ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 335, Novembre 2004

Cas no 2304 (Japon) - Date de la plainte: 14-OCT. -03 - Clos

Afficher en : Anglais - Espagnol

  • et ses affiliés, y compris l’arrestation de sept responsables et membres syndicaux incarcérés pendant dix mois, la perquisition de 134 sièges syndicaux et du domicile de dirigeants syndicaux, et la confiscation de 2 757 biens appartenant au syndicat, ce qui a eu de lourdes conséquences sur les activités de l’organisation plaignante et a altéré son image auprès du public.
    1. 972 La plainte figure dans des communications de la Confédération japonaise des syndicats de travailleurs du chemin de fer (JRU) datées des 1er et 25 août et du 14 octobre 2003. La Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) s’est jointe à cette plainte dans une communication du 16 mars 2004.
    2. 973 Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication datée du 25 mai 2004.
    3. 974 Le Japon a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 975. L’organisation plaignante affirme subir, depuis novembre 2002, de même que ses affiliés, le Syndicat des travailleurs du chemin de fer de l’Est du Japon (JREU) et le Syndicat de JR Toukai, toute une série de mesures de la part de la police, des procureurs et des autorités judiciaires qui affectent gravement les activités du syndicat. Selon l’organisation plaignante, ces exactions comprennent l’arrestation et la détention prolongée de membres du syndicat, la perquisition des locaux du syndicat et du domicile de responsables syndicaux, et la confiscation d’un nombre important de documents liés au syndicat et de biens lui appartenant. Selon l’organisation plaignante, ces actes sont fondés sur les délits suivants: 1) le délit commun de coercition; et 2) la violation alléguée de la loi sur la répression des actes violents et apparentés. L’organisation plaignante estime que les autorités utilisent ces dispositions pénales dans le but de gêner et d’intervenir dans les activités de syndicats légalement constitués. Elle ajoute que les autorités ont continué de prendre ces mesures en prétextant vouloir mener des enquêtes alors que le but était d’affaiblir le syndicat. L’organisation plaignante rappelle que les conventions nos 87 et 98, que le Japon a ratifiées, établissent l’obligation de ne pas créer d’obstacles ou s’ingérer indûment dans les activités de syndicats légalement constitués.
  2. 976. L’organisation plaignante ajoute qu’une procédure judiciaire est actuellement en cours dans le cadre de ce cas et que le jugement devra déterminer si les actes allégués dont les membres syndicaux sont accusés entrent dans le champ des infractions pénales susmentionnées ou s’ils constituent des activités syndicales ordinaires. L’organisation plaignante souligne également qu’elle est décidée à démontrer au cours du procès l’innocence des syndicalistes accusés. Elle demande cependant qu’il soit instamment demandé au gouvernement du Japon de cesser, dans l’intervalle, son obstruction patente aux activités du syndicat et d’intervenir dans celles-ci.
  3. Cas de coercition
  4. 977. Plus précisément, l’organisation plaignante affirme que, le 1er novembre 2002, le Département de sécurité publique du commissariat de police métropolitain a interpellé les sept membres syndicaux suivants au motif du délit de coercition: Kunio Yanaji qui est un employé permanent du syndicat, et Satoru Yamada, Jyun-ichi Uehara, Shuichi Saito, Kakunori Oguro, Tomio Yatsuda, Keiitsu Ohma qui sont des membres du syndicat. Ces personnes sont restées en détention jusqu’en octobre 2003. L’organisation plaignante indique que le motif invoqué pour leur mise en détention repose sur un incident survenu dans la région d’Omiya, au cours duquel un membre syndical de la sous-branche du terminus des chemins de fer d’Urawa, organisation affiliée à l’organisation plaignante, s’est opposé de manière répétée au syndicat et à ses politiques. La sous-filiale de l’Urawa Electric Train Depot a tenté de persuader le travailleur en question au cours de plusieurs entretiens de cesser son agressivité envers le syndicat; le travailleur n’a pas répondu à ces demandes de manière honnête et a continué de mentir aux autres membres du syndicat. La sous-filiale a par conséquent décidé de permettre au travailleur en question de quitter le syndicat comme il le souhaitait.
  5. 978. L’organisation plaignante ajoute que, cependant, le Département de la sécurité publique du commissariat de police métropolitain de Tokyo a considéré cet incident comme un délit de coercition après que le travailleur se soit désaffilié, puis ait démissionné de l’entreprise dans laquelle il était employé. Le délit de coercition se définit comme suit: «une personne qui, en intimidant une autre par des menaces à sa vie, son corps, sa liberté, sa réputation ou ses biens, ou par le recours à la violence physique, pousse autrui à agir d’une manière qu’elle ne souhaite pas ou empêche autrui d’exercer l’un de ses droits, est passible d’une peine d’emprisonnement assortie de travail obligatoire pour une durée n’excédant pas trois ans» (art. 223 du Code pénal). Selon l’organisation plaignante, le Département de sécurité publique du commissariat de police métropolitain de Tokyo a procédé à des arrestations et ouvert une enquête sur ce cas un an après la commission des faits. L’organisation plaignante ajoute que, le 22 novembre 2002, le bureau du Procureur de la ville de Tokyo a mis en examen les sept responsables et membres syndicaux et que le procès a eu lieu au tribunal de district de Tokyo. L’organisation plaignante a fait valoir lors du procès que le délit de coercition ne pouvait être invoqué pour qualifier les faits relatifs à l’incident mentionné et a demandé l’acquittement de tous les prévenus.
  6. 979. L’organisation plaignante ajoute qu’outre l’arrestation des sept membres syndicaux le Département de sécurité publique a mené des perquisitions dans 53 lieux, dont dans des locaux du syndicat et au domicile de responsables syndicaux, à la suite desquelles 1 008 objets ont été saisis, tels que des listes d’appartenance syndicale et d’autres objets appartenant au syndicat. L’organisation plaignante souligne que tous les objets saisis sont mentionnés sur les mandats de perquisition comme des objets ayant trait à «la formation, l’histoire, les principes, la doctrine, la politique, la structure organisationnelle, les activités et le financement» de la JRU et que, en conséquence, des objets n’ayant absolument aucun lien avec l’allégation de «délit de coercition» ou avec «la loi relative à la répression d’actes violents» ont été saisis (par exemple, des listes de membres syndicaux, des livres de comptabilité, des relevés bancaires, des documents relatifs à des procès, des documents portant sur des actions en justice destinées au comité du travail, des ordinateurs, des téléphones portables, des carnets, des dossiers, des livres, des magazines, etc.). L’organisation plaignante joint à sa communication une liste des lieux perquisitionnés et des objets saisis. Parmi les lieux perquisitionnés figurent le domicile des sept suspects (239 objets saisis), neuf locaux syndicaux (379 objets saisis), le domicile de 31 autres responsables et membres syndicaux (288 objets saisis) et les locaux du syndicat au sein de l’entreprise. Parmi les objets saisis figurent des carnets de notes, des listes téléphoniques, des lettres, des projets de textes, des mémos, des documents de réglementation interne, des accords de travail, des listes de pétitions, des documents juridiques liés à des actions en justice, du matériel provenant de réunions syndicales, des programmes d’événements, des rapports, des enregistrements, des magazines et articles syndicaux, des livres comptables et bancaires, des cassettes et des vidéocassettes, des films, des journaux, des magazines, des livres, des téléphones portables, des ordinateurs, et des enregistreurs de poche. Selon l’organisation plaignante, la plupart des lieux perquisitionnés et des objets confisqués n’avaient rien à voir avec les allégations.
