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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 326, Novembre 2001

Cas no 2094 (Slovaquie) - Date de la plainte: 18-JUIL.-00 - Clos

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  1. 478. Dans des communications datées du 18 juillet 2000 et du 26 juillet 2001, l’Association syndicale des cheminots a présenté une plainte pour violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de la Slovaquie.
  2. 479. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications en date des 13 octobre et 24 novembre 2000, et du 24 mai 2001.
  3. 480. La Slovaquie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 481. Dans sa communication datée du 18 juillet 2000, l’Association syndicale des cheminots a expliqué qu’elle n’avait pas été en mesure de signer une convention collective pour l’année 2000 avec la Société de chemins de fer de la République slovaque (ZSR), en dépit de l’intervention d’un médiateur. Le différend qui opposait les parties avait trait à une augmentation salariale des cheminots pour l’année 2000. Face à cette impasse, l’organisation plaignante, en conformité avec les dispositions de la loi no 2/1991 relative à la négociation collective avait informé la direction de la ZSR de son intention de recourir à la grève. Conformément à l’article 17(1) de ladite loi, les travailleurs sont en droit de déclencher une grève concernant un différend relatif à la signature d’une convention collective au sein d’une société, si au moins la moitié du personnel concerné par cette convention est favorable à la grève. En outre, l’article 17(5) de la loi dispose que le syndicat doit présenter à l’employeur, au moins un jour ouvrable avant le début de la grève, une liste des travailleurs qui participeront à la grève.
  2. 482. L’organisation plaignante a déclaré qu’une fois que la direction de la ZSR a été informée de son intention de recourir à la grève la direction a lancé une vaste campagne médiatique, utilisant les voies d’informations officielles, afin d’intimider les cheminots. Par exemple, en mars 2000, dans une allocution à tous les salariés de la ZSR, le directeur général de cette société a déclaré quant à l’éventualité d’une grève: «je considère qu’il est de mon devoir d’avertir tous les salariés de la ZSR que cette situation risque d’avoir un effet négatif sur la réception des fonds nécessaires au paiement des salaires de février 2000 des salariés de la ZSR». En outre, dans un entretien accordé au quotidien Pravda, le 1er mars 2000, le directeur général de la ZSR a déclaré que si les travailleurs devaient se mettre en grève, et qu’en conséquence les salaires devaient être augmentés, le nombre de travailleurs devant être licenciés en raison de difficultés financières serait inévitablement plus élevé. De plus, dans une lettre adressée à la Confédération des syndicats de la République slovaque, l’un des directeurs de la ZSR a déclaré qu’en cas de licenciements «les premiers employés à être licenciés seraient ceux dont le nom figure sur la liste des signataires favorables à la grève».
  3. 483. A la suite de cette campagne d’intimidation de la part de la direction de la ZSR, l’organisation plaignante a expliqué que, dans la mesure où elle ne pouvait pas garantir le succès de la grève, elle avait accepté de reprendre les négociations et avait finalement approuvé une augmentation salariale équivalant à la moitié de ce qu’elle avait initialement demandé. Compte tenu de ce qui précède, l’organisation plaignante a déclaré que les dispositions de la loi no 2/1991 relative à la négociation collective empêchaient en fait les travailleurs d’exercer véritablement leur droit de grève dans la mesure où il fallait que plus de la moitié des salariés concernés par la convention collective soit favorable à l’action de grève et, plus important encore, que le syndicat soumette à l’employeur une liste des travailleurs qui participeraient à la grève, ce qui exposait ces derniers à des actes d’intimidation, de discrimination, voire à terme