ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Rapport intérimaire - Rapport No. 351, Novembre 2008

Cas no 2450 (Djibouti) - Date de la plainte: 04-AOÛT -05 - Clos

Afficher en : Anglais - Espagnol

  1. 775. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa session de novembre 2007. [Voir 348e rapport, paragr. 533-560.] L’Union djiboutienne du travail (UDT) et l’Union générale des travailleurs djiboutiens (UGTD) ont envoyé conjointement des informations complémentaires par une communication en date du 10 janvier 2008.
  2. 776. Face à la gravité des allégations, à sa session de mai-juin 2006, le comité avait demandé au gouvernement d’accepter la visite sur place d’une mission de contacts directs. [Voir 342e rapport, paragr. 436.] Lors de l’examen de l’application par Djibouti de la convention no 87 en juin 2007, la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail s’est félicitée du fait que le gouvernement ait accepté une mission de contacts directs afin de clarifier la situation en ce qui concerne les questions soulevées.
  3. 777. Le gouvernement ayant donné son consentement à la venue de la mission au cours de la Conférence internationale du Travail en juin 2007, les dispositions ont été prises pour qu’elle ait lieu en janvier 2008. Le Directeur général a désigné M. Yéro Dé, ancien ministre du Travail du Sénégal, comme son représentant pour effectuer cette mission, qui s’est tenue à Djibouti du 21 au 25 janvier 2008. Au cours de cette mission de contacts directs, le représentant du Directeur général était accompagné par Mme Karen Curtis, directrice adjointe du Département des normes internationales du travail, de Mme Alice Ouedraogo, directrice du bureau de l’Afrique de l’Est à Addis-Abeba, et de M. Chittarath Phouangsavath, spécialiste juridique du Département des normes internationales du travail. Le rapport de mission figure en annexe à la fin du présent rapport.
  4. 778. Le gouvernement n’ayant pas répondu aux dernières informations fournies par les organisations plaignantes, le comité a dû ajourner l’examen du cas à deux reprises. A sa réunion de juin 2008 [voir 350e rapport, paragr. 10], le comité a lancé un appel pressant au gouvernement indiquant que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d’administration, il pourrait présenter un rapport sur le fond de l’affaire à sa prochaine session, même si les informations ou observations demandées n’étaient pas reçues à temps. A ce jour, le gouvernement n’a envoyé aucune information.
  5. 779. Djibouti a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 780. Lors de son examen antérieur de ce cas en novembre 2007, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 348e rapport, paragr. 560]:
    • a) En ce qui concerne l’allégation du refus de réintégrer les travailleurs licenciés, à la suite d’une grève, le comité demande au gouvernement de le tenir informé de la situation des syndicalistes devant être réintégrés aux termes de l’accord du 8 juillet 2002, à savoir: Abdoulfatah Hassan Ibrahim; Hachim Adawe Ladieh; Houssein Dirieh Gouled; Moussa Wais Ibrahim; Abdillahi Aden Ali; Habib Ahmed Doualeh et Bouha Daoud Ahmed. Le comité demande au gouvernement de s’assurer que tous les travailleurs souhaitant leur réintégration puissent l’obtenir, sans perte de salaire ni de bénéfices, et que ceux qui ne souhaitaient pas une réintégration puissent recevoir une compensation adéquate.
    • b) Concernant les allégations de harcèlement et licenciements abusifs envers les dirigeants syndicaux, le comité demande au gouvernement de diligenter rapidement une enquête indépendante sur ces allégations ainsi que sur les pressions dont serait victime leur entourage et, dans le cas où elles s’avèrent fondées, de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour mettre fin à ces actes de discrimination et de harcèlement, et de punir les personnes responsables. Compte tenu des allégations concernant le licenciement de M. Hassan Cher Hared intervenu en septembre 2006, le comité considère qu’il s’agit d’un cas sérieux et demande instamment au gouvernement de rapidement diligenter une enquête sur son dernier licenciement et, s’il est avéré qu’il a été victime de licenciement en raison de ses activités syndicales, de procéder à la réintégration de M. Hassan Cher Hared avec le paiement de tout arriéré de salaire et de le tenir informé sur cette affaire.
    • c) Concernant l’ingérence du gouvernement dans les grèves et les élections syndicales, les arrestations et la détention de membres et dirigeants syndicaux, ainsi que le refoulement d’une mission de solidarité syndicale internationale, et l’arrestation et l’interrogatoire subséquents du seul membre de la mission autorisé à pénétrer dans le pays – un fonctionnaire du BIT –, le comité exhorte le gouvernement à répondre rapidement aux graves allégations formulées par la CISL.
    • d) Concernant l’allégation de l’adoption d’un nouveau Code du travail «antisocial», contraire aux conventions internationales et à la Constitution nationale, le comité demande au gouvernement de modifier les articles 41, 42, 214 et 215 du Code du travail et de le tenir informé de toute mesure engagée dans ce sens.
    • e) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau concernant la conduite d’une mission de contacts directs sur place et les mesures prises à sa suite pour donner effet aux recommandations.

B. Nouvelles allégations

B. Nouvelles allégations
  1. 781. Dans une communication en date du 10 janvier 2008, l’UDT et l’UGTD ont souhaité apporter des précisions sur les points en suspens et qui ont fait l’objet de recommandations de la part du comité. S’agissant de la liste des travailleurs licenciés qui devraient être réintégrés aux termes de l’accord du 8 juillet 2002, les organisations plaignantes précisent que certains noms ont été omis dans la liste contenue dans les recommandations du comité. Il s’agit des personnes suivantes: M. Adan Mohamed Abdou, M. Kamil Diraneh Hared, M. Souleiman Mohamed Ahmed, M. Mohamed Doubad Waiss, Mme Mariam Hassan Ali, M. Abdourachid. Pour ce qui concerne la réintégration de M. Adan Mohamed Abdou, secrétaire général de l’UDT, et de M. Kamil Diraneh Hared, secrétaire général de l’UGTD, les organisations plaignantes contestent les indications fournies par le gouvernement dans sa communication du 27 mars 2007 selon lesquelles ces derniers auraient refusé d’être réintégrés. Les organisations plaignantes demandent au gouvernement d’apporter la preuve de cette allégation et précisent qu’il n’a jamais été dans l’intention des autorités de réintégrer ces deux personnes ni les autres membres syndicaux licenciés qui se voient tous interdire l’accès à tout emploi à Djibouti, tant dans le secteur public que privé. C’est ainsi que certains syndicalistes ont choisi l’exil pour échapper aux constantes violations des droits syndicaux qui les touchaient ainsi que leurs familles.
  2. 782. S’agissant des questions relatives au Code du travail, les organisations plaignantes indiquent qu’il est inexact de déclarer, comme le fait le gouvernement, que les partenaires sociaux ont été consultés, notamment l’UDT et l’UGTD. Elles indiquent par ailleurs que même l’UGTD reconnue par les autorités nie avoir été pleinement consultée lors de la procédure d’adoption du Code du travail. On ne peut ainsi déclarer qu’une négociation collective a été menée dans le cadre de cette procédure.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 783. Le comité regrette vivement que le gouvernement n’ait pas fourni d’information en réponse aux recommandations antérieures du comité ainsi qu’aux nouvelles allégations des organisations plaignantes, alors qu’il a été invité à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant, à présenter ses commentaires et observations sur le suivi de ce cas. Le comité espère que le gouvernement fera preuve de plus de coopération à l’avenir.
  2. 784. Dans ces conditions, conformément à la règle de procédure applicable [voir 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration à sa 184e session], le comité se voit dans l’obligation de présenter un rapport sur le fond de l’affaire sans pouvoir tenir compte des informations qu’il espérait recevoir du gouvernement.
  3. 785. Le comité prend note du rapport de la mission de contacts directs qui s’est déroulée en janvier 2008 et remercie la mission pour les informations recueillies. Ces informations détaillées assisteront le comité dans son examen des questions soulevées dans les plaintes.
  4. 786. Le comité note l’esprit de coopération dont a fait preuve le gouvernement pour le déroulement de la mission de contacts directs et les facilités qui ont été accordées à cette dernière. Il exprime le ferme espoir que le gouvernement continuera à agir dans le même esprit et qu’il assurera la mise en œuvre des engagements pris lors de la mission.
  5. 787. Au sujet de ses recommandations antérieures sur la réintégration des travailleurs licenciés, à la suite d’une grève, aux termes de l’accord du 8 juillet 2002, notamment les personnes suivantes: Abdoulfatah Hassan Ibrahim; Hachim Adawe Ladieh; Houssein Dirieh Gouled; Moussa Wais Ibrahim; Abdillahi Aden Ali; Habib Ahmed Doualeh et Bouha Daoud Ahmed, le comité relève que les organisations plaignantes ont indiqué dans une communication du 10 janvier 2008 que d’autres personnes figurant dans l’accord de 2002 – et non encore réintégrées à ce jour – devaient également être mentionnées. Il s’agit de M. Adan Mohamed Abdou, M. Kamil Diraneh Hared, M. Souleiman Mohamed Ahmed, M. Mohamed Doubad Waiss, Mme Mariam Hassan Ali, M. Abdourachid. Par ailleurs le comité note, pour ce qui concerne la réintégration de M. Adan Mohamed Abdou, secrétaire général de l’UDT, et de M. Kamil Diraneh Hared, secrétaire général de l’UGTD, que les organisations plaignantes contestent les indications fournies par le gouvernement selon lesquelles ces derniers auraient refusé d’être réintégrés. Les organisations plaignantes demandent au gouvernement d’apporter la preuve de tels propos et précisent qu’il n’a jamais été dans l’intention des autorités de réintégrer ces deux personnes ni les autres membres syndicaux licenciés qui se voient tous interdire l’accès à tout emploi à Djibouti, tant dans le secteur public que privé, forçant ainsi certains syndicalistes à choisir l’exil pour échapper aux violations des droits syndicaux qui les touchaient ainsi que leurs familles.
  6. 788. Au sujet de la liste des personnes qui n’auraient pas encore été réintégrées après leurs licenciements en 1995, y compris celles mentionnées par l’UDT et l’UGTD dans leur communication en date du 10 janvier 2008, le comité note que cette liste fait l’objet de divergences mais que le gouvernement s’est engagé auprès de la mission à faire les vérifications nécessaires de la situation des travailleurs sur la base de la liste fournie et à en informer le Bureau. Le comité exprime le ferme espoir que le gouvernement fournira très prochainement les éclaircissements nécessaires sur la situation des travailleurs figurant tant dans les recommandations précédentes du comité que dans la liste fournie par les organisations plaignantes, ceci comme il s’est engagé à le faire auprès de la mission de contacts directs.
  7. 789. Le comité note que, selon les organisations plaignantes que la mission de contacts directs a rencontrées, aux termes de l’accord du 8 juillet 2002 signé sous la médiation d’une mission du BIT, les travailleurs désireux d’être réintégrés devaient individuellement le signifier et ceux qui ne souhaitaient pas la réintégration devaient être indemnisés. Cependant, les autorités auraient toujours refusé le principe de l’indemnisation et auraient de plus ajouté une condition à la réintégration, à savoir la renonciation au syndicalisme. Cette nouvelle condition posée par les autorités aurait alors été refusée par tous bloquant ainsi la situation. Sur ce dernier point, le comité insiste sur l’importance qu’il attache au principe selon lequel les déclarations de loyauté, ou autre engagement de même nature, ne devraient pas être imposées pour obtenir la réintégration dans l’emploi, et il insiste auprès du gouvernement pour que de telles déclarations ne soient plus demandées.
  8. 790. Le comité note que, selon les différentes hautes autorités que la mission de contacts directs a rencontrées, notamment le Premier ministre, la question des licenciements intervenus en 1995 aurait été réglée par une réintégration massive, à l’exception de quelques cas isolés. Cette réintégration des travailleurs licenciés procéderait d’une volonté politique et s’il reste encore des cas à régler, le gouvernement s’est déclaré prêt à corriger la situation. Le comité note en particulier que, s’agissant de la question de l’indemnisation et du paiement des arriérés des salaires:
    • – le gouvernement s’est engagé à réintégrer tous les travailleurs licenciés dans leur service d’origine ou dans un autre service si cette réintégration est impossible et à payer les cotisations sociales pour la retraite de ces personnes;
    • – s’agissant du versement des indemnités, le gouvernement s’est déclaré ne pas être opposé au principe dès lors que les travailleurs acceptent de réintégrer les postes de travail. Les services du ministère de l’Emploi et de la Solidarité nationale ont été mandatés pour mener et faire aboutir les négociations relatives à la réintégration, à l’indemnisation, au paiement des cotisations sociales.
    • Le comité veut croire que le gouvernement agira rapidement pour donner suite aux engagements pris auprès de la mission de contacts directs sur cette question de la réintégration des travailleurs licenciés et non encore réintégrés depuis 1995, de leur indemnisation et du paiement des arriérés de salaires. Le comité demande au gouvernement de l’informer sans délai de la situation des négociations et des avancées obtenues.
  9. 791. En ce qui concerne les allégations relatives à l’adoption d’un nouveau Code du travail «antisocial», le comité avait demandé au gouvernement dans ses recommandations antérieures de modifier les articles 41, 42, 214 et 215 du Code du travail. Le comité note avec intérêt l’engagement du gouvernement à procéder aux amendements demandés et son souhait de bénéficier, à cette fin, de l’assistance technique et des conseils du Bureau. Le comité veut croire que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour adopter rapidement les amendements demandés au Code du travail et discutés avec la mission de contacts directs, ceci de manière à donner pleinement effet aux conventions internationales sur la liberté syndicale qu’il a ratifiées.