  7. 980. L’organisation plaignante estime que la confiscation de biens indispensables au bon déroulement des activités du syndicat a eu des conséquences extrêmement négatives sur son fonctionnement au jour le jour. En particulier, la confiscation, en juin 2003, par le Département de la sécurité publique de documents relatifs au procès des sept syndicalistes mis en examen, a gêné les efforts du syndicat pour défendre ses membres au tribunal. En outre, l’organisation plaignante affirme que le fait de réunir des informations sur les activités usuelles du syndicat et des informations personnelles sur certains responsables et membres syndicaux par la confiscation de documents constitue une ingérence indue.
  8. 981. L’organisation plaignante ajoute que des demandes de libération sous caution ont été à plusieurs reprises présentées au tribunal de district de Tokyo, dont la plupart ont été rejetées au motif qu’il était possible que les preuves soient détruites et que les prévenus prennent la fuite. Le 1er août 2003, le tribunal de district de Tokyo a rendu un jugement autorisant la libération sous caution d’un plaignant suite à une requête présentée le 29 juillet 2003 par ce même plaignant. Toutefois, le bureau du Procureur de Tokyo a fait appel de cette décision auprès de la Haute Cour de Tokyo et la libération sous caution a été immédiatement suspendue. Le 4 août 2003, la Haute Cour de Tokyo a accepté l’appel formé et annulé le jugement autorisant la libération sous caution du plaignant, se fondant sur «un risque de destruction des éléments de preuve». Le 11 août 2003, le plaignant a formé un appel extraordinaire auprès de la Cour suprême demandant l’annulation du jugement rendu par la Haute Cour de Tokyo, appel que la Cour suprême a rejeté le 3 septembre 2003. En dernier lieu, l’organisation plaignante souligne que, le 9 octobre 2003, le tribunal de district de Tokyo a décidé de libérer sous caution les plaignants. Le Procureur a immédiatement fait appel de cette décision auprès de la Haute Cour de Tokyo qui a rejeté l’appel le 10 octobre 2003.
  9. 982. L’organisation plaignante ajoute que les sept prévenus ont été détenus pendant presque neuf mois tandis que le versement de leur salaire était suspendu par l’entreprise qui les employait, ce qui les a placés ainsi que leurs familles dans une situation extrêmement difficile. Les syndicalistes incarcérés n’ont été autorisés qu’à recevoir la visite de leurs familles et de leurs représentants légaux, si bien que les responsables syndicaux n’ont pu leur rendre visite en prison. L’organisation plaignante précise que les demandes de libération sous caution ont été rejetées par le tribunal de district de Tokyo parce que le bureau du Procureur de Tokyo a insisté sur le risque de destruction des éléments de preuve au motif que le JREU n’avait pas seulement été non coopérative, mais aussi critique durant tout le processus d’enquête. L’organisation plaignante note que le maintien d’un individu en détention simplement parce que le syndicat auquel il appartient a critiqué la manière dont l’enquête était menée par la police et le ministère public constitue une violation claire du droit syndical fondamental.
  10. Violation de la loi sur la répression
  11. des actes violents et apparentés
  12. 983. L’organisation plaignante prétend en outre qu’une autre perquisition très large a été menée le 12 juin 2003, suite à laquelle de nombreux biens appartenant au syndicat ont été saisis. En effet, à cette date, le Département de sécurité publique du commissariat de police métropolitain de Tokyo a mené des perquisitions dans 18 lieux, notamment dans les bureaux du syndicat et au domicile de responsables syndicaux et a confisqué 538 objets. L’organisation plaignante joint à sa plainte une liste des lieux perquisitionnés, qui comprennent six bureaux syndicaux (où 447 objets ont été saisis) et le domicile de 11 responsables et anciens responsables syndicaux, y compris du président du syndicat, de deux vice-présidents et du secrétaire général (où 91 objets ont été saisis). La liste des objets saisis est similaire à celle énumérée ci-dessus.
  13. 984. L’organisation plaignante affirme que la raison invoquée pour justifier ces perquisitions était un incident mineur ayant eu lieu le 21 juin 2002. Ce jour-là, des membres du syndicat de JR Toukai qui sont affiliés à l’organisation plaignante ont distribué des tracts pour protester contre le transfert jugé injuste d’un membre syndical; l’organisation plaignante avait également envoyé certains de ses membres pour aider à la distribution des tracts. Le directeur de l’entreprise JR Toukai n’a pas cessé de suivre les syndicalistes qui distribuaient des tracts, les a interpellés et menacés de manière répétée et a même suivi les membres qui étaient dans un groupe une fois l’action terminée. Un responsable du syndicat plaignant a protesté auprès du directeur de l’entreprise et l’a arrêté en retenant son bras. Un an plus tard, sans avis préalable, le Département de sécurité publique du commissariat de Tokyo a soudainement ouvert une large enquête et a procédé à la saisie d’objets, sous prétexte que le responsable syndical ayant retenu le bras du directeur était passible de poursuites puisque son attitude lors de cet incident était en contravention avec la loi sur la répression des actes violents et apparentés.
  14. 985. L’organisation plaignante ajoute que, le 26 juin 2003, elle a formé un appel quasi interlocutoire auprès du tribunal de district de Tokyo affirmant que le mandat délivré pour les perquisitions effectuées le 12 juin était illégal. Suite à cet appel, le Département de sécurité publique du commissariat de police métropolitain de Tokyo a entrepris de restituer une partie des objets saisis qui «n’étaient pas nécessaires».
