Afficher en : Anglais - Espagnol
Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration
Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration
- 261. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa session de mai-juin 2007. [Voir 346e rapport, approuvé par le Conseil d’administration à sa 299e session, paragr. 1464 à 1547.] A cette occasion, le comité a demandé au gouvernement de poursuivre son examen de la loi de 2007 sur les relations professionnelles (Jersey) dans le cadre de consultations complètes et franches avec les organisations d’employeurs et de travailleurs concernées, et en particulier de prendre les mesures nécessaires de manière:
- – à veiller à ce que, en cas d’annulation de l’enregistrement, un syndicat demeure enregistré jusqu’à ce qu’une décision définitive ait été prise par une autorité judiciaire;
- – à préciser les situations dans lesquelles l’enregistrement d’un syndicat peut être annulé;
- – à ce que la Cour royale puisse connaître pleinement au fond des cas dont elle est saisie en appel;
- – à assurer que les travailleurs ne feront pas l’objet de sanctions pour s’être livrés à une activité syndicale légitime et à garantir une protection effective contre toutes mesures pénalisant les travailleurs pour avoir exercé pareille activité;
- – à revoir la définition d’une convention collective de manière à ce que la détermination du niveau de négociation collective dépende de la volonté des parties et à veiller à ce que les syndicats, lorsqu’ils ne représentent pas une «proportion importante» des travailleurs, puissent au moins négocier au nom de leurs propres membres;
- – à revoir la définition d’un conflit du travail afin de supprimer la nécessité d’une convention collective préexistante et de supprimer la condition qui veut que l’employeur occupe au moins 21 travailleurs pour qu’un conflit en matière de reconnaissance ait valeur de conflit collectif;
- – à veiller à ce que l’arbitrage obligatoire soit imposé uniquement dans le cas de services essentiels, de fonctionnaires exerçant l’autorité au nom de l’Etat ou lorsque les deux parties en conviennent;
- – à garantir que l’action de solidarité et l’action de protestation socio-économique ne soient pas interdites.
- Le comité a également rappelé au gouvernement qu’il peut faire appel à l’assistance technique du Bureau en ce qui concerne les questions soulevées dans le présent cas.
- 262. Par sa communication du 18 octobre 2007, le gouvernement indique que le ministre du Travail et de la Sécurité sociale de Jersey (ci-après dénommé le «ministre») a examiné avec une grande attention les observations du comité et se félicite que ce dernier ait pris note des consultations très larges menées auprès de tous les groupes intéressés avant la promulgation de la loi sur les relations professionnelles. Ce processus de consultation se poursuivra à la lumière des observations formulées par le comité. Le ministre souligne l’importance de la tenue de consultations dans le cadre de la procédure législative d’une aussi petite juridiction que Jersey où il est de première importance que la législation de l’île bénéficie d’une large approbation des habitants et que les vues de ceux qui ont été consultés soient prises en compte; la loi sur les relations professionnelles ne représente pas les vues d’une seule partie mais plutôt le point de vue de membres indépendants du parlement dont l’opinion serait largement influencée par les résultats des consultations publiques engagées.
- 263. S’agissant de la question de l’enregistrement des syndicats, le gouvernement indique que la législation en vigueur offre une protection suffisante contre l’annulation de l’enregistrement d’un syndicat. Aux termes des articles 10, alinéa 1, et 14, alinéa 1, de la loi sur les relations professionnelles, le greffier peut refuser de donner suite à une demande d’enregistrement d’un syndicat ou annuler l’enregistrement d’un syndicat si un des objectifs du syndicat est illégal; cependant, juridiquement, le greffier ne peut refuser de donner suite à une demande d’enregistrement ou annuler l’enregistrement d’un syndicat au motif que celui-ci a agi illégalement. Le gouvernement ajoute qu’en tant qu’autorité publique au titre de la loi de 2000 sur les droits de l’homme (Jersey) le greffier est légalement tenu d’exercer sa compétence de manière compatible avec les articles de la Convention de sauvegarde du Conseil de l’Europe pour la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales – en particulier l’article 11 relatif au droit à la liberté de réunion et d’association. En outre, l’article 15 de la loi sur les relations professionnelles institue un droit de recours devant la Cour royale contre l’exercice du pouvoir discrétionnaire administratif du greffier; pour chacun de ces recours, la Cour royale de Jersey et les juridictions d’appel supérieures, en tant qu’autorités publiques, seraient également tenues d’agir conformément à la Convention de sauvegarde du Conseil de l’Europe. Par ailleurs, la loi sur les relations professionnelles ne prévoit aucune restriction au droit de recours devant la Cour royale et l’article 15, alinéa 3, de ladite loi dispose que, lorsqu’elle connaît d’un recours, la Cour royale peut confirmer ou annuler la décision du greffier. Le gouvernement indique que, pour les raisons précédemment expliquées, il n’envisage pas d’amender la législation relative à l’enregistrement obligatoire mais qu’il mènera des consultations à ce sujet sur la base des observations du comité.