  10. 792. Le comité relève que, selon les informations recueillies par la mission de contacts directs, les projets de modifications législatives seront soumis, pour avis, au Conseil national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (CNTEFP). A cet égard, le comité note la mise en garde de la mission contre un retard excessif dans la constitution de cet organe et donc l’impact sur l’adoption des amendements législatifs nécessaires, et surtout contre toute décision, notamment au sujet de la composition du CNTEFP, qui pourrait conduire à un nouvel élément de crispation. Le comité, relevant que le CNTEFP n’était pas encore constitué lors de la visite de la mission de contacts directs, prie instamment le gouvernement de l’informer dès que possible de la constitution et de la composition de cet organe.
  11. 793. Concernant les allégations de harcèlement et licenciements abusifs envers les dirigeants syndicaux, le comité avait demandé au gouvernement de diligenter rapidement une enquête indépendante sur ces allégations ainsi que sur les pressions dont serait victime leur entourage et, dans le cas où elles s’avéreraient fondées, de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour mettre fin à ces actes de discrimination et de harcèlement, et de punir les personnes responsables. Par ailleurs, compte tenu des allégations concernant le licenciement de M. Hassan Cher Hared intervenu en septembre 2006, le comité avait considéré qu’il s’agit d’un cas sérieux et avait demandé instamment au gouvernement de rapidement diligenter une enquête sur son dernier licenciement et, s’il était avéré qu’il avait été victime de licenciement en raison de ses activités syndicales, de procéder à la réintégration de M. Hassan Cher Hared avec le paiement de tout arriéré de salaire et de le tenir informé sur cette affaire. Le comité prie instamment le gouvernement de fournir sans délai des informations sur la situation actuelle de M. Hassan Cher Hared, notamment des résultats de toute enquête concernant son licenciement de 2006 et des suites données.
  12. 794. S’agissant des allégations des organisations plaignantes sur l’ingérence du gouvernement dans les grèves et les élections syndicales, les arrestations et la détention de membres et dirigeants syndicaux, ainsi que le refoulement d’une mission de solidarité syndicale internationale, et l’arrestation et l’interrogatoire subséquents du seul membre de la mission autorisé à pénétrer dans le pays – un fonctionnaire du BIT –, le comité a pris note des constatations faites par la mission de contacts directs sur l’exercice de la liberté syndicale à Djibouti ainsi que de ses conclusions. Le comité relève avec une profonde préoccupation que, selon les informations recueillies par la mission de contacts directs, la situation syndicale à Djibouti est caractérisée par un fossé grandissant depuis plus d’une décennie entre certaines organisations de travailleurs, en particulier l’UDT et l’UGTD, et le gouvernement et que des allégations subsistent quant à l’ingérence gouvernementale dans les activités syndicales et quant aux discriminations et harcèlements dont feraient encore l’objet les dirigeants syndicaux. Le comité rappelle avec force qu’un mouvement syndical libre ne peut se développer que dans un régime garantissant les droits fondamentaux, y compris notamment le droit pour les ouvriers syndiqués de se réunir dans les locaux syndicaux et le droit de libre opinion exprimée par la parole et la presse, et le droit pour les travailleurs syndiqués de bénéficier, en cas de détentions, des garanties d’une procédure judiciaire régulière engagée le plus rapidement possible. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 37.]
  13. 795. Le comité note qu’un des points abordés par la mission de contacts directs comme devant être réglés pour apaiser la situation concerne la représentation des travailleurs de Djibouti à la Conférence internationale du Travail. Le comité note que cette question fait l’objet de protestations et de discussions au sein de la Commission de vérification des pouvoirs de la Conférence depuis plusieurs années. Le comité note que les organisations plaignantes ont proposé une participation de l’UDT et de l’UGTD reconnue par le gouvernement à la Conférence internationale du Travail, mais néanmoins que le représentant de l’UDT soit désigné délégué titulaire en raison de la représentativité de son organisation. Le comité observe que le gouvernement a pris acte de la solution de compromis proposée par la mission de contacts directs à l’issue des discussions d’accepter d’inclure l’UDT dans la délégation de Djibouti pour la Conférence de 2008, ceci en attente d’une détermination plus claire de la représentativité des organisations des travailleurs. Cependant, le comité relève avec préoccupation que la désignation de la délégation des travailleurs à Djibouti a encore fait l’objet d’une protestation au cours de la 97e session de la Conférence internationale du Travail (juin 2008). Le comité relève en particulier que la protestation déposée par l’UDT et l’UGTD porte sur le fait que le gouvernement n’a pas respecté ses engagements en continuant à désigner à la Conférence des personnes qui ne représentent pas les syndicats. L’UDT et l’UGTD allèguent en outre que le conseiller technique des travailleurs, nommément M. Mohamed Youssouf Mohamed censé représenter l’UDT, utilise abusivement l’en-tête de l’organisation avec de fausses signatures sur ordre du gouvernement et que l’UDT a désigné d’autres représentants à la Conférence, M. Adan Mohamed Abdou, secrétaire général, et M. Hassan Cher Hared, secrétaire aux relations internationales, qui ne sont pas accrédités à la Conférence dans la délégation de Djibouti. Le comité relève que, selon les explications fournies par le gouvernement à la commission, la désignation des membres de la délégation des travailleurs répondait à la recommandation de la mission de contacts directs d’inclure l’UDT dans la délégation de Djibouti pour la présente session de la Conférence, dans l’attente de l’organisation d’élections sociales. Quant à la nomination du représentant de l’UDT dans la délégation des travailleurs, il a été indiqué qu’elle était le résultat de la procédure de consultation écrite habituellement utilisée et que le gouvernement n’avait fait que prendre acte du nom communiqué par ce dernier en tant que président de l’UDT.
  14. 796. Le comité observe que la Commission de vérification des pouvoirs a indiqué être en possession d’informations contradictoires qui portent sur la qualité des membres appartenant à l’UDT, à ses statuts, à la fonction exacte du conseiller technique des travailleurs censé représenter l’UDT dans cette organisation et sur les conditions dans lesquelles son secrétaire général, M. Adan Mohamed Abdou, aurait été démis de ses fonctions. Tout en notant l’inclusion de l’UDT dans la délégation des travailleurs, la commission a regretté que la procédure de désignation des représentants des travailleurs ne se soit pas déroulée dans le cadre d’une procédure de consultations effectuées sur la base de critères objectifs et vérifiables et en toute indépendance. Elle a ainsi indiqué que selon les éléments dont elle dispose le représentant de l’UDT à la Conférence n’a pas été choisi en toute indépendance par rapport au gouvernement. La conséquence aurait été de proposer à la Conférence l’invalidation des pouvoirs de ce dernier. Néanmoins, la commission a considéré que la protestation soulève des questions qui vont au-delà de celles qui concernent exclusivement la désignation de la délégation des travailleurs à la Conférence. Ces questions font état du non-respect des principes de la liberté syndicale dans le pays et d’actes d’ingérence du gouvernement dans les affaires syndicales. La Commission de vérification des pouvoirs a exhorté le gouvernement à garantir dans les meilleurs délais la mise en place de critères objectifs et transparents aux fins de la désignation des représentants des travailleurs aux futures sessions de la Conférence dans un esprit de coopération entre toutes les parties concernées et dans un climat de confiance qui respecte pleinement la capacité d’agir des organisations de travailleurs, en totale indépendance par rapport au gouvernement. [Voir CIT, 97e session, 2008, Compte rendu provisoire no 4A, paragr. 25-37.] Le comité exprime sa profonde préoccupation devant cette situation qui révèle une nouvelle fois la gravité de la situation en ce qui concerne le climat syndical à Djibouti et fait sienne les conclusions de la Commission de vérification des pouvoirs. Le comité prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour garantir la mise en place de critères objectifs et transparents aux fins de la désignation des représentants des travailleurs à la Conférence internationale du Travail.
  15. 797. De manière générale, le comité exhorte le gouvernement à accorder une priorité à la promotion et la défense de la liberté syndicale et à agir rapidement pour donner suite aux engagements concrets qu’il a pris auprès de la mission de contacts directs pour résoudre toutes les questions en suspens et ainsi permettre un dialogue social transparent et durable à Djibouti. Rappelant que certains faits et différends dans ce cas remontent à 1995, le comité veut croire que le gouvernement le tiendra informé sans délai des progrès accomplis dans ce sens.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 798. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Au sujet de la réintégration de travailleurs licenciés en 1995 à la suite d’une grève et qui n’ont pas encore été réintégrés, le comité exprime le ferme espoir que le gouvernement fournira très prochainement les éclaircissements nécessaires sur la situation des travailleurs figurant tant dans les recommandations précédentes du comité que dans la liste fournie par les organisations plaignantes, ceci comme il s’est engagé à le faire auprès de la mission de contacts directs.
    • b) Le comité veut croire que le gouvernement agira rapidement pour donner suite aux engagements pris auprès de la mission de contacts directs sur la question de la réintégration des travailleurs licenciés et non encore réintégrés depuis 1995, de leur indemnisation et du paiement des arriérés de salaires. Le comité demande au gouvernement de l’informer sans délai de la situation des négociations et des avancées obtenues.
    • c) Le comité veut croire que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour adopter rapidement les amendements demandés au Code du travail et discutés avec la mission de contacts directs, notamment s’agissant des articles 41, 42, 214 et 215 du code, ceci de manière à donner pleinement effet aux conventions internationales sur la liberté syndicale qu’il a ratifiées.
    • d) Relevant que les projets de modifications législatives seront soumis, pour avis, au Conseil national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, le comité prie instamment le gouvernement de l’informer dès que possible de la constitution et de la composition de cet organe.
    • e) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir sans délai des informations sur la situation actuelle de M. Hassan Cher Hared, notamment des résultats de toute enquête concernant son licenciement de 2006 et des suites données.
    • f) Le comité prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour garantir la mise en place de critères objectifs et transparents aux fins de la désignation des représentants des travailleurs à la Conférence internationale du Travail.
    • g) De manière générale, le comité exhorte le gouvernement à accorder une priorité à la promotion et la défense de la liberté syndicale et à agir rapidement pour donner suite aux engagements concrets qu’il a pris auprès de la mission de contacts directs pour résoudre toutes les questions en suspens et ainsi permettre un dialogue social transparent et durable à Djibouti. Rappelant que certains faits et différends dans ce cas remontent à 1995, le comité veut croire que le gouvernement le tiendra informé sans délai des progrès accomplis dans ce sens.
    • h) Le comité estime nécessaire d’attirer spécialement l’attention du Conseil d’administration sur ce cas en raison de l’extrême gravité et de l’urgence des problèmes en cause.

Rapport de la mission de contacts directs à Djibouti

Rapport de la mission de contacts directs à Djibouti
  1. (du 21 au 25 janvier 2008)
  2. Table des matières
  3. Page
  4. I. Introduction 201
  5. A. Origine de la mission 201
  6. B. Composition de la mission 202
  7. C. Objectifs de la mission 202
  8. D. Déroulement de la mission 202
  9. E. Présentation du rapport 203
  10. II. Questions abordées par la mission 203
  11. A. Situation syndicale à Djibouti 203
  12. B. Cadre législatif concernant la liberté syndicale 206
  13. C. Cas des syndicalistes licenciés en 1995 et non encore réintégrés 208
  14. D. Cas des travailleurs du port de Djibouti licenciés en 2005 211
  15. E. Représentation des travailleurs de Djibouti à la Conférence internationale
  16. du Travail 213
  17. F. Autres points 214
  18. 1) Actions judiciaires en cours 214
  19. 2) Elections sociales 215
  20. 3) Assistance technique du Bureau 215
  21. III. Résultats obtenus, conclusions et recommandations de la mission 216
  22. A. Exercice de la liberté syndicale 217
  23. B. Réintégration des travailleurs licenciés suite à la grève de 1995 218
  24. C. Actions judiciaires en cours 219
  25. D. Dialogue social au port de Djibouti 219
  26. E. Amélioration du cadre législatif 219
  27. F. Représentation des travailleurs de Djibouti à la Conférence internationale
  28. du Travail 220
  29. G. Assistance technique du Bureau 221
  30. Annexes
  31. 1. Agenda de la mission de contacts directs (21-25 janvier 2008) 222
  32. 2. Liste des personnes rencontrées 223
  33. I. Introduction
  34. A. Origine de la mission
  35. 1. La mission de contacts directs fait suite à la discussion qui a eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes de la 96e session de la Conférence internationale du Travail (juin 2007) sur l’application, par Djibouti, de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, que le pays a ratifiée le 3 août 1978.
  36. 2. La Commission de l’application des normes de la Conférence a examiné l’application de la convention no 87 par Djibouti à plusieurs reprises, en 1999, 2000, 2001 et 2007. En juin 2006, la Commission de l’application des normes a examiné l’application de la convention (no 26) sur les méthodes de fixation des salaires minima, 1928. A cet égard, la commission a souligné les liens étroits existant entre le principe de pleine consultation et de participation directe des partenaires sociaux dans la détermination du salaire minimum, qui sous-tend la convention no 26, et les principes supérieurs de la liberté syndicale et de la négociation collective. Lors de son dernier examen de l’application de la convention no 87 en juin 2007, la Commission de l’application des normes a exprimé l’espoir de voir le processus de révision du Code du travail, que le gouvernement s’est engagé à lancer, débuter rapidement dans le cadre de consultations complètes et significatives avec les partenaires sociaux. Rappelant que les droits des organisations d’employeurs et de travailleurs ne peuvent s’exercer que dans un climat dépourvu de violence, de pressions ou de menaces de toutes sortes contre les dirigeants et les affiliés de ces organisations, la commission a instamment prié le gouvernement de garantir le respect de ce principe. Enfin, la commission s’est félicitée du fait que le gouvernement ait accepté une mission de contacts directs afin de clarifier la situation en ce qui concerne les questions soulevées. Par une communication du 11 octobre 2007, le gouvernement a confirmé son acceptation de cette mission de contacts directs qui s’est rendue à Djibouti au mois de janvier 2008.
