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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 356, Mars 2010

Cas no 2663 (Géorgie) - Date de la plainte: 24-JUIL.-08 - Clos

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  • les licenciements antisyndicaux; licenciement de neuf militants syndicaux du Port de Poti et de neuf militantes syndicales de l’entreprise textile BTM et absence de possibilités de recours offertes par le gouvernement
    1. 734 La plainte figure dans des communications de la Confédération des syndicats de Géorgie (GTUC) en date des 24 juillet et 26 août 2008 et du 11 mars 2010. La Confédération syndicale internationale (CSI) s’est associée à la plainte dans une communication en date du 29 septembre 2008.
    2. 735 La réponse du gouvernement figure dans une communication en date du 7 novembre 2008. Le gouvernement a envoyé une autre communication le 19 février 2010.
    3. 736 La Géorgie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 737. Dans sa communication en date du 24 juillet 2008, la GTUC affirme que certaines dispositions de la législation géorgienne favorisent le développement de pratiques de harcèlement à l’encontre des syndicats, le licenciement de militants syndicaux et la fermeture de leurs locaux syndicaux.
  2. 738. Plus précisément, la GTUC critique les articles 37 d) et 38 3) du Code du travail adopté en mai 2006. L’article 37 d) dispose que toute annulation d’un contrat de travail constitue un motif de cessation de la relation de travail. L’article 38 3) indique que, en cas de dénonciation du contrat de travail à l’initiative de l’employeur, le salarié doit recevoir une indemnité de licenciement d’un montant équivalant à un mois de salaire au minimum. Selon l’organisation plaignante, les articles 37 d) et 38 3) permettent aux employeurs de mettre fin à un contrat de travail sans préavis et à leur gré. Ces articles confèrent aux employeurs un droit illimité de mettre fin à un contrat de travail sans avoir à se justifier. La GTUC a dénoncé ces dispositions, organisant notamment des grèves de contestation et prenant, à plusieurs occasions, des initiatives sur le plan législatif. Elle affirme que les dispositions susvisées rendent possible la discrimination antisyndicale et que le Code du travail dans son ensemble ne protège pas suffisamment les droits des travailleurs et ne prévient pas non plus les actes de discrimination antisyndicale.
  3. 739. L’organisation plaignante renvoie aux observations de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations au sujet de la législation du travail de la Géorgie:
  4. Dans la mesure où le gouvernement se réfère à l’interdiction générale de la discrimination antisyndicale prévue à l’article 11 6) de la loi sur les syndicats et compte tenu de l’absence d’une disposition interdisant explicitement tout licenciement pour raisons d’affiliation à un syndicat ou de participation à des activités syndicales, […] la commission considère que la législation n’est pas claire sur la question du règlement des cas de licenciements antisyndicaux et n’offre pas une protection suffisante contre de tels licenciements…
  5. 740. La GTUC soumet en outre des allégations de violation des droits syndicaux des travailleurs du Port de Poti et de l’entreprise textile BTM.
  6. 741. Pour ce qui est du Port de Poti, l’organisation plaignante explique que c’est une des plus grosses entreprises de Géorgie, qui emploie près de 1 200 travailleurs. A l’époque des violations alléguées des droits syndicaux, c’était essentiellement une entreprise étatique (la société a été privatisée en mai 2008 et est désormais une zone franche industrielle). Selon l’organisation plaignante, le Syndicat des dockers et des gens de mer du Port de Poti existe depuis 2000 et est affilié à la section syndicale de la GTUC d’Adjara.