  15. Cas d’entrée sans autorisation
  16. 986. L’organisation plaignante affirme en dernier lieu qu’avant la libération des sept responsables et membres syndicaux mentionnés ci-dessus la police a mené, en septembre-octobre 2003, des perquisitions dans 63 endroits, incluant les bureaux du JREU et le domicile de responsables syndicaux, et a confisqué 1 211 objets au motif d’une «violation de domicile». L’organisation plaignante estime que cette accusation a été fabriquée à partir du simple fait que des membres du JREU avaient distribué, le 13 juin 2003, des tracts syndicaux dans les boîtes aux lettres d’un ensemble résidentiel de Tokyo. Un concierge a alors appelé la police, des policiers ont accouru et ont emmené cinq syndicalistes au poste de police. Ils ont été relâchés après interrogatoire. L’organisation plaignante ajoute que trois mois plus tard, le 27 octobre 2003, la police a perquisitionné les bureaux du syndicat et le domicile de responsables et membres syndicaux et y ont saisi, entre autres choses, 12 500 tracts syndicaux.
  17. 987. L’organisation plaignante indique qu’au total au cours de dix mois de détention des sept responsables et membres syndicaux, le nombre de lieux ciblés pour perquisition s’élève à 134, avec 2 757 objets saisis. En dernier lieu, l’organisation plaignante souligne que ces incidents ont considérablement perturbé ses activités et lui ont causé un tort irréversible étant donné que le syndicat a été décrit comme une organisation à craindre et sa réputation auprès de la société minée. Cela a été aggravé par le fait que la police a fait des déclarations unilatérales aux médias prétendant que le syndicat abritait des éléments extrémistes, allégation qui ne figure même pas dans l’acte d’accusation. L’organisation plaignante estime que ces faits démontrent clairement l’intention des autorités d’isoler le syndicat et de miner son image auprès de la société.
  18. 988. Dans sa communication datée du 16 mars 2004, la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) allègue que l’action des autorités chargées de l’application des lois est totalement disproportionnée par rapport aux délits initiaux et vise à nuire gravement à la capacité du syndicat d’exercer ses activités habituelles, ce qui contrevient clairement aux normes de l’OIT relatives à la liberté d’association.
  19. B. Réponse du gouvernement
  20. Cas de coercition
  21. 989. Dans une communication datée du 25 mai 2004, le gouvernement indique que, selon l’accusation dans ce cas, les faits sont les suivants. Les sept prévenus, qui appartenaient au siège du Syndicat des travailleurs du chemin de fer de l’Est du Japon (JREU) du district d’Omiya, organisation affiliée à l’organisation plaignante, ont estimé que la victime, qui était aussi membre du JREU et travaillait pour la compagnie de chemin de fer de l’Est du Japon (JR Est) en tant que conducteur, dérangeait le JREU. Ils avaient donc l’intention de faire en sorte qu’il s’exclue du syndicat et démissionne de son poste puisqu’il s’était joint à la campagne organisée par un autre syndicat hostile au JREU et qu’il avait donné de fausses excuses quand on lui en avait demandé les raisons.
  22. 990. Selon l’accusation, du 21 janvier à environ la fin juin 2001, les prévenus ont harcelé la victime 14 fois, criant des phrases comme «Hé, toi! Quitte le syndicat. On veut te faire démissionner de l’entreprise. On est des membres de la secte Kakumaru. On va t’alpaguer chaque fois qu’on te verra. On le fera jusqu’à ce que tu démissionnes, jusqu’à ce que tu en aies assez de nous entendre. Il est temps pour toi de penser à ton avenir.» Le gouvernement précise que la secte Kakumaru est le plus puissant des groupes violents d’extrême gauche au Japon, a suscité un certain nombre d’actes de terrorisme et de guérilla dans le passé et, aujourd’hui, est profondément infiltrée au sein de l’organisation plaignante et du JREU, qui est affilié à l’organisation plaignante. Le gouvernement indique que l’un des prévenus dans cette affaire est un membre de cette secte. Le gouvernement ajoute que, suite à leurs intimidations répétées, les prévenus ont fini par pousser la victime à quitter le JREU le 28 février 2001 et à quitter l’entreprise le 31 juillet de la même année.
  23. 991. Le gouvernement précise que l’enquête s’est déroulée selon les étapes suivantes: le 11 février 2002, la victime a déposé une plainte auprès du Département de police métropolitaine (MPD) concernant les faits susmentionnés. Suite à une enquête minutieuse, le MPD a constaté que les faits allégués constituaient un délit de coercition, en vertu de l’article 223, paragraphe 1, du Code pénal. Par conséquent, sur la base des mandats de perquisition délivrés par le tribunal correctionnel de Tokyo, le MPD a ordonné l’arrestation des prévenus le 1er novembre 2002. Ils ont été placés en détention le 3 novembre 2002 et mis en examen le 22 novembre suivant par le bureau du Procureur de district de Tokyo pour délit de coercition. Le gouvernement fournit dans sa communication des informations détaillées sur le procès lui-même, qui a déjà requis 19 sessions devant le tribunal, et qui en est actuellement à l’audition des témoins.
  24. 992. Le gouvernement indique également que les prévenus sont restés en détention après leur mise en examen. Leur représentant légal a demandé leur libération sous caution, ce que le tribunal de district de Tokyo a refusé une première fois. Elle a plus tard, le 1er août 2003, accepté leur libération sous caution. Cependant, le Procureur a interjeté appel de cette décision, laquelle a été annulée par la Haute Cour de Tokyo le 4 août 2003. Le représentant légal des prévenus a formé un appel extraordinaire auprès de la Cour suprême. Celle-ci a rejeté l’appel et maintenu la décision de la Haute Cour le 3 septembre 2003. En dernier lieu, le tribunal de district de Tokyo a prononcé la libération sous caution le 9 octobre 2003 et, bien que le Procureur ait interjeté appel de cette décision, la Haute Cour de Tokyo a rejeté cet appel le 10 octobre. Tous les prévenus ont donc été relâchés et sont désormais libres.
