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Rapport intérimaire - Rapport No. 363, Mars 2012

Cas no 2753 (Djibouti) - Date de la plainte: 29-DÉC. -09 - En suivi

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Allégations: L’organisation plaignante dénonce la fermeture de ses locaux et la confiscation de la clé de sa boîte postale sur ordre des autorités, l’intervention des forces de sécurité lors d’une réunion syndicale, l’arrestation et l’interrogation de dirigeants syndicaux, l’interdiction générale frappant les organisations syndicales de tenir toute réunion syndicale

  1. 468. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa réunion de mars 2011. [Voir 359e rapport, approuvé par le Conseil d’administration à sa 310e session, paragr. 395 à 413.] L’Union djiboutienne du travail (UDT) a envoyé des informations supplémentaires dans une communication en date du 29 août 2011.
  2. 469. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 20 octobre 2011.
  3. 470. Djibouti a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 471. A sa réunion de mars 2011, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 259e rapport, paragr. 413]:
    • a) Le comité regrette que le gouvernement n’ait pas répondu aux allégations de l’organisation plaignante alors qu’il a été invité à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant, à présenter ses commentaires et observations sur ce cas. Le comité prie instamment le gouvernement de faire preuve de plus de coopération à l’avenir.
    • b) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir sans délai ses observations relatives à l’intervention des forces de l’ordre lors d’une réunion syndicale de l’UDT, le 13 octobre 2009, et à la nécessité d’obtenir une autorisation du ministère de l’Intérieur pour l’organisation d’une réunion syndicale telle que le congrès du syndicat.
    • c) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir ses observations sur les raisons de l’arrestation et de l’interrogation de M. Anouar Mohamed Ali, secrétaire général du Syndicat des travailleurs de l’électricité de Djibouti (STED), et de M. Abdourachid Mohamed Arreh, membre du Syndicat des enseignants du primaire (SEP), suite à l’intervention des forces de l’ordre le 13 octobre 2009.
    • d) Le comité prie instamment le gouvernement de répondre aux allégations de l’UDT concernant l’intervention des forces de police pour interdire l’accès des locaux de l’UDT à son secrétaire général, la confiscation de la clé de la boîte postale de l’organisation ainsi que l’appropriation par un membre de la délégation djiboutienne d’un courrier destiné à l’UDT lors de la Conférence internationale du Travail.
    • e) Le comité ne peut que noter avec une profonde préoccupation l’absence patente de progrès et un manque apparent de volonté de la part du gouvernement de régler les questions en suspens, en particulier de cesser les actes de harcèlement à l’encontre de l’Union djiboutienne du travail. Le comité exprime dans les termes les plus forts son attente de voir le gouvernement prendre sans délai des mesures concrètes pour améliorer la situation.

B. Informations additionnelles de l’organisation plaignante

B. Informations additionnelles de l’organisation plaignante
  1. 472. Dans une communication du 29 août 2011, l’UDT dénonce la poursuite du harcèlement de son secrétaire général qui a été empêché de prendre un avion pour participer à une conférence tripartite régionale organisée par le BIT et l’Organisation arabe du travail (OAT) au Maroc. L’organisation plaignante indique ainsi que le passeport de M. Adan Mohamed Abdou a été confisqué par la police à l’aéroport le 12 décembre 2010 et que, à ce jour, le passeport ne lui a toujours pas été rendu.
  2. 473. L’organisation plaignante ajoute que 62 dockers membres du Syndicat des dockers ont été brutalement arrêtés par la police le 2 janvier 2011, incarcérés et ont fait l’objet de traitements violents pendant leur détention qui a duré trois mois. Leur seul tort aurait été d’avoir pacifiquement revendiqué des indemnités auxquelles ils auraient droit mais qui seraient retenues par les autorités depuis plus d’un an.
  3. 474. L’UDT regrette que des organisations syndicales régionales et internationales semblent vouloir coopérer avec un gouvernement qui continue de violer les normes et principes de la liberté syndicale depuis plus d’une décennie et qui fait l’objet de condamnations régulières de la part de l’OIT. Ainsi, l’UDT souhaite une campagne de sensibilisation et une pression soutenue au niveau international, condamnant les violations persistantes de la liberté syndicale par le gouvernement de Djibouti, qualifié de régime autocratique et despotique, qui affectent le mouvement syndical indépendant dans son organisation et la formation de ses membres et menacent la sécurité des syndicalistes et leur entourage familial.