- 264. S’agissant de la recommandation du comité visant à ce que, en cas d’annulation de l’enregistrement, un syndicat demeure enregistré jusqu’à ce qu’une décision définitive ait été prise par une autorité judiciaire, le gouvernement indique que l’article 14, alinéa 7, de la loi sur les relations professionnelles dispose qu’une annulation de l’enregistrement d’un syndicat ne prend effet qu’à l’issue de la période de 21 jours qui suit la date à laquelle le greffier a notifié par écrit au syndicat la décision d’annuler son enregistrement et que l’article 15, alinéa 2, de cette même loi accorde au syndicat concerné 21 jours pour introduire un recours. L’article 14, alinéa 8, de la loi sur les relations professionnelles stipule que, si une notification de recours contre l’annulation de l’enregistrement d’un syndicat est transmise au cours de cette période de 21 jours, l’annulation ne sortira en aucun cas ses effets avant qu’il ait été statué sur ce recours; en outre la Cour royale a le droit général de prolonger ce délai en vertu du règlement 1/5 du règlement de 2004 de la Cour royale.
- 265. S’agissant des sanctions dont peuvent faire l’objet les travailleurs s’étant livrés à une activité syndicale légitime, le ministre, après consultation du Forum du travail sur cette question, a donné des instructions en vue de l’amendement de la législation de manière à ce qu’un travailleur injustement licencié pour avoir participé à une action revendicative puisse être réintégré à son poste de travail ou recevoir les indemnités correspondantes le cas échéant.
- 266. S’agissant de la définition d’une convention collective, définie à l’article 1 de la loi sur les relations professionnelles comme une convention conclue par un employeur ou une organisation d’employeurs qui est représentative d’une proportion importante des employeurs du secteur ou de l’industrie concernée et des travailleurs qui sont représentatifs d’une proportion importante des travailleurs du secteur ou de l’industrie concernée, le gouvernement indique que le terme «proportion importante» est d’usage courant à Jersey et qu’il constitue la base de règlement des conflits du travail et des questions concernant les rapports en vertu de la loi de 1956 sur les conflits du travail (Jersey). Selon le ministre, le terme «proportion importante» ne signifie pas que plus de 50 pour cent des travailleurs employés doivent être représentés mais plutôt que la représentation doit s’appliquer à une minorité significative de travailleurs. Bien qu’aucune décision juridique définissant ce terme n’ait été rendue, le ministre propose de mener des consultations avec les parties intéressées afin de déterminer si un amendement à la loi sur les relations professionnelles serait approprié à cet égard.
- 267. S’agissant de la condition qui veut que l’employeur compte au moins 21 travailleurs pour qu’un conflit en matière de reconnaissance ait valeur de conflit collectif, le gouvernement indique que les consultations précédemment menées sur cette question par le biais du document de consultation intitulé: «Justice au travail: questions syndicales» de 2001 visaient à obtenir des réponses quant au fait de savoir si le droit à la reconnaissance statutaire ne devait s’appliquer qu’aux entreprises comptant plus d’un certain nombre de salariés. Les réponses reçues étaient divisées de manière égale sur ce point et le ministre considère que les vues des dirigeants de petites entreprises et des syndicats resteront polarisées; le ministre tiendra néanmoins d’autres consultations sur cette question afin de déterminer si la position des uns et des autres sur cette question a évolué.