  25. 993. Le gouvernement rejette l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle l’arrestation des prévenus était illégale ou injuste puisque, à son avis, ces arrestations ont été effectuées conformément aux dispositions du Code de procédure pénale relatives aux «arrestations ordinaires» et fondées sur des mandats délivrés par un juge sur la base d’éléments objectifs de preuve qui démontraient l’existence de raisons plausibles de supposer que les actes des prévenus étaient constitutifs du délit de coercition. Le gouvernement souligne que, dans cette affaire, l’arrestation des prévenus a été justifiée par le fait que le délit qu’ils avaient commis était si méthodique, retors et cruel, qu’il impliquait de solides et plausibles présomptions à l’effet qu’ils risquaient de détruire, dissimuler ou altérer les éléments de preuve s’ils n’étaient pas arrêtés. Bien que certains actes syndicaux soient susceptibles de bénéficier d’une immunité de répression, à l’exception des actes violents comme établi à l’article 1, paragraphe 2, de la loi sur les syndicats, les prévenus dans cette affaire avaient harcelé la victime plusieurs fois sur une longue période, au point de l’exténuer mentalement et de le forcer, non seulement à se désaffilier du syndicat mais aussi à démissionner de son poste dans la compagnie. Ces actes machiavéliques étaient loin d’être appropriés de la part de membres d’un syndicat et étaient condamnés à être définis comme violents. C’est pourquoi l’immunité évoquée plus haut n’a pu s’appliquer en l’espèce.
  26. 994. Le gouvernement rejette comme non fondée l’affirmation du plaignant selon laquelle les perquisitions et saisies effectuées par le MPD étaient illégales ou injustes. Le gouvernement indique qu’en vertu du Code de procédure pénale un juge est compétent pour décider, par le biais d’un examen judiciaire préalable strict, non seulement si les autorités chargées d’enquêter peuvent ou non effectuer une perquisition et une saisie, mais aussi décider du lieu de la perquisition et des objets qui pourront être saisis. Le gouvernement reconnaît que le MPD a visité 72 lieux, dont le domicile des prévenus, au cours de l’enquête menée dans le cadre de cette affaire, et précise que tous les lieux perquisitionnés l’ont été sur la base d’une croyance raisonnable en la présence de preuves concrètes relatives au cas et que ces mêmes lieux avaient tous été désignés comme lieux de perquisition dans le mandat. Le gouvernement reconnaît également que le MPD a saisi 1 870 objets et documents au cours des perquisitions et ajoute que chacun de ces objets et documents avaient été désignés comme des biens à saisir dans le mandat du juge qui estimait qu’ils pouvaient avoir un rapport avec l’affaire. En conséquence, selon le gouvernement, toutes les saisies et perquisitions ont été effectuées après un examen strict du juge, conformément aux prescriptions établies par le Code de procédure pénale, et ces dernières étaient parfaitement légitimes et appropriées.
  27. 995. Le gouvernement ajoute que, compte tenu du fait que toute saisie entraîne inévitablement une restriction de la propriété, le MPD a porté une attention considérable au respect des droits des personnes impliquées dans cette affaire. Par conséquent, la police n’a jamais saisi de biens ou de documents qui n’avaient pas besoin de l’être et a rapidement restitué à leurs propriétaires tous ceux qui se sont avérés être, après analyse, moins en rapport avec l’affaire et moins nécessaires pour l’instruction à charge que la police ne l’avait initialement cru.
  28. 996. Le gouvernement rejette comme non fondée l’affirmation par l’organisation plaignante selon laquelle les prévenus auraient été détenus pour une période excessivement longue et estime qu’un tel type d’affirmation reflète simplement le mécontentement de l’organisation plaignante, eu égard au jugement rendu par la cour dans cette affaire. Le gouvernement rappelle que, considérant les faits pour lesquels la détention a été ordonnée, les actes commis par les prévenus sont constitutifs du délit de coercition, lequel est particulièrement vicieux en l’espèce puisqu’ils ont intimidé la victime plusieurs fois pendant une très longue période et l’ont poussée à démissionner de son poste et à mettre un terme à un emploi qui était son seul moyen de gagner sa vie. Bien que les actes incriminés n’aient pas impliqué de violence physique, il est évident qu’ils étaient prémédités et retors. Ils ne peuvent donc pas être qualifiés de «délit mineur», comme l’organisation plaignante l’affirme. En outre, compte tenu du fait que l’incident a eu lieu sur le lieu de travail et que l’intimidation découle uniquement de faits oraux, ce qui rend difficile le recueillement de preuves objectives et réelles, les organismes chargés de l’application des lois n’ont pu, dans cette affaire, se baser que sur les déclarations d’un nombre réduit de témoins oculaires et établir les faits en recueillant avec soin toutes les preuves possibles et les examiner avec minutie.
  29. 997. Le gouvernement ajoute que la procédure pénale au Japon vise à harmoniser deux éléments, soit de veiller au respect des droits fondamentaux des suspects ou des prévenus tout en permettant à la vérité de prévaloir. Par conséquent, la privation de liberté d’un suspect ou d’un prévenu est soumise à un contrôle strict des instances judiciaires, la protection des droits de la personne en détention étant pleinement garantie. La privation de liberté avant la mise en examen, l’arrestation ou la détention d’un individu sont effectuées dans un nombre limité de cas, en règle générale, après un contrôle judiciaire très strict, et le droit de déposer une plainte à l’encontre d’une décision de placement en détention est également garanti à tous. Une fois la mise en examen prononcée, le prévenu peut être détenu dans les cas où, entre autres, il existe une raison plausible de croire que l’accusé risque de détruire ou d’altérer les éléments de preuve ou de prendre la fuite. La période de détention dans ces cas est de deux mois après le prononcé de la mise en examen et, si la poursuite de la détention semble nécessaire, celle-ci peut être prolongée tous les mois par une décision énonçant les raisons concrètes avancées à cette fin. Le prévenu placé en détention ou son représentant légal peuvent aussi faire une demande de libération sous caution qui devrait être acceptée, sauf si le prévenu a commis un délit très grave, ou s’il existe des raisons plausibles de croire que le prévenu risque de détruire ou d’altérer des éléments de preuve, causer des dommages physiques ou endommager les biens des témoins ou des victimes ou risque de les menacer, ou s’il existe d’autres raisons telles que celles énoncées à l’article 89 du Code de procédure pénale. L’appréciation de l’existence ou non de ces conditions relève de la compétence de la Cour. En outre, un suspect ou un prévenu privé de liberté peut se voir refuser le droit de s’entretenir avec une personne autre que son représentant légal s’il existe des motifs raisonnables de croire que le suspect ou le prévenu pourrait ainsi détruire ou dissimuler des preuves.