  7. 742. La GTUC indique que, le 15 octobre 2007, le syndicat du Port a organisé une manifestation de 45 minutes pendant la pause déjeuner, exigeant du directeur qu’il prenne part à des négociations collectives avec le syndicat au sujet des conditions de travail et de la privatisation prévue du Port. Le 19 octobre 2007, la direction de l’entreprise a procédé à la fermeture des locaux du syndicat. Le 22 octobre 2007, un agent de sécurité de l’entreprise a interdit aux dirigeants syndicaux d’accéder à leurs bureaux. Le 23 octobre 2007, le directeur général du Port a mis fin à la relation de travail avec les neuf syndicalistes suivants: Tengiz Jaiani, Zaza Torchinava, Mamuka Shengelia, Sergo Tirkia, Kakhaber Simonia, Giorgi Gurjia, Khvicha Gogia, Vakhtang Tirkia et Merab Romanishvili. L’organisation plaignante est convaincue que l’entreprise a licencié ces personnes du fait de leurs activités syndicales car: 1) seuls les dirigeants des organisations syndicales de base et les militants ont été licenciés; 2) les licenciements ont eu lieu quelques jours à peine après les manifestations et la fermeture des locaux du syndicat. Le 13 novembre 2007, le Syndicat des dockers et des gens de mer de Géorgie (DSUG) a intenté une action en justice auprès du tribunal de la ville de Poti, demandant que les travailleurs soient réintégrés dans leurs fonctions, qu’ils perçoivent une rémunération pour les jours de suspension forcée, que la décision de la direction de fermer les locaux du syndicat soit invalidée et qu’un jugement soit rendu à l’effet de permettre au syndicat d’exercer son mandat légal. Le DSUG a demandé au tribunal d’appliquer les conventions nos 87 et 98 de l’OIT. Le 21 mars 2008, le syndicat a été débouté de son action, le tribunal refusant d’ordonner la réintégration des travailleurs au motif que le Code du travail ne prévoit pas que l’employeur justifie ses décisions de mettre fin à un contrat de travail.
  8. 743. L’organisation plaignante a fait appel de cette décision pour les raisons suivantes. En premier lieu, l’article 2 du Code du travail interdit toute discrimination fondée sur l’appartenance syndicale. Ensuite, le tribunal n’a pas appliqué l’article 23 de la loi sur les syndicats, qui interdit de licencier un délégué ou un responsable syndical sans le consentement du syndicat concerné. Le tribunal a estimé que, selon le Code du travail, l’employeur a le droit de mettre un terme à une relation de travail sur la base de la dénonciation du contrat de travail. L’organisation plaignante est quant à elle d’avis que le champ d’application du Code du travail se limite aux relations de travail qui ne relèvent d’aucune législation spécifique ni d’aucun traité international conclu par la Géorgie. A cet égard, la loi sur les syndicats est de nature plus spécifique que le Code du travail. Enfin, le tribunal n’a pas appliqué les dispositions de la législation nationale conformes aux conventions nos 87 et 98 de l’OIT.
  9. 744. Le 30 juin 2008, la Cour d’appel de Kutaisi a confirmé la décision du tribunal de la ville de Poti, faisant valoir que les employeurs ont le droit illimité de mettre fin à une relation de travail, conformément aux articles 37 et 38 du Code du travail. L’organisation plaignante fournit une copie de la décision considérée. Selon la cour:
  10. [i]l est établi qu’au moment du licenciement des salariés il n’existait pas d’accord collectif écrit entre le Port de Poti et le syndicat. Selon les explications de la partie requérante, en janvier 2007, le directeur général du Port de Poti a informé le comité du syndicat qu’il mettait unilatéralement fin à l’accord. [Dans ces conditions] (c’est-à-dire eu égard au fait que les parties n’étaient pas liées par un accord collectif), la Cour considère que l’avis de la partie requérante selon lequel l’employeur n’avait pas le droit de licencier des militants syndicaux sans le consentement préalable du syndicat concerné est dénué de fondement.
  11. Conformément au paragraphe 5 de l’article 11 de la loi sur les syndicats, un contrat de travail avec un salarié syndiqué peut être dénoncé à l’initiative de l’employeur avec le consentement préalable du comité du syndicat concerné seulement dans les cas prévus par la législation ou dans une convention collective. Aux termes de la partie 3 de l’article 23 de la même loi, il n’est pas permis de licencier ou de transférer à une autre fonction le président, un membre ou un responsable d’une organisation syndicale élue sans le consentement préalable de l’organisation concernée, sauf dans les cas prévus par la loi.
  12. La Cour indique que la loi considérée a été adoptée en 1997, alors que le Code du travail de la Géorgie, notamment les articles 37 et 38, qui établissent le fondement juridique de la cessation d’une relation de travail, a été adopté en 2006.
  13. La Cour explique que le Code du travail de la Géorgie est une législation spécifique et plus récente, qui régit les relations de travail et annexes sur le territoire géorgien, sauf lorsque ces relations relèvent d’une autre loi ou de traités internationaux auxquels la Géorgie est partie. Les questions qui ne sont pas prises en compte dans le Code du travail ou dans une autre loi sont régies par le Code civil de la Géorgie. Aux termes de la partie 2 de l’article 26 de la loi sur les actes normatifs, c’est le Code du travail de la Géorgie qui doit être appliqué pour le règlement du différend en cause.