- 268. S’agissant de la résolution des conflits collectifs, le gouvernement indique que le tribunal du travail de Jersey dispose d’une juridiction très limitée pour prononcer une décision obligatoire en l’absence d’accord de chacune des parties au conflit. A moins que les dispositions de l’article 22, alinéa 2, de la loi sur les relations professionnelles s’appliquent, le tribunal du travail de Jersey ne peut exercer sa compétence qu’avec l’accord de chacune des parties au conflit; en outre, en vertu des dispositions de l’article 22, alinéa 2, de cette même loi, le tribunal du travail de Jersey n’est compétent que, notamment, si une partie au conflit agit de manière déraisonnable dans la façon dont elle respecte ou ne respecte pas une procédure existante telle que définie à l’alinéa 3 de ce même article. En outre, l’article 22, alinéa 4, de ladite loi requiert que, pour décider si une partie a agi ou non de manière déraisonnable, il doit être tenu compte du fait de savoir si le manuel approprié a été accepté ou non par les parties au conflit, y compris par les travailleurs. A moins que la procédure existante soit établie dans un recueil de directives pratiques, une partie, par conséquent, ne pourrait agir que de manière déraisonnable au sens dudit article à l’égard d’une procédure qu’elle a préalablement acceptée. Selon le gouvernement, la compétence du tribunal du travail de Jersey de prononcer une déclaration est limitée par les dispositions de l’article 23, alinéa 2, de la loi sur les relations professionnelles et le tribunal du travail de Jersey n’est pas compétent, par exemple, pour prononcer une déclaration sur les questions de salaire, à moins que les deux parties au conflit y consentent. Au cas où le tribunal du travail exercerait un pouvoir qui ne lui aurait pas été conféré par la loi sur les relations professionnelles ou par les parties, chacune d’elles peut demander à la Cour royale d’abroger la décision du tribunal du travail de Jersey pour défaut de compétence.
- 269. S’agissant des recueils de directives pratiques, le gouvernement indique que des consultations approfondies ont été menées avec le Forum du travail et qu’il joint en annexe à sa réponse un nouveau projet des recueils proposés. Le gouvernement affirme que l’allégation selon laquelle les petites entreprises occupant dix travailleurs ou moins ne seraient pas tenues de permettre à ces derniers d’exercer leur droit d’appartenir à un syndicat ou de constituer un syndicat est incorrecte et fausse: le seuil est fixé à 21 ou plus de travailleurs pour les syndicats qui veulent engager une action revendicative en vue de la reconnaissance. En outre, ni la loi sur les relations professionnelles ni les recueils de directives pratiques n’interdisent l’appartenance à un syndicat. Une telle interdiction serait contraire aux dispositions de la loi de 2000 sur les droits de l’homme (Jersey). Par ailleurs, la loi de 2003 sur le travail prévoit qu’un employeur pénalisant un travailleur pour son appartenance à un syndicat est passible de sanctions. Selon le gouvernement, les syndicats sont bien placés pour parvenir à une reconnaissance volontaire grâce au poids de l’argument économique, y compris de l’argument fondé sur le plein emploi qui prévaut à Jersey de manière quasiment ininterrompue depuis trente ans.
- 270. S’agissant de l’action de solidarité des syndicats, le gouvernement affirme que tous les Etats Membres fixent des limites à la liberté des syndicats d’organiser un mouvement de grève. Ces limites reflètent la situation spécifique de chacun, y compris les traditions et pratiques de l’Etat Membre ou du territoire concerné en matière de relations professionnelles. Dans le cas de Jersey, où les accords collectifs ne sont pas juridiquement exécutoires et où la négociation est décentralisée, il est nécessaire d’interdire les actions de solidarité. Dans une économie de petite taille et géographiquement aussi isolée que Jersey, la propagation d’une grève impliquant des instances qui ne sont pas parties au conflit initial risquerait de perturber sérieusement la vie de l’île et la fourniture de services nécessaires aux citoyens. Par conséquent, le ministre ne propose pas de changer la législation en vigueur dans ce domaine et considère que l’interdiction de l’action de solidarité est conforme aux obligations internationales de Jersey.
- 271. Le comité prend note des informations détaillées fournies par le gouvernement et en particulier de l’information selon laquelle le gouvernement fait part de son intention de poursuivre les consultations sur un certain nombre de points avec les partenaires sociaux afin de parvenir à un consensus. Plus particulièrement, le comité note que, selon le gouvernement, le droit d’un syndicat de faire appel des décisions du greffier ne souffre d’aucune restriction et que, en cas d’annulation de l’enregistrement, un syndicat demeure enregistré jusqu’à ce qu’une décision définitive ait été prise par une autorité judiciaire. Le comité demande une nouvelle fois au gouvernement de veiller à ce que la Cour royale puisse connaître pleinement au fond des cas dont elle est saisie en appel.