  30. 998. Le gouvernement souligne de plus que la détention des prévenus en l’espèce a été prononcée légalement. Un contrôle judiciaire strict a été exercé chaque fois que la mise en détention a été prolongée d’un mois. Lorsque leur représentant légal a introduit un appel auprès de la Haute Cour de Tokyo, celle-ci a rejeté la demande en août 2003 au motif qu’il existait des raisons plausibles de croire que les prévenus risquaient de détruire ou d’altérer les preuves existantes s’ils étaient libérés sous caution. C’est pourquoi leur détention a été prolongée sans que cela n’ait posé le moindre problème, tant au niveau de la procédure que du fond. La Haute Cour en charge de l’examen de la demande d’appel a retenu comme motifs justifiant le refus de libération sous caution les liens entre la position des prévenus et les personnes impliquées dans l’affaire, la substance des audiences du tribunal, ainsi que l’attitude des prévenus en rapport à l’affaire, estimant qu’une libération sous caution au moment où l’audition du directeur et du sous-directeur du dépôt de trains à traction électrique d’Urawa est prévue impliquerait un risque que les prévenus conspirent ou exercent une influence sur les personnes liées à l’affaire pour qu’elles détruisent ou endommagent des éléments de preuve.
  31. 999. S’agissant de l’affirmation de l’organisation plaignante selon laquelle les droits syndicaux fondamentaux ont été violés lorsque les autorités ont décidé de prolonger leur détention sous prétexte que le syndicat était critique à l’égard de l’enquête, le gouvernement rappelle les circonstances de cette affaire, à savoir que cette affaire doit être appréciée dans le contexte de l’organisation concernée et que les prévenus ont nié les charges qui pesaient contre eux, justifiant donc la crainte qu’ils puissent détruire ou endommager les preuves. Le gouvernement ajoute que l’on ne peut déduire de la conclusion qui précède que les autorités violent les droits fondamentaux du syndicat. Lorsque la Cour a examiné l’appel dont elle a été saisie, elle a considéré que «l’on ne peut affirmer à ce stade, compte tenu de la nature de l’affaire et également des circonstances de l’audience par la Cour, qu’ils ont été détenus pour une période excessivement longue».
  32. 1000. Finalement, le gouvernement souligne que, lorsque le tribunal de district de Tokyo a accepté, le 9 octobre 2003, la libération des prévenus sous caution et que la Haute Cour de Tokyo a rejeté l’appel interjeté par le Procureur le 10 octobre, ces deux instances ont approuvé la libération sous caution à la condition qu’il leur soit interdit d’entrer en contact avec les témoins devant être entendus ultérieurement, étant donné que l’audition de témoins importants avait déjà eu lieu. Ainsi, le jugement n’impliquait pas que les décisions antérieures refusant d’accorder la libération sous caution étaient inappropriées.
  33. 1001. Quant à l’interdiction d’avoir des entretiens au cours de la détention, le gouvernement indique que, bien que la Cour ait interdit aux prévenus après leur mise en examen de s’entretenir avec des personnes autres que leur représentant légal, elle a levé une partie de cette interdiction en autorisant la visite des familles. Le gouvernement est d’avis que cette mesure était appropriée, compte tenu de la nature et de la teneur du cas, des liens entre la position des prévenus et des autres personnes impliquées, les conditions dans lesquelles les audiences ont été menées et l’attitude des prévenus dans le cadre de cette affaire.
  34. 1002. Le gouvernement estime non fondée, en droit ou en faits, l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle la police aurait publié un communiqué de presse biaisé sur l’enquête menée dans le cadre de cette affaire dans le but d’isoler socialement et d’affaiblir l’organisation plaignante. Le gouvernement indique que tous les faits invoqués dans le communiqué de presse du MPD sur l’enquête menée dans le cadre de cette affaire sont soit vrais, soit considérés comme tels sur la base de motifs raisonnables. Ainsi, selon le gouvernement, il est vrai que le document en question contenait des informations d’ordre privé sur les prévenus, comme leur nom, et il est indéniable que, de manière générale, un communiqué de presse publié par les forces de police concernant une enquête pénale peut attenter à la vie privée d’un suspect. Toutefois, aux termes des lois et des précédents judiciaires du Japon, un acte de diffamation n’est pas illicite, d’un point de vue tant pénal que civil, s’il s’avère que celui-ci porte sur des questions d’intérêt public, a été commis uniquement pour le bien du public et s’il est démontré que les faits allégués sont, dans une importante mesure, avérés. Aussi, un acte de diffamation n’est pas illicite, d’un point de vue tant pénal que civil, si la personne alléguant les faits en question a des motifs raisonnables de croire en la véracité de ces faits même lorsque la preuve de leur véracité n’a pas été apportée. Par conséquent, indépendamment qu’un communiqué des autorités de police nuise grandement ou non à la réputation sociale d’un suspect, un tel communiqué ne sera pas illicite s’il porte sur des questions d’intérêt public et s’il a été publié uniquement pour le bien du public, ou si les faits qui y sont mentionnés sont avérés ou si la police a des motifs raisonnables de croire que ces faits sont avérés même s’il s’avère finalement qu’ils ne l’étaient pas. En l’espèce, il a été démontré que le communiqué de presse précité avait trait à des questions d’intérêt public et qu’il avait été publié non pas dans le but d’isoler et d’affaiblir socialement l’organisation plaignante mais uniquement dans l’intérêt du public, de son droit à être informé. Les faits allégués dans ce communiqué étaient limités à l’énonciation de la vérité objective ou à ce qui, à l’époque des faits, était considéré comme tel pour des raisons appropriées. Le gouvernement conclut donc que le communiqué en question était parfaitement légal.
  35. 1003. Le gouvernement rejette également comme non fondée l’affirmation de l’organisation plaignante selon laquelle le communiqué de presse, qui faisait allusion à la «participation d’éléments extrémistes» et faisait référence aux liens existant entre le JREU et la secte Kakumaru ont nui à la réputation sociale du JREU. Le gouvernement rétorque que les autorités de police s’étaient rendu compte, en analysant des cas antérieurs concernant la secte Kakumaru, du fait que cette secte avait profondément infiltré l’organisation plaignante et son affilié, le JREU. Ce fait avait déjà été révélé devant la Diète en novembre 2000 et février 2001, avant que la présente affaire ne fasse l’objet d’une enquête, par le Directeur des services de sécurité de la police nationale, en réponse aux questions de parlementaires des membres de la Diète. De plus, plusieurs journaux avaient déjà reproduit le contenu de déclarations du gouvernement précédent, en décembre 2000. Selon le gouvernement, cela implique que la relation entre, d’une part, l’organisation plaignante (JRU) et son affilié le JREU et, d’autre part, la secte Kakumaru était déjà connue du grand public lorsque le communiqué de presse en question a été publié.
  36. Violation de la loi sur la répression
  37. des actes violents et apparentés
  38. 1004. Pour ce qui est de la violation de la loi sur la répression des actes violents et apparentés, le gouvernement indique que les principaux aspects de l’affaire, tels qu’ils sont apparus à l’issue de l’enquête, sont les suivants. Le syndicat de JR Toukai, affilié à l’organisation plaignante, a tenu une assemblée devant la gare de Tokyo, le 21 juin 2002, afin de protester contre le transfert d’un membre du comité exécutif, qui avait dû quitter la société JR Toukai parce qu’il n’avait pas obéi aux ordres qui lui avaient été donnés dans le cadre de son travail. Les trois suspects dans cette affaire étaient des membres du comité exécutif de l’organisation plaignante et ont participé à l’assemblée afin d’appuyer la lutte du syndicat de JR Toukai. Ils se sont aperçus de la présence d’un contremaître employé par la société susmentionnée (la victime) qui observait les manifestants afin de les empêcher de commettre un délit (comme pénétrer dans les locaux de la société). Les suspects ont ensuite essayé de le menacer et de l’attaquer avant de l’entourer et d’user de violence contre lui, le tirant par le bras et les pans de sa veste. Le gouvernement ajoute que, le 21 juin 2002, le jour même de cet incident, la victime a porté plainte auprès du MPD pour agression physique. A l’issue d’une enquête minutieuse, le MPD a conclu que les actes mentionnés constituaient une violation de la loi relative à la répression des actes violents et apparentés. En conséquence, le MPD a donc mené l’enquête nécessaire et interrogé les suspects à plusieurs reprises sans les mettre en état d’arrestation.
  39. 1005. Le gouvernement rejette, comme non fondée, l’affirmation de l’organisation plaignante selon laquelle la perquisition menée par le MPD et la saisie effectuée étaient illégales ou injustes. Le gouvernement reconnaît que la police a perquisitionné 35 lieux, y compris le domicile des suspects, dans le cadre de l’enquête ouverte concernant cette affaire et ajoute qu’il y avait lieu de croire que tous les lieux perquisitionnés recelaient des preuves réelles liées à l’affaire et que chacun d’entre eux avaient été dûment désignés dans le mandat délivré. Le gouvernement reconnaît également que 1 039 objets et documents divers ont été saisis à l’occasion de ces perquisitions et précise que chacun de ces objets et documents avaient été désignés, dans le mandat, comme devant être saisis car il existait des raisons de croire qu’ils étaient liés à l’affaire. Par conséquent, le gouvernement estime que toutes les perquisitions et toutes les saisies ont été menées après qu’un juge ait procédé à un examen judiciaire strict de l’affaire, conformément aux dispositions connexes du Code de procédure pénale, et qu’elles étaient parfaitement légitimes et appropriées.
  40. 1006. Le gouvernement ajoute que, compte tenu de l’attention accordée au fait que la saisie entraîne inévitablement une atteinte à la propriété, le MPD a accordé une attention considérable aux droits des personnes impliquées dans cette affaire. La police n’a donc jamais saisi d’objets ou de documents dont la saisie n’était pas nécessaire et a restitué les objets saisis à leurs légitimes détenteurs lorsqu’il s’est avéré, suite à l’examen de ces pièces, qu’ils avaient moins de rapport avec l’affaire et qu’ils étaient moins nécessaires à l’accusation que la police ne l’avait initialement supposé.
  41. Violation de propriété privée
  42. 1007. Pour ce qui est de l’allégation de violation de propriété privée, le gouvernement indique que les grandes lignes de l’affaire, telles que révélées par l’enquête menée par le MPD et d’autres organismes d’enquête, sont les suivantes: les 11 suspects qui appartenaient au siège du JREU du district de Tokyo ont pénétré, le 13 juin 2003, dans plusieurs ensembles résidentiels de la zone de Tabata-shinmachi, Kita-ku, à Tokyo, sans y avoir été autorisés par les résidents ou concierges (les victimes), pour distribuer une quantité importante de tracts dans lesquels il était demandé aux autorités chargées de l’application des lois de relâcher les prévenus incarcérés dans le cadre de l’affaire susmentionnée de coercition. Le 14 juin 2003, c’est-à-dire le lendemain, l’une des victimes a porté plainte auprès du MPD pour violation de propriété privée, suivie bientôt par d’autres victimes. Grâce à une enquête minutieuse, le MPD a estimé que les actes mentionnés étaient constitutifs du délit de violation de propriété privée tel qu’établi à l’article 130 du Code pénal. Le MPD a mené l’enquête nécessaire jusqu’au 23 février 2004. Le bureau du Procureur du district de Tokyo a décidé, le 24 mars 2004, de ne pas mettre en examen les suspects impliqués dans cette affaire en raison des faibles dommages causés et du fait qu’ils ont reconnu avoir violé la propriété privée.
  43. 1008. Le gouvernement estime non fondée l’affirmation de l’organisation plaignante selon laquelle les perquisitions et les saisies effectuées par le MPD étaient illégales ou injustes. Le gouvernement reconnaît que 63 lieux ont été perquisitionnés, y compris le domicile des suspects, au cours de l’enquête menée dans le cadre de cette affaire, et ajoute qu’il y avait lieu de croire que tous les lieux perquisitionnés recelaient des preuves réelles liées à l’affaire et que chacun d’entre eux avaient été dûment désignés dans le mandat délivré. Le gouvernement reconnaît également que 1 251 objets et documents divers ont été saisis à l’occasion de ces perquisitions et précise que chacun de ces objets et documents avaient été désignés, dans le mandat, comme devant être saisis car il existait des raisons de croire qu’ils étaient liés à l’affaire. Par conséquent, le gouvernement est d’avis que toutes les perquisitions et saisies ont été effectuées après un examen judiciaire strict de la part du juge, conformément aux prescriptions connexes établies dans le Code de procédure pénale, et qu’elles étaient parfaitement légitimes et appropriées.
  44. 1009. Le gouvernement ajoute que, compte tenu de l’attention accordée au fait que la saisie peut porter atteinte à la propriété, le MPD a accordé une attention considérable aux droits des personnes impliquées dans cette affaire. La police n’a donc jamais saisi d’objets ou de documents dont la saisie n’était pas nécessaire et a rapidement restitué les objets saisis à leurs légitimes détenteurs lorsqu’il s’est avéré, suite à l’examen de ces pièces, qu’ils avaient moins de rapport avec l’affaire et qu’ils étaient moins nécessaires à l’accusation que la police ne l’avait initialement supposé. De plus, les objets saisis qui sont toujours entre les mains de la justice seront bientôt restitués, puisque leur analyse est terminée.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1010. Le comité note que le présent cas concerne des allégations selon lesquelles, sous le prétexte de certains incidents mineurs, la police a mené des opérations massives contre l’organisation plaignante et ses affiliés, incluant l’arrestation et l’incarcération de sept responsables et membres syndicaux durant dix mois, la perquisition de 134 locaux syndicaux ainsi que du domicile de dirigeants syndicaux, et la saisie de 2 757 biens syndicaux, ce qui a sérieusement entravé les activités du syndicat et entaché sa réputation auprès du public.