  14. Dans la mesure où c’est l’invalidation de l’ordre visant à mettre fin à la relation de travail qui est l’objet du différend considéré, ce sont donc les dispositions du Code du travail qui doivent être appliquées pour le règlement de ce différend puisque le code est une législation spécifique, qui établit les règles de base de la dénonciation de contrat et de la cessation de la relation de travail entre l’employeur et le salarié.
  15. La Cour explique que ledit code ne prévoit pas de consentement de tierces parties, y compris les syndicats, dans les cas de cessation de la relation de travail avec des salariés. En conséquence, les décisions du directeur général du Port de Poti, qui font l’objet du recours, ne sauraient être invalidées en invoquant la loi sur les syndicats puisque la cessation de la relation de travail est uniquement régie par le Code du travail.
  16. La Cour ne saurait se ranger à l’avis des requérants, qui estiment que les salariés licenciés ont été l’objet de discrimination, laquelle est interdite par la législation du travail, dans la mesure où ils ne peuvent apporter aucun élément de preuve à l’appui des faits allégués.
  17. Les requérants n’ont présenté à la Cour aucun élément de preuve attestant que l’affiliation au syndicat ou l’activité dans ce syndicat sont la cause de la persécution des requérants, des actes visant à les rabaisser et à les humilier et de la création d’une situation encore plus difficile pour eux que celle d’autres personnes placées dans une situation analogue. Les déclarations selon lesquelles les requérants ont été convoqués au siège de l’administration, ont reçu des visites à domicile, ont été l’objet d’intimidation et de chantage ne sont que des allégations. Les requérants n’ont présenté à la Cour aucun témoin en mesure d’attester à tout le moins qu’un des requérants a réellement reçu une visite à domicile et été intimidé. La partie adverse dément ces allégations, précisant que l’administration n’a mené aucune action de ce type.
  18. Le Code du travail de la Géorgie, en conformité avec le paragraphe 2 de l’article 30 de la Constitution géorgienne, prévoit que tout employeur a le droit d’embaucher ou de licencier ses salariés à son gré, ce qui implique qu’il maintiendra les relations de travail avec les personnes qu’il trouve agréables et intéressantes.
  19. On ne saurait qualifier cet état de fait de discrimination.
  20. Il est révélateur, d’après la déclaration des représentants du défendeur, qu’au moment du licenciement des requérants et d’autres personnes, l’administration ne savait pas qui des trente salariés licenciés était syndiqué.
  21. Compte tenu de ce qui précède, la Cour considère que l’allégation des requérants au sujet de la discrimination dont ils font l’objet est sans fondement, ce qui exclut la possibilité de donner une suite favorable à leur plainte.
  22. 745. L’organisation plaignante indique qu’elle fera appel de cette décision auprès de la Cour suprême.
  23. 746. L’organisation plaignante fait savoir qu’à la suite d’une grève de cinq jours menée par les dirigeants syndicaux les locaux du syndicat ont été rouverts. Cependant, le syndicat a été affaibli et le demeure car il perd continuellement des membres, qui ne versent donc plus de cotisations.
  24. 747. En novembre 2007, le président de la GTUC, M. Irakli Petriashvili, a rencontré le ministre d’Etat chargé des réformes économiques et lui a demandé d’intervenir, mais celui-ci a refusé, l’invitant à s’adresser aux tribunaux. L’organisation plaignante considère donc que le ministre encourage les infractions aux conventions de l’OIT. Elle indique également que le gouvernement de la Géorgie est parfaitement informé de l’affaire et a reçu des communications non seulement de la GTUC, mais également du secrétaire général de la CSI ainsi que du secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats, qui lui ont rappelé le caractère illégal du harcèlement antisyndical.
