. Aucune ne portait sur des actes de discrimination antisyndicale. Durant l’enquête, qui s’est déroulée le 9 février 2011, M. Zolotarev, vice-président de la MPRA et président du syndicat de base «Edinstvo», a expliqué que des pressions avaient bien été exercées sur des travailleurs pour les inciter à quitter le syndicat, mais qu’aucune plainte n’avait été déposée devant les tribunaux à ce sujet.
  22. 1382. M. Zolotarev a aussi expliqué que le syndicat de base des travailleurs de GM–AVTOVAZ avait été créé en août 2006. Il a ensuite affirmé que, après l’annonce à l’employeur de la création du syndicat, les représentants élus avaient été harcelés et que, en licenciant 23 représentants élus, l’employeur avait détruit la section locale de la MPRA au sein de l’entreprise. Chacun de ces travailleurs a déposé plainte devant le tribunal. Le gouvernement indique, à ce sujet, que les décisions du tribunal refusant leur réintégration font actuellement l’objet d’un recours.
  23. 1383. Le gouvernement fournit encore des informations sur le résultat des enquêtes menées sur les allégations de discrimination à l’encontre de travailleurs syndiqués dans les entreprises suivantes:
    • – GM-AVTOVAZ à Saint-Pétersbourg: la section locale de la MPRA a été formée en 2009. Durant la période qui s’est écoulée depuis le début des opérations de GM AVTOVAZ (mars 2006), sept enquêtes ont été effectuées pour vérifier le respect de la législation du travail. Les enquêtes n’ont pas révélé de cas de discrimination contre les travailleurs membres de la section locale de la MPRA.
    • – «Festalpine Arkada Profil»: il a été établi que, le 22 novembre 2008, la direction de l’entreprise avait proposé une réduction d’effectifs. Toutefois, les travailleurs concernés – parmi lesquels figuraient des membres du syndicat – ont été transférés à titre temporaire dans d’autres lieux de travail. Le gouvernement indique que ce transfert a été effectué en violation du Code du travail, car aucun des travailleurs concernés n’y avait consenti. Le licenciement du vice-président constituait lui aussi une violation de la législation. Le 16 février 2009, le bureau du procureur a engagé une procédure administrative à l’encontre du chef du personnel. L’enquête a abouti le 1er mars 2009 à la condamnation du responsable à une amende pour infraction administrative. En 2009 et en 2010, l’inspection du travail a reçu dix plaintes émanant de travailleurs concernant les conditions de travail en hiver. Aucune plainte n’a été déposée pour discrimination antisyndicale. A l’heure actuelle, 39 travailleurs sont membres de la section locale de la MPRA. Le 20 janvier 2011, une réunion a eu lieu dans l’entreprise, en présence de représentants de la direction et de membres du syndicat. Il a été établi au cours de cette réunion que les plaintes des travailleurs avaient été examinées, au cours de la période considérée, dans le respect de la législation en vigueur et qu’il n’y avait pas eu de cas de discrimination antisyndicale.
    • – TagAZ: selon l’inspection du travail, 24 plaintes ont été déposées en 2010 par des travailleurs de l’entreprise, dont des membres de la section locale de la MPRA. Ces plaintes ont été examinées. Durant les enquêtes, des infractions à la législation du travail ont été découvertes, et des instructions ont été données en conséquence. Des amendes ont été infligées à la direction de l’entreprise pour infractions administratives.
    • – «Togliattikauchuk»: selon l’inspection du travail, 40 plaintes ont été déposées en 2009 par des représentants du syndicat d’entreprise «Nashe Delo». L’inspection du travail a pris des mesures pour réagir à l’ensemble de ces plaintes. Durant une inspection effectuée le 16 janvier 2009, le directeur général de l’entreprise a été jugé coupable d’une infraction administrative au titre de l’article 5.27, alinéa 1, du Code des infractions administratives, et une amende lui a été infligée. Aucune plainte n’a été déposée auprès du ministère du Travail ni auprès de ses bureaux locaux par les membres de la section locale du syndicat NPGR, actif lui aussi au sein de l’entreprise.
    • – Baltika Brewery-Baltika Rostov: une enquête de l’inspection du travail n’a pas trouvé de preuve à l’appui des allégations de pressions psychologiques qui auraient été exercées sur les membres du syndicat de base afin de les inciter à quitter l’organisation. Il a été établi que deux membres du syndicat avaient été licenciés avec l’accord des parties et avaient reçu un dédommagement égal à cinq mois de salaire moyen.
    • – Université de Saint-Pétersbourg du ministère de l’Intérieur: la section locale du Syndicat des travailleurs du commerce et des services, composée de trois membres, a été créée le 25 février 2008, mais elle a cessé d’exister la même année à la suite de la démission de son président et d’un autre membre.
    • – «Nevskie Porogi»: l’inspection du travail a indiqué que, à la date du 28 février 2007, le syndicat de base OPRTU était formé de quatre personnes, et que, au 29 novembre 2007, le syndicat ne comptait plus aucun membre: son président avait démissionné de son propre chef, le vice-président avait été licencié pour infractions graves aux règles de sécurité (pour avoir débranché des dispositifs d’arrêt d’urgence sur des lignes de production automatisées), un autre vice-président avait démissionné de sa propre initiative (pour raisons familiales), et le troisième vice-président avait été licencié pour absentéisme.
    • – «Pochta Rossii Piter»: les tribunaux ont examiné des plaintes pour licenciement abusif et réduction de salaire. Lorsque le tribunal a constaté que les procédures appropriées en matière de licenciement n’avaient pas été respectées, il a ordonné la réintégration.
  24. 1384. En ce qui concerne les allégations de violation des droits syndicaux par les employeurs, le gouvernement indique que la responsabilité des employeurs en la matière est définie dans le Code des infractions administratives. Les articles 5.28-5.34 du code, en particulier, définissent la responsabilité administrative pour les violations touchant l’interdiction des activités syndicales en matière de négociation collective et de contrôle de l’application des conventions collectives. Plus précisément, les employeurs ou les représentants d’employeurs qui s’abstiennent de participer à la négociation collective, ou les employeurs qui refusent de fournir des informations pertinentes aux fins de la négociation collective ou du contrôle du respect d’une convention collective en vigueur, s’exposent à une amende administrative d’un montant de 1 000 à 30 000 roubles; un refus non motivé de la part des employeurs ou de leurs représentants de conclure une convention collective, ou le non respect des dispositions d’une convention collective, est passible d’une amende administrative d’un montant de 3 000 à 5 000 roubles; le refus, de la part des employeurs ou de leurs représentants, de recevoir des plaintes des travailleurs, de même que le refus de mettre à disposition des locaux pour des réunions ou des assemblées de travailleurs aux fins de formuler de telles plaintes, ou l’ingérence dans la conduite de ces réunions, est passible d’une amende administrative d’un montant de 1 000 à 3 000 roubles; le licenciement de travailleurs pour avoir organisé une grève ou pour y avoir participé peut donner lieu à une amende administrative d’un montant de 4 000 à 5 000 roubles. Le gouvernement indique en outre que les cas d’infractions administratives sont examinés par les fonctionnaires du Rostrud et par son Inspection du travail nationale. A la lumière de ce qui précède, et compte tenu du fait que le gouvernement a ratifié la convention no 135 le 1er juillet 2010, il considère que la législation en vigueur régit de manière adéquate et suffisante les questions relatives à la responsabilité encourue pour infraction à la législation du travail. Le gouvernement relève par ailleurs que le Rostrud n’a été saisi d’aucune plainte faisant état du refus d’un employeur de reconnaître un syndicat ou de coopérer avec lui.
  25. 1385. En ce qui concerne les allégations d’ingérence par les autorités de l’Etat dans le droit du FPAD de Russie de rédiger sa propre constitution et ses règles internes, le gouvernement explique que, aux termes de l’article 413 du Code du travail et de l’article 52, alinéa 1, du Code du trafic aérien, le personnel de l’aviation civile qui assure ou qui contrôle le trafic aérien n’est pas autorisé à se mettre en grève ou à cesser le travail, ceci afin de protéger les droits et les intérêts légitimes des citoyens, d’assurer la défense nationale et de préserver la sécurité de l’Etat. Or la résolution adoptée le 30 mars 2010 par l’assemblée des syndicats de base du FPAD appelait les travailleurs de la Corporation du contrôle du trafic aérien (FGUP) à organiser une action collective menant à une restriction ou à un blocage du trafic aérien. Entre le 9 et le 28 avril 2010, 400 travailleurs de l’entreprise ont participé à une action de protestation que les participants ont appelée «grève de la faim». En outre, le 14 avril 2010, le président du FPAD de Russie a déclaré publiquement que, afin de régler le différend à la Société publique d’organisation du trafic aérien, les contrôleurs du trafic aérien cesseraient le travail. De l’avis du gouvernement, une telle mesure aurait conduit à des annulations de vols et aurait compromis la défense nationale, la sécurité de l’Etat ainsi que la vie et la santé des citoyens. C’est pourquoi le bureau du procureur de Moscou responsable du respect de la législation relative au transport aérien et par voie d’eau a émis le 21 avril 2010 un avertissement, indiquant que la mesure proposée était illégale; il a aussi soumis une requête visant le syndicat de base du FPAD, afin que soient déclarées illégales les dispositions de ses statuts touchant les annonces de grève, en particulier pour le personnel de l’aviation fournissant des services d’appui et de contrôle du trafic aérien. Il a été fait droit à cette requête.