  37. 3. C’est dans le même contexte que, à sa 95e session (juin 2006), la Commission de vérification des pouvoirs de la Conférence internationale du Travail avait demandé au gouvernement de Djibouti de soumettre à la 96e session de la Conférence (juin 2007), en même temps que la présentation des pouvoirs de la délégation de Djibouti, un rapport détaillé et étayé de documents pertinents sur la procédure utilisée pour désigner le délégué des travailleurs et ses conseillers techniques. En juin 2007, dans le cadre du suivi automatique relatif au rapport demandé, la commission a vivement déploré l’absence de coopération des autorités gouvernementales, d’autant plus que la désignation de la délégation des travailleurs à la Conférence faisait encore l’objet d’une protestation concernant la légitimité du représentant des travailleurs accrédité à la Conférence. En réitérant sa requête pour la session suivante de la Conférence, la Commission de vérification des pouvoirs a exprimé le ferme espoir que, avec l’aide de la mission de contacts directs qu’il venait d’accepter, le gouvernement désignera la délégation tripartite de Djibouti à la Conférence en conformité avec les dispositions de l’article 3, paragraphe 5, de la Constitution de l’OIT.
  38. 4. Par ailleurs, par des communications en date du 4 août 2005 et du 20 mai 2006, l’Union djiboutienne du travail (UDT) et l’Union générale des travailleurs de Djibouti (UGTD), auxquelles s’est associée la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), ont présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de Djibouti (cas no 2450). Sur la base des allégations relatives au cas no 2450, des informations complémentaires reçues des organisations plaignantes le 3 octobre 2006 et des réponses écrites fournies par le gouvernement en janvier 2006 et mars 2007, le Comité de la liberté syndicale a examiné ce cas à deux reprises (en mai-juin 2006 et en novembre 2007) et a abouti à chacune de ses réunions à des conclusions intérimaires. [Voir 342e rapport, paragr. 436, et 348e rapport, paragr. 560, approuvés par le Conseil d’administration à ses 296e et 300e sessions respectivement.] A sa session de mai-juin 2006, le Comité de la liberté syndicale a demandé au gouvernement d’accepter une mission de contacts directs. A sa session de novembre 2007, le comité a prié le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau concernant la conduite d’une mission de contacts directs sur place et les mesures prises à sa suite pour donner effet aux recommandations.
  39. B. Composition de la mission
  40. 5. Le gouvernement de Djibouti a accepté d’accueillir la mission de contacts directs pendant la 96e session de la Conférence internationale du Travail (juin 2007). Celle-ci s’est rendue à Djibouti du 21 au 25 janvier 2008. Elle était dirigée par M. Yéro Dé, ancien ministre du Travail du Sénégal, qui était accompagné de Mme Karen Curtis, directrice adjointe du Département des normes internationales du travail, de Mme Alice Ouedraogo, directrice du bureau de l’Afrique de l’Est à Addis-Abeba (Ethiopie), et de M. Chittarath Phouangsavath, spécialiste juridique du Département des normes internationales du travail.
  41. C. Objectifs de la mission
  42. 6. Les objectifs de la mission étaient multiples. Il s’agissait d’obtenir des informations aussi complètes que possible concernant les allégations de graves mesures répressives, d’arrestations et d’harcèlements à l’encontre de militants et dirigeants syndicaux, de mesures de licenciement et de non-réintégration comme sanctions pour faits de grève (cas nos 2450 et 2471 devant le Comité de la liberté syndicale), d’engager des discussions sur les dispositions du Code du travail et de la législation nationale qui font l’objet de commentaires de la part des organes de contrôle, en particulier la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, ou encore de rappeler les conclusions de la Commission de vérification des pouvoirs de la Conférence internationale du Travail et de considérer les voies possibles de résolution des difficultés soulevées de désignation de la délégation de Djibouti. La mission intervenait également dans un esprit d’engagement réciproque entre le gouvernement et le Bureau international du Travail. Du côté du Bureau, l’identification des problèmes de la manière la plus objective et précise possible pourrait permettre de mieux orienter l’assistance technique qu’il peut apporter au gouvernement, notamment via son bureau sous-régional de l’Afrique de l’Est à Addis-Abeba.
  43. D. Déroulement de la mission
  44. 7. Durant sa visite, la mission a pu s’entretenir avec plusieurs membres du gouvernement dont le Premier ministre, le ministre de l’Emploi et de la Solidarité nationale, le ministre de la Justice. La mission s’est aussi entretenue avec les représentants de l’Intersyndicale Union djiboutienne du travail/Union générale des travailleurs djiboutiens (UDT/UGTD), de l’Association des employeurs de Djibouti (AED) et de l’Union générale des travailleurs djiboutiens (UGTD). La mission a également souhaité rencontrer des représentants du port autonome de Djibouti. Enfin, des réunions ont également été tenues avec le Coordinateur résident du PNUD à Djibouti accompagné des représentants des agences des Nations Unies résidentes, ainsi qu’avec le chef de la délégation de la Commission européenne à Djibouti. La liste de l’ensemble des personnes rencontrées par la mission est annexée à la fin de ce rapport (annexe 2). Le programme complet de la mission se trouve également à la fin du rapport (annexe 1).
  45. E. Présentation du rapport
  46. 8. La mission souhaite dans un premier temps évoquer chacune des questions abordées au cours des réunions tenues ainsi que des informations qu’elle a recueillies de la part de différents interlocuteurs. Dans un deuxième temps, la mission présentera pour chacune de ces questions les résultats obtenus, ses conclusions et recommandations.
  47. II. Questions abordées par la mission
  48. 9. L’ensemble des interlocuteurs rencontrés par la mission ont souligné que le contexte d’ouverture économique, et dans une certaine mesure politique, était propice au bon déroulement de la mission. Le Coordinateur résident du PNUD, soulignant que Djibouti est un pays très jeune, a observé des développements positifs depuis quelques années, en particulier une prise de conscience sociale du gouvernement. En effet, aujourd’hui on parle plus volontiers d’inclusion sociale. Le chef de mission de la délégation européenne a aussi observé que la mission arrive à un moment approprié qui voit le pays évoluer dans le bon sens avec une amélioration manifeste des conditions, une volonté affichée des autorités d’aller de l’avant avec un partage des richesses. La mission observe enfin que, outre le ministre de l’Emploi et de la Solidarité nationale et le ministre de la Justice, des Affaires pénitentiaires et musulmanes, elle a été reçue par le Premier ministre, ce qui témoigne de l’engagement au plus haut sommet de l’Etat pour la réussite de la mission.
  49. 10. Dans cette partie, la mission souhaite aborder de manière thématique toutes les questions abordées et indiquer les informations qu’elle a reçues de ses interlocuteurs s’agissant de la situation syndicale à Djibouti, du cadre législatif concernant la liberté syndicale, des allégations de graves mesures répressives, d’arrestations et d’harcèlements à l’encontre de militants et dirigeants syndicaux, de la question de la représentation de Djibouti à la Conférence internationale du Travail et, enfin, des mesures que ses interlocuteurs ont identifiées comme devant faire l’objet d’une assistance du Bureau.
  50. A. Situation syndicale à Djibouti
  51. 11. Le ministre de l’Emploi et de la Solidarité nationale a indiqué d’emblée que l’histoire du mouvement syndical à Djibouti est liée à celle de la politique. S’agissant de la liberté syndicale, certaines personnes n’auraient rien à voir avec le syndicalisme, seraient secrétaires généraux à vie, alors qu’ils ne disposeraient d’aucun mandat et que leurs organisations ne disposeraient d’aucun siège. Actuellement la question de la liberté syndicale se pose uniquement parce que des individus désinforment le Bureau international du Travail en cherchant à exploiter les mécontentements dans le pays, y compris ceux qui n’ont pas un lien direct avec la question syndicale. Le secrétaire général de l’UDT (M. Adan Mohamed Abdou) serait en même temps le secrétaire général d’un parti politique d’opposition alors que le Code du travail interdit le cumul de ces deux types de mandat. Les revendications de l’UDT seraient donc teintées de revendications politiques et ne devraient pas être considérées. Le ministre indique par contre entretenir des relations régulières avec l’Union générale des travailleurs de Djibouti (UGTD). Le ministre de la Justice, des Affaires pénitentiaires et musulmanes a rappelé que l’histoire du mouvement syndical est liée à l’histoire politique du pays. S’agissant de l’UDT et de l’UGTD, le ministre a indiqué qu’un premier problème interne est apparu rapidement dans la mesure où les premiers membres du bureau n’ont jamais accepté le renouvellement du bureau alors que la loi exige le renouvellement des mandats tous les trois ans. De fait, de 1992 à 1999, il s’agissait des mêmes membres des bureaux des deux centrales syndicales qui ne se remettaient pas en question. Le problème a été compliqué par l’ajustement structurel qui a touché le pays en 1995. Le gouvernement avait choisi de diminuer le traitement des agents de l’Etat au lieu de procéder à un licenciement massif de 1 500 agents. Cette situation a provoqué des grèves et conduit à des licenciements de grévistes. Pour ce qui concerne les licenciements, plusieurs réunions ont été organisées pour régler la question, y compris avec des organisations syndicales internationales et le BIT. Il a expliqué que, en 1999, les 22 syndicats de base ont fait une demande au ministère de l’Emploi demandant la mise en exécution de leurs propres statuts. C’est dans ce contexte que le gouvernement est intervenu pour organiser les congrès de l’UDT et de l’UGTD. De nouveaux bureaux ont été élus. Le ministre ajoute que ces bureaux ont travaillé étroitement avec le gouvernement. En 2002, alors que de nouveaux congrès devaient être organisés, les anciens dirigeants sont montés au créneau. Alors que l’UGTD a organisé son congrès normalement, l’UDT a fait l’objet d’un «coup de force» de la part des anciens dirigeants qui ont repris les rênes de la centrale. A partir de cette période, le gouvernement n’a plus travaillé avec cette centrale.
  52. 12. L’Intersyndicale UDT/UGTD a tenu à évoquer l’histoire du mouvement syndical à Djibouti. L’Union générale des travailleurs de Djibouti (UGTD) était la centrale syndicale unique comme dans tous les pays d’Afrique à l’époque. L’UDT n’a été créée qu’en 1992 par une scission au sein de l’UGTD, qui a ensuite été dissoute. En 1994, alors que l’UDT s’était imposée sur le plan national et international, les pouvoirs publics ont décidé de recréer l’UGTD. Seulement en 1995 Djibouti a eu à faire face à des mesures d’ajustement structurel et, suite à la décision unilatérale du gouvernement d’opérer des retenues de salaires de l’ordre de 30 à 40 pour cent, l’UDT et l’UGTD ont décidé de combattre cette décision unilatérale et de créer l’Intersyndicale UDT/UGTD pour appeler à une grève de protestation. C’est suite à cette grande grève de 1995 que de nombreux syndicalistes ont été licenciés. Depuis 1995, de nombreuses missions internationales de médiation – y compris une précédente mission de contacts directs du BIT en 1998 – se sont rendues sur place. Le gouvernement s’est toujours engagé à procéder à la réintégration des travailleurs sans y donner suite. En 1999, le nouveau ministre en charge du travail a indiqué vouloir régler la question mais se serait déclaré opposé aux modalités de réintégration convenues en 1998 avec la mission de contacts directs du BIT. Malgré cela, les représentants de l’Intersyndicale se sont déclarés prêts à négocier. Or, au lieu de donner suite à cette ouverture pour la négociation, le gouvernement a convoqué un congrès des deux centrales syndicales. Malgré le fait que toutes les organisations syndicales affiliées ont refusé d’y participer, les congrès des deux centrales ont été organisés dans un même local un matin et les médias ont annoncé la nouvelle composition des comités des deux centrales syndicales. L’Intersyndicale a qualifié cette manœuvre des autorités de véritable coup d’Etat syndical.
  53. 13. Ces nouveaux comités ont eu du mal à s’imposer sur le plan national et international. Ils se sont fait refouler de toutes les instances (Conférence régionale de l’OIT à Abidjan, Congrès de l’OUSA à Johannesburg, Congrès de la CISA). De plus, le gouvernement a décidé d’imposer les nouveaux comités sur le plan national en gênant le fonctionnement des centrales originales (confiscation de boîtes postales, gêne dans le fonctionnement des comptes bancaires, arrestations et intimidations). Selon l’Intersyndicale UDT/UGTD, si l’organisation «clone» de l’UDT a disparu, il subsiste encore une organisation «clone» de l’UGTD. En 2002, non seulement les deux centrales syndicales, mais aussi leurs syndicats affiliés (par exemple le Syndicat des postiers) n’ont pas eu la possibilité d’organiser leurs congrès pour renouveler leurs bureaux. Le ministre du Travail de l’époque a convoqué les deux centrales et leur a demandé de présenter leurs organisations affiliées, ce qui fut fait avec la présence physique des représentants de toutes les centrales affiliées au ministère de l’Intérieur. Les autorités ont alors assuré de la coopération de la police dans l’organisation des congrès. L’organisation du congrès a eu lieu avec un représentant de la CISL. Or, suite à un remaniement ministériel, le nouveau ministre en charge du travail a contesté le premier congrès de l’UDT et appelé à un deuxième congrès. La situation perdure car il s’agirait d’une affaire devenue personnelle. Aussi, les manœuvres d’intimidation, les arrestations et détention pour «communication d’informations à une puissance étrangère» persistent. En ce qui concerne l’UGTD, il subsiste une organisation reconnue par les autorités qui accompagne les autorités djiboutiennes dans les réunions internationales. Cependant cette organisation «clone» n’aurait réussi à s’affilier à aucune organisation syndicale internationale.
  54. 14. Les représentants de l’UDT se déclarent prêts à tenir congrès pour le renouvellement du bureau de l’organisation syndicale et donc à remplir les obligations légales, ceci à condition que le climat y soit favorable. Seulement, les autorités empêcheraient la tenue d’un tel congrès. Cet empêchement n’est pas de nature physique mais il s’agirait plutôt de difficultés qui tiennent au climat d’intimidation à l’égard des syndicalistes. Ces derniers ne se rendraient pas à un tel congrès actuellement par peur de représailles. Certains syndicats de base rencontrent les mêmes difficultés à organiser leurs propres congrès (Syndicat des postes, Syndicat du port).