  2. 1011. Le comité relève qu’un responsable syndical et six membres du JREU, affilié à l’organisation plaignante (M. Kunio Yanaji, employé permanent du syndicat et MM. Satoru Yamada, Jyun-ichi Uehara, Shuichi Saito, Kakunori Oguro, Tomio Yatsuda et Keiitsu Ohma, membres du syndicat) ont été accusés du délit de coercition sur la base du fait qu’ils ont, du 21 janvier à environ la fin du mois de juin 2001, intimidé un autre membre du syndicat à 14 reprises, le poussant ainsi à quitter le syndicat le 28 février 2001 et à démissionner de la société des chemins de fer JR Est le 31 juillet de la même année. Selon le gouvernement, le 11 février 2002, la victime a porté plainte auprès du Département de police métropolitaine (MPD) pour coercition. Le MPD a arrêté les accusés le 1er novembre 2002, sur la base d’un mandat d’arrêt judiciaire. Selon le gouvernement, l’arrestation des accusés était justifiée car le délit commis était si méthodique, retors et cruel qu’il y avait raisonnablement lieu de craindre que des éléments de preuve auraient pu être détruits, dissimulés ou endommagés si les accusés avaient été laissés en liberté.
  3. 1012. Le comité relève également que les accusés ont été arrêtés le 1er novembre 2002, placés en détention le 3 novembre 2002, et remis en liberté le 10 octobre 2003, et qu’ils sont donc restés incarcérés pendant plus de onze mois. Plusieurs demandes de libération sous caution ont été rejetées par la justice pour éviter la destruction de preuves et la fuite des prévenus. Le comité relève que, selon le gouvernement, la détention préventive s’achève en règle générale à compter de deux mois, en vertu de la loi. Toute prolongation ultérieure doit être renouvelée chaque mois par une ordonnance motivée du juge présentant les raisons concrètes pour lesquelles la prolongation de la détention est demandée. Le comité note que les raisons invoquées en l’espèce pour prolonger la détention de neuf mois supplémentaires étaient, comme l’indique le gouvernement, le lien existant entre la position des accusés et les personnes impliquées dans l’affaire, la teneur des audiences à la Cour et la réaction des accusés aux chefs d’inculpation. Plus spécifiquement, le gouvernement souligne que, si les accusés avaient été libérés sous caution au moment où le directeur et le sous-directeur du dépôt de trains à traction électrique d’Urawa devaient être auditionnés, il y avait raisonnablement lieu de craindre qu’ils conspirent ou incitent les personnes impliquées dans l’affaire à détruire ou endommager les preuves. Le comité relève que c’est visiblement pour ces mêmes raisons que les sept accusés n’ont pas été autorisés à recevoir de visites autres que celles de leurs familles et de leur représentant légal, de sorte qu’ils n’ont pu avoir aucun contact avec d’autres responsables et membres syndicaux. Le comité relève par ailleurs que le procès des sept accusés est en instance devant le tribunal de district de Tokyo. L’organisation plaignante demande leur acquittement, arguant du fait que le délit de coercition ne s’applique pas aux éléments de fait relatifs à ce cas.
  4. 1013. Le comité rappelle qu’en général les mesures de détention préventive peuvent impliquer une grave ingérence dans les activités syndicales, ce qui ne peut être justifié que par l’existence d’une crise ou situation sérieuse et qui pourrait donner lieu à des critiques, à moins qu’elle ne soit accompagnée de garanties judiciaires appropriées, mises en œuvre dans des délais raisonnables. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 85.] Le comité note que dans ce cas, même si la durée de la détention préventive a excédé la limite générale de deux mois établie par la loi, chaque extension fut ordonnée dans le cadre de procédures judiciaires. Le comité prend note du fait que les sept responsables et membres syndicaux accusés de coercition ont été libérés pendant que leur procès est en instance devant le tribunal de district de Tokyo. Il demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la procédure judiciaire et de lui communiquer le jugement final dès qu’il sera rendu.
  5. 1014. Le comité prend note du fait que, selon le gouvernement, pour pouvoir enquêter sur ce délit, 72 locaux syndicaux ainsi que le domicile de plusieurs des membres et responsables syndicaux ont dû être perquisitionnés et 1 870 biens saisis, sur la base des mandats délivrés par les tribunaux, et ce après l’arrestation et le placement en détention des sept accusés. Le comité observe que des perquisitions ont également été effectuées en 2003 à la suite de deux incidents. Le 12 juin 2003, la police a perquisitionné, comme l’indique le gouvernement, 35 lieux, y compris le domicile du président de l’organisation plaignante, de deux vice-présidents et du secrétaire général, et 1 039 objets y ont été saisis. Ces opérations ont été menées afin d’enquêter sur un incident survenu un an plus tôt, le 21 juin 2002, qui tombait sous le coup de la loi sur la répression des actes violents et apparentés. Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement concernant l’incident entre les membres du syndicat de JR Toukai et un employé de la société des chemins de fer JR Toukai. En outre, le comité relève qu’en septembre-octobre 2003 la police a perquisitionné 63 lieux et saisi 1 251 pièces diverses dans le cadre de l’enquête menée au sujet de l’incident relatif à la violation de propriété privée qui, selon le gouvernement lui-même, a causé très peu de dommages. Cet incident impliquait 11 syndicalistes qui ont distribué des tracts réclamant la libération des sept accusés dans les boîtes aux lettres d’un ensemble résidentiel de Tokyo, sans y avoir été autorisés par les résidents ou les gardiens.