- 272. Le comité relève en outre avec intérêt que, selon le gouvernement, le ministre, suite aux consultations tenues avec le Forum du travail, a donné des instructions en vue de l’amendement de la législation afin qu’un travailleur injustement licencié soit réintégré à son poste de travail ou indemnisé, le cas échéant. Le comité demande au gouvernement de lui transmettre une copie de cet amendement dès que celui-ci aura été élaboré.
- 273. S’agissant de l’obligation faite à un syndicat de représenter une «proportion importante» des travailleurs du secteur ou de l’industrie concernés pour signer un accord collectif, le comité note que, selon le gouvernement, le terme «proportion importante» ne signifie pas qu’un syndicat doive représenter plus de 50 pour cent des travailleurs concernés mais plutôt que cette représentation doit s’appliquer à une minorité significative d’entre eux. Notant, en outre, qu’aucune décision concernant la définition de ce terme n’a été rendue et que des consultations seront organisées avec les parties intéressées sur le point de savoir s’il convient d’amender la loi sur les relations professionnelles à cet égard, le comité rappelle une fois encore que la décision concernant le point de savoir si un syndicat représente une proportion importante des travailleurs devrait toujours se fonder sur des critères objectifs et prédéfinis de manière à éviter toute possibilité de partialité ou d’abus et que, lorsque dans un système de désignation d’un agent négociateur exclusif, aucun syndicat ne représente le pourcentage de travailleurs requis pour être déclaré agent négociateur exclusif, les droits de négociations collectives devraient être accordés à tous les syndicats de l’unité, au moins au nom de leurs propres membres. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 976.]
- 274. Le comité prend note du dernier projet de recueils de directives pratiques transmis par le gouvernement. Il note également que, comme établi dans le recueil 1 du projet de recueils, pour que les syndicats puissent saisir le tribunal du travail de Jersey d’un conflit en matière de reconnaissance, l’employeur concerné doit avoir occupé une moyenne d’au moins 21 travailleurs dans les treize semaines précédant immédiatement la date du conflit. Le comité considère que l’obligation faite à l’employeur concerné d’avoir employé au moins 21 travailleurs pour permettre à un syndicat d’avoir recours à la procédure de conflit en matière de reconnaissance est contraire au principe de négociation collective libre et volontaire. Il demande par conséquent au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les syndicats puissent saisir le tribunal du travail de Jersey d’un conflit en matière de reconnaissance même dans le cas où l’employeur concerné occupe moins de 21 travailleurs.
- 275. Le comité relève que le gouvernement fait part de son intention de poursuivre les consultations au sujet de la définition d’un conflit du travail. Il demande une nouvelle fois au gouvernement de revoir la définition d’une convention collective afin de supprimer la nécessité d’une convention collective préexistante et de supprimer la condition qui veut que l’employeur occupe au moins 21 travailleurs pour qu’un conflit en matière de reconnaissance ait valeur de conflit collectif.
- 276. S’agissant de la question de l’arbitrage obligatoire à la demande d’une partie, le comité, tout en prenant note des informations communiquées par le gouvernement concernant le champ de compétence du tribunal du travail de Jersey en matière de prononcé de décisions obligatoires, est néanmoins tenu de réitérer que la compétence du tribunal du travail de Jersey en vertu des articles 22 et 24 de la loi sur les relations professionnelles pour prononcer une déclaration en l’absence de l’accord de chacune des parties concernées, qui intègre les termes de ladite décision dans des contrats de travail individuel, équivaut à un arbitrage obligatoire contraignant contraire au principe de la négociation volontaire. Il demande une nouvelle fois au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour amender la législation de sorte que l’arbitrage obligatoire soit imposé uniquement dans le cas de services essentiels, de fonctionnaires exerçant l’autorité au nom de l’Etat ou lorsque les deux parties en conviennent.
- 277. Enfin, le comité note avec regret que le gouvernement considère nécessaire d’interdire les actions de solidarité afin de ne pas perturber la vie de l’île ou la fourniture de services nécessaires aux citoyens et qu’il ne propose pas d’amender la législation y relative. Rappelant que l’interdiction d’une grève qui n’est pas liée à un conflit collectif auquel le travailleur ou le syndicat est partie est contraire aux principes de la liberté syndicale, le comité demande une fois encore au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que les grèves de solidarité et les actions de protestation socio-économique ne soient pas interdites par la loi.
- 278. Le comité encourage le gouvernement à poursuivre vigoureusement son dialogue avec les partenaires sociaux sur les questions ci-dessus afin d’assurer la pleine conformité de la loi sur les relations professionnelles avec les conventions nos 87 et 98 et attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs du présent cas.