  55. 15. L’Intersyndicale UDT/UGTD indique n’avoir aucune relation avec les autorités publiques alors que leurs syndicats affiliés ont le droit d’exercer des activités au niveau des entreprises. En ce qui concerne la situation syndicale des femmes, l’UDT indique qu’il y avait plus de 30 pour cent de femmes au niveau de l’organisation, y compris huit femmes au niveau du bureau exécutif. Cependant des pressions à l’encontre des femmes syndicalistes ou de leur entourage sont telles que la plupart ont décidé d’abandonner le syndicalisme.
  56. 16. Selon l’Intersyndicale UDT/UGTD, l’argument politique pour expliquer le défaut de dialogue social ne peut être défendu car les problèmes ont débuté en 1995, alors que la plupart des syndicalistes n’ont adhéré aux partis politiques qu’en 2002. Certains syndicalistes ont participé à la création d’associations, ceci dans le but d’améliorer la situation du pays et non d’en ternir l’image. M. Adan Mohamed Abdou (secrétaire général de l’UDT) indique que toute discussion avec le gouvernement aboutit invariablement à la question de ses fonctions politiques. Il confirme par ailleurs être membre d’un parti politique: l’Alliance républicaine pour le développement (ARD). Néanmoins il affirme ne plus en être secrétaire général. Il indique que l’ARD a publié un communiqué officiel de la composition du nouveau bureau du parti dans lequel il est désormais premier vice-président. L’Intersyndicale UDT/UGTD indique avoir demandé depuis 1999, en vain, à rencontrer le Président de la République pour établir de nouvelles bases de dialogue. L’Intersyndicale a fourni à la mission copie d’un communiqué adressé au chef de l’Etat à l’occasion de la récente création de l’Agence nationale pour le développement social pour signifier la bonne disposition de l’Intersyndicale. Ce communiqué aussi est resté sans réponse. Le chef de l’Etat serait, selon l’Intersyndicale UDT/UGTD, la seule autorité qui serait susceptible de changer cette situation de blocage du dialogue social.
  57. 17. Pour l’AED, les réunions périodiques avec les organisations syndicales se limitent à un seul interlocuteur, l’UGTD reconnue par les autorités. Cette centrale serait notamment active dans le secteur bancaire. L’AED ajoute que les seules manifestations de l’UDT sont de nature politique et non syndicale. Ainsi le conflit de 1995 évoqué par la mission impliquerait un syndicat qui n’a actuellement aucune relation avec l’AED. L’AED se déclare en faveur du renforcement des syndicats car elle souhaite un véritable interlocuteur.
  58. 18. Le Coordinateur résident du PNUD a constaté que les syndicats ne jouent aucun rôle important en matière d’encouragement à la création d’emplois, ni en matière de défense des droits des travailleurs. Les syndicats ne semblent plus aussi actifs qu’avant. L’explication vient peut-être aussi du fait qu’il n’y a pas véritablement de tradition de manifestation de la société civile djiboutienne.
  59. B. Cadre législatif concernant la liberté syndicale
  60. 19. En juin 2007, la Commission de l’application des normes de la Conférence a souligné les préoccupations de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) sur la conformité du nouveau Code du travail avec les dispositions de la convention no 87, en particulier s’agissant de l’autorisation préalable à la constitution d’un syndicat et les restrictions liées à l’élection de certaines personnes à des postes syndicaux. La Commission de la Conférence s’est félicitée de l’engagement pris par le gouvernement de réviser le Code du travail à la lumière de la convention et a exprimé l’espoir de voir ce processus débuter rapidement, dans le cadre de consultations complètes et significatives avec les partenaires sociaux.
  61. 20. Le ministre de l’Emploi et de la Solidarité nationale a indiqué que le nouveau Code du travail en vigueur depuis 2006 fait une large place aux partenaires sociaux tout en protégeant au maximum les droits des salariés. Pour une meilleure compréhension, copies de l’ancien code et du nouveau Code du travail, ainsi que des analyses comparatives, ont été données à la mission. Le ministre a ajouté que tous les partenaires sociaux et le BIT ont été consultés dans le processus d’élaboration du nouveau Code du travail. Il a également fait état de l’initiative de son département ministériel dans l’adoption d’un décret portant création d’un Conseil national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (CNTEFP). Le ministre, confirmant la déclaration du représentant de Djibouti à la Conférence, a exprimé le vœu que la mission aide le gouvernement à identifier les points de divergence entre la loi nationale et les conventions pour les corriger. Il précise que les solutions seront examinées au sein du CNTEFP. Chaque groupe (autorités, employeurs et travailleurs) comptera six représentants dans ce conseil qui tiendra deux assemblées plénières par an au minimum. Ce conseil aura pour mandat entre autres de se pencher sur toutes les divergences avec les conventions de l’OIT. De son côté, l’Union djiboutienne du travail (UDT) a indiqué ne pas reconnaître le nouveau Code du travail dans la mesure où elle considère ne pas avoir été consultée dans le processus de son élaboration. Par ailleurs, ce code – qui est un recul par rapport aux acquis de l’ancien Code du travail – pose problème aussi aux employeurs qui ne peuvent l’appliquer à l’heure actuelle, notamment concernant le passage aux 48 heures. Cette crainte est confirmée par l’Association des employeurs de Djibouti (AED) qui, sur le sujet du Code du travail, s’est déclarée préoccupée par sa mise en œuvre à l’issue de la période de transition (trois ans) prévue dans le texte de loi. Cette période expire dans une année sans qu’aucune convention collective n’ait été signée. L’AED a pris l’initiative d’en préparer et de les proposer aux syndicats. Les secteurs considérés comme prioritaires pour de telles conventions collectives sont les travaux publics, les commerces et les banques.
  62. 21. La mission a souhaité tenir avec des représentants du ministère de l’Emploi et de la Solidarité nationale une réunion technique spécialement dédiée aux points soulevés par la CEACR à propos du Code du travail et de la réglementation nationale. Pour faciliter la discussion, la mission a fourni copie des derniers commentaires de la CEACR sur l’application par Djibouti de la convention no 87. La mission a aussi abordé la question de l’application de la convention (no 26) sur les salaires minima, 1928, qui a fait l’objet d’une discussion au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence en juin 2006. Les points suivants ont été abordés.
  63. – Articles 41 et 42 du Code du travail. La CEACR demande au gouvernement de modifier ces dispositions de manière à prévoir que la possibilité de suspendre le contrat de travail lorsque l’exercice du mandat syndical est incompatible avec l’exercice d’une activité professionnelle ne relève que de la négociation entre les parties concernées qui en détermineront les modalités. En tout état de cause cette suspension ne saurait être automatique.
  64. – Article 214 du Code du travail. La CEACR a considéré que l’article 214, en considérant toute personne condamnée inapte à occuper des fonctions syndicales, est rédigé de manière trop large et permettrait de couvrir des situations dans lesquelles la condamnation n’est pas de nature à rendre inapte à occuper des fonctions syndicales. La CEACR demande donc au gouvernement de procéder à la modification de l’article 214 du Code du travail, en consultation avec les partenaires sociaux, de manière à ne retenir comme incompatibles avec l’accès aux fonctions syndicales que des condamnations pour des délits qui, par leur nature mettrait en cause l’intégrité de l’intéressé pour l’exercice d’une telle fonction.
  65. – Article 215 du Code du travail. La CEACR a relevé que l’article 215 du Code du travail subordonne la décision du ministre chargé du travail non seulement au dépôt des documents adéquats par les fondateurs du syndicat mais aussi à un rapport d’enquête circonstancié de l’inspecteur du travail, ce qui reviendrait à attribuer à l’administration un pouvoir plus ou moins discrétionnaire pour décider si une organisation réunit ou non les conditions voulues pour se faire enregistrer. Cette situation pourrait aboutir dans la pratique à nier le droit des travailleurs et des employeurs de constituer des organisations «sans autorisation préalable», en violation de l’article 2 de la convention no 87. La CEACR demande au gouvernement de procéder, en consultation avec les représentants des organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs, à la modification de l’article 215 du Code du travail de manière à garantir le droit de constituer des organisations de travailleurs et d’employeurs sans autorisation préalable, à supprimer les dispositions qui attribuent de facto un pouvoir discrétionnaire à l’administration et à prévoir une procédure de simple formalité.
  66. – Article 5 de la loi sur les associations. La CEACR a réitéré ses observations antérieures en demandant l’abrogation de cet article qui impose aux organisations l’obligation d’obtenir une autorisation préalable avant de se constituer en syndicats, en violation de l’article 2 de la convention no 87. Au cours de la discussion, le gouvernement a indiqué que l’article 210 du Code du travail répond à la préoccupation de la CEACR sur cet article.
  67. – Article 23 du décret no 83-099/PR/FP. La CEACR a relevé que cette disposition confère au Président de la République de trop larges pouvoirs de réquisition des fonctionnaires indispensables à la vie de la nation et au bon fonctionnement des services publics essentiels. Elle demande au gouvernement de circonscrire ce pouvoir de réquisition aux fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat ou dans les services essentiels au sens strict du terme.
  68. – Nécessité de fournir des informations sur les dispositions législatives en rapport avec l’application de la convention no 26 sur le salaire minimum. Dans ses derniers commentaires (nov.-déc. 2007), la CEACR a demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les taux de salaire minima fixés par voie de conventions collectives soient contraignants, qu’ils ne puissent être revus à la baisse et que leur non-respect soit sanctionné. La commission a aussi demandé au gouvernement de transmettre des informations détaillées sur les secteurs d’activité économique et les différentes catégories de travailleurs couverts par les conventions collectives, et sur le nombre approximatif de travailleurs dont la rémunération n’est pas fixée par voie de conventions collectives.
  69. 22. Les discussions et les clarifications apportées ont permis aux représentants du ministère de constater les voies et moyens de corriger les points de divergence relevés par la CEACR. La mission a demandé à ce que le ministère fasse des propositions concrètes d’amendement de la législation lors d’une future réunion qui se tiendrait avant son départ.
  70. C. Cas des syndicalistes licenciés en 1995
  71. et non encore réintégrés
  72. 23. La mission tient à rappeler que les cas de licenciements de travailleurs et de dirigeants syndicaux en 1995 pour faits de grève ont fait l’objet de plusieurs plaintes devant le Comité de la liberté syndicale (cas nos 1851 et 2450) et que le comité s’est toujours prononcé en faveur de leur réintégration. [Voir cas no 1851, 304e rapport du Comité de la liberté syndicale, paragr. 286, 307e rapport, paragr. 272, et 324e rapport, paragr. 536.] [Voir cas no 2450, 342e rapport du Comité de la liberté syndicale, paragr. 436, et 348e rapport, paragr. 560.] Ces questions ont également fait l’objet de discussions au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence. [Voir Rapport de la Commission de l’application des normes, 89e session de la CIT, Genève 2001, deuxième partie, pp. 33-36.] En outre, le Bureau a aussi effectué de nombreuses missions sur place depuis 1996 pour tenter de résoudre ce différend.
  73. 24. Dans l’examen du cas no 1851, le Comité de la liberté syndicale avait, dans ses conclusions, regretté que le gouvernement n’ait pas fourni de réponses concrètes et détaillées aux allégations de graves mesures répressives qui avaient frappé les militants et dirigeants syndicaux, avait demandé la libération des syndicalistes arrêtés pour faits de grève, ainsi que des mesures pour lever immédiatement les sanctions massives qui avaient frappé les syndicalistes grévistes en 1995, 1996 et 1997 et pour réintégrer dans leur poste de travail les dirigeants et les membres des syndicats licenciés, suspendus ou radiés pour avoir participé à une grève. Le comité avait alors demandé au gouvernement d’accepter la visite sur place d’une mission de contacts directs. [Voir 307e rapport du Comité de la liberté syndicale, vol. LXXX, 1997, Série B, no 2, paragr. 272.] Le gouvernement ayant donné son consentement pour la visite d’une telle mission en août 1997, pour qu’elle ait lieu au début de 1998, des dispositions ont été prises à cet effet et la mission a été effectuée en janvier 1998. Dans ses conclusions, cette mission de contacts directs avait relevé la gravité des problèmes dont la solution commandait le rétablissement d’une situation syndicale normale et conforme aux principes garantis par la convention no 87. Elle avait invité le gouvernement dans son ensemble et le ministre du Travail en particulier à mettre en œuvre, en accord avec les organisations syndicales, les moyens propres à répondre aux demandes suivantes: 1) au ministre du Travail elle avait demandé de remplir le calendrier de rencontres, dont le début avait été fixé à la fin de la réunion tenue au ministère du Travail avec les organisations syndicales, en vue d’examiner avec ces dernières les situations des dirigeants de l’UGTD et de l’UDT licenciés à la suite de grèves, de prendre les mesures nécessaires et d’utiliser tous les moyens légaux pour que soient rapportés ou annulés leurs licenciements et pour qu’ils soient réintégrés le plus rapidement possible dans leur poste de travail et dans leurs fonctions, dans des conditions (calendrier et conditions de reprise, etc.) négociées avec eux […] 4) à tous les interlocuteurs des organisations syndicales, la mission avait demandé de tout mettre en œuvre pour que puissent continuer ou reprendre une vie et une activité syndicales normales à tous les niveaux et dans tous les secteurs d’activité, dans le respect des principes de la liberté syndicale et du pluralisme syndical. La même recommandation avait été adressée aux organisations syndicales. [Voir cas no 1851, 309e rapport du Comité de la liberté syndicale, paragr. 224-251 et annexe.]
  74. 25. Dans l’examen du cas no 2450, le Comité de la liberté syndicale a relevé dans ses conclusions que, selon les termes de l’accord conclu le 8 juillet 2002 entre la Direction du travail et des relations avec les partenaires sociaux et les dirigeants syndicalistes licenciés, le gouvernement s’était engagé à réintégrer les syndicalistes licenciés. Il a pris note des informations du gouvernement sur le fait que Aden Mohamed Abdou et Kamil Diraneh Hared auraient refusé les offres de réintégration qui leur avaient été faites. Il a en outre demandé au gouvernement de le tenir informé de la situation des syndicalistes devant être réintégrés aux termes de l’accord du 8 juillet 2002, à savoir: Abdoulfatah Hassan Ibrahim, Hachim Adawe Ladieh, Houssein Dirieh Gouled, Moussa Wais Ibrahim, Abdillahi Aden Ali, Habib Ahmed Doualeh et Bouha Daoud Ahmed. Le comité a demandé au gouvernement de s’assurer que tous les travailleurs souhaitant leur réintégration puissent l’obtenir, sans perte de salaire ni de bénéfices, et que ceux qui ne souhaitaient pas une réintégration puissent recevoir une compensation adéquate. [Voir cas no 2450, 348e rapport du Comité de la liberté syndicale, paragr. 533-560.]
  75. 26. La mission a tenu à faire l’historique de ce conflit à ses interlocuteurs et a rappelé la position constante des organes de contrôle sur la question qui demandent la réintégration des travailleurs licenciés. Elle a aussi rappelé qu’à plusieurs reprises déjà le gouvernement s’est engagé à réintégrer l’ensemble des travailleurs licenciés, y compris via des accords de réintégration signés avec les organisations syndicales concernées, sans qu’il y soit donné suite. Lors de sa première réunion avec le ministre de l’Emploi et de la Solidarité nationale, la mission a observé que la chronologie des cas successifs examinés devant les organes de contrôle de l’OIT montre une situation où les relations entre le gouvernement et certains partenaires sociaux sont très crispées. La mission a indiqué que son objectif principal est de décrisper cette situation et d’aider à la recherche d’une solution acceptable pour tous.
  76. 27. Le ministre de l’Emploi et de la Solidarité nationale a indiqué que son département est prêt à répondre à toutes les questions concernant la réintégration ou le statut des personnes concernées. Cependant il s’est déclaré étonné par les informations présentes sur Internet relatives à des cas de harcèlement ou d’assassinat de syndicalistes à Djibouti et les réfute. Le ministre de la Justice, des Affaires pénitentiaires et musulmanes a indiqué que la question des licenciements intervenus en 1995 a été réglée par le gouvernement par une réintégration massive, à l’exception de quelques cas isolés. Il a observé que, de manière générale, la réintégration des travailleurs licenciés en 1995 procédait d’une volonté politique et le ministère pouvait intervenir pour s’assurer des réintégrations, ce qui fut fait pour la majorité des travailleurs licenciés. A cet égard, le ministre a évoqué le cas de l’ex-président de l’UDT (M. Ahmed Djama Egueh) qui n’a pu être réintégré dans son emploi à l’aéroport, mais a constaté qu’il travaille désormais au ministère des Finances. Le ministre a ajouté que certains syndicalistes ont quitté le territoire national. Il a aussi indiqué que, s’il reste encore des cas à régler, le gouvernement est prêt à corriger la situation. Il a observé que, parmi les cas isolés de travailleurs licenciés qui n’ont pas encore été réintégrés, figure le cas du secrétaire général de l’UDT (M. Adan Mohamed Abdou) qui est en même temps dirigeant syndical et dirigeant d’un parti politique d’opposition. Le Premier ministre a rappelé les défis économiques, ainsi que les épreuves que le pays a traversées récemment. A cet égard, le Premier ministre a indiqué que Djibouti n’a pas de culture de rejet, au contraire le pays a montré sa capacité à pardonner. S’agissant de la question des licenciements de 1995, le Premier ministre a rappelé que la grande majorité des travailleurs licenciés a été réintégrée. Les quelques personnes qui ne sont pas encore à ce jour réintégrées font partie d’un noyau dur que l’on retrouve souvent.
  77. 28. Les représentants de l’Intersyndicale UDT/UGTD ont indiqué que cette question de la réintégration des syndicalistes licenciés en 1995 est devenue une question politique pour les autorités. Les syndicalistes concernés sont assimilés à des opposants. En ce qui concerne les accords passés, l’Intersyndicale précise que, selon l’accord du 8 juillet 2002 signé sous la médiation d’une mission du BIT, les travailleurs désireux d’être réintégrés devaient individuellement le signifier. Ceux qui ne souhaitaient pas la réintégration devaient être indemnisés. Certains ont alors signé une demande de réintégration. Or les autorités ont toujours refusé le principe de l’indemnisation et ont de plus ajouté une condition à la réintégration, à savoir la renonciation au syndicalisme. Cette nouvelle condition posée par les autorités a alors été refusée par tous. C’est ainsi que la situation n’a pas évolué et que les engagements pris par les autorités auprès du BIT et des partenaires sociaux n’ont pas été tenus. La mission a souhaité passer en revue la liste de personnes qui n’auraient pas encore été réintégrées après leurs licenciements en 1995. Cette liste repose sur les informations fournies par l’Intersyndicale UDT/UGTD, notamment dans une communication en date du 10 janvier 2008 relative au cas no 2450 devant le Comité de la liberté syndicale.
  78. – Abdoufathah Hassam Ibrahim: ancien secrétaire général du Syndicat des enseignants du primaire.
  79. – Hachim Addawe Ladieh: décédé en 2003.
  80. – Houssien Dirieh Gouled: membre du Syndicat des cheminots, il vit actuellement à Djibouti.
  81. – Moussa Waiss Ibrahim: membre du Syndicat des cheminots, il vit actuellement à Djibouti.
  82. – Abdillahi Aden Ali: membre de l’UGTD, il a été licencié de l’Organisme de protection sociale (OPS). Il vit actuellement à Djibouti.
  83. – Habib Ahmed Doualeh: membre de l’UGTD et du Syndicat de l’électricité, il vit actuellement à Djibouti.
  84. – Bouha Daoud Ahmed: membre du Syndicat du Sheraton, il vit actuellement à Djibouti.
  85. – Adan Mohamed Abdou: il indique être «verbalement» interdit de travail tant dans le secteur public que privé depuis douze ans.
  86. – Kamil Diraneh Hared: secrétaire général de l’UGTD, présent.
  87. – Souleiman Mohamed Ahmed: secrétaire général du SYNESED et secrétaire général adjoint de l’UDT, il travaillait dans une école privée (école Champion) mais a dû quitter son emploi à cause de pressions sur les dirigeants de l’école.
  88. – Mohamed Doubad Waiss: membre du Syndicat des postes, il vit actuellement en exil en France.
  89. – Mariam Hassan Ali: secrétaire générale du SYNESED, elle a quitté le pays.
  90. – Abdourachid: enseignant membre de l’UDT, il n’y a pas d’information sur sa situation actuelle.
  91. 29. De son côté, le secrétaire général de l’Union générale des travailleurs de Djibouti (UGTD), organisation reconnue par les autorités, a regretté la situation de blocage actuelle qu’il décrit comme une conséquence du conflit de 1995. Il a rappelé que son organisation a toujours milité en faveur de la réintégration des travailleurs licenciés en 1995 avec le bénéfice des avantages acquis.
  92. 30. A l’issue des réunions avec chacune des parties prenantes, la mission a proposé, comme voie possible de résolution, l’organisation d’une table ronde avec les syndicats, en présence de la mission, de manière à assurer que tous les partenaires ont la même compréhension sur les voies de sortie du conflit. La mission a indiqué que ce genre de réunion avec la présence d’une tierce partie peut être plus facile pour les parties prenantes et peut offrir l’opportunité d’échanger et de parvenir à des compromis. Le ministre de l’Emploi et de la Solidarité nationale a exprimé sa réserve au sujet d’une telle réunion. L’Intersyndicale UDT/UGTD s’est déclarée, aujourd’hui encore, prête à s’asseoir avec les autorités pour discuter une nouvelle fois des modalités de réintégration. L’UGTD reconnue par les autorités a vivement souhaité que soit organisée une réunion entre toutes les parties pour discuter ouvertement des griefs et des positions de chacune, ceci dans le but de dépasser la situation qui paralyse le monde syndical à Djibouti depuis douze années.
  93. 31. Lors de la réunion de synthèse avec le ministre de l’Emploi et de la Solidarité nationale, la mission a relevé, d’après les discussions qu’elle a tenues avec les différentes parties, qu’un compromis est possible sur la question de la réintégration, y compris sur la question du paiement des arriérés. Elle a souhaité que cette question fasse l’objet d’une approche ouverte des deux côtés. La mission a réitéré le souhait de l’organisation d’une rencontre entre le gouvernement et les syndicalistes en sa présence sur la question. Lors de son entretien avec le Premier ministre, la mission évoquant la générosité dont a fait preuve le gouvernement dans le règlement de conflits antérieurs plus graves a exprimé le vœu que, dans un même élan de dépassement, celle-ci se manifeste une nouvelle fois par une ouverture sur la question du versement d’une indemnité aux travailleurs licenciés depuis 1995 et qui n’ont pas encore été réintégrés, ainsi que par l’organisation d’une rencontre pour régler définitivement cette question. Le chef de la mission a indiqué que les grandes transformations attendues à Djibouti devraient se faire dans un cadre de concertation tripartite et qu’il était donc nécessaire de dépasser toutes les questions restées en suspens depuis 1995. Face à l’argumentaire de la mission, le Premier ministre a déclaré ne pas être opposé au principe du versement d’une indemnité dès lors que ces travailleurs acceptent de réintégrer les postes de travail. Cependant, ce groupe de personnes rencontrera les techniciens du ministère de l’Emploi et de la Solidarité nationale pour régler définitivement cette question. Il a donc donné mandat au secrétaire général du ministère de l’Emploi et de la Solidarité nationale pour mener les négociations individuelles à cet égard.
  94. D. Cas des travailleurs du port de Djibouti
  95. licenciés en 2005
  96. 32. La mission a tenu à rencontrer la direction du port autonome de Djibouti ainsi que les représentants du personnel du port pour évoquer les allégations d’entrave au libre exercice des activités syndicales. La mission tient à rappeler que cette question a fait l’objet d’un examen par le Comité de la liberté syndicale (cas no 2471). Selon les allégations de l’organisation plaignante, l’Union des travailleurs du port (UTP), le 24 septembre 2005, 11 responsables et militants syndicaux ont été licenciés; à la suite d’une grève de solidarité déclenchée le lendemain, 170 travailleurs ont été conduits dans un centre de détention et 25 autres travailleurs ont été licenciés; 12 travailleurs maintenus en détention préventive, pour provocation d’une rébellion manifestée et participation délictueuse à un attroupement, ont été relaxés par jugement du 2 octobre 2005; la chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Djibouti a arbitrairement condamné lesdits travailleurs à des peines de prison allant jusqu’à deux mois d’emprisonnement avec sursis (trois d’entre eux ont été déclarés coupables de délit de manifestation illégale et d’obstruction à la liberté du travail, et les autres coupables de menaces et de rassemblement sur la voie publique susceptible de troubles à l’ordre public). L’organisation plaignante dénonce également les «derniers avertissements avant licenciement» dirigés à l’encontre de 120 travailleurs s’étant livrés à une collecte pour soutenir financièrement les travailleurs licenciés, ainsi que d’une manière générale des mesures de harcèlement policier et juridique de travailleurs. Dans ses conclusions, le Comité de la liberté syndicale a regretté que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte, le gouvernement n’ait pas répondu aux allégations de l’organisation plaignante, alors qu’il a été invité à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant, à présenter ses commentaires et observations sur ce cas. Dans ses recommandations, le comité avait demandé au gouvernement de diligenter rapidement une enquête indépendante sur les allégations de licenciement abusif des 36 responsables et militants syndicaux dans le port de Djibouti. Si ces allégations devaient s’avérer fondées, le gouvernement était prié de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour mettre fin à ces actes de discrimination et sanctionner les personnes responsables et de s’assurer de leur réintégration sans perte de salaire. Dans les cas où une réintégration s’était avérée impossible, le comité avait prié le gouvernement de veiller à ce que soit versée aux travailleurs concernés une indemnisation adéquate qui constitue une sanction suffisamment dissuasive contre les licenciements antisyndicaux. [Voir cas no 2471, 344e rapport du Comité de la liberté syndicale, paragr. 896.]
  97. 33. La mission s’est rendue au port autonome de Djibouti où elle a eu un entretien avec sa direction. Le directeur des ressources humaines du port de Djibouti a indiqué qu’avant l’arrivée de l’opérateur DP World le port faisait face à des difficultés financières et devait faire appel à un partenaire, ceci dans le respect des lois sociales en vigueur. De manière à permettre au port de se redresser, il a été demandé aux syndicats de «jouer le jeu». Un plan d’action a été mis en place pour résoudre la question des salaires. Le syndicat bénéficiait de locaux payés par le port, les cotisations étaient retenues à la source (même ceux qui n’étaient pas membres de syndicats, ceci malgré les avertissements du ministère de l’Emploi). Deux travailleurs qui arnaquaient d’autres travailleurs du port causant ainsi des conflits sociaux ont été écartés. Ceux-ci sont allés se réfugier dans le syndicalisme. La direction du port cherche à améliorer le dialogue avec les travailleurs et a mis en place un centre médical pour l’accès aux soins, un système d’évacuation des travailleurs blessés aux frais du port; un centre de formation, une indemnité en cas de décès, des crédits négociés pour les travailleurs, une indemnité lors d’une inondation survenue, un salaire minimum très avantageux, etc. Seulement la direction déclare s’être trouvée en face d’individus incapables de dialoguer. La situation se serait véritablement dégradée lors des évènements de 2005 qui ont bloqué le port pendant un mois et demi. A cet égard, la direction du port a indiqué que l’image du port est constamment en jeu et qu’un armateur perdu est difficile à retrouver. Ainsi, malgré la volonté de négociation de la direction, elle se serait heurtée à des personnes voulant privilégier des intérêts particuliers. Suite à la grève déclenchée en 2005, 11 travailleurs ont été licenciés car ces derniers auraient bloqué le port et envoyé des messages aux navires pour les dissuader de venir au port de Djibouti. Ceux-ci ont été arrêtés pour mise en danger de l’intérêt national et mis en détention. De l’avis de la direction du port, cette grève était illégale et sauvage; pourtant, à la demande du ministère de l’Emploi, le port a indemnisé les travailleurs. La direction du port a toutefois tenu à poursuivre les membres du Syndicat du port qui se sont rendus aux arrêts de bus pour intimider les travailleurs qui devaient se rendre au port. Cette plainte a été déposée contre trois agents du syndicat mais la direction du port a été déboutée en première instance et la plainte a finalement été retirée. Le port a pris la décision de licencier les agents qui ont empêché les non-grévistes de travailler. Les représentants de la direction du port indiquent que l’affaire des syndicalistes du port est, à leurs yeux, résolue et déclarent «avoir payé la paix sociale au prix fort».
  98. 34. Le secrétaire général du ministère de l’Emploi a précisé que son ministère a été chargé de conduire une médiation à l’occasion de ce conflit et a listé les différents points de revendication. Une négociation a été conduite par le Premier ministre en personne mais il a été constaté que l’objectif du Syndicat du port était invariablement de déclencher une grève. La veille de celle-ci, certaines personnes ont envoyé des messages aux navires, aux ambassades et aux organisations internationales. Malgré tout, le Président de la République a demandé au Premier ministre de trouver une solution pour sortir du conflit. Ces personnes ont été indemnisées individuellement, pour certaines largement. Copies des protocoles d’accords signés entre la direction du port et les travailleurs licenciés ont été transmises à la mission.
  99. 35. La mission a rencontré les représentants de l’Union des travailleurs du port (UTP) lors de sa réunion avec l’Intersyndicale UDT/UGTD. La mission s’est entretenue en particulier avec M. Ahmed Ali Aras, secrétaire général de l’UTP, et M. Mohamed Ali Ahmed, secrétaire aux relations extérieures de l’UTP. Ces derniers ont indiqué que, sur les 36 travailleurs du port licenciés, deux militants syndicaux sont morts et deux femmes ont été réintégrées rapidement. Ils ont ajouté que, quatorze mois après leur licenciement, les autres travailleurs ont été «obligés» de signer un accord avec la direction du port pour toucher une somme forfaitaire. La direction du port leur aurait présenté les choses ainsi: ceux qui ne souhaitaient pas signer l’accord ne toucheraient rien. Tous les travailleurs ont ainsi signé car la plupart se trouvaient dans une situation de détresse financière après plusieurs mois sans revenu. Certains d’ailleurs avaient été expulsés de leurs domiciles. Les travailleurs se sont donc entendus pour signer l’accord avec la direction du port pour toucher la somme forfaitaire mais aussi pour continuer la lutte, en particulier via des recours judiciaires. Cependant, ceux qui ont souhaité le faire ont subi des pressions des autorités et de l’entourage. M. Mohamed Ali Ahmed est le seul à avoir continué avec le recours en justice. Son cas serait actuellement au niveau de l’appel. Après que la mission ait fait lecture des protocoles d’accord signés entre les travailleurs et la direction du port aux termes desquels les travailleurs renonçaient à tout recours contre le port de Djibouti, l’UTP et l’Intersyndicale UDT/UGTD ont rappelé la situation dans laquelle les travailleurs ont dû signer pour obtenir compensation et ont contesté la validité des accords signés. L’UTP a transmis copie d’un communiqué en date du 26 décembre 2006 contestant les transactions conclues et arguant de leur nullité en droit.
  100. 36. La mission a demandé à ses interlocuteurs s’il existait un syndicat actuellement au port de Djibouti. Les représentants de la direction du port ont indiqué qu’ils avaient connaissance de l’existence d’un syndicat avec le même nom, mais que la direction du port n’avait aucune relation avec ce syndicat. Ils ajoutent que l’absence d’un syndicat ne serait pas forcément ressentie négativement par les travailleurs du port qui ont pu bénéficier d’avantages consentis par la direction sur plusieurs aspects. Les représentants de l’UTP ont indiqué qu’actuellement il n’y a plus aucun syndicat actif au port de Djibouti. Les travailleurs qui sont membres ou ceux qui veulent s’organiser ne s’expriment pas de peur d’être licenciés. Il n’y aurait donc pas de présence syndicale au port. L’exercice des activités syndicales est largement entravé au port puisque le seul Syndicat du port ne peut même pas y entrer. De plus, les élections des délégués du personnel prévues l’année dernière n’ont pas eu lieu alors que le mandat des dirigeants court jusqu’à fin 2007. Par ailleurs, selon l’UTP, les travailleurs licenciés vivent une situation difficile car ils ne peuvent retrouver du travail. Aucun employeur n’emploiera des travailleurs licenciés ou syndicalistes sous peine de faire face à des «ennuis», même pour un emploi différent.
  101. 37. La mission a ensuite demandé si les syndicalistes peuvent accéder au port pour discuter des questions syndicales avec les travailleurs. Les représentants de la direction du port ont répondu que l’accès au port obéit à certaines règles: avoir un emploi, venir pour une raison précise et expliquer la raison de la visite à la sécurité du port qui appréciera si l’accès peut être accordé. La direction du port a précisé qu’elle n’aurait pas d’objection à l’accès au port d’un syndicat qui viendrait pour des raisons syndicales. La mission a regretté l’absence d’un syndicat au port, ce qui signifie que la direction n’a plus de partenaire social depuis plusieurs années.
  102. E. Représentation des travailleurs de Djibouti
  103. à la Conférence internationale du Travail
  104. 38. La mission a abordé la question de la représentation des travailleurs de Djibouti à la Conférence internationale du Travail. Elle a rappelé que cette question a une nouvelle fois fait l’objet d’une protestation et d’une discussion au sein de la Commission de vérification des pouvoirs de la Conférence en juin 2007. Dans ses dernières conclusions, la Commission de vérification des pouvoirs a noté que le gouvernement s’est limité à lui adresser une copie des communications échangées entre le directeur du travail, d’une part, et l’Association des employeurs de Djibouti et l’UGTD, d’autre part, aux fins de la désignation des délégués de ces dernières à la Conférence. La commission a déploré l’absence de coopération des autorités gouvernementales et a demandé au gouvernement de soumettre un rapport détaillé et étayé de documents pertinents sur la procédure utilisée pour désigner le délégué des travailleurs et ses conseillers techniques, indiquant notamment les organisations qui auront été consultées à ce sujet et selon quels critères, la date et le lieu de ces consultations, ainsi que les noms des personnes désignées par ces organisations au terme de ces consultations.
  105. 39. La mission a proposé de discuter avec les parties prenantes et suggéré dans quelle mesure les modalités de désignation du représentant des travailleurs de Djibouti pourraient être acceptées par tous. Pour l’Intersyndicale UDT/UGTD, il n’y aurait pas d’ambiguïté quant à la qualité de l’UDT comme porte-parole et donc à sa participation en tant que représentant des travailleurs de Djibouti à la Conférence internationale du Travail. Cependant, le gouvernement choisit de soutenir l’UGTD qu’il reconnaît et que l’Intersyndicale UDT/UGTD qualifie d’alibi syndical du gouvernement. Comme solution de compromis, il serait possible, selon l’Intersyndicale, de faire participer l’UDT ainsi que l’UGTD reconnue par le gouvernement mais, compte tenu du fait que l’UDT est la centrale la plus représentative, son représentant devrait avoir la qualité de délégué titulaire. Le ministre de l’Emploi et de la Solidarité nationale a indiqué, pour sa part, ne pas être favorable à la présence de l’UDT à la Conférence internationale du Travail car sa représentativité reste à prouver. La mission, comme solution de compromis, a demandé aux autorités d’accepter d’inclure l’UDT dans la délégation de Djibouti pour la prochaine Conférence, ceci en attente de l’organisation d’élections sociales qui permettraient de déterminer pour la suite l’organisation la plus représentative des travailleurs. Le ministre a indiqué que la demande de la mission sur ce point sera transmise au gouvernement.
  106. F. Autres points
  107. 40. Durant ses entretiens, la mission a été amenée à aborder avec ses interlocuteurs des points connexes d’importance qu’elle souhaite signaler pour en permettre le suivi.
  108. 1) Actions judiciaires en cours
  109. 41. Lors de sa réunion avec le ministre de la Justice, des Affaires pénitentiaires et musulmanes, la mission a relevé que certaines allégations ont trait à des cas d’arrestations et a souhaité des éclaircissements sur leur situation. Il s’agit notamment du cas de M. Mohamed Ali Ahmed de l’UTP qui a informé la mission que son passeport a été confisqué, ainsi que des charges d’«intelligence avec une puissance étrangère» qui sont retenues contre M. Djibril Ismael Igueh, M. Adan Mohamed Abdou et M. Hassan Cher Hared et de l’état de la procédure judiciaire en cours à leur encontre. En ce qui concerne la confiscation du passeport de M. Mohamed Ali Ahmed, le ministre a demandé à ce que les vérifications nécessaires soient effectuées. S’agissant des charges de «livraison d’information à une puissance étrangère» punies par les articles 137 et 138 du Code pénal retenues contre M. Djibril Ismael Igueh, M. Adan Mohamed Abdou et M. Hassan Cher Hared, le ministre a indiqué que les personnes concernées ont fait des déclarations qui «ont dépassé les limites du syndicalisme», «ont fait de la propagande politique» et ont «insulté le chef de l’Etat». Cependant, après vérification, le ministre a précisé que le chef d’accusation a été requalifié par décision du Procureur de la République en «injure publique envers les corps constitués et les administrations publiques» punie par l’article 432 du Code pénal. Il a en outre indiqué que la situation, qui exige du temps, s’est arrangée, mais l’affaire reste en instruction et aucune décision judiciaire n’a encore été rendue. Le gouvernement s’est engagé à vérifier les informations et à les communiquer au Bureau. La mission a observé que tant que l’affaire reste en instruction, notamment pour un laps de temps aussi prolongé cela constitue une «épée de Damoclès» au-dessus de la tête des syndicalistes concernés et risque de limiter l’exercice de leurs activités légitimes. En conséquence, la mission a recommandé que les autorités fassent le nécessaire pour qu’une décision soit rendue rapidement et définitivement sur cette affaire.
  110. 2) Elections sociales
  111. 42. La mission a demandé si l’organisation d’élections sociales n’apparaissait pas comme le moyen le plus objectif et transparent de déterminer les organisations les plus représentatives à Djibouti. Pour l’Intersyndicale UDT/UGTD, la détermination de la représentativité à Djibouti se fait à partir des élections de délégués syndicaux dans les entreprises. La somme des délégués syndicaux détermine la représentativité. Cependant l’Intersyndicale UDT/UGTD argue que les autorités et les entreprises ne souhaitant pas qu’elle soit la plus représentative empêchent la tenue de ces élections de délégués syndicaux. L’UDT affirme compter 22 syndicats de base affiliés sur 27 à Djibouti. Cependant l’UDT dénonce les menaces des autorités envers ces organisations affiliées. Cette situation aurait amené certaines organisations à suspendre leur affiliation. De même, certains syndicats n’auraient pas la possibilité de renouveler leur bureau, pour certains depuis 2002. A l’exemple du Syndicat des dockers qui a organisé son assemblée générale récemment, le dossier a été déposé auprès des autorités comme l’exige le Code du travail dans le renouvellement des mandats mais aucune suite n’y est donnée, si bien que certains syndicats se retrouvent sans bureau renouvelé. Cette situation concernerait notamment le Syndicat de la voirie, le Syndicat des chauffeurs et le Syndicat des dockers (dont le dépôt du 7 décembre 2007 est resté sans réponse). L’Intersyndicale UDT/UGTD se déclare prête à participer à des élections sociales pour déterminer la représentativité à la condition que le BIT soit observateur et prévienne tout risque de pression des autorités sur les syndicalistes, notamment sur les candidats. Le secrétaire général du ministère de l’Emploi a indiqué que le Conseil national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle sera sans doute l’organe par le biais duquel la majorité des différends syndicaux pourront être réglés. Il a observé toutefois que, si l’UDT en est absente, tout ne sera pas résolu. Il s’est interrogé sur l’opportunité d’organiser des élections sociales comme moyen de déterminer au plus vite les organisations représentatives de travailleurs qui devraient siéger au sein du conseil et a indiqué que, pour ce faire, les syndicats de base devraient se préparer à de telles élections.
  112. 3) Assistance technique du Bureau
  113. 43. La présence de la directrice du bureau sous-régional d’Addis-Abeba (BSR/Addis-Abeba), qui couvre Djibouti, comme membre de la mission manifestait la disponibilité du Bureau à fournir son assistance technique dans la mise en œuvre des différentes recommandations que la mission serait amenée à formuler et d’autres activités qui relèveraient du champ de compétences de l’Organisation. A cet égard, la mission a tenu une séance de travail avec les cadres de la Direction nationale du travail pour discuter des possibilités de développer des projets de renforcement de l’administration du travail. Au cours des discussions, le directeur du travail a souhaité la promotion des conventions fondamentales de l’OIT et a renouvelé l’intérêt de son gouvernement à bénéficier du Projet d’appui à la mise en œuvre de la Déclaration (PAMODEC). A cet égard, il a rappelé avoir reçu une lettre du Directeur général du BIT demandant à en discuter avec la mission. Par ailleurs, dans l’optique de développer le dialogue social, il a souhaité bénéficier de l’appui du projet Programme de promotion du dialogue social en Afrique francophone (PRODIAF). La mission a reçu copie de documents sur les différents points abordés au cours de la discussion. Le directeur du travail, regrettant l’absence du BIT ces dernières années, a souhaité une présence et un appui accrus. La directrice du BSR/Addis-Abeba a relevé la convergence des besoins exprimés avec les projets d’appui à Djibouti envisagés par son bureau. Elle a informé de sa décision de réaliser une mission multidisciplinaire à Djibouti dans les prochaines semaines pour discuter plus à fond encore de l’assistance du Bureau. Elle a rappelé que l’appui du BIT se ferait via un programme par pays pour un travail décent qui serait développé en consultation avec le gouvernement et les partenaires sociaux.
  114. 44. L’UGTD reconnue par les autorités a manifesté son incompréhension concernant la relation exclusive qu’entretiendrait le BIT avec l’UDT alors que l’UGTD est une centrale représentative et active au niveau national. Un membre de l’UGTD a fustigé le BIT de prendre parti depuis plusieurs années pour des individus au détriment des travailleurs et des syndicats tels que l’UGTD qui demandent à ce que leurs compétences soient renforcées pour défendre les intérêts des travailleurs djiboutiens. La mission a pris acte du souhait de bénéficier de formations exprimé par l’UGTD et en informera le service compétent (ACTRAV) à cet égard. Par ailleurs, la directrice du BSR/Addis-Abeba a indiqué sa volonté d’appuyer tous les mandants de l’OIT, les activités et formations futures à Djibouti incluront la participation de l’UGTD. Elle a indiqué que le spécialiste d’ACTRAV se rendra à Djibouti pour discuter plus en détail des besoins de l’UGTD. Le chef de la mission a rappelé que la participation aux activités communes des travailleurs exigera des efforts de part et d’autre pour s’asseoir à la même table. Cet effort est nécessaire pour avancer dans le sens voulu.
  115. 45. Au cours des discussions avec les agences des Nations Unies résidentes, la directrice du BSR/Addis-Abeba a présenté les objectifs de la mission et les perspectives de collaboration entre le Bureau et les agences résidentes. Le chef de la mission a observé que les changements et processus importants rapportés exigeraient la participation de partenaires sociaux. Il a relevé les constats sur le besoin d’une société civile plus forte et la préoccupation liée à la liberté d’expression, qui a un impact direct sur la liberté syndicale. La mission a observé que certains points d’assistance technique évoqués par le Coordinateur résident rentrent dans le champ de compétences du BIT. Par ailleurs, la mission note qu’au cours de son entretien avec le chef de mission de la délégation européenne ce dernier a indiqué la possibilité d’un appui de l’Union européenne dans toute action de renforcement de la société civile, notamment la question syndicale.
  116. III. Résultats obtenus, conclusions
  117. et recommandations de la mission
  118. 46. Avant de présenter ses conclusions et recommandations, la mission tient à remercier les autorités pour l’accueil, l’organisation et la coopération dont elle a bénéficié tout au long de son séjour à Djibouti, ce qui a grandement facilité le travail de la mission. Elle souhaite en particulier remercier S.E. M. Mohamed-Siad Doualeh, ambassadeur et représentant permanent de Djibouti à Genève, et M. Djama Mahamoud Ali, conseiller du représentant permanent, pour leur aide lors de la préparation de la mission, ainsi que M. Ali Yacoub Mahamoud, secrétaire général du ministère de l’Emploi et de la Solidarité nationale, et M. Guedi Absieh Houssein, directeur national du travail et des relations avec les partenaires sociaux, pour leur appui constant sur place.
  119. 47. La mission de contacts directs a bénéficié d’une bonne coopération de toutes les parties concernées ainsi que des partenaires au développement résidents qui ont tous bien voulu fournir des éléments d’information les plus complets possibles et exprimer leurs commentaires et opinions. La mission les en remercie. La mission est reconnaissante au gouvernement d’avoir montré sa disponibilité en lui permettant de rencontrer par deux fois le ministre de l’Emploi et de la Solidarité nationale et, à la demande de la mission, le ministre de la Justice et le Premier ministre.
  120. A. Exercice de la liberté syndicale
  121. 48. Il est apparu que le gouvernement est passablement irrité de devoir répondre de manière régulière devant les instances internationales sur des violations de droits et principes de la liberté syndicale alors qu’il estime qu’il n’en est rien.
  122. 49. L’analyse et la confrontation des versions du gouvernement, des représentants de l’Intersyndicale UDT/UGTD, de l’UGTD et de l’AED mettent cependant en évidence que le gouvernement et l’AED n’entretiennent actuellement aucune relation avec l’Intersyndicale UDT/UGTD.
  123. 50. Pour justifier une telle attitude, le gouvernement évoque, selon les périodes, des arguments différents. A l’origine, le gouvernement semblait reprocher aux représentants de l’UDT et de l’UGTD de ne pas convoquer les congrès pour renouveler leurs directions, en somme de se considérer comme des «secrétaires généraux à vie». A cet égard, en recoupant les différentes déclarations, la mission constate que:
  124. – de 1992 à 1999 effectivement, ni l’UDT ni l’UGTD n’ont tenu de congrès;
  125. – en 1999, le gouvernement a convoqué, selon ses termes à la demande de 22 syndicats de base, les congrès des deux centrales UDT et UGTD. Les conditions dans lesquelles se sont tenus ces deux congrès et ont été nommés les nouveaux bureaux sont appréciées très différemment par le gouvernement et les dirigeants de l’Intersyndicale UDT/UGTD;
  126. – le gouvernement a travaillé avec les bureaux issus des deux congrès de 1999, les considérant comme légaux et légitimes malgré les contestations des anciens dirigeants et le refus de diverses organisations et réunions internationales de reconnaître la représentativité des nouveaux dirigeants;
  127. – en 2002, au Congrès de l’UDT organisé avec l’accord du gouvernement, en présence d’un représentant de la Confédération internationale des syndicats libres, les anciens dirigeants ont repris la direction de la centrale syndicale. Comme conséquence, le gouvernement refuse, jusqu’à ce jour, de traiter l’UDT comme un partenaire social avec lequel il faut dialoguer.
  128. 51. L’argumentaire du gouvernement semble changer à partir de 2002. Il soutient notamment, sans fournir d’élément précis, que les anciens dirigeants ont fait «un coup de force». La mission observe cependant qu’aucune plainte n’a été portée à sa connaissance par les principaux concernés, les membres de la centrale syndicale. Elle relève au contraire que des membres du bureau élu en 1999 sont restés et continuent de travailler avec la direction de l’UDT. Le gouvernement met également en exergue l’appartenance politique des dirigeants de l’UDT, essentiellement celle de son secrétaire général, M. Adan Mohamed Abdou. Celui-ci d’ailleurs confirme être membre d’un parti politique, l’Alliance républicaine pour le développement (ARD), d’en avoir été secrétaire général, d’avoir démissionné de ce poste et d’en être actuellement le premier vice-président. A l’appui de son argumentaire, le gouvernement fait référence aux dispositions du nouveau Code du travail de 2006 qui interdit formellement le cumul des fonctions de membre de la direction d’un syndicat et de celui de la direction d’un parti politique. Aux termes de l’article 214 du Code du travail, «les fonctions de direction ou d’administration de tout syndicat sont interdites […] aux individus exerçant des fonctions de direction ou d’administration d’un parti politique». La mission estime que la question de la compatibilité de cette disposition, telle que rédigée, avec les conventions internationales du travail ratifiées par Djibouti devrait être laissée à l’appréciation des organes de contrôle de l’OIT, notamment la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations.
  129. 52. La mission observe que la grève de protestation de 1995, considérée comme légale et légitime, et les licenciements et sanctions qui ont suivi sont un moment significatif et décisif de la détérioration des relations entre le gouvernement et les centrales syndicales, l’UDT et son secrétaire général, mais aussi l’Intersyndicale UDT/UGTD. Selon la mission, un nombre important de facteurs ont contribué à amplifier le fossé entre le gouvernement et l’Intersyndicale UDT/UGTD à partir de cette période: l’organisation, par le gouvernement, des congrès de 1999 des deux centrales UDT et UGTD, en contournant leurs directions; le refus des autorités de travailler jusqu’à présent avec les anciens dirigeants de l’UDT ayant reconquis la direction de la centrale en 2002, lors d’un congrès accepté, selon les syndicalistes, par les autorités et en présence d’un représentant de la CISL; la quasi-disparition du Syndicat du port depuis la grève de 2005 suivie de licenciements et d’indemnisations; les incompréhensions, suspicions et amertumes qui peuvent résulter de l’adhésion ou de l’expression d’opinions politiques différentes dans une démocratie naissante où l’esprit de contradiction et la tolérance doivent encore trouver toute leur place.
  130. 53. Cependant, la mission est convaincue, compte tenu des déclarations qui lui ont été faites par quasiment toutes les parties prenantes, qu’un dépassement de toutes les questions en suspens depuis 1995 est possible.
  131. B. Réintégration des travailleurs licenciés
  132. suite à la grève de 1995
  133. 54. A propos de la réintégration des travailleurs licenciés suite à la grève de 1995, deux faits sont constants: la réintégration de tous les travailleurs licenciés n’est pas remise en cause formellement, dans leur poste d’origine ou à un poste équivalent lorsque la réintégration n’est pas possible; une majorité de travailleurs ont été réintégrés, mais à ce jour certains travailleurs n’ont pas encore été réintégrés.
  134. 55. La mission relève que la liste des travailleurs licenciés qui restent à réintégrer fait l’objet de divergences. Le gouvernement n’a pas tenu à se prononcer immédiatement sur la liste fournie par l’Intersyndicale UDT/UGTD que la mission lui a présentée. Il estime de manière générale qu’il ne reste que «des cas isolés», «un noyau dur», voire «des gens qui ne veulent pas être réintégrés ou des gens qui ne sont plus dans le pays». La mission a convenu avec le gouvernement cependant qu’il fera les vérifications nécessaires de la situation de plusieurs travailleurs sur la base d’une liste qu’elle lui a transmise et qu’il en informera le Bureau.
  135. 56. Par ailleurs, la mission observe que la question de l’indemnisation et du paiement des arriérés de salaires des travailleurs non encore réintégrés reste à régler. La mission a tenté sur place de rapprocher les positions et de trouver un compromis acceptable par tous. La mission prend acte de l’engagement du gouvernement à réintégrer les travailleurs licenciés dans leur service d’origine ou, si cette réintégration est impossible, dans un autre service. Elle prend aussi acte que le gouvernement est prêt à payer les cotisations sociales pour la retraite de ces personnes. Enfin, s’agissant du versement des indemnités, la mission prend acte que le gouvernement, par la voix de son Premier ministre, n’est pas opposé au principe dès lors que ces travailleurs acceptent de réintégrer les postes de travail. A cet égard, la mission tient à saluer l’ouverture manifestée par le Premier ministre et le mandat clair qu’il a donné au secrétaire général du ministère de l’Emploi et de la Solidarité nationale pour mener et faire aboutir les négociations relatives à la réintégration, à l’indemnisation, au paiement des cotisations sociales. La mission a tenu plusieurs réunions avec les dirigeants de l’Intersyndicale UDT/UGTD qui, prenant en considération les délais écoulés (1995-2008), semblent disposés à un compromis acceptable sur les modalités du paiement des arriérés de salaires ou des indemnisations. La mission espère vivement, sur la base des engagements pris par toutes les parties prenantes pour le règlement de cette question, que des avancées concrètes et rapides pourront être constatées dans le courant de l’année, idéalement avant la 97e session de la Conférence internationale du Travail (mai-juin 2008).
  136. C. Actions judiciaires en cours
  137. 57. La mission a souhaité rencontrer le ministre de la Justice, des Affaires pénitentiaires et musulmanes au sujet d’allégations d’arrestations de syndicalistes. La mission prend acte de l’engagement du ministre à procéder aux vérifications nécessaires et à envoyer les informations au Bureau. S’agissant notamment du chef d’accusation contre certains syndicalistes de «livraison d’informations à une puissance étrangère», par la suite requalifié par décision du Procureur de la République en «injure publique envers les corps constitués et les administrations publiques», la mission relève que l’affaire reste en instruction et qu’aucune décision n’a encore été rendue. La mission recommande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que cette affaire soit résolue rapidement et définitivement.
  138. D. Dialogue social au port de Djibouti
  139. 58. La mission a pris note des procédures suivies dans ce conflit et des pièces versées. La mission prend acte des copies de protocoles d’accord signés entre le port de Djibouti et M. Ahmed Abdi Walieh, Mme Samira Hassan Mohamed, M. Youssouf Houmed Mohamed, M. Abdourahman Bouh Iltireh, M. Koulmiyeh Houssein Ahmed, M. Djibril Houssein Waliyeh, M. Wahib Ahmed Dini, M. Ibrahim Moussa Sultan, M. Kamil Mohamed Ali, M. Yacin Ahmed Robleh, M. Mohamed Ahmed Mohamed, M. Mohamed Abdillahi Omar, M. Mohamed Ali Ahmed, M. Mohamed Abdillahi Dirieh, M. Moustapha Abchir Egueh, M. Moustapha Moussa Houssein, M. Ali Abrahim Darar et M. Ali Ibrahim Chireh, par lesquels contre indemnités ces derniers acceptent de se désister de toutes les actions pénales, sociales, civiles et commerciales en cours ou à venir devant les juridictions djiboutiennes contre le port de Djibouti. De son côté, le port de Djibouti se désiste de toute procédure en cours ou à venir devant les tribunaux de Djibouti. Le règlement est effectué à titre transactionnel, forfaitaire, global et définitif ayant, selon l’article 2052 du Code civil, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort et ne peut être attaqué pour cause d’erreur de droit, ni pour cause de lésion.
  140. 59. La mission souhaiterait rappeler la nécessité de lever toute mesure discriminatoire qui empêcherait les travailleurs licenciés d’exercer un emploi dans l’enceinte du port, dans les entreprises prestataires du port ou ailleurs.