  26. 1386. Au sujet de la violation alléguée des droits du syndicat de base du MPT, le gouvernement indique que, pendant la mise en place d’un nouveau système d’entrée dans les zones réglementées du port, les dirigeants syndicaux peuvent accéder aux lieux de travail avec des laissez-passer temporaires.
  27. 1387. S’agissant de l’allégation de vol dans les locaux du syndicat de base des dockers du MPT, le gouvernement signale que l’enquête préliminaire a été suspendue, aucun suspect n’ayant été identifié. Il ajoute qu’une enquête préliminaire, dans le cadre de la procédure pénale concernant l’allégation de détournement de fonds par les responsables du syndicat de base du MPT, a elle aussi été suspendue à l’expiration du délai de prescription de l’enquête pénale. Cette question est actuellement examinée par les services du procureur des transports. Le gouvernement indique encore que le bureau du procureur des transports de Tuapse a mené, en coordination avec l’Inspection nationale du travail et le syndicat de base des dockers, une inspection dans le port pour contrôler le respect de la législation du travail. Plusieurs infractions à la législation ont été constatées et une notification a été adressée à la direction du port le 24 novembre 2009 pour qu’il soit mis un terme à ces violations. En ce qui concerne le refus du président du syndicat de base du MPT, M. Zhuravlev, de fournir les documents requis aux fins d’une enquête le 24 novembre 2009, le procureur des transports de Tuapse a ouvert une procédure administrative au terme de laquelle, par décision du tribunal arbitral en date du 15 décembre 2009, M. Zhuravlev a été jugé coupable d’une infraction administrative et condamné à une amende de 2 000 roubles. Cette décision a été confirmée par le tribunal. Qui plus est, en avril 2010, dans le cadre d’enquêtes visant à vérifier le respect de la législation du travail, des violations ont été constatées qui ont servi de base aux poursuites engagées contre M. Zhuravlev. L’Inspection nationale du travail a infligé à M. Zhuravlev, en date du 4 mai 2010, une amende de 1 000 roubles. Sur la question des locaux, le gouvernement indique que, en 2009-10, l’administration du port a proposé au syndicat de base des locaux séparés situés au 12, rue Gorki à Tuapse. Le syndicat a accepté cette offre le 19 février 2010. Enfin, le gouvernement indique que, depuis 2007, le bureau du procureur des transports de Tuapse a donné suite et répondu à toutes les plaintes qui lui ont été soumises par des organisations syndicales.
  28. 1388. Au sujet de l’allégation de refus par les employeurs de reconnaître des organisations syndicales nouvellement formées, le gouvernement indique que les plaintes de la section locale de la MPRA de l’entreprise TagAZ concernant le refus de la direction de coopérer avec le syndicat ont été examinées à plusieurs reprises par l’inspection du travail. Les inspecteurs du travail ont expliqué plusieurs fois que les questions touchant le respect de la législation doivent être réglées conformément à la procédure fixée dans la loi sur les syndicats. En d’autres termes, ces plaintes doivent être examinées par les tribunaux, à la requête d’un procureur ou sur demande ou sur plainte d’un syndicat. Le tribunal municipal de Taganrog a examiné la requête soumise par la section locale de la MPRA dans l’entreprise TagAZ priant le tribunal de contraindre l’entreprise à fournir des locaux pour les activités syndicales, à garantir aux dirigeants syndicaux la possibilité de pénétrer dans les locaux de l’entreprise et à autoriser la diffusion d’informations syndicales dans un lieu accessible aux travailleurs. Le tribunal a rejeté cette requête.
  29. 1389. Etant donné tout ce qui précède, le gouvernement estime avoir appliqué toutes les mesures et procédures légales nécessaires pour répondre aux questions soulevées dans la plainte de la KTR. La législation nationale et les accords internationaux, y compris les conventions nos 87 et 98, sont pleinement appliquées. Les mesures les plus importantes pour le développement du partenariat social à l’échelon fédéral sont prises dans le cadre de la Commission tripartite russe pour la réglementation des relations socioprofessionnelles (RTK). L’Accord général 2011-2013 entre les fédérations syndicales nationales, les fédérations d’employeurs nationales et le gouvernement a été signé en décembre 2010. Dans le cadre de la mise en œuvre de cet accord, le ministère de la Santé et du Développement social organise régulièrement des réunions consultatives et des séminaires tripartites. Presque tous les amendements à la législation en vigueur, ainsi que les nouveaux textes législatifs, sont discutés au sein de la RTK.
  30. 1390. Dans ses communications en date des 12 et 18 mai ainsi que du 13 juillet 2011, le gouvernement affirme à nouveau que le ministère de la Santé et du Développement social, le ministère de la Justice, le ministère de l’Intérieur, le bureau du procureur général et le Rostrud ont enquêté sur les plaintes formulées dans le présent cas et qu’un grand nombre des faits allégués n’ont pas été confirmés. Dans plusieurs de ces affaires, les tribunaux et les services de répression compétents ont déjà rendu des décisions. Le gouvernement se réfère en particulier, outre les cas abordés plus haut, au cas de M. Urusov.
  31. 1391. Le gouvernement indique encore que, compte tenu du problème évoqué au sujet de l’enregistrement des syndicats par les services officiels, le ministère de la Justice, en coopération avec le ministère de la Santé et du Développement social, envisage de créer un groupe de travail conjoint pour débattre de propositions de perfectionnement de la législation et de mise en place de procédures d’enregistrement accessibles partout. Ce groupe de travail comprendrait des représentants du ministère public, du ministère de l’Intérieur, du ministère des Transports et de la KTR.
  32. 1392. Le gouvernement signale aussi qu’un accord de coopération destiné à garantir le respect des droits des travailleurs a été signé entre le Rostrud et la KTR le 10 juin 2011. Cet accord définit les obligations du Rostrud et de la KTR en ce qui concerne l’échange d’informations sur les violations des droits des travailleurs et sur les questions touchant l’amélioration de la législation du travail, la participation au règlement des conflits collectifs du travail, le choix des médiateurs et des arbitres et d’autres questions.
  33. 1393. Enfin, dans sa communication en date du 30 janvier 2012, le gouvernement indique que, durant une mission technique du BIT, une proposition a été préparée conjointement par la KTR et la FNPR pour régler les problèmes soulevés dans la plainte. Au cours de la réunion tripartite concluant la mission, le 14 octobre 2011, le président de la FNPR a déclaré que les propositions devraient être discutées avec les partenaires sociaux dans le cadre de la RTK. Le gouvernement explique que, conformément au règlement de la RTK, chaque membre de la commission est en droit de présenter des propositions pour examen aux réunions de la RTK et de ses groupes de travail. Cependant, la partie syndicale n’a pas encore présenté sa proposition conjointe.
  34. 1394. Le gouvernement indique aussi que plusieurs faits positifs se sont produits dans le pays depuis la visite de la mission. Le 22 novembre 2011, la loi fédérale portant amendements au Code du travail pour améliorer la procédure de règlement des conflits collectifs du travail a été adoptée. En outre, conformément aux instructions présidentielles, le ministère de la Santé et du Développement social, en coopération avec les organisations de travailleurs et d’employeurs, a préparé un nouveau projet de loi pour amender le Code du travail. Les amendements proposés visent à améliorer le processus de négociation collective et à poursuivre le perfectionnement du mécanisme permettant le règlement des conflits collectifs du travail. Ce projet de loi a été examiné et approuvé par la RTK lors de sa réunion du 21 novembre 2011 et il a été soumis au gouvernement pour examen. En outre, un projet de loi sur les amendements à certains textes législatifs et réglementaires touchant la création et les activités d’associations d’employeurs a été soumis à la Douma d’Etat. Ce projet de loi est conçu pour soutenir le développement de ces associations et pour renforcer leur rôle dans le partenariat social.
  35. 1395. Le gouvernement a débattu avec les membres de la mission du BIT la possibilité d’organiser une formation spéciale pour les employés du système judiciaire, les fonctionnaires des services du ministère public et de la police, afin d’améliorer leur connaissance des normes internationales du travail, la mise au point de principes méthodologiques, et l’appui aux programmes et initiatives tripartites qui visent à faire respecter les droits syndicaux. Le ministère de la Santé et du Développement social envisage actuellement la possibilité d’organiser un séminaire pour les pays d’Europe orientale et d’Asie centrale. Le gouvernement est déterminé à poursuivre le dialogue avec les partenaires sociaux afin de résoudre les problèmes touchant le monde du travail et les questions sociales.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1396. Le comité note que les organisations plaignantes dans ce cas allèguent de nombreuses violations des droits syndicaux, y compris des agressions physiques de dirigeants syndicaux, des violations de la liberté d’opinion et d’expression, l’ingérence des pouvoirs publics dans les activités des syndicats, le refus par les autorités d’enregistrer des syndicats, des actes de discrimination antisyndicale et l’absence de mécanisme efficace pour assurer une protection contre les actes de cette nature, le refus d’octroyer des facilités aux représentants des travailleurs, des violations du droit de négociation collective ou encore l’absence d’enquête des autorités sur ces violations. Le comité prend note des informations détaillées fournies par les plaignants à l’appui de leurs allégations, qui, selon la KTR, concernent des problèmes systémiques liés à l’absence de mécanismes efficaces de sauvegarde des droits relatifs à la liberté syndicale dans le pays. Le comité note aussi les informations non moins détaillées fournies par le gouvernement. Il relève à cet égard que la plainte a été examinée par toutes les autorités concernées et que les problèmes exposés ont reçu une attention considérable.
  2. 1397. Le comité note en outre que, à l’invitation du gouvernement, une mission technique du BIT s’est rendue dans le pays en octobre 2011 pour examiner la plainte avec toutes les parties intéressées, eu égard à la complexité du dossier et du volume d’informations important qu’il contient. Le comité note le rapport de mission (voir annexe). Le comité note avec intérêt que tant l’organisation plaignante que le gouvernement semblent satisfaits du déroulement et du résultat de la mission. Il note en outre avec intérêt les discussions tripartites qui ont conclu la mission ainsi qu’une proposition conjointe préparée par la KTR et par la FNPR pour le règlement des problèmes soulevés dans la plainte, que l’ensemble des parties sont convenues d’examiner dans le cadre de la RTK. A cet égard, le comité note que la KTR souhaite collaborer avec le gouvernement afin d’atteindre des résultats concrets sur la base de la proposition conjointe. Le comité note que, si la partie syndicale n’a pas encore soumis sa proposition conjointe à la RTK, chaque membre de cet organisme, y compris du côté gouvernemental, est en droit de le faire. Le comité s’attend à ce que la proposition soit débattue sans délai par la RTK afin de régler les problèmes soulevés dans le présent cas. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  3. 1398. Le comité note que la proposition conjointe évoque des mesures législatives, des activités de formation, l’adoption de directives et de notes explicatives pour régler les problèmes soulevés dans le présent cas. En ce qui concerne les mesures législatives, le comité note les informations fournies par le gouvernement dans ses communications ainsi qu’à la mission du BIT au sujet des mesures législatives déjà prises ou envisagées afin de garantir que les droits syndicaux soient respectés en droit comme en fait. Le comité rappelle qu’il avait examiné précédemment plusieurs dispositions du Code du travail dans le cadre des cas nos 2216 et 2251. En outre, le comité note les allégations des plaignants concernant l’inefficacité des mécanismes de protection contre les actes de discrimination antisyndicale et d’ingérence par les employeurs dans les affaires internes des syndicats, malgré l’existence de dispositions législatives interdisant de tels actes. Le comité note aussi les allégations concernant la difficulté, dans la pratique, d’apporter des preuves de la discrimination antisyndicale et la rareté des sanctions contre les personnes responsables de tels actes, et il note dans le rapport de mission que tel semble être le cas dans la pratique. Le comité rappelle que les règles de fond existant dans la législation nationale qui interdisent les actes de discrimination antisyndicale ne sont pas suffisantes si elles ne sont pas accompagnées de procédures efficaces assurant une protection adéquate contre de tels actes. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 818.] Observant que les aspects législatifs de ce cas sont également traités par d’autres organes du système de contrôle de l’OIT, le comité, tenant compte de son mandat spécifique, prie le gouvernement de prendre des mesures pour mettre la législation en conformité avec les principes de la liberté syndicale et de la négociation collective et de le tenir informé à cet égard.
  4. 1399. Le comité note avec une grave préoccupation que des tracts syndicaux ont été qualifiés de publication extrémiste par un tribunal local. Le comité note la réponse du gouvernement, qui confirme que les tracts syndicaux cités dans la plainte ont été inscrits sur la liste fédérale de publications à caractère extrémiste sur la base de la décision de justice, qui estimait que la publication syndicale en question avait pour objet d’inciter à la discorde et à l’hostilité sociales, d’encourager l’exclusion et d’affirmer la supériorité ou l’infériorité des personnes en fonction du groupe social auquel elles appartiennent, et qu’elle revêtait, de ce fait, un caractère extrémiste. Le comité note que ces tracts contiennent des slogans tels que «faisons payer la crise à ceux qui l’ont causée», «contre les emplois de mauvaise qualité», ou encore «nous exigeons d’être payés pour notre travail de nuit». Le comité estime que le fait d’inscrire des publications contenant de tels slogans ou des slogans similaires sur la liste de documents à caractère extrémiste entrave considérablement le droit des syndicats d’exprimer des opinions et constitue une restriction inacceptable aux activités des syndicats et, en cela, le comité considère qu’il s’agit d’une grave violation de la liberté syndicale. Le comité rappelle à cet égard que le droit d’exprimer des opinions, y compris des opinions critiques à l’égard de la politique économique et sociale du gouvernement, est l’un des éléments essentiels des droits syndicaux. Le comité prie donc instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour que les tracts syndicaux en question soient retirés de la liste de documents à caractère extrémiste et pour empêcher que cela ne se reproduise. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  5. 1400. Le comité exprime aussi sa profonde préoccupation au sujet de l’allégation selon laquelle M. Urusov, le président du syndicat de base PROFSVOBODA, a été condamné par un tribunal de district à une peine de six années d’emprisonnement pour ses activités syndicales. Les faits retenus contre lui concernent la détention de stupéfiants, dont l’organisation plaignante affirme qu’ils ont été placés sur lui au moment de son arrestation, pendant laquelle il a été battu et forcé de signer un document par lequel il reconnaissait la détention de stupéfiants. Le comité note que selon l’organisation plaignante, la Cour suprême de la République de Sakha a annulé la décision du tribunal de district, considérant que de graves erreurs de procédure avaient été commises dans cette affaire, et a renvoyé l’affaire pour être rejugée. Toutefois, le deuxième procès a abouti au même verdict. Le comité note en outre que, selon les plaignants, l’allégation de persécution antisyndicale n’a pas été examinée ni considérée par le tribunal. Le comité regrette profondément que le gouvernement se limite, dans ses observations, à déclarer que cette affaire a été jugée par les tribunaux. Le comité note que, en novembre 2011, la Cour suprême de la République de Yakoutie a refusé à M. Urusov la libération conditionnelle. Le comité rappelle que dans de nombreux cas où les plaignants alléguaient que des travailleurs ou des dirigeants syndicalistes avaient été arrêtés en raison de leurs activités syndicales et où les réponses des gouvernements se bornaient à réfuter semblables allégations ou à indiquer que les arrestations avaient été opérées en raison d’activités subversives, pour des raisons de sécurité intérieure ou pour des crimes de droit commun, le comité s’est fait une règle de demander aux gouvernements en question des informations aussi précises que possible sur les arrestations incriminées, en particulier en ce qui concerne les actions judiciaires entreprises et le résultat de ces actions, pour lui permettre de procéder en connaissance de cause à l’examen des allégations. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 111.] Le comité prie donc le gouvernement d’indiquer si l’allégation de persécution antisyndicale a fait l’objet d’une enquête appropriée par les autorités compétentes et de fournir des détails sur cette enquête, ainsi que toute autre information pertinente, y compris les décisions judiciaires rendues dans le présent cas. Si l’allégation de persécution antisyndicale n’a pas été examinée, le comité prie le gouvernement de mener sans délai une enquête indépendante sur cette allégation et, au cas où l’enquête révélerait que l’arrestation de M. Urusov s’expliquait par des motifs antisyndicaux, de prendre les mesures nécessaires pour qu’il soit immédiatement remis en liberté.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 1401. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité s’attend à ce que la proposition conjointe KTR-FNPR soit discutée par la RTK sans délai, afin de régler les problèmes soulevés dans le présent cas. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • b) Observant que les aspects législatifs de ce cas sont également traités par d’autres organes du système de contrôle de l’OIT, le comité, tenant compte de son mandat spécifique, prie le gouvernement de prendre des mesures pour mettre la législation en conformité avec les principes de la liberté syndicale et de la négociation collective et de le tenir informé à cet égard.
    • c) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour que les tracts syndicaux soient retirés de la liste de documents à caractère extrémiste et de s’assurer que cela ne se reproduise. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • d) Le comité prie le gouvernement d’indiquer si l’allégation de persécution antisyndicale a fait l’objet d’une enquête appropriée par les autorités compétentes et de fournir des détails sur cette enquête, ainsi que toute autre information pertinente, y compris les décisions judiciaires rendues dans le présent cas. Si l’allégation de persécution antisyndicale n’a pas été examinée, le comité prie le gouvernement de mener sans délai une enquête indépendante sur cette allégation et, au cas où l’enquête révélerait que l’arrestation de M. Urusov s’expliquait par des motifs antisyndicaux, de prendre les mesures nécessaires pour qu’il soit immédiatement remis en liberté.

  • NOTE (Para. no. 1305):
  • Note 1: Plusieurs allégations spécifiques ne sont pas incluses dans la description des allégations. Elles concernent des questions qui ne sont plus pertinentes en raison du temps qui s’est écoulé depuis le dépôt de la plainte, comme cela a été indiqué par l’organisation plaignante pendant une mission du BIT à Moscou en octobre 2011. Le rapport de la mission figure en annexe au présent cas.
  • Annexe

    Annexe
  • Rapport de mission
  • Moscou, Fédération de Russie
  • (10-15 octobre 2011)
  • I. Informations générales
  • 1. Le 20 janvier 2010, la Confédération du travail de Russie (VKT) et la Confédération russe du travail (KTR) ont déposé une plainte auprès du Comité de la liberté syndicale (Note 1). Les organisations plaignantes alléguaient de nombreuses violations des droits syndicaux de leurs affiliés, y compris des emprisonnements et agressions physiques de dirigeants syndicaux, des violations de la liberté d’opinion et d’expression, l’ingérence des pouvoirs publics dans les activités des syndicats, le refus par les autorités d’enregistrer des syndicats, des actes de discrimination antisyndicale et l’absence de mécanisme efficace pour assurer une protection contre les actes de cette nature, le refus d’octroyer des facilités aux représentants des travailleurs, des violations du droit de négociation collective ou encore l’absence d’enquête des autorités sur ces violations. En février 2010, la Confédération syndicale internationale (CSI), l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA), la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) et la Fédération des syndicats indépendants de Russie (FNPR) se sont associées à cette plainte.
  • 2. Eu égard à la complexité du dossier et du volume d’informations important qu’il contient, le gouvernement de la Fédération de Russie a invité, dans une communication datée du 11 août 2011, le Bureau international du Travail à envoyer une mission technique dans le pays afin d’examiner la plainte avec toutes les parties intéressées. La mission se composait de M. Kari Tapiola, conseiller spécial auprès du Directeur général, et de Mme Oksana Wolfson, juriste au Département des normes internationales du travail du BIT. Du 10 au 15 octobre 2011, ils ont tenu une série de réunions à Moscou avec les pouvoirs publics et des représentants des syndicats et des employeurs.
  • II. Fonctionnaires et autres personnes rencontrés par les membres de la mission
  • 3. Les membres de la mission ont rencontré M. A. Safonov, ministre adjoint à la Santé et au Développement social; M. A. Gorban, directeur du Département de la coopération économique du ministère des Affaires étrangères; M. A. Selivanov, chef adjoint du Service fédéral du travail et de l’emploi (ROSTRUD) et inspecteur général adjoint du travail de la Fédération de Russie; M. A. Leonov, chef adjoint du système administratif du Comité du travail et de la politique sociale de la Douma d’Etat; des représentants du ministère de l’Intérieur, du ministère de la Justice, du bureau du Procureur général, de l’administration présidentielle, du ministère des Transports, de l’Agence fédérale du transport aérien (Rosaviatsia), de la Société publique d’organisation du trafic aérien; M. M. Shmakov, président de la FNPR; M. B. Kravchenko, président de la KTR; M. F. Prokopov, vice-président de l’Union des industriels et chefs d’entreprise de Russie (RSPP), et Mme M. Moskvina, directrice du Bureau du marché du travail et du partenariat social de la RSPP; ainsi que d’autres fonctionnaires et représentants des organismes susmentionnés. Les membres de la mission ont demandé à rencontrer des juges ou des représentants du système judiciaire. Malgré la réponse positive faite à leur demande, cette réunion n’a pas eu lieu.
  • III. Déroulement de la mission
  • Ministère de la Santé et du Développement social
  • 4. Le ministre adjoint, M. A. Safonov, qui est également coordonnateur adjoint côté gouvernement de la Commission tripartite russe pour la réglementation des relations socioprofessionnelles, a expliqué aux membres de la mission que les conventions de l’OIT servent de base à la législation russe du travail. Le gouvernement croit fermement au dialogue social, qu’il s’attache à mettre en pratique. L’accord des partenaires sociaux est recherché sur toutes les questions liées au travail, et des accords nationaux, sectoriels et régionaux sont régulièrement signés dans le pays. En 2011, le Président de la Fédération de Russie a rencontré à deux occasions des dirigeants syndicaux afin de discuter de la protection des travailleurs et du partenariat social. A la suite de ces réunions, le Président a demandé aux organismes compétents de renforcer les institutions de dialogue social du pays. Le ministre adjoint a également indiqué que le gouvernement considère que le pluralisme syndical est nécessaire et que les situations de monopole sont dangereuses. Le gouvernement ne s’ingère pas dans les affaires des syndicats. Le ministère lui-même travaille avec tous les syndicats et essaie de trouver des solutions à leurs problèmes.
  • 5. Le gouvernement estime que toute entreprise opérant sur le territoire doit respecter les lois du pays et donc nouer un dialogue avec les syndicats. Traiter avec les entreprises multinationales est particulièrement difficile pour les petites organisations syndicales, qui rencontrent également des problèmes dans leurs rapports avec les syndicats plus importants sur la question de la négociation collective. Bien que la législation prévoie un organe de négociation commun, en pratique, des problèmes subsistent. Le ministère a pris contact avec la KTR, afin que celle-ci propose une solution concrète pour régler ce problème de sorte que les procédures ne puissent pas être transgressées. M. Safonov a également indiqué que des projets d’amendements au Code du travail ont été élaborés pour simplifier la procédure de déclaration de grève. Le gouvernement considère que les syndicats doivent jouir du droit de grève et être en mesure de l’exercer en pratique.
  • 6. S’agissant de la plainte, le gouvernement aurait préféré voir la KTR présenter ses allégations au niveau national avant de déposer une plainte auprès du BIT. Les petites organisations syndicales pourraient se servir de diverses instances au niveau national. Les problèmes soulevés dans la plainte auraient pu être portés à l’attention de la Commission tripartite russe pour la réglementation des relations socioprofessionnelles, laquelle comprend 30 personnes défendant les intérêts des syndicats (la majorité sont des représentants de la FNPR, mais cinq représentent d’autres organisations syndicales). Le président de la KTR est un membre de la commission. La commission tripartite s’occupe des problèmes qui se posent au niveau fédéral, et non de cas ou d’entreprises en particulier, mais pourrait examiner des plaintes spécifiques et s’intéresser aux violations systémiques constatées au niveau local. M. Kravchenko est également membre du Comité présidentiel des droits de l’homme, qui ne compte aucun représentant de la FNPR.
  • 7. D’autres représentants du ministère ont expliqué aux membres de la mission que le gouvernement a été informé de la plainte avant même qu’elle soit déposée auprès du BIT. Une fois la plainte transmise par le Bureau au gouvernement, le ministère a contacté la KTR pour lui proposer d’établir un plan d’action, qui aurait notamment pu comprendre des réunions ou la communication d’informations. Ces consultations n’ayant pas eu lieu, le gouvernement a mené les enquêtes qui s’imposaient et a envoyé une réponse au BIT. Le ministère souhaite que la KTR s’adresse à lui en cas de problème. Il pourrait ainsi répondre de manière appropriée soit en donnant les instructions nécessaires aux organismes compétents de l’Etat ou à des entreprises en particulier, soit en portant certaines questions à l’attention de la commission tripartite ou, en cas de problèmes systémiques, en proposant d’apporter des amendements à la législation, en consultation avec les partenaires sociaux.
  • 8. S’agissant de la question de l’enregistrement soulevée dans la plainte, M. Safonov a expliqué que le ministère de la Justice n’a pas le droit de refuser d’enregistrer une organisation syndicale. Il peut s’adresser aux services du ministère public afin que ceux-ci demandent au syndicat de rectifier certains problèmes existants (mettre ses statuts en conformité avec les dispositions de la législation en vigueur, par exemple). En cas de désaccord ou de non-conformité, les services du ministère public peuvent faire appel au système judiciaire. Un syndicat peut fonctionner sans être enregistré, et il n’existe aucun exemple de dissolution d’une organisation syndicale, même en cas de violation de la législation en vigueur.
  • 9. Le ministre adjoint a également indiqué que l’arbitrage des conflits du travail est une notion nouvelle pour la Fédération de Russie. A cet égard, l’acquisition d’une plus grande expérience bénéficierait au gouvernement comme aux syndicats. Le ministre adjoint a également fait observer que les grands syndicats existants sont plus au fait de la législation du travail, et que les nouvelles organisations syndicales sont moins expérimentées. En outre, les employeurs n’ont que peu d’expérience des relations avec les organisations syndicales. Le gouvernement a tenté de les sensibiliser à cette question, mais la principale difficulté est d’atteindre les petits entrepreneurs. M. Safonov a souligné l’importance qu’attache le gouvernement à la construction d’une société stable, dans laquelle les partenaires sociaux puissent parvenir à des accords. Sur ce point, l’inspection du travail joue un rôle majeur, et des pouvoirs plus étendus lui ont été récemment conférés.
  • Réunion conjointe avec la FNPR et la KTR
  • 10. M. Shmakov estime que le principal problème pour la FNPR est l’attitude des organismes de l’Etat, qui représentent à la fois le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Il a également expliqué que les violations des droits syndicaux sont plus fréquentes au niveau régional qu’au niveau central. En outre, les services du ministère public ne prennent pas la mesure du rôle qu’ils ont à jouer en matière de protection des droits au travail et des droits syndicaux, problème qui, selon M. Shmakov, tient à la formation parfois médiocre des procureurs. Il existe un accord, conclu en 2010 entre la FNPR et les services du ministère public, qui s’est avéré utile, mais qui ne s’applique pas directement à des situations particulières. Les parties font référence à cet accord lorsque des problèmes se présentent. De tels accords ont également été conclus au niveau régional. La FNPR estime qu’en dépit de ces accords les services du ministère public continuent parfois d’avantager les employeurs. S’agissant de la plainte déposée par la KTR auprès du BIT, le président de la FNPR a indiqué que son organisation l’a soutenu. La question des relations entre syndicats dans le cadre de la négociation collective (sachant que les organisations affiliées à la FNPR représentent généralement la majorité des travailleurs et celles de la KTR souvent une minorité) ne constitue tout au plus qu’une très petite partie du problème.
  • 11. M. Kravchenko a déclaré que la KTR a observé les pratiques suivantes dans le pays: les employeurs s’opposent à la création de syndicats et aux activités de ces organisations dans leurs entreprises, et les services chargés de faire respecter les lois, en particulier ceux du ministère public et de l’inspection du travail, ne prennent aucune mesure. Parfois, ils interviennent en défaveur des syndicats. Une fois qu’un syndicat est constitué, les employeurs demandent souvent aux services du ministère public et/ou aux services fiscaux d’enquêter sur la légalité de la constitution de l’organisation. Durant l’inspection qui s’en suit, l’autorité compétente est en mesure d’obtenir la liste des travailleurs syndiqués et la transmet généralement à l’employeur. M. Kravchenko a également souligné que les actes antisyndicaux se sont multipliés avec la crise économique. La plainte mentionne 25 entreprises dans lesquelles les droits d’organisations syndicales affiliées à la KTR n’ont pas été respectés.
  • 12. Selon M. Kravchenko, la législation actuelle ne protège pas suffisamment les droits syndicaux. Il a fait remarquer que les recommandations des organes de contrôle de l’OIT relatives au Code du travail n’ont pas été mises en œuvre en dépit du fait qu’en 2007 un groupe de travail avait élaboré des projets d’amendements sur la base des recommandations formulées par le Comité de la liberté syndicale et la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (amendements qui ont été rejetés par la suite), et en dépit des instructions émanant du Président.
  • 13. Au niveau national, la KTR estime que les relations avec les employeurs sont difficiles. Ceux-ci ont proposé d’apporter des amendements au Code du travail afin d’assouplir les relations professionnelles, et ne sont pas prêts à dialoguer avec les syndicats qui, de leur côté, ont avancé leurs propres propositions. En outre, si la RSPP connaît, au minimum, l’existence du BIT et des conventions internationales du travail, les employeurs, à leur niveau, ne font aucun cas de la législation du travail, des droits syndicaux, ni même des avis de la RSPP.
  • 14. Les représentants de la KTR ont ensuite fait observer que, si la législation garantit le droit de grève, en pratique, les syndicats ne peuvent pas recourir à des actions de revendication. Au cours des dernières années, on a dénombré seulement deux ou trois grèves légales, qui ont pris la forme d’actions de protestation. La procédure d’enregistrement des syndicats pose un certain nombre de difficultés. Les syndicats doivent suivre la même procédure d’enregistrement que les autres organisations non commerciales ou ONG, et la KTR estime qu’il faudrait prévoir pour eux une procédure spéciale et simplifiée. Les organisations syndicales peuvent fonctionner sans être enregistrées mais, dans ce cas, elles ne peuvent pas négocier collectivement ni conclure de conventions collectives. Les petites organisations se heurtent à divers problèmes, notamment des problèmes d’accès aux lieux de travail. Dans des zones réglementées telles que les ports, par exemple, les syndicats qui ne disposent pas d’un laissez-passer permanent doivent s’acquitter du droit d’entrée à chacune de leur visite, ce que les petites organisations syndicales ne peuvent pas toujours se permettre.
  • 15. Selon la KTR, malgré le fait que la loi prévoie l’interdiction de la discrimination, la protection, en particulier contre la discrimination antisyndicale, est presque inexistante. De plus, les instances dont le rôle devrait être de protéger les droits syndicaux ne sont pas efficaces. Les représentants de la KTR ont expliqué que le système de protection des droits au travail fait intervenir trois instances: les services du ministère public, les tribunaux et l’inspection du travail. Les services du ministère public sont chargés de veiller à l’application de la législation; ils traitent également les allégations de violations des droits de l’homme. Cependant, selon la KTR, les services du ministère public refusent souvent de s’occuper des allégations de violations des droits syndicaux, estimant que les atteintes de cette nature ne relèvent pas de leur domaine de compétence et devraient être portées à l’attention des inspecteurs du travail. Or la position de l’inspection du travail est que les droits syndicaux sortent du champ d’application du droit du travail. Elle se déclare donc non compétente pour traiter des allégations de violation des droits syndicaux et renvoie les syndicats vers les tribunaux. Dans le cas d’actes de discrimination antisyndicale, le problème se complique singulièrement: si, en vertu de la législation, les tribunaux sont compétents pour statuer sur ces cas, ils n’apprécient guère d’avoir à se prononcer sur de telles affaires, car les violations de ce type sont très difficiles à prouver. Même lorsque le tribunal conclut qu’il y a eu discrimination, les services du ministère public n’engagent pas de procédure contre l’employeur qui, chaque fois, refuse de réintégrer ou d’indemniser le travailleur victime d’actes de discrimination antisyndicale. Si la législation prévoit une responsabilité administrative et pénale, en pratique, les violations des droits syndicaux ne sont pas sanctionnées. Les représentants de la KTR ont expliqué que la responsabilité administrative peut être engagée dans un délai de deux mois à compter du dépôt de la plainte; dans ce cas, une enquête est lancée, mais elle dure généralement plus de deux mois. La KTR n’a pas connaissance de cas dans lesquels un employeur ou un fonctionnaire a été déclaré pénalement responsable de violation des droits syndicaux.
  • 16. Enfin, les représentants de la KTR ont souligné que, si le dossier de la plainte est plutôt volumineux et se réfère à une multitude d’exemples de violations, c’est qu’il vise à mettre en évidence les problèmes généraux et systémiques de non-respect des droits syndicaux dans le pays. Bien que certains cas mentionnés dans la plainte aient été résolus ou ne soient plus d’actualité étant donné le temps qui s’est écoulé depuis les faits, celui de M. Urusov, un syndicaliste qui purge actuellement une peine de prison, et celui dans lequel un tribunal a déclaré que les documents émanant d’un syndicat étaient «extrémistes» sont des cas très graves et urgents.
  • La KTR et ses organisations affiliées
  • 17. Lors d’une autre réunion entre les membres de la mission et les organisations plaignantes, M. Kravchenko a souligné de nouveau que les principaux problèmes auxquels les organisations syndicales font face sont la constitution et l’enregistrement des syndicats, les mesures prises par les services chargés de faire respecter les lois, la discrimination antisyndicale, les restrictions de l’exercice du droit de grève et l’accès à la négociation collective.
  • 18. S’agissant de l’enregistrement, les membres du conseil exécutif de la KTR ont indiqué qu’il est beaucoup plus facile (et moins coûteux) d’enregistrer une entité commerciale qu’une entité non commerciale; selon leur expérience, il est encore plus difficile d’enregistrer une organisation syndicale. La procédure pouvant se révéler compliquée, les entités non commerciales, y compris les syndicats, se voient contraints de faire appel aux services de sociétés spécialisées (le coût moyen de tels services est compris entre 50 000 et 60 000 roubles). En vertu de la législation en vigueur, les autorités compétentes relevant du ministère de la Justice ne peuvent pas refuser finalement de procéder à l’enregistrement. Cependant, le ministère de la Justice demande presque systématiquement aux services du ministère public de mener une enquête afin de déterminer la légalité de la constitution d’une organisation. Si les services du ministère public concluent qu’une organisation syndicale a été constituée illégalement, ils peuvent demander au tribunal d’ordonner l’interdiction des activités de l’organisation et, à terme, la dissolution de celle-ci. Les employeurs peuvent également demander aux services du ministère public d’examiner si les statuts d’un syndicat nouvellement constitué sont conformes à la législation. En outre, selon la KTR, toute enquête des services du ministère public portant soit sur un syndicat en particulier, soit sur l’un de ses adhérents commence par l’examen de la légalité de la constitution du syndicat en question. La KTR estime que les services chargés de faire respecter les lois ne devraient pas intervenir dans les affaires internes des syndicats à la demande des employeurs et que ces derniers ne devraient pas utiliser ces services à cette fin.
  • 19. Les cas de discrimination antisyndicale sont extrêmement difficiles à prouver devant un tribunal et, dans la pratique, même si un employeur est déclaré coupable de tels faits, il n’est pas sanctionné. Dans ces conditions, les travailleurs craignent d’être licenciés pour des motifs antisyndicaux, et les syndicats ne peuvent pas défendre leurs affiliés si cela se produit. La KTR souligne qu’il devrait exister un organe indépendant dont les décisions seraient contraignantes et qui pourrait en contrôler l’application.
  • Service fédéral du travail et de l’emploi (Rostrud) – Inspection du travail
  • 20. M. A. Selivanov, chef adjoint du Service fédéral du travail et de l’emploi (Rostrud), a expliqué aux membres de la mission que les questions suivantes sont placées sous la responsabilité de son service: emploi, contrôle de l’application de la législation du travail, partenariat social, service civil en remplacement du service militaire et migration interne. Le Service est également chargé de la médiation et de la conciliation des conflits du travail et gère une base de données regroupant les coordonnées des arbitres. M. Selivanov est conscient que la FNPR et la KTR estiment toutes deux que les pouvoirs de l’inspection du travail devraient être élargis afin de couvrir la protection des droits syndicaux. Il a indiqué qu’il existe 82 inspections du travail dans le pays, employant au total près de 3 000 inspecteurs. En 2013, ce nombre passera à 2 800, soit un inspecteur pour 25 000 travailleurs. Depuis le début de la crise économique, le nombre de plaintes déposées auprès de l’inspection du travail a doublé. Dans ces conditions, le nombre d’inspecteurs du travail apparaît nettement insuffisant. La majorité des plaintes déposées actuellement le sont par des travailleurs, à titre individuel, et concernent le non-paiement des salaires. Le Rostrud effectue des inspections programmées (à raison de deux par mois) et des inspections non programmées (six à huit par mois). Les syndicats sont invités à y prendre part. Le Rostrud mène également des consultations préliminaires ouvertes. Jusqu’à 80 pour cent des problèmes soulevés peuvent être résolus à ce stade. Dans d’autres cas, il peut s’écouler environ un mois avant qu’une décision soit prise.
  • 21. M. Selivanov a souligné que la majorité des plaintes déposées par les syndicats sont infondées. En cas de refus d’enregistrement, par exemple, les syndicats doivent déposer plainte auprès des tribunaux, et non de l’inspection du travail. Dans d’autres cas, ce sont les services du ministère public qui sont compétents. En revanche, lorsqu’un syndicat majoritaire négocie collectivement sans en informer les syndicats minoritaires, l’inspection du travail est compétente et intervient pour rappeler au premier que les seconds ont le droit de participer au processus. Selon M. Selivanov, le principal problème réside dans le fait que les syndicats ne connaissent pas leurs droits. Il estime que 10 pour cent des plaintes déposées par la KTR se rapportent à des violations réelles, 30 à 40 pour cent sont de l’ordre de la réaction émotionnelle (ce qui est courant en cas de licenciement), et les 50 à 60 pour cent des plaintes restantes sont sans fondement, mais découlent de la méconnaissance des droits des travailleurs et des droits syndicaux. Il a également souligné qu’il n’y a pas eu récemment de plaintes déposées par des syndicats minoritaires contre des syndicats majoritaires, ce qui montre que les syndicats ont appris à travailler ensemble.
  • 22. M. Selivanov a résumé la procédure applicable de la manière suivante: les services du ministère public et/ou les tribunaux sont compétents pour statuer sur les plaintes pour violation de la législation sur les syndicats; les services du ministère public sont compétents pour les problèmes d’enregistrement; et le Rostrud ou les tribunaux sont compétents pour statuer sur les plaintes pour violation des dispositions du Code du travail, notamment celles relatives aux conventions collectives du travail et à la discrimination. Etant donné qu’il est extrêmement difficile de prouver des faits de discrimination devant les tribunaux, les syndicats déposent le plus souvent plainte auprès du Rostrud. En revanche, les employeurs n’hésitent pas à faire appel des décisions des inspecteurs du travail devant les tribunaux, car ils disposent de suffisamment de moyens juridiques pour le faire. Il a ensuite expliqué qu’en pratique, si une plainte est déposée devant un tribunal, l’inspection du travail ne peut pas intervenir. Si une plainte est déposée auprès des services du ministère public, ceux-ci peuvent demander à l’inspection du travail de mener une enquête. Il est ensuite possible de faire appel de la décision de l’inspection du travail auprès de l’Inspection centrale du travail, des services du ministère public ou des tribunaux.
  • 23. S’agissant des employeurs, M. Selivanov a expliqué que le problème majeur réside dans les petites et moyennes entreprises, dans lesquelles aucune inspection non programmée ne peut être effectuée pendant les trois premières années suivant leur création, et dans les entreprises multinationales, qui ne tiennent souvent pas compte de la législation du travail en vigueur.
  • 24. Pour ce qui concerne l’application de sanctions, M. Selivanov a indiqué qu’une personne physique est passible d’une amende maximale de 5 000 roubles en cas de violation de la législation du travail (50 000 roubles dans le cas d’une personne morale). En 2010, 298 personnes au total ont été condamnées à verser une amende pour violation de la législation du travail. De manière générale, M. Selivanov estime que les amendes sont d’un montant très faible, si bien que certaines entreprises préfèrent les payer plutôt que de respecter la législation du travail. En matière de discrimination, un fonctionnaire reconnu coupable d’actes de cette nature peut se voir interdire d’exercer ses fonctions pendant une durée maximale de trois ans. Un directeur d’entreprise, par exemple, pourrait être muté vers une autre entité.
  • Représentants du ministère de l’Intérieur, du ministère de la Justice, du bureau du Procureur général, du ministère des Transports, de l’Agence fédérale du transport aérien (Rosaviatsia) et de la Société publique d’organisation du trafic aérien
  • 25. Les membres de la mission ont examiné de manière approfondie différents aspects de la plainte avec des représentants des autorités compétentes. Un représentant du bureau du Procureur a indiqué que toutes les allégations formulées dans la plainte de la KTR ont fait l’objet d’une enquête et que certaines violations présumées ont été confirmées. Si ces mesures sont jugées insuffisantes, d’autres enquêtes peuvent être lancées. Une enquête sur une affaire dure environ un mois, deux au maximum. Il a également expliqué que les services du ministère public disposent à tous les niveaux de fonctionnaires spécialisés dans les relations avec les syndicats. On dénombre peu de plaintes pour violation de la liberté syndicale, et presque aucune n’a été déposée par la FNPR ou l’une de ses organisations affiliées.
  • 26. Un représentant du ministère de l’Intérieur a indiqué qu’entre 2008 et 2011 sept plaintes concernant deux régions du pays ont été déposées par des syndicats. Aucune de ces plaintes ne s’est révélée être liée à des activités syndicales.
  • 27. Un représentant du ministère de la Justice a expliqué que l’enregistrement des syndicats est effectué par un service spécial chargé des entités non commerciales. L’enregistrement ne peut être refusé que s’il apparaît que l’organisation prétendant être un syndicat n’en est en réalité par un. Le problème le plus fréquent est le défaut de présentation de l’ensemble des documents requis par la législation. Le ministère de la Justice doit répondre aux demandes qui lui sont soumises dans un délai de trente jours. Le ministère peut refuser d’enregistrer une entité non commerciale, sauf s’il s’agit d’un syndicat. Il enregistre le syndicat même si celui-ci n’est pas parfaitement en règle et lui donne du temps supplémentaire (parfois jusqu’à un an) pour apporter les modifications nécessaires. Les services du ministère public vérifient ensuite, dans le délai qui leur est imparti, que le syndicat respecte la législation. Ils peuvent en théorie demander à un tribunal de dissoudre un syndicat, mais le cas ne s’est encore jamais présenté. S’agissant des sanctions dans les cas de violation de la législation du travail (y compris les cas de discrimination), les membres de la mission ont été informés qu’une indemnisation financière est possible uniquement si la preuve qu’une infraction administrative a été commise est apportée. La responsabilité pénale peut être engagée en cas d’«abus de pouvoir» si les procédures n’ont pas été respectées.
  • 28. Un représentant de l’administration présidentielle a estimé que la plainte déposée par la KTR n’était plus d’actualité. Par le passé, la KTR a dû lutter pour être reconnue, ce qui est maintenant chose faite. De fait, le Président a rencontré les représentants de la KTR et de la FNPR. Au cours de la dernière réunion, en juillet 2011, les deux organisations syndicales ont présenté leurs préoccupations et leurs propositions, à la suite de quoi le Président a transmis ses instructions au gouvernement.
  • RSPP (employeurs et industriels)
  • 29. M. Prokopov a expliqué que la RSPP est la seule organisation d’industriels et de chefs d’entreprise du pays. Il n’en connaît pas le nombre exact de membres, mais la RSPP représente plus de 100 associations sectorielles regroupant plus de 300 000 entreprises. Globalement, ces entreprises représentent deux tiers du PIB et emploient entre 10 et 12 millions de travailleurs. La RSPP est signataire de l’accord tripartite national, mais ne prend pas part aux négociations collectives menées par ses organisations affiliées. Elle propose les services suivants à ses membres: communication d’informations (principalement via la base de données des conventions collectives conclues par ses organisations affiliées) et consultation (principalement sur des questions de négociation collective). Elle ne participe cependant pas aux procédures de médiation et de conciliation des conflits du travail entre ses organisations affiliées et les syndicats. La RSPP prend part au processus législatif en sa qualité de membre de la Commission tripartite russe.
  • 30. La RSPP estime que la législation en vigueur est relativement équilibrée, mais que la réglementation de la grève et le système de négociation collective sont complexes. Concernant les grèves, la RSPP a expliqué le problème auquel les employeurs font face, à savoir que, pendant que les tribunaux examinent la légalité d’une grève, ce qui peut prendre jusqu’à deux ou trois mois (trente jours au maximum dans le cas de services essentiels), l’employeur subit une perte de chiffre d’affaires. S’agissant du système de négociation collective, la RSPP a affirmé que les entreprises sont dans l’obligation de mener des négociations collectives et d’être parties à des conventions collectives à différents niveaux (entreprise, territoire et secteur).
  • 31. La RSPP avait connaissance de la plainte en instance devant le Comité de la liberté syndicale et de la réponse faite à celui-ci par le gouvernement. Bien que n’ayant pas étudié en détail la plainte, cette tâche revenant aux organisations d’employeurs concernées, aux tribunaux et aux autorités de l’Etat, la RSPP estime que le problème principal tient aux relations entre les différents syndicats. Le problème de l’accès aux lieux de travail peut se résoudre entre le syndicat, l’employeur et les autorités concernés. La RSPP a affirmé que l’existence de cette plainte ne permet pas de conclure que tous les employeurs souhaitent avoir des entreprises sans syndicat.
  • Comité du travail et de la politique sociale de la Douma d’Etat
  • 32. M. Leonov a expliqué que la plainte porte sur de nombreux problèmes, dont la majorité sort du domaine de compétence du Rostrud, service qui veille à l’application de la législation du travail. A cet égard, il considère qu’il reste des progrès à faire. S’il est possible de lier plus étroitement la législation du travail et celle relative aux syndicats, M. Leonov n’est pas certain que l’Etat dispose actuellement des ressources financières nécessaires pour opérer ce rapprochement. Pour ce qui est des allégations formulées dans la plainte, il a observé qu’«il n’y a pas de fumée sans feu». Cependant, s’il l’on veut résoudre de manière pérenne les questions soulevées dans la plainte, il faut nécessairement passer par le dialogue, la communication, et l’amélioration de la législation et du travail des autorités.
  • 33. Quant aux aspects législatifs, M. Leonov a expliqué qu’aucune disposition ne sanctionne explicitement les actes de non-reconnaissance des syndicats et d’ingérence dans leurs activités. En outre, il n’existe pas de texte législatif visant à éliminer la discrimination antisyndicale. En ce qui concerne l’article 37 (Note 2) du Code du travail, M. Leonov a expliqué que le problème soulevé dans la plainte se rapporte à l’application pratique de cet article et est étroitement lié au refus des employeurs de négocier collectivement ainsi qu’à une concurrence entre les syndicats. Il faut donc s’interroger sur la manière dont on peut changer les usages.
  • 34. S’agissant des grèves, M. Leonov a expliqué qu’un projet d’amendement a été élaboré afin d’améliorer la procédure de règlement des conflits collectifs du travail, notamment les grèves. L’une des propositions visait à éliminer les procédures actuelles de médiation et de conciliation, mais celle-ci a été refusée par le Comité de la Douma d’Etat. En conséquence, les procédures de médiation et de conciliation restent obligatoires, tandis que l’arbitrage est volontaire. D’autres propositions touchent à la réduction de divers délais applicables et à la suppression de l’obligation de déclarer la durée de la grève. Il est aussi suggéré de créer une institution permanente d’arbitrage.
  • 35. Pour finir, M. Leonov a rappelé que, à la suite de la décision par laquelle la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnel l’article 374 du Code du travail qui obligeait un employeur à consulter un syndicat avant de pouvoir licencier un dirigeant syndical, la Fédération de Russie a ratifié la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971. Depuis lors, des propositions ont été formulées en vue de renforcer la protection contre la discrimination antisyndicale, en particulier en cas de licenciement, mais les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à un accord sur ce sujet.
  • Réunion tripartite
  • 36. La mission à Moscou s’est achevée par une réunion tripartite à laquelle ont participé les principaux représentants du ministère de la Santé et du Développement social, des deux organes syndicaux et des employeurs. Avant la réunion, la FNPR et la KTR ont communiqué une proposition conjointe pour le règlement des problèmes soulevés dans la plainte. Cette proposition est fournie en annexe.
  • 37. Au début de la réunion, M. Tapiola a suggéré que les participants donnent leur avis sur les questions suivantes: Existe-t-il réellement des problèmes? Les procédures d’enregistrement des syndicats et de dépôt de plaintes auprès des autorités compétentes sont-elles suffisantes? Sont-elles faciles d’accès? Sont-elles efficaces? Sont-elles bien expliquées et bien comprises? Les problèmes soulevés dans la plainte se rapportent-ils à des questions de compétences, de connaissances, de compréhension ou d’exercice de l’autorité? Est-il clair que les droits à la liberté syndicale présentent des caractéristiques spécifiques? Des arrangements institutionnels supplémentaires seraient-ils nécessaires? M. Tapiola a observé qu’après discussion avec diverses parties il semble que le rôle et les droits des syndicats soient bien compris à Moscou, c’est-à-dire au niveau central, tandis qu’aux niveaux local et régional, souvent, les fonctionnaires ne sont pas au courant des règles du jeu ou sont peu enclins à les respecter. De plus, la plainte montre clairement un manque de confiance entre le gouvernement, les employeurs et les organisations syndicales. Il apparaît en outre que toutes les parties concernées s’accordent pour dire que la plainte en instance devant le Comité de la liberté syndicale est symptomatique des problèmes qu’il conviendrait de résoudre. Même si certains exemples concrets cités dans la plainte ont été traités ou ne sont plus d’actualité étant donné le temps qui s’est écoulé depuis les faits, le gouvernement devrait accorder une attention particulière à certaines allégations. M. Tapiola s’est référé à l’emprisonnement de M. Urusov et au cas dans lequel un tribunal local a déclaré que les documents émanant d’un syndicat étaient «extrémistes». Il a insisté sur le fait que le Bureau international du Travail se tient prêt à apporter une assistance pour former les juges et les procureurs, ainsi que d’autres fonctionnaires des organismes d’Etat concernés.
  • 38. Mme Moskvina, représentante de la RSPP, a considéré qu’une mission du Bureau constituait une aide appropriée pour résoudre les problèmes. Selon elle, la législation protège de façon adéquate les droits syndicaux. Elle a engagé les syndicats à travailler davantage au niveau national, plutôt que d’envoyer des plaintes au BIT. L’idée de créer le cas échéant un autre organe tripartite ne lui semble pas très limpide. Il existe d’autres solutions qui pourraient permettre de prendre en charge les plaintes pour violation des droits syndicaux, sans qu’il soit nécessaire de créer des structures supplémentaires. En outre, le gouvernement a déjà pris toutes les mesures qui s’imposaient pour traiter les allégations exposées dans la plainte.
  • 39. M. Safonov estime qu’il existe deux problèmes interdépendants: le système et son fonctionnement. Le dialogue social a été institutionnalisé dans la législation et dans la pratique. La procédure d’enregistrement est simple et repose sur la notification. La convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, a été ratifiée. Toutefois, le pays n’a pas suffisamment d’expérience de la pratique du dialogue social et de la recherche du consensus. Alors qu’au niveau central les services chargés de faire respecter les lois fonctionnent bien, les connaissances sont probablement insuffisantes au niveau local. M. Safonov estime que les syndicats devraient être en mesure de résoudre tous les problèmes au niveau national, au moyen du dialogue social. Les restrictions financières rendent la création d’organes tripartites supplémentaires problématique. Par ailleurs, il faudrait développer l’arbitrage dans les cas de conflits du travail et mettre davantage l’accent sur la formation. Sur ce dernier point, le gouvernement est prêt à ouvrir des discussions avec la Cour suprême. M. Safonov estime également qu’il est nécessaire de mieux expliquer et mieux faire connaître les procédures nationales disponibles. Le gouvernement est convaincu que les syndicats sont nécessaires au développement social et économique du pays. Parallèlement, il faut davantage de dialogue entre les syndicats. Le gouvernement est disposé à entamer le dialogue et à examiner l’ensemble des allégations et problèmes dans le cadre de la Commission tripartite russe.
  • 40. M. Shmakov, de la FNPR, estime que le principal problème est l’application pratique de la législation. Il fait notamment référence au cas dans lequel un tribunal a jugé que les documents émanant d’un syndicat étaient «extrémistes» et à la déclaration de la Cour constitutionnelle qualifiant d’inconstitutionnel l’article 374 du Code du travail. Depuis, la Fédération de Russie a ratifié la convention no 135. Certaines propositions d’amendements à la législation ont été avancées, mais elles sont actuellement bloquées, ce qui ne contribue pas à renforcer la confiance entre les partenaires sociaux. Il a indiqué également que des syndicats affiliés à la FNPR ou à la KTR ont rencontré des difficultés d’enregistrement. Ces difficultés étaient dues au fait que les syndicats n’étaient pas reconnus comme des organisations relevant d’une catégorie spéciale. S’agissant des propositions communiquées, M. Shmakov a expliqué qu’elles sont de nature générale et systémique. L’objectif est d’élaborer un plan d’action et non de se contenter de résoudre les cas mis en avant dans la plainte. En réalité, la plainte n’est qu’une illustration d’un problème systémique. Si certains de ces cas concrets ne sont plus des questions pressantes, les problèmes et les tendances observés subsistent et doivent être traités.
  • 41. M. Kravchenko, de la KTR, a indiqué son désaccord avec la RSPP sur la protection des droits syndicaux, estimant que cette dernière n’est pas suffisante dans le pays et qu’en pratique la réalisation de ces droits a régressé. Il a noté les efforts consentis par le ministère de la Santé et du Développement social, mais estime qu’il est impossible de protéger les syndicats contre les actes d’ingérence sur la base de la législation actuelle. En outre, si le Rostrud répond, du moins d’une certaine façon, aux plaintes déposées par les syndicats, les services du ministère public refusent systématiquement de les examiner. On observe de la part des autorités un manque de compréhension de la nature particulière des organisations syndicales.
  • 42. A la fin de la réunion tripartite, les parties ont accepté que la proposition conjointe communiquée par les syndicats soit examinée dans le cadre de la Commission tripartite russe.
  • Observations finales
  • 43. Les deux membres de la mission expriment leur satisfaction d’avoir pu mener des discussions ouvertes et constructives avec l’ensemble des autorités et partenaires sociaux intéressés. L’objectif n’était pas de proposer des conclusions ou des mesures, sachant que la plainte avait été déposée auprès du Comité de la liberté syndicale. Il s’agissait plutôt d’aider à clarifier et à mieux comprendre les problèmes soulevés dans la plainte. Celle-ci a été examinée par toutes les autorités concernées, de sorte que les problèmes exposés, y compris les différents cas mentionnés, ont reçu une attention considérable. Aux yeux des membres de la mission, cela est en soi utile et encourageant.
  • 44. Le fait que certains problèmes aient été évoqués dans la plupart des discussions montre qu’il serait souhaitable de prendre des mesures pour renforcer l’application de la liberté syndicale et du droit de négociation collective, sur le plan juridique et en pratique. Le Bureau international du Travail tient ses services de consultation et de conseil à la disposition des mandants tripartites et du Comité du travail et de la politique sociale de la Douma d’Etat, et ses services de formation à la disposition des autorités de l’Etat et des autorités judiciaires, en tant que de besoin. Le cas échéant, les aspects législatifs peuvent naturellement être examinés plus avant par la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations. Une meilleure connaissance des procédures existantes et une clarification des règles aideraient à la fois les partenaires sociaux et les différents organismes de l’Etat à évoluer dans un contexte où les responsabilités ne sont pas toujours explicitement définies. Sont notamment concernées les relations entre le Rostrud, les services du ministère public et les tribunaux. Si les mécanismes permettant de traiter les conflits du travail sont relativement bien définis, il n’en va pas toujours de même des problèmes liés aux principes fondamentaux de la liberté syndicale. La confiance demande à être fortement renforcée, de manière à ce que les différents groupes de travailleurs et leurs dirigeants élus ne courent pas le risque de se retrouver perdus et sans soutien dans un grand pays qui poursuit la construction de sa société civile et de ses institutions représentatives face à des traditions et des pratiques qui ont longtemps été autoritaires.
  • 45. Les deux membres de la mission souhaitent exprimer leur sincère gratitude pour la confiance qui a été placée en eux par les représentants du gouvernement, des syndicats et des employeurs. Ils rendent hommage à la volonté du gouvernement et de l’organisation plaignante de s’engager plus avant dans un processus de dialogue. Ils notent avec satisfaction la coopération entre les deux organisations syndicales sur les problèmes soulevés dans la plainte.
  • 46. Pour finir, les membres de la mission souhaitent remercier tout particulièrement M. E. Davydov, directeur de l’équipe d’appui technique au travail décent et du bureau de pays de l’OIT pour l’Europe orientale et l’Asie centrale à Moscou. Sa profonde connaissance des problèmes complexes en jeu a permis aux membres de la mission de se faire une idée plus claire et plus complète des questions considérées. Les membres de la mission remercient également M. S. Glovackas, spécialiste principal des activités des travailleurs, et Mme L. Ouskova, assistante aux programmes, pour leurs transferts de connaissances, leur soutien administratif et organisationnel et leur aide.
  • Kari Tapiola
  • Oksana Wolfson
  • 4 avril 2012
  • *************************************************************************************************
  • Propositions pour le règlement des problèmes soulevés dans la plainte
  • 1. Enregistrement auprès de l’Etat des syndicats
  • 1.1. Exclure les syndicats du champ des règles administratives prévues pour l’enregistrement des organisations non commerciales.
  • 1.2. Elaborer une note explicative succincte et non équivoque (la forme précise de ce document reste à déterminer), convenue avec les syndicats, sur les procédures régissant l’enregistrement des syndicats auprès de l’Etat, y compris une description des types spécifiques d’enregistrement auprès de l’Etat, en particulier le concept de «notifier» un enregistrement (à savoir une notification n’autorisant pas un refus d’enregistrement, une demande de modification des statuts, etc.).
  • 1.3. Présenter les spécialisations pertinentes au personnel des autorités étatiques chargées d’un «enregistrement sur notification» des syndicats; former les spécialistes chargés de l’enregistrement, de sorte qu’ils soient familiarisés avec la situation juridique et le statut des syndicats.
  • 2. Examen des cas relatifs à la liberté syndicale par les tribunaux russes
  • 2.1. Avec l’aide d’experts du BIT, former les juges aux questions relatives à la liberté syndicale et à l’application des normes internationales en la matière.
  • 2.2. Avec les hauts magistrats de la Cour suprême de la Fédération de Russie, examiner la possibilité d’élaborer des directives explicatives pour les tribunaux sur l’examen des cas relatifs à la liberté syndicale et à la protection contre la discrimination fondée sur l’affiliation à un syndicat.
  • 2.3. Rédiger des commentaires et d’autres documents sur les principes internationaux applicables à la réglementation de la liberté syndicale.
  • 3. Des mesures analogues pour une formation spécialisée à la liberté syndicale sont nécessaires pour les inspecteurs d’Etat du travail et les fonctionnaires du ministère public.
  • 4. Pour donner effet aux dispositions de la législation sur les syndicats interdisant l’ingérence des autorités étatiques dans les activités syndicales, élaborer, avec les ministères pertinents, des directives explicatives et des instructions, convenues avec les syndicats, sur les mesures considérées comme constituant une ingérence et donc inadmissibles. En particulier, régler la question de l’inadmissibilité des contrôles fiscaux par les services de contrôles fiscaux de l’Etat (GNI).
  • 4.1. Etablir, dans la législation, une liste précise des cas où les syndicats peuvent être tenus de fournir des informations et des documents, et établir la liste des documents pouvant être exigés des syndicats par diverses autorités étatiques chargées du contrôle des activités syndicales.
  • 4.2. Interdire la diffusion par les autorités étatiques d’informations portées à leur connaissance par des documents syndicaux (en particulier, interdire la transmission d’informations contenant des données sur les adhérents à un syndicat), y compris la transmission de ces informations à des employeurs ou à des autorités étatiques et locales.
  • 5. Mesures visant à établir une législation pour protéger le droit à la liberté syndicale.
  • 5.1. Etablir et adopter une législation pour donner effet au principe selon lequel la discrimination est interdite.
  • 5.2. Elaborer et adopter une législation pour garantir une protection effective des droits syndicaux.
  • 5.3. Etablir une responsabilité administrative (et pénale) pour les violations des droits syndicaux et du droit de constituer des syndicats. Ces mesures doivent être de nature à constituer une sanction significative pour les personnes responsables. Accroître la durée autorisée pour l’adoption de mesures administratives.
  • 5.4. Etablir un projet de législation pour donner effet aux recommandations formulées par l’OIT dans les cas nos 2251 et 2199.
  • Garanties pour l’exercice d’activités syndicales dans le cas de travailleurs non libérés de leurs obligations professionnelles normales.
  • Pour donner effet aux dispositions de la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, que la Fédération de Russie a ratifiée, collaborer avec les syndicats sur les amendements à proposer au Code du travail et à la loi sur les syndicats et les soumettre sans délai à la Douma d’Etat; ces mesures concerneront notamment l’établissement de garanties spéciales permettant aux travailleurs élus à un poste syndical, mais non libérés de leurs obligations professionnelles normales, de participer à des activités syndicales et de les protéger contre des licenciements injustifiés ou des mesures disciplinaires.
  • 6. Création d’un organe doté d’un mandat spécifique, comprenant notamment l’examen des questions relatives à la liberté syndicale.
  • – Créer sous les auspices du Service fédéral du travail (Rostrud) un organe tripartite qui serait saisi des cas de violation des droits syndicaux et de discrimination fondée sur les activités syndicales. L’objet de cette mesure serait de permettre l’examen à un haut niveau des cas de violations graves et systémiques des droits fondées sur les activités syndicales des travailleurs, et de rendre ces cas publics pour y sensibiliser l’opinion.
  • – Habiliter cet organe à mener ses propres enquêtes et à présenter des plaintes (sur la base de ses propres enquêtes ou de manière indépendante) au ministère public; ce dernier serait tenu d’examiner les plaintes avec diligence.
  • Option: Mettre en place un organe ou un comité relevant de la Commission tripartite russe pour la réglementation des relations socioprofessionnelles pour permettre de trouver des réponses pratiques aux plaintes des syndicats. Cet organe comprendrait des représentants des partenaires sociaux et fonctionnerait sur la base du volontariat; il publierait ses recommandations et des rapports sur les résultats de ses enquêtes en lien avec toutes les plaintes dont il est saisi.
  • ************************************************************************************************
  • NOTES (ANNEXES):
  • Note 1: Depuis le dépôt de la plainte, ces confédérations syndicales ont fusionné au sein de la KTR.
  • Note 2: L’article 37 du Code du travail est rédigé comme suit: Procédures relatives à la négociation collective Les participants au processus de négociation collective sont libres de choisir les questions qu’ils souhaitent examiner en matière de réglementation des relations du travail entre partenaires sociaux. S’il y a deux syndicats de premier niveau ou davantage dans une entreprise, ils constitueront un organe représentatif commun aux fins de conduire les négociations collectives, préparer un seul projet de convention et conclure une convention collective. La création de cet organe devra être fondée sur le principe de la représentation proportionnelle en fonction du nombre de travailleurs syndiqués. Chaque syndicat déléguera un ou plusieurs représentants pour y siéger. Si aucun organe représentatif commun ne peut être constitué après cinq jours consécutifs de négociation collective, les intérêts de tous les travailleurs seront représentés par le syndicat de premier niveau qui regroupe plus de la moitié des travailleurs. Si aucun syndicat de premier niveau ne représente plus de la moitié des travailleurs, l’assemblée générale (conférence) des travailleurs élira au scrutin secret le syndicat qui sera chargé de constituer l’organe représentatif. Dans les cas stipulés aux paragraphes 3 et 4 de cet article, les autres organisations syndicales de premier niveau conserveront le droit de déléguer leurs représentants à l’organe représentatif avant la signature de la convention collective. Le droit de conduire des négociations collectives, de signer des conventions au nom des travailleurs au niveau de la Fédération de Russie, d’une province (région) de la Fédération de Russie, d’une industrie, d’un territoire est accordé aux syndicats (associations syndicales) respectivement concernés. Si plusieurs syndicats (associations syndicales) existent à chacun de ces niveaux, chaque syndicat (association syndicale) pourra être représenté, en fonction du nombre d’adhérents qu’il (elle) représente, au sein de l’organe représentatif conjoint constitué aux fins de la négociation collective. Si les parties ne parviennent pas à un accord sur la constitution d’un organe représentatif conjoint, le droit de conduire le processus de négociation collective sera accordé au syndicat (à l’association syndicale) ayant le plus grand nombre d’adhérents....
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