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement
  1. 475. Dans une communication en date du 20 octobre 2011, le gouvernement réfute l’ensemble des allégations de l’organisation plaignante, notamment celles relatives aux actes d’intimidations à l’égard de dirigeants syndicaux, à l’interdiction d’accès aux locaux de l’UDT à ses représentants et à la violation de la correspondance de l’UDT.
  2. 476. Le gouvernement indique, s’agissant de la réunion syndicale du 13 octobre 2009, qu’il s’agissait d’un séminaire de l’UDT pour lequel un établissement public – le Palais du peuple – avait été mis à disposition par les autorités. Or, selon le gouvernement, l’activité se serait transformée en un congrès, ce qui a entraîné des divergences de positions entre participants et des accrochages physiques. Le gouvernement indique que les autorités ont dû intervenir devant les actes de violence entre syndicalistes pour les faire cesser. Par ailleurs, le gouvernement conteste les allégations selon lesquelles des syndicalistes auraient été arrêtés, l’accès aux locaux de l’UDT aurait été contrôlé ou encore les clés de boîtes aux lettres auraient été confisquées.
  3. 477. En conclusion, le gouvernement déclare que les allégations de l’UDT sont mensongères et ne visent qu’à nuire à l’action gouvernementale. Le gouvernement demande au comité de vérifier la véracité des allégations de l’organisation plaignante qui ne font que nuire au dialogue social auquel les partenaires sociaux aspirent à Djibouti.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 478. Le comité note que le présent cas porte sur des allégations d’ingérence des autorités dans les activités syndicales et d’actes d’intimidation à l’encontre du mouvement syndical, d’interdiction faite à l’Union djiboutienne du travail à ses locaux et à sa correspondance et de violation de son courrier lors d’une conférence internationale. Le comité note que les allégations ont aussi trait à la confiscation du passeport du secrétaire général de l’organisation plaignante, alors qu’il s’apprêtait à quitter le pays pour participer à une activité organisée par le BIT, ainsi qu’à des actes de violence des autorités à l’encontre de syndicalistes qui manifestaient pacifiquement.
  2. 479. Le comité observe que le gouvernement ne réfute pas le fait que les forces de l’ordre soient intervenues lors de la réunion syndicale tenue par l’UDT le 13 octobre 2009. Selon le gouvernement, les forces de l’ordre ont dû intervenir pour assurer la sécurité publique dans la mesure où des divergences entre les participants de l’activité de l’UDT ont engendré des accrochages physiques avec utilisation d’armes blanches.
  3. 480. Le comité note que le gouvernement réfute les allégations de l’organisation plaignante concernant l’arrestation de syndicalistes suite à l’intervention des forces de l’ordre, notamment l’arrestation et l’interrogation de M. Anouar Mohamed Ali, secrétaire général du Syndicat des travailleurs de l’électricité de Djibouti (STED) et de M. Abdourachid Mohamed Arreh, membre du Syndicat des enseignants du primaire (SEP).
  4. 481. Le comité observe que, dans sa communication, le gouvernement nie également avoir ordonné l’intervention des forces de police pour interdire l’accès des locaux de l’UDT à ses représentants ou encore la confiscation de la clé de la boîte postale de l’organisation. S’agissant des allégations relatives à l’appropriation par un membre de la délégation djiboutienne d’un courrier destiné à l’UDT lors de la Conférence internationale du Travail, le gouvernement indique qu’elles n’ont aucun fondement et qu’elles visent à miner la crédibilité de son action.
  5. 482. Le comité note avec une profonde préoccupation l’indication selon laquelle le secrétaire général de l’UDT s’est vu confisqué son passeport le 12 décembre 2010 et n’a pu quitter le pays alors qu’il devait prendre part à une activité régionale organisée au Maroc conjointement par l’Organisation arabe du travail et le BIT, ainsi que l’absence de réponse de la part du gouvernement à cet égard. Le comité rappelle que la participation de syndicalistes à des réunions syndicales internationales est un droit syndical fondamental; c’est la raison pour laquelle les gouvernements doivent s’abstenir de toute mesure, telle que la confiscation des documents nécessaires à leurs déplacements, qui empêcherait les représentants des organisations de travailleurs d’exercer leur mandat en toute liberté et indépendance. Par ailleurs, le comité a déjà eu à préciser que la participation en tant que syndicaliste à des colloques organisés par le BIT constitue une activité syndicale légitime, et un gouvernement ne devrait pas refuser les documents de sortie nécessaires pour ces motifs. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 153 et 765.] Dans ces conditions, le comité prie instamment le gouvernement de faire état sans délai des raisons de la confiscation par la police du passeport de M. Adan Mohamed Abdou, secrétaire général de l’UDT, le 12 décembre 2010, et d’indiquer si le document lui a depuis été rendu afin de lui garantir la possibilité de se déplacer en toute liberté pour exercer son mandat.
  6. 483. Le comité note également, avec une vive préoccupation, l’indication selon laquelle 62 dockers, membres du Syndicat des dockers, auraient été brutalement arrêtés par la police le 2 janvier 2011 lors d’une manifestation pacifique devant le parlement, incarcérés et auraient fait l’objet de traitements violents pendant leur détention qui aurait duré trois mois, ainsi que l’absence de réponse de la part du gouvernement à cet égard. Le comité tient à rappeler que les travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels. Ainsi, le recours à la force publique dans les manifestations syndicales devrait être limité aux cas réellement nécessaires, et les autorités de police devraient recevoir des instructions précises pour éviter que, dans les cas où l’ordre public n’est pas sérieusement menacé, il soit procédé à l’arrestation de personnes pour le simple fait d’avoir organisé une manifestation ou d’y avoir participé. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 133, 150 et 151.] Le comité prie instamment le gouvernement de fournir sans délai des explications sur l’arrestation de 62 dockers, membres du Syndicat des dockers, lors de la manifestation du 2 janvier 2011 devant le parlement et sur les conditions de leur détention.
  7. 484. Le comité rappelle qu’il avait précédemment noté l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle la direction d’un hôtel où devait avoir lieu son congrès l’aurait informé de l’annulation de sa réservation par ordre des autorités et de la nécessité d’obtenir une autorisation du ministère de l’Intérieur pour l’organisation d’une telle activité. Selon l’UDT, les services du ministère de l’Intérieur ont confirmé les mesures d’interdiction d’activité la frappant. Le comité prie de nouveau instamment le gouvernement de fournir sans délai des explications relatives à la nécessité d’obtenir une autorisation du ministère de l’Intérieur pour l’organisation d’une réunion syndicale telle que le congrès d’un syndicat. Le comité rappelle une nouvelle fois qu’étant donné que, dans tout mouvement syndical démocratique, le congrès des membres est l’instance syndicale suprême qui détermine les règles qui doivent présider à la gestion et à l’activité des syndicats et qui fixe leur programme d’action, l’interdiction de tels congrès constituerait une atteinte à la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 456.]
  8. 485. En conclusion, le comité observe avec préoccupation les informations contradictoires fournies par l’organisation plaignante et le gouvernement dans ce cas. Il note avec regret que le gouvernement se borne pour l’essentiel à réfuter sans autre explication les allégations d’ingérence et de harcèlement formulées par l’organisation plaignante. Aussi, le comité ne peut que rappeler qu’il exhorte depuis de nombreuses années le gouvernement à accorder une priorité à la promotion et la défense de la liberté syndicale et à mettre en œuvre urgemment les engagements concrets qu’il a pris auprès des instances internationales pour résoudre les questions en suspens et permettre le développement d’un syndicalisme libre et indépendant, seul garant d’un dialogue social durable à Djibouti. A ce jour, le comité ne peut que noter, avec une profonde préoccupation, sur la base des informations additionnelles de l’organisation plaignante et les observations laconiques du gouvernement, l’absence de tout progrès dans ce sens. Le comité se voit contraint d’exhorter de nouveau le gouvernement à préserver un climat social exempt d’actes d’ingérence et de harcèlement antisyndicaux, en particulier à l’encontre de l’Union djiboutienne du travail.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 486. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie instamment le gouvernement de faire état sans délai des raisons de la confiscation par la police du passeport de M. Adan Mohamed Abdou, secrétaire général de l’UDT, le 12 décembre 2010, et d’indiquer si le document lui a depuis été rendu afin de lui garantir la possibilité de se déplacer en toute liberté pour exercer son mandat.
    • b) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir sans délai des explications sur l’arrestation de 62 dockers, membres du Syndicat des dockers, lors d’une manifestation organisée le 2 janvier 2011 devant le parlement et sur les conditions de leur détention pendant trois mois.
    • c) Le comité prie de nouveau instamment le gouvernement de fournir sans délai des explications relatives à la nécessité d’obtenir une autorisation du ministère de l’Intérieur pour l’organisation d’une réunion syndicale telle que le congrès d’un syndicat.
    • d) Rappelant qu’il exhorte depuis de nombreuses années le gouvernement à accorder une priorité à la promotion et la défense de la liberté syndicale et à mettre en œuvre urgemment les engagements concrets qu’il a pris auprès des instances internationales pour résoudre les questions en suspens et permettre le développement d’un syndicalisme libre et indépendant, seul garant d’un dialogue social durable à Djibouti, le comité ne peut que noter, avec une profonde préoccupation, l’absence de tout progrès dans ce sens. Le comité se voit contraint d’exhorter de nouveau le gouvernement à préserver un climat social exempt d’actes d’ingérence et de harcèlement antisyndicaux, en particulier à l’encontre de l’Union djiboutienne du travail.
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