  6. 1015. Le comité relève que, selon l’organisation plaignante, les perquisitions ont été effectuées sur la base de mandats judiciaires excessivement larges, ordonnant la saisie de toutes sortes de pièces à conviction ayant trait à «la formation, l’histoire, les principes, la doctrine, la politique, la structure syndicale, les activités et le financement» de la JRU, pièces qui, selon l’organisation plaignante, sont totalement sans rapport avec les allégations. Parmi les pièces prétendument saisies figurent des listes d’affiliés, des livres comptables, des documents relatifs à des procès, des documents relatifs à des procédures judiciaires, des ordinateurs, des téléphones portables, des livrets, des dossiers, des livres et des magazines. La saisie de ces objets, selon l’organisation plaignante, a eu des conséquences négatives sur les activités quotidiennes du syndicat. Plus particulièrement, la confiscation de documents liés à la procédure judiciaire engagée a gêné les efforts du syndicat pour défendre ses membres au tribunal. Selon le gouvernement, le nombre important de lieux à perquisitionner et d’objets à saisir énumérés dans les mandats était justifié par le fait que les forces de police ne disposaient que des dépositions d’un nombre restreint de témoins oculaires et ne pouvaient établir les faits qu’en recueillant méticuleusement un large éventail d’éléments de preuve et en les examinant étroitement. Toutes les perquisitions et les saisies ont été effectuées sous le contrôle strict d’un magistrat, conformément aux prescriptions pertinentes du Code de procédure pénale, et étaient parfaitement légitimes et appropriées. Le MPD a rapidement restitué à leurs propriétaires les objets dont il s’est ensuite avéré, après examen, qu’ils étaient moins en rapport avec l’affaire et moins nécessaires à l’établissement des faits que le MPD ne l’avait initialement supposé. Le comité note également que, dans le cadre de l’incident relatif à la violation de propriété privée, le gouvernement indique que les objets saisis, qui sont toujours entre les mains des autorités, seront prochainement restitués à leurs propriétaires puisque leur analyse est terminée.
  7. 1016. Bien qu’il ait pris bonne note du fait que les perquisitions ont été effectuées sur la base d’un mandat délivré par l’autorité judiciaire, le comité note que le gouvernement n’a pas précisé les motifs sur la base desquels les tribunaux ont ordonné la perquisition de lieux autres que le domicile des personnes accusées de coercition, et donc de perquisitionner un nombre important de locaux syndicaux ainsi que le domicile de responsables et membres syndicaux qui n’étaient pas inculpés. Le gouvernement n’a pas non plus indiqué les raisons pour lesquelles les saisies ne concernaient pas seulement des objets ayant trait aux délits visés par l’enquête mais aussi le fonctionnement interne du syndicat plaignant (JRU). Le comité rappelle que la partie défenderesse dans ce cas n’est pas la JRU mais sept de ses responsables et membres, inculpés, en outre, sur la base du droit pénal ordinaire. Le comité rappelle que les condamnations dont font l’objet, sur la base du droit pénal ordinaire, certains syndicalistes ne devraient pas conduire les autorités à adopter une attitude négative à l’égard de l’organisation même dont ces personnes font, avec d’autres, partie. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 66.] Cela est d’autant plus pertinent dans le présent cas où aucune condamnation n’a encore été prononcée et que la procédure en est au stade de l’examen des preuves. De plus, le comité rappelle qu’il a souligné l’importance du principe selon lequel les biens syndicaux devraient jouir d’une protection adéquate. A propos des perquisitions effectuées dans les locaux syndicaux, la résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés publiques, adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 54e session (1970) énonce que le droit à une protection adéquate des biens des syndicats constitue l’une des libertés civiles essentielles à l’exercice normal des droits syndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 184 et 204.] Notant que les perquisitions et les saisies contre le syndicat plaignant et ses membres ont apparemment cessé, le comité demande instamment au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les objets confisqués qui n’ont pas de lien direct avec les faits de l’affaire soient immédiatement restitués à l’organisation plaignante et de le tenir informé à cet égard. Il demande également au gouvernement de s’assurer que les procédures judiciaires en cours n’entraveront pas le libre exercice d’activités syndicales.
  8. 1017. Le comité note en outre que l’organisation plaignante affirme que la police a causé un préjudice considérable à sa réputation en publiant par voie de presse une déclaration tendancieuse faisant allusion à la présence d’extrémistes au sein du syndicat, accusation qui ne figure pas dans l’acte d’accusation. Le comité note qu’en réponse à cette allégation le gouvernement indique que: 1) selon l’acte d’accusation, les sept responsables et membres syndicaux sont accusés d’avoir proféré des menaces verbales en déclarant, notamment, «j’appartiens à la secte Kakumaru»; 2) cette secte est le plus puissant de tous les groupes violents d’extrême gauche du Japon et a été par le passé à l’origine d’un certain nombre d’actes terroristes et de guérilla; 3) actuellement, la secte est profondément infiltrée dans les rangs de l’organisation plaignante et de son affilié, le JREU, et l’un des plaignants est membre de cette secte; 4) la déclaration faite par la police n’est pas illégale puisqu’elle porte sur des questions d’intérêt public et que la police avait raisonnablement lieu de penser que les informations qu’elle contenait étaient véridiques même s’il s’avère qu’elles ne le sont finalement pas; 5) les liens entre l’organisation plaignante, le JREU et la secte Kakumaru sont connus du public depuis de précédentes enquêtes de police et avaient déjà été révélés par le Directeur du service de la sécurité de la police nationale lors d’interventions devant la Diète, en novembre 2000 et février 2001; et 6) plusieurs journaux avaient reproduit, en décembre 2000, des déclarations faites par le précédent gouvernement sur ce point.
  9. 1018. S’agissant des observations du gouvernement, le comité constate que l’infiltration alléguée de l’organisation plaignante par la secte Kakumaru ne figure pas dans les chefs d’inculpation et que, par conséquent, le tribunal n’est pas compétent pour se prononcer sur ce point. Le comité considère que la police devrait s’abstenir de toute déclaration qui pourrait porter préjudice à la réputation d’organisations syndicales aussi longtemps que les faits en question n’auront pas été corroborés par les autorités judiciaires.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1019. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prend note du fait que sept responsables et membres syndicaux accusés de coercition ont été remis en liberté alors que leur procès est en instance devant le tribunal de district de Tokyo. Il demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution des procédures judiciaires et de lui communiquer le jugement final dès qu’il sera rendu.
    • b) Notant que les perquisitions et saisies ordonnées contre l’organisation plaignante et ses membres ont apparemment cessé, le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les objets saisis restants, qui n’ont pas de lien direct avec les éléments de fait du présent cas, soient immédiatement restitués au plaignant et de le tenir informé à ce sujet. Il demande également au gouvernement de s’assurer que les procédures judiciaires en cours n’entraveront pas le libre exercice d’activités syndicales.
    • c) Le comité considère que la police devrait s’abstenir de toute déclaration qui pourrait porter préjudice à la réputation d’organisations syndicales aussi longtemps que les faits en question n’auront pas été corroborés par les autorités judiciaires.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer