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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 362, Novembre 2011

Cas no 2842 (Cameroun) - Date de la plainte: 15-MARS -11 - Clos

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400. La plainte figure dans une communication en date du 15 mars 2011 de la Confédération générale du travail-Liberté du Cameroun (CGT-Liberté).

  1. 400. La plainte figure dans une communication en date du 15 mars 2011 de la Confédération générale du travail-Liberté du Cameroun (CGT-Liberté).
  2. 401. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 11 mai 2011.
  3. 402. Le Cameroun a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 403. Dans une communication en date du 15 mars 2011, la CGT-Liberté indique que, depuis plus de deux ans, elle est le théâtre des ingérences répétées de la part du gouvernement dans ses affaires internes et que, depuis novembre 2010, elle se trouve complètement privée de la liberté syndicale et du droit de négociation collective.
  2. 404. La CGT-Liberté indique que, au 20 février 2011, elle représentait trois fédérations syndicales nationales, six syndicats nationaux, 16 unions départementales des syndicats dont 12 en création, une quarantaine de syndicats départementaux, plus de 150 sections syndicales et au moins 250 délégués du personnel dans divers secteurs d’activités.
  3. 405. L’organisation plaignante indique que la CGT-Liberté, comme d’autres centrales syndicales locales, a connu des moments de turbulences basées sur les divergences d’idées de ses cadres et que le ministre du Travail et de la Sécurité sociale (MINTSS), après plusieurs tentatives pour leur imposer quelqu’un de son choix à la tête de la confédération, les a obligées, par lettre du 23 juin 2009, dont copie a été jointe à la plainte, à tenir un «congrès extraordinaire» avec élection de dirigeants légitimes et incontestables. Selon l’organisation plaignante, cette pratique contrevient à l’article 5 du Code du travail, à l’article 9 de la loi no 90/053 du 19 décembre 1990 sur la liberté d’association ainsi qu’à l’article 3 de la convention no 87 dûment ratifiée par le Cameroun, et constitue une preuve d’ingérence de la part du gouvernement.
  4. 406. Avec les appuis multiformes d’ACTRAV du BIT-BSR Yaoundé, les trois tendances de la CGT-Liberté ont travaillé d’arrache-pied afin d’aplanir les divergences internes et préparer avec sérénité la tenue d’un congrès confédéral unitaire, selon ses statuts. Le MINTSS a alors adressé ses encouragements à la CGT-Liberté dans une lettre datée du 29 janvier 2010, dont copie a été jointe à la plainte, au même moment où le bulletin d’information de son département ministériel annonçait la sortie de l’anonymat et la montée en force du cousin du ministre (Pierre Essindi Minkoulou) dans la course à la présidence confédérale de la CGT-Liberté. L’organisation plaignante ajoute que, lors d’une rencontre avec le MINTSS le 14 septembre 2010, ce dernier aurait à nouveau souligné que le retour des bons sentiments avec la CGT-Liberté était lié à l’élection d’un individu en particulier. L’organisation plaignante a tout de même mené jusqu’au bout le processus de la tenue du congrès confédéral unitaire de la centrale syndicale. Ce congrès a été tenu dans les règles, conformément aux statuts de l’organisation plaignante.
  5. 407. A la suite du congrès confédéral unitaire de l’organisation plaignante, tenu les 4 et 5 novembre 2010 à Mbalmayo où de nouveaux dirigeants ont été élus et qui a mené au retour de la sérénité au sein de la confédération, le MINTSS a tout de même refusé de lever la suspension de collaboration infligée à la CGT-Liberté en indiquant, par lettre du greffier des syndicats datée du 8 février 2011 et jointe à la plainte: «Je suis au regret de constater que le congrès tenu à Mbalmayo a plutôt vu la démission de MM. Pierre Essindi Minkoulou et Benoît Essiga, démontrant ainsi que le problème n’a toujours pas été résolu quant au fond, et me mets ainsi dans l’impossibilité de lever la suspension de nos relations de collaboration.» L’organisation plaignante indique que le mobile évoqué pour justifier le refus de lever la suspension de collaboration est purement fallacieux car les deux individus cités dans la lettre du greffier des syndicats ont quitté la CGT-Liberté pour créer respectivement la CTUC pour Pierre Essindi Minkoulou et ENTENTE pour Benoît Essiga. De plus, au sein de la CGT-Liberté et de toutes ses organisations affiliées, l’adhésion ou la démission est libre et individuelle, elle peut intervenir à tout moment voulu, comme le stipule l’article 3 de la loi sur la liberté d’association.
  6. 408. L’organisation plaignante indique que cela a eu pour conséquence l’exclusion de la CGT-Liberté de toutes les activités et manifestations officielles où sont impliquées les organisations syndicales des travailleurs; de toutes les commissions et programmes nationaux et internationaux mis en œuvre au bénéfice des organisations syndicales des travailleurs; des élections sociales (délégués du personnel); de la Conférence internationale du Travail de l’OIT; de sa participation à l’organisation de la Fête internationale du travail de 2011; etc. L’organisation plaignante ajoute qu’elle a dénoncé les actes du gouvernement au travers de lettres adressées au MINTSS, au greffier des syndicats, au Président de la République, dont copies ont été jointes à la plainte, mais qu’ils n’ont eu aucun retour du MINTSS.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 409. Dans une communication en date du 11 mai 2011, le gouvernement indique qu’il s’est toujours abstenu, par l’entremise du MINTSS, de toute ingérence dans les affaires intérieures des syndicats, conformément à l’article 5 du chapitre premier du Code du travail de 1992. Selon le gouvernement, l’affirmation selon laquelle le MINTSS tenterait «d’imposer sa personne à la tête de la CGT-Liberté» est superflue, aberrante, rébarbative et sans fondement.
  2. 410. Le gouvernement ajoute que la CGT-Liberté a eu à traverser de graves troubles internes et que le MINTSS n’a fait qu’apaiser les tensions. La lettre du 23 juin 2009 n’était ni plus ni moins qu’une invitation à l’apaisement, et c’est dans le souci de la responsabilisation des partenaires sociaux que le MINTSS a fait savoir à tous les leaders syndicaux qu’il ne collaborerait pas avec les centrales syndicales où perdurait le bicéphalisme ou même le tricéphalisme. Le gouvernement souligne au passage que la CGT-Liberté, qui existe depuis 2003, a été et demeurera un partenaire social du gouvernement au Cameroun et à la Conférence internationale du Travail.
  3. 411. Le gouvernement indique également qu’il ne prive aucun syndicat de ses droits à la liberté existentielle et de négociation collective et que, si la CGT-Liberté est exclue de toutes les activités et manifestations officielles, de toutes les commissions et programmes nationaux et internationaux, des élections sociales, c’est conformément à la mesure de cessation de collaboration avec tout syndicat qui fait preuve de division en son sein. En clair, c’est une mesure générale d’ordre public. Le gouvernement conclut en indiquant que, pour retrouver sa place de choix, cette centrale aurait intérêt à aplanir ses divergences et à privilégier le dialogue social pour retrouver la sérénité nécessaire à son fonctionnement interne.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 412. Le comité observe que l’organisation plaignante dénonce la tentative d’ingérence des autorités dans le choix de ses dirigeants et, suite à l’échec d’une telle tentative, la décision gouvernementale de rompre toute collaboration avec cette dernière.
  2. 413. S’agissant de l’ingérence du gouvernement dans les affaires internes de la CGT-Liberté, le comité note les indications selon lesquelles les trois tendances (EKEDI, ESSIGA, NKOU) de la CGT-Liberté ont travaillé d’arrache-pied afin d’aplanir les divergences internes et préparer avec sérénité la tenue d’un congrès confédéral unitaire. Le MINTSS a alors adressé ses encouragements à la CGT-Liberté dans une lettre datée du 29 janvier 2010, dont copie a été jointe à la plainte, au même moment où le bulletin d’information de son département ministériel annonçait la sortie de l’anonymat et la montée en force du cousin du ministre (Pierre Essindi Minkoulou) dans la course à la présidence confédérale de la CGT-Liberté. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, lors d’une rencontre subséquente avec le MINTSS le 14 septembre 2010, ce dernier aurait à nouveau souligné que le retour des bons sentiments avec la CGT-Liberté était lié à l’élection d’un individu en particulier. Le comité note que l’organisation plaignante a tout de même mené jusqu’au bout le processus de la tenue du congrès confédéral unitaire de la centrale syndicale. Ce congrès a été tenu dans les règles, conformément aux statuts de l’organisation plaignante. Le comité note que le gouvernement nie catégoriquement cette allégation d’ingérence et que ce dernier indique qu’il s’est toujours abstenu, par l’entremise du MINTSS, de toute ingérence dans les affaires intérieures des syndicats, conformément à l’article 5 du chapitre premier du Code du travail de 1992, et que la lettre du 23 juin 2009 n’était ni plus ni moins qu’une invitation à l’apaisement. Le comité note toutefois que cette lettre invitait la CGT-Liberté à organiser avant une certaine date un congrès extraordinaire avec élection des dirigeants et suspendait toute collaboration avec l’organisation plaignante, en attendant le retour d’une légitimité incontestable.
  3. 414. Le comité rappelle que la résolution de tout conflit interne à un syndicat devrait être laissée à la discrétion des membres du syndicat. Dans les cas de dissensions intérieures au sein d’une même fédération syndicale, un gouvernement est lié, en vertu de l’article 3 de la convention no 87, par l’obligation de s’abstenir de toute intervention de nature à limiter le droit des organisations professionnelles d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d’action, ou de toute intervention de nature à entraver l’exercice légal de ce droit. Le comité considère que l’invitation du gouvernement à la CGT-Liberté d’organiser avant une certaine date un congrès extraordinaire avec élection de nouveaux dirigeants et la suspension de toute collaboration avec l’organisation plaignante, en attendant le retour d’une légitimité incontestable, est contraire au principe de non-ingérence du gouvernement dans les affaires internes d’un syndicat.
  4. 415. Par ailleurs, le fait que les autorités interviennent au cours des élections d’un syndicat, en exprimant une opinion au sujet des candidats et des conséquences de ces élections, porte gravement atteinte au droit que les organisations syndicales ont d’élire librement leurs représentants. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1117 et 434.] Le comité prie donc instamment le gouvernement de s’abstenir de toute forme d’ingérence dans les affaires internes de la CGT-Liberté afin que ses membres puissent organiser leur gestion et leur activité et élire librement leurs représentants.
  5. 416. Le comité note en outre que, lors du Congrès confédéral unitaire de l’organisation plaignante, tenu les 4 et 5 novembre 2010 à Mbalmayo, le MINTSS a refusé de lever la suspension de collaboration infligée à la CGT-Liberté en indiquant, par lettre du greffier des syndicats datée du 8 février 2011 et jointe à la plainte, «Je suis au regret de constater que le congrès tenu à Mbalmayo a plutôt vu la démission de MM. Pierre Essindi Minkoulou et Benoît Essiga, démontrant ainsi que le problème n’a toujours pas été résolu quant au fond, et me mets ainsi dans l’impossibilité de lever la suspension de nos relations de collaboration.» L’organisation plaignante allègue que le mobile évoqué pour justifier le refus de lever la suspension de collaboration est purement fallacieux car les deux individus cités dans la lettre du greffier des syndicats ont quitté la CGT-Liberté pour créer respectivement la CTUC pour Pierre Essindi Minkoulou et ENTENTE pour Benoît Essiga. De plus, au sein de la CGT-Liberté et de toutes ses organisations affiliées, l’adhésion ou la démission est libre et individuelle, elle peut intervenir à tout moment voulu, comme le stipule l’article 3 de la loi sur la liberté d’association.
  6. 417. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, cela a eu pour conséquence de l’exclure de toutes les activités et manifestations officielles où sont impliquées les organisations syndicales des travailleurs; de toutes les commissions et programmes nationaux et internationaux mis en œuvre au bénéfice des organisations syndicales des travailleurs; des élections sociales (délégués du personnel); de la Conférence internationale du Travail de l’OIT; de sa participation à l’organisation de la Fête internationale du travail de 2011; etc.
  7. 418. Le comité note que le gouvernement, en réponse à ces allégations, indique qu’il ne prive aucun syndicat de ses droits à la liberté existentielle et de négociation collective et que, si la CGT-Liberté est exclue de toutes les activités et manifestations officielles, de toutes les commissions et programmes nationaux et internationaux, des élections sociales, c’est conformément à la mesure de cessation de collaboration avec tout syndicat qui fait preuve de division en son sein (organisations avec plusieurs tendances). En clair, il s’agissait d’une mesure générale d’ordre public. Le gouvernement conclut en indiquant que, pour retrouver sa place de choix, cette centrale aurait intérêt à aplanir ses divergences et à privilégier le dialogue social pour retrouver la sérénité nécessaire à son fonctionnement interne.
  8. 419. Le comité rappelle que le principe énoncé à l’article 2 de la convention no 87, selon lequel les travailleurs et les employeurs doivent avoir le droit de constituer les organisations de leur choix ainsi que celui de s’y affilier, implique, pour les organisations elles-mêmes, le droit de constituer les fédérations et les confédérations de leur choix ainsi que celui de s’y affilier. Le libre exercice du droit de constituer des syndicats et de s’y affilier implique la libre détermination de la structure et de la composition de ces syndicats. En favorisant ou en défavorisant une organisation donnée par rapport aux autres, un gouvernement pourra influencer le choix des travailleurs en ce qui concerne l’organisation à laquelle ils entendent appartenir. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 710, 333 et 340.] Le comité considère que la décision du MINTSS de ne plus collaborer avec les centrales syndicales où perduraient certaines divergences internes, telle la CGT-Liberté, revient à une ingérence dans leurs affaires internes.
  9. 420. Le comité note que, dans sa réponse, le gouvernement souligne que la CGT-Liberté, qui existe depuis 2003, a été et demeurera un partenaire social du gouvernement au Cameroun et à la Conférence internationale du Travail. Considérant que, selon l’information fournie, l’organisation plaignante indique qu’elle a tenu un congrès confédéral unitaire où les nouveaux dirigeants ont été élus dans le respect de ses règlements et des lois, le comité prie instamment le gouvernement de reconnaître sans délai la légitimité des dirigeants élus de la CGT-Liberté et de renouer le dialogue social avec cette dernière afin de lui permettre de participer à toutes les activités et manifestations officielles, commissions et programmes nationaux et internationaux et élections sociales.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 421. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie instamment le gouvernement de s’abstenir de toute forme d’ingérence dans les affaires internes de la CGT-Liberté afin que ses membres puissent organiser leur gestion et leur activité et élire librement leurs représentants.
    • b) Le comité prie instamment le gouvernement de reconnaître sans délai la légitimité des dirigeants élus de la CGT-Liberté et de renouer le dialogue social avec cette dernière afin de lui permettre de participer à toutes les activités et manifestations officielles, commissions et programmes nationaux et internationaux et élections sociales.
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