  25. 748. En ce qui concerne l’entreprise textile BTM, qui emploie 500 travailleuses dans le district de Khelvachauri de la République autonome d’Adjara, l’organisation plaignante allègue que BTM a licencié neuf dirigeantes d’un syndicat récemment créé. Selon l’organisation plaignante, le 16 mars 2008, 250 salariées ont constitué un syndicat qui s’est affilié à la section de la GTUC d’Adjara. Le même jour, neuf travailleuses, employées dans l’entreprise depuis 2007, ont été élues au comité du syndicat. Le 10 avril 2008, lors d’une réunion avec le directeur général de l’entreprise, la section de la GTUC d’Adjara a informé l’employeur de la constitution du syndicat. Le 11 avril 2008, la direction de l’entreprise a licencié l’ensemble des neuf membres du comité du syndicat, invoquant l’article 37 d) du Code du travail, sans autres explications. Il s’agit de: Manana Sushanidze, la chef du syndicat, Nargiz Evgenidze, Mzia Murvanidze, Rusiko Kokobinadze, Rusiko Abashidze, Iamze Tsintsadze, Neli Tsintsadze, Tamila Beridze et Darejan Kharabadze. Aucune autre travailleuse n’ayant été licenciée, l’organisation plaignante fait valoir que le licenciement de ces travailleuses est uniquement dû à leurs activités syndicales. Les travailleuses licenciées n’ont pu obtenir aucune explication concernant la perte de leur emploi; le directeur général a refusé toute explication, se contentant d’invoquer l’article 37 d) du Code du travail.
  26. 749. L’organisation plaignante affirme en outre que la société a violé les principes des conventions nos 87 et 98 de l’OIT ainsi que ceux du Code du travail, qui interdisent toute discrimination fondée sur l’affiliation à un syndicat. La section de la GTUC d’Adjara a par conséquent contesté les licenciements auprès du tribunal de la ville de Khelvachauri, et des audiences devaient avoir lieu en juillet 2008.
  27. 750. Selon l’organisation plaignante, les neuf travailleuses licenciées n’ont pas retrouvé d’emploi et les membres du syndicat se réunissent désormais en dehors des locaux de l’entreprise. Les travailleuses continuent également d’être l’objet d’intimidations et de menaces de licenciement si elles poursuivent leurs activités syndicales.
  28. 751. L’organisation plaignante indique que, en avril 2007, les travailleuses licenciées ont demandé au président adjoint du conseil exécutif de l’administration municipale de Khelvachauri de leur venir en aide, mais celui-ci a déclaré que la décision de les licencier était une bonne décision. L’organisation plaignante estime par conséquent que le pouvoir local viole la convention no 87. La section syndicale de la GTUC d’Adjara a également rencontré le ministre des Réformes économiques d’Adjara. Selon la GTUC, le ministre a admis que les actions de l’entreprise étaient contraires aux conventions de l’OIT et que les mesures prises par la direction étaient inappropriées. Il a promis de s’occuper de cette affaire de pratique antisyndicale mais, selon l’organisation plaignante, cette promesse n’a pas été suivie d’effet.
  29. 752. Dans sa communication en date du 11 mars 2010, la GTUC indique qu’une réunion en vue de discuter des problèmes relatifs aux relations professionnelles, à la législation du travail et des cas de violation des droits syndicaux en cours d’examen par le Comité de la liberté syndicale s’est tenue le 10 mars 2010 entre le président de la GTUC, le Premier ministre de la Géorgie et son premier conseiller. Les parties ont convenu de continuer de travailler sur les questions législatives. S’agissant des violations présumées des droits syndicaux, le Premier ministre a donné l’instruction par écrit au ministre du Travail, de la Santé et de la Protection sociale ainsi qu’au premier conseiller du Premier ministre d’enquêter et de discuter des questions concernant la discrimination antisyndicale au sein de la commission tripartite du dialogue social, et des possibilités d’emplois alternatifs pour les travailleurs présumés licenciés du Port maritime de Poti.
  30. B. Réponse du gouvernement
  31. 753. Dans sa communication en date du 7 novembre 2008, le gouvernement indique que sa réponse est fondée sur les informations que lui ont fournies les parties concernées, à savoir l’organisation plaignante, la direction du Port de Poti et celle de l’entreprise textile BTM.
  32. 754. En ce qui concerne la première entreprise, le gouvernement reconnaît qu’il y a eu un différend entre l’administration et le syndicat du Port. Selon lui, le syndicat a présenté plusieurs requêtes «irréalistes», auxquelles il était «impossible» de donner satisfaction. Plus précisément, le syndicat a demandé: le versement, à vie, d’une somme mensuelle de 100 lari (GEL) (60 dollars des Etats-Unis) aux travailleurs du Port de Poti ayant pris leur retraite en 2007; une augmentation des salaires versés aux travailleurs avant la privatisation de la société de l’ordre de 100 pour cent; et trois années d’emploi garanti pour les travailleurs embauchés avant le 15 octobre 2007.
  33. 755. Le gouvernement indique que le contrat de travail de neuf travailleurs a été résilié parce que la direction n’était pas satisfaite de la façon dont ils accomplissaient leur tâche et que ces licenciements n’étaient pas fondés sur leur appartenance ou leurs activités syndicales. Les licenciements ont été effectués conformément aux dispositions de l’article 37 d) du Code du travail. Le gouvernement indique par ailleurs que la grève menée le 15 octobre 2007 n’a pas été précédée d’un préavis, comme le prévoit l’article 49 4) et 6) du Code du travail.
  34. 756. Le gouvernement explique que l’accès aux locaux du syndicat a été interdit par l’administration parce que l’accord collectif, qui conférait ce droit d’accès au syndicat, a été dénoncé le 1er janvier 2007. Le syndicat a été informé de la dénonciation de l’accord collectif signé en 2004 par courrier daté du 8 décembre 2006. Faute d’intérêt manifesté par le syndicat, aucun nouvel accord collectif n’a été signé au Port de Poti. Dans ces conditions, les organisations syndicales de base n’avaient aucun droit d’utiliser les installations du Port de Poti.
  35. 757. En ce qui concerne le refus du ministre d’Etat chargé des réformes économiques d’intervenir au nom de la GTUC, le gouvernement souligne qu’il est illégal pour quiconque d’interférer dans une décision judiciaire ou d’influencer le tribunal et les juges concernés.
  36. 758. Le gouvernement indique en outre que le licenciement de neufs salariées de l’entreprise textile BTM n’est pas lié à leur appartenance syndicale et a été mené conformément aux dispositions de l’article 37 d) du Code du travail. Selon le gouvernement, on ne saurait accuser l’entreprise de pratique antisyndicale. De fait, trois membres du comité du syndicat sont toujours salariées de l’entreprise. En outre, le gouvernement indique que les syndicalistes ont organisé une grève sans préavis, comme le prévoit le Code du travail, ainsi qu’une manifestation pour recruter de nouveaux membres sans en avoir informé la direction de l’entreprise. Le gouvernement précise qu’aucun des 500 salariés n’a montré un quelconque intérêt à devenir membre du syndicat.
  37. 759. Dans sa communication en date du 19 février 2010, le gouvernement demande au comité de repousser l’examen du cas.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 760. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue que: 1) le Code du travail n’offre pas de protection suffisante contre la discrimination antisyndicale; 2) la direction du Port de Poti, à l’époque où elle était encore une entreprise étatique, a refusé de négocier collectivement avec le syndicat, a procédé à la fermeture des locaux du syndicat pendant quelque temps et a licencié neuf syndicalistes pour leurs activités syndicales à la suite d’une manifestation des travailleurs exigeant de la direction de participer à des négociations collectives; 3) l’entreprise textile BTM a licencié tous les membres du comité du syndicat pour leurs activités syndicales le lendemain du jour où elle a été informée de la constitution du syndicat; 4) les travailleuses de l’entreprise textile BTM sont menacées de licenciement si elles poursuivent leurs activités syndicales; 5) le gouvernement n’a pas donné aux victimes de ces actions la possibilité d’obtenir réparation. Tout en notant la requête du gouvernement de voir l’examen du cas repoussé, le comité considère néanmoins disposer d’informations suffisantes pour en poursuivre l’examen.
  2. 761. Pour ce qui est des allégations relatives aux dispositions législatives établissant un droit illimité à mettre fin à des contrats de travail sans motif (art. 37 d) et 38 3) du Code du travail), le comité rappelle que nul ne doit être licencié ou faire l’objet d’autres mesures préjudiciables en matière d’emploi en raison de son affiliation syndicale ou de l’exercice d’activités syndicales légitimes, et qu’il importe que tous les actes de discrimination en matière d’emploi soient interdits et sanctionnés dans la pratique. Le comité rappelle en outre le principe général selon lequel il n’apparaîtrait pas qu’une protection suffisante contre les actes de discrimination antisyndicale visés par la convention no 98 soit accordée par une législation qui permettrait en pratique aux employeurs, à condition de verser l’indemnité prévue par la loi pour tous les cas de licenciement injustifié, de licencier un travailleur si le motif réel en est son affiliation ou son activité syndicale. Un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi – licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables –, et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu’ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu’ils détiennent. Le comité estime que la garantie de semblable protection dans le cas de dirigeants syndicaux est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d’élire librement leurs représentants. Dans les cas où des dirigeants syndicaux sont licenciés sans indication du motif, le gouvernement devrait prendre des mesures en vue de sanctionner les actes de discrimination antisyndicale et offrir des voies de recours à ceux qui en sont victimes. Enfin, le comité rappelle l’importance qu’il attache au principe selon lequel il est nécessaire que la législation établisse d’une manière expresse des recours et des sanctions contre les actes de discrimination antisyndicale, afin d’assurer l’efficacité pratique de l’article 1 de la convention no 98. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 771, 791, 799, 807 et 813.]
  3. 762. Compte tenu de l’interprétation des articles 37 d) et 38 3) du Code du travail donnée par les tribunaux et du fait qu’ils semblent nier l’absence de toute autre protection législative contre la discrimination antisyndicale, le comité est préoccupé par le fait que le cadre légal actuel du pays ne permettrait pas de garantir une protection suffisante contre la discrimination antisyndicale. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre, en consultation avec les partenaires sociaux concernés, les mesures nécessaires pour amender le Code du travail, de façon à garantir une protection spécifique contre la discrimination antisyndicale, y compris les licenciements antisyndicaux, et à prévoir des sanctions suffisamment dissuasives contre de tels actes. Dans le même sens, observant les difficultés pour contester un licenciement présumé antisyndical s’il n’y a aucune obligation de motiver un licenciement, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que les travailleurs puissent obtenir des explications sur les motifs de tout licenciement.
  4. 763. Le comité croit comprendre que le BIT a fourni une assistance technique aux mandants tripartites de la Géorgie pour promouvoir le processus de dialogue social et la révision de la législation du travail. Le comité note qu’en octobre 2009 une table ronde tripartite a été organisée par le BIT à Tbilissi pour faire le point sur l’état actuel de la législation du travail, de la mise en œuvre des conventions nos 87 et 98 et du tripartisme en Géorgie.
  5. 764. Le comité note l’information transmise à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations concernant la mise en place de la Commission nationale du dialogue social ainsi que la création d’un groupe de travail tripartite chargé d’examiner et d’analyser la conformité de la législation nationale avec les conclusions et recommandations de la commission d’experts et de proposer les amendements nécessaires. Le comité s’attend à ce que toutes les questions relatives à la mise en œuvre des principes de la liberté syndicale et des conventions pertinentes, et en particulier la question de la protection contre la discrimination antisyndicale, soient abordées par le groupe de travail tripartite très prochainement et que celui-ci soit en mesure d’élaborer les amendements voulus au Code du travail de façon à tenir compte des principes susvisés. Le comité prie instamment le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  6. 765. Le comité prend note des allégations de l’organisation plaignante concernant les violations des droits syndicaux dans le Port de Poti et au sein de l’entreprise textile BTM, ainsi que de la réponse du gouvernement. S’agissant de la première entreprise, le comité note que, selon les informations fournies par l’organisation plaignante, la décision unilatérale de la direction du Port de mettre fin à l’accord collectif en vigueur (approuvée par la Cour d’appel de Kutaisi ) et son refus de négocier collectivement en vue de conclure un nouvel accord collectif sur les conditions de travail ainsi que la privatisation prévue du Port auraient abouti à la manifestation organisée par le syndicat, à la fermeture des locaux du syndicat par la direction et au licenciement de neuf dirigeants syndicaux. Pour ce qui est de l’entreprise textile, toutes les dirigeantes du comité du syndicat auraient été licenciées après avoir informé l’entreprise de la constitution du syndicat.
  7. 766. En ce qui concerne la dénonciation unilatérale de l’accord collectif par la direction du Port de Poti, le comité rappelle que les accords doivent être obligatoires pour les parties et que le respect mutuel des engagements pris dans les accords collectifs est un élément important du droit de négociation collective et doit être sauvegardé pour fonder des relations professionnelles sur des bases solides et stables. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 939 et 940.] Il rappelle en outre que la négociation collective est un processus de concessions mutuelles, basé sur la certitude raisonnable que les engagements négociés seront tenus, au moins pendant la durée de validité de la convention, ladite convention résultant de compromis auxquels les deux parties ont abouti sur certains aspects, ainsi que d’exigences qu’elles ont abandonnées pour obtenir d’autres droits auxquels les syndicats et leurs membres accordaient une priorité plus élevée. Si les droits acquis en vertu de concessions accordées sur d’autres points peuvent être annulés unilatéralement, on ne peut raisonnablement pas s’attendre à ce que les relations professionnelles soient stables ni à ce que les accords négociés soient suffisamment fiables. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 941.]
  8. 767. S’agissant du refus allégué de l’employeur de négocier collectivement, le comité note les informations fournies par le gouvernement selon lesquelles le syndicat a présenté des requêtes «irréalistes», qu’il était impossible à l’administration de satisfaire, lesquelles auraient été à l’origine d’un différend entre le syndicat et l’administration. Le gouvernement indique également qu’aucun nouvel accord n’a été conclu par les parties faute d’intérêt de la part du syndicat. Tout en notant que la négociation collective doit, pour conserver son efficacité, revêtir un caractère volontaire et ne pas impliquer un recours à des mesures de contrainte qui auraient pour effet d’altérer ce caractère, le comité rappelle l’importance qu’il attache à l’obligation de négocier de bonne foi pour le maintien d’un développement harmonieux des relations professionnelles. Il importe qu’employeurs et syndicats participent aux négociations de bonne foi et déploient tous leurs efforts pour aboutir à un accord, des négociations véritables et constructives étant nécessaires pour établir et maintenir une relation de confiance entre les parties. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 926, 934 et 935.] Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour promouvoir le respect des principes susmentionnés concernant la négociation de bonne foi et d’indiquer si un accord collectif a, depuis lors, été conclu entre le syndicat et la nouvelle direction du Port de Poti.
  9. 768. S’agissant de la fermeture des locaux du syndicat du Port de Poti, le comité note que, selon l’organisation plaignante, elle a eu lieu le 19 octobre 2007, en raison d’une manifestation de 45 minutes organisée par le syndicat pendant la pause déjeuner le 15 octobre 2007. Selon le gouvernement, le syndicat n’était pas en droit d’utiliser les installations du Port de Poti du fait de la dénonciation, le 1er janvier 2007, de l’accord collectif. Tout en prenant note que les locaux du syndicat ont depuis lors été rouverts, le comité considère que la fermeture des locaux syndicaux par suite d’une manifestation de 45 minutes organisée pendant la pause déjeuner, comme cela est allégué en l’espèce, constitue une violation des principes de la liberté syndicale et, si cette décision émane de la direction de l’entreprise, une ingérence de l’employeur dans le fonctionnement d’une organisation de travailleurs, contraire à l’article 2 de la convention no 98. Le comité demande au gouvernement de garantir le respect de ce principe à l’avenir et de le tenir informé de la situation à cet égard.
  10. 769. Le comité prend note d’une autre allégation de l’organisation plaignante, à savoir que les travailleuses de l’entreprise textile BTM ont été l’objet d’actes d’intimidation et de menaces de licenciement si elles ne cessaient pas leurs activités syndicales. Le comité estime que, lorsqu’elles sont saisies de plaintes en discrimination antisyndicale, les instances compétentes doivent mener immédiatement une enquête et prendre les mesures nécessaires pour remédier aux conséquences des actes de discrimination antisyndicale qui auront été constatés. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 835.] Le comité demande au gouvernement de diligenter une enquête indépendante au sujet de ces allégations et, si celles-ci sont avérées, de prendre des mesures correctives appropriées, y compris, le cas échéant, en émettant des instructions et/ou en prenant les sanctions qui s’imposent. Il demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  11. 770. En ce qui concerne les 18 dirigeants syndicaux licenciés (neuf salariés du Port de Poti et neuf salariées de l’entreprise textile BTM), tout en notant que le gouvernement réfute le fait que ces licenciements soient à caractère antisyndical, le comité fait valoir qu’aucune enquête approfondie n’a été menée au sujet de ces allégations et que le gouvernement semble avoir fondé sa réponse uniquement sur les déclarations de la direction du Port. Le comité rappelle que nul ne devrait faire l’objet de discrimination antisyndicale en raison de ses activités syndicales légitimes, et la possibilité d’être réintégré dans leur poste de travail devrait être ouverte aux personnes qui ont été l’objet de discrimination antisyndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 837.] A cet égard et en ce qui concerne l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle le gouvernement n’a pas garanti le respect des principes de la liberté syndicale, le comité rappelle qu’il appartient au gouvernement de veiller à l’application des conventions internationales sur la liberté syndicale librement ratifiées, dont le respect s’impose à toutes les autorités de l’Etat, y compris les autorités judiciaires. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 18.] Tout en constatant que le syndicat a intenté des actions en justice auprès des tribunaux compétents et que des décisions devraient être prises à ce sujet à différents niveaux du système judiciaire, à la lumière des jugements rendus par les tribunaux dans l’affaire du Port de Poti, le comité est préoccupé par le fait que l’état actuel de la législation de la Géorgie pourrait ne pas offrir au système judiciaire les moyens suffisants pour garantir une protection et des voies de recours appropriées contre les actes de discrimination antisyndicale. Le comité note la plus récente communication de l’organisation plaignante dans laquelle elle indique que le Premier ministre de la Géorgie a donné l’instruction par écrit au ministre du Travail, de la Santé et de la Protection sociale, ainsi qu’au premier conseiller du Premier ministre, d’enquêter et de discuter, au sein de la commission tripartite du dialogue social, des possibilités d’emplois alternatifs pour les travailleurs présumés licenciés du Port de Poti. Dans ces conditions, dans la mesure où la question n’a pas été réglée de manière prompte et satisfaisante par la commission tripartite, le comité attend du gouvernement qu’il diligente une enquête indépendante et, dans l’éventualité où ces allégations seraient avérées, qu’il prenne les mesures nécessaires pour réintégrer les travailleurs licenciés à leurs postes. Le comité demande en outre au gouvernement de transmettre copie des jugements pertinents une fois qu’ils auront été rendus.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 771. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Prenant note de la mise en place de la Commission nationale du dialogue social et d’un groupe de travail tripartite, le comité demande au gouvernement de prendre, en consultation avec les partenaires sociaux concernés, les mesures nécessaires pour amender le Code du travail, de façon à garantir une protection spécifique contre la discrimination antisyndicale, y compris les licenciements antisyndicaux, et à prévoir des sanctions suffisamment dissuasives contre de tels actes. Dans le même sens, observant les difficultés pour contester un licenciement présumé antisyndical s’il n’y a aucune obligation de motiver un licenciement, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que les travailleurs puissent obtenir des explications sur les motifs de tout licenciement. Le comité prie instamment le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • b) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour promouvoir le respect des principes de la négociation de bonne foi et d’indiquer si un accord collectif a été conclu entre le syndicat et la nouvelle direction du Port de Poti.
    • c) En ce qui concerne la fermeture des locaux du syndicat dans le Port de Poti, tout en notant que le bureau a depuis lors été rouvert, le comité considère que la fermeture des locaux syndicaux par suite d’une manifestation de 45 minutes organisée pendant la pause déjeuner, comme cela est allégué en l’espèce, constitue une violation des principes de la liberté syndicale et, si cette décision émane de la direction de l’entreprise, une ingérence de l’employeur dans le fonctionnement d’une organisation de travailleurs, contraire à l’article 2 de la convention no 98. Le comité demande au gouvernement de garantir le respect de ce principe à l’avenir et de le tenir informé de la situation à cet égard.
    • d) Le comité demande au gouvernement de diligenter une enquête indépendante au sujet des allégations d’intimidation et de menaces dans l’entreprise textile BTM et, si ces allégations sont avérées, de prendre les mesures correctives appropriées, y compris, le cas échéant, en émettant des instructions et/ou en prenant les sanctions qui s’imposent. Il demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • e) Dans la mesure où la question n’a pas été réglée de manière prompte et satisfaisante par la commission tripartite, le comité attend du gouvernement qu’il diligente une enquête indépendante au sujet du licenciement des neuf dirigeants syndicaux du Port de Poti et des neuf dirigeantes syndicales de l’entreprise textile BTM et, si les allégations à ce sujet étaient avérées, qu’il prenne les mesures nécessaires pour réintégrer les travailleurs licenciés dans leurs postes. Notant que le syndicat a intenté des actions en justice auprès des tribunaux compétents et que les affaires de licenciements antisyndicaux allégués sont en cours d’instruction à différents niveaux du système judiciaire, le comité demande en outre au gouvernement de transmettre copie des jugements pertinents, une fois qu’ils auront été rendus.
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