  141. E. Amélioration du cadre législatif
  142. 60. La mission note que le gouvernement a fait preuve, sur cette question des changements législatifs demandés par les organes de contrôle de l’OIT, d’une ouverture certaine. En effet, le gouvernement a non seulement précisé certains amendements envisagés, mais il se déclare en outre très favorable à l’assistance technique et aux conseils que le Bureau pourrait lui fournir à cet égard.
  143. 61. Lors d’une réunion technique de synthèse, le gouvernement s’est engagé à amender les dispositions qui font l’objet de commentaires des organes de contrôle.
  144. – Article 41 du code. Une proposition alternative de rédaction sera envoyée au BIT pour commentaire.
  145. – Article 42. La mention syndicale sera supprimée au paragraphe 8.
  146. – Articles 214 et 215. Le gouvernement s’engage à modifier pour les rendre conformes à la convention no 87 et demande l’assistance du BIT dans la rédaction. L’engagement est pris pour réduire le délai d’enregistrement d’un syndicat à trente jours.
  147. – Article 23 du décret no 83-099/PR/FP du 10 septembre 1983. Une liste des services essentiels sera déterminée en consultation avec les partenaires sociaux.
  148. 62. La mission prend acte que ces projets de modifications législatives seront soumis, pour avis, au Conseil national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (CNTEFP). La mission note que le CNTEFP n’est pas encore constitué à ce jour et souhaite mettre en garde le gouvernement contre un retard excessif dans sa constitution et surtout contre le risque d’un nouvel élément de crispation. En effet, la mission observe que l’article 277, alinéa 1, du Code du travail prévoit que le CNTEFP est composé «en nombre égal des représentants des organisations syndicales nationales des travailleurs et d’employeurs les plus représentatives». Or la mission a pu constater au cours des discussions que la question de la représentativité des organisations de travailleurs à Djibouti est appréciée très différemment par le gouvernement et les partenaires sociaux (Intersyndicale UDT/UGTD, UGTD, AED). De surcroît, la mission note que le décret no 2008-0023/PR/MESN du 20 janvier 2008, dont elle a reçu copie et qui porte sur les conditions d’organisation et de fonctionnement du CNTEFP, inclut une disposition susceptible de permettre au ministre de l’Emploi et de la Solidarité nationale de faire un choix des membres représentant les organisations de travailleurs de manière discrétionnaire. En effet, l’article 2, alinéa 4, du décret prévoit que: «à défaut d’organisation pouvant être considérée comme la plus représentative, la désignation des membres au conseil est faite directement par le ministre chargé de l’emploi et de la solidarité nationale».
  149. 63. La mission est d’avis que, dans le contexte actuel où la représentativité des organisations de travailleurs n’a pas encore été déterminée de manière claire et objective, aucune représentation de l’action syndicale de Djibouti ne devrait être écartée des travaux du CNTEFP. En conséquence, la mission encourage vivement le gouvernement à permettre à l’Intersyndicale UDT/UGTD de participer activement, comme représentant des organisations de travailleurs les plus représentatives au même titre que l’UGTD, aux travaux du CNTEFP et de la laisser ainsi s’exprimer dans un lieu de dialogue constructif et ouvert.
  150. F. Représentation des travailleurs de Djibouti
  151. à la Conférence internationale du Travail
  152. 64. La mission observe que cette question n’a pas trouvé une issue claire. Si le ministre de l’Emploi et de la Solidarité nationale considère que l’UDT n’est pas représentative, les dirigeants de l’UDT estiment au contraire que leur centrale syndicale est la plus représentative et revendiquent le mandat de délégué titulaire des travailleurs.
  153. 65. La mission n’est pas assurée que tous les éléments nécessaires à l’organisation d’élections sociales transparentes et régulières existent actuellement à Djibouti pour procéder à de telles élections dans un climat serein avant la 97e session de la Conférence internationale du Travail (mai-juin 2008). La mission est d’avis que l’assistance technique du Bureau serait utile pour faciliter l’organisation de telles élections dès lors que toutes les structures syndicales ont la possibilité d’exercer librement leurs activités.
  154. 66. La mission a cependant fait son possible pour faire comprendre au gouvernement les attentes de la Commission de vérification des pouvoirs de la Conférence, à savoir un rapport détaillé de nature à lui permettre de mieux apprécier la manière dont la délégation des travailleurs de Djibouti est désignée. La mission a proposé une solution de compromis par rapport aux appréciations divergentes actuelles, à savoir inclure l’UDT dans la délégation de Djibouti pour la prochaine Conférence de 2008, ceci dans un premier souci d’inclure les deux centrales syndicales représentant la voix des travailleurs du pays et en attendant l’organisation d’élections sociales qui permettraient de déterminer pour la suite l’organisation la plus représentative des travailleurs, ou les organisations les plus représentatives. En tout état de cause, les centrales syndicales (UDT et UGTD) devraient faire partie de la délégation de Djibouti à la Conférence en 2008. La mission prend acte de la déclaration du ministre de l’Emploi et de la Solidarité nationale selon laquelle sa proposition sera transmise au gouvernement.
  155. G. Assistance technique du Bureau
  156. 67. Afin d’appuyer le gouvernement de Djibouti ainsi que les organisations de travailleurs et d’employeurs à mettre en œuvre les activités et réformes nécessaires, le Bureau est prêt à fournir son assistance technique dans la mise en œuvre des différentes recommandations de la mission et d’autres activités qui relèveraient du champ de compétences de l’Organisation internationale du Travail. Cette assistance technique sera conduite en premier lieu par le bureau sous-régional de l’OIT à Addis-Abeba en coordination avec les services techniques du siège. Il est entendu que cette assistance serait fournie à l’ensemble des mandants tripartites de Djibouti, sans exclusion, et, au besoin, coordonnée avec celles des agences des Nations Unies présentes à Djibouti, ainsi que des bailleurs de fonds bilatéraux ou multilatéraux, telle l’Union européenne.
  157. * * *
  158. 68. En conclusion, la mission de contacts directs souhaite souligner le besoin de dépasser rapidement la situation actuelle d’un dialogue social bipartite et tripartite en panne à Djibouti. La mission recommande pour cela au gouvernement de reconnaître à l’UDT et l’Intersyndicale UDT/UGTD le droit d’exercer pleinement les activités syndicales légitimes dans le respect de la législation nationale et des principes des normes internationales du travail. La mission a conseillé à chaque partie prenante d’adopter une attitude de compromis résolument tournée vers l’avenir, seulement elle considère que le gouvernement a une grande responsabilité et un rôle important à jouer pour impulser cette nouvelle dynamique. Un premier pas important et symbolique serait le règlement de la question de la réintégration des travailleurs licenciés en 1995, leur indemnisation et le paiement des cotisations sociales. A cet égard, la mission veut croire que les autorités gouvernementales qui ont pris des engagements concrets entameront les négociations sans tarder. La mission est enfin d’avis que le gouvernement devrait initier dans un esprit d’ouverture une véritable concertation de tous les partenaires sociaux, quelle que soit la perception qu’il a d’eux, pour l’organisation d’élections sociales régulières et transparentes dans un climat de confiance. La mission émet le vœu que chacune des parties prenantes
  159. acceptera l’idée que le meilleur dialogue social est celui qui est inclusif – et non exclusif – et qui a pour but de résoudre toutes les questions en instance dans un esprit d’ouverture, de franchise et de bonne volonté.
  160. M. Yéro Dé
  161. 9 avril 2008
  162. Annexe 1
  163. Agenda de la mission de contacts directs
  164. (21-25 janvier 2008)
  165. Date et heure
  166. Rencontre
  167. Contact
  168. Lundi 21 janvier 2008
  169. 16 heures
  170. ministre de l’Emploi et de la Solidarité nationale
  171. 17 heures
  172. réunion technique avec les représentants du ministère de l’Emploi
  173. et de la Solidarité nationale
  174. Mardi 22 janvier 2008
  175. 9 heures
  176. direction du port de Djibouti
  177. 11 heures
  178. Coordinateur résident du PNUD et autres agences résidentes
  179. des Nations Unies
  180. 15 heures
  181. Intersyndicale UDT/UGTD et Union des travailleurs du port
  182. Mercredi 23 janvier 2008
  183. 10 heures
  184. direction du travail/Direction de l’Agence nationale de l’emploi
  185. et de la formation professionnelle
  186. 12 heures
  187. délégation de la Commission européenne
  188. 15 heures
  189. association des employeurs de Djibouti (AED)
  190. 17 heures
  191. Union générale des travailleurs de Djibouti (UGTD)
  192. 19 heures
  193. réunion de travail avec le secrétaire général du ministère
  194. de l’Emploi et de la Solidarité nationale
  195. 20 heures
  196. Intersyndicale UDT/UGTD
  197. Jeudi 24 janvier 2008
  198. 9 heures
  199. ministre de la Justice, des Affaires pénitentiaires et musulmanes
  200. 11 heures
  201. ministre de l’Emploi et de la Solidarité nationale
  202. 13 heures
  203. Premier ministre
  204. Annexe 2
  205. Liste des personnes rencontrées
  206. I. Gouvernement
  207. Primature
  208. M. Dileita Mohamed Dileita, Premier ministre
  209. Ministère de l’Emploi et de la Solidarité nationale
  210. M. Houmed Mohamed Dini, ministre
  211. M. Ali Yacoub Mahamoud , secrétaire général du ministère
  212. M. Guedi Absieh Houssein, directeur national du travail et des relations avec les partenaires sociaux
  213. M. Ali Mohamed Kamil, directeur général de l’Agence nationale de l’emploi, de la formation et de l’insertion professionnelle (ANEFIP)
  214. M. Charmarke Idriss Ali, directeur de l’Institut national de l’administration publique
  215. Mme Aicha Hassa-Mohamed, cheffe de service du travail, de la réglementation et de la liberté syndicale
  216. Mlle Adwa Seif Kayad, cheffe de section des relations internationales
  217. Mme Koina Omar Dahelo, inspectrice du travail et des lois sociales a.i.
  218. Ministère de la Justice
  219. M. Mohamed Barkat Abdillahi, ministre
  220. II. Organisation représentative des employeurs
  221. Association des employeurs de Djibouti (AED)
  222. M. Hamodou Hassan Ibrahim, président
  223. M. Jean-Philippe Delarue, vice-président
  224. M. Luc Beiso
  225. M. Nicolas Guedj
  226. III. Organisations représentatives des travailleurs
  227. Intersyndicale UDT/UGTD
  228. M. Adan Mohamed Abdou, secrétaire général (UDT)
  229. M. Kamil Dirane Hared, secrétaire général (UGTD)
  230. M. Farah Abdillahi Miguil, secrétaire à la communication (UDT)
  231. M. Abdoulrazack Hared Farah, secrétaire aux affaires juridiques (UDT), secrétaire général du Syndicat du personnel de Djibouti-Telecom
  232. M. Abdillahi Aden Ali, trésorier (UGTD)
  233. M. Anouar Mohamed Ali, secrétaire général du Syndicat des travailleurs de l’électricité de Djibouti
  234. M. Ali Mohamed Kamil, secrétaire général du Syndicat du bâtiment et des travaux publics (SP-BTP)
  235. M. Aouad Ibrahim Arnahoud, Syndicat de l’imprimerie nationale
  236. M. Habib Ahmed Doale, ancien secrétaire général du Syndicat de l’EDD
  237. Union des travailleurs du port (UTP)
  238. M. Ahmed Ali Aras, secrétaire général
  239. M. Ali Ibrahim Darar, secrétaire général adjoint
  240. M. Mohamed Ahmed Mohamed, secrétaire aux affaires juridiques
  241. M. Mohamed Ali Mohamed, secrétaire aux relations extérieures
  242. Union générale des travailleurs de Djibouti (UGTD)
  243. M. Ado Sikieh Dirieh, secrétaire général
  244. M. Hassan Ali Doualeh, premier secrétaire adjoint
  245. M. Mohamed Moussa Idriss, secrétaire administratif
  246. M. Said Ahmed Egueh, secrétaire aux finances
  247. M. Issé Ibrahim Chirdon, secrétaire à la presse
  248. M. Mohamed Ahmed Egueh, secrétaire adjoint à l’information
  249. M. Youssouf Houssein Robleh, secrétaire adjoint à l’information
  250. M. Said Yonis Waléri, secrétaire à la coordination
  251. Mme Asli Aden Hadi, secrétaire aux affaires féminines
  252. M. Idriss Ali Batoun, secrétaire aux relations extérieures
  253. M. Kaneh Ali Robleh, secrétaire aux archives
  254. M. Djibril Egueh Illueh, secrétaire aux affaires culturelles et sportives
  255. M. Seck Abdo Daoud, conseiller du bureau syndical
  256. M. Mahdi Med Hassan, secrétaire à la documentation
  257. M. Saade Hassan Ibrahim, secrétaire aux affaires juridiques
  258. M. Mohamed Waiss Olieh, commissaire aux comptes
  259. M. Alow Mohamed Abdallaha, secrétaire général du Syndicat STDT Djibouti-Telecom
  260. IV. Port de Djibouti
  261. M. Aden Ahmed Douale, représentant du gouvernement
  262. Mme Deka Y. Mohamed, cheffe du département juridique
  263. V. Agences des Nations Unies et représentation
  264. de l’Union européenne
  265. Agences des Nations Unies
  266. M. Sunil Saigal, Représentant résident du PNUD et Coordonnateur résident des activités opérationnelles du système des Nations Unies à Djibouti
  267. Mme Aicha Ibrahim Djama, FNUAP
  268. Dr Mostafa Tyane, OMS
  269. M. Benoît Thiry, PAM
  270. Dr Aloys Kamuragiye, UNICEF
  271. Représentante du HCR
  272. Délégation de la Commission européenne à Djibouti
  273. M. Joaquin Gonzalez-Ducay, chef de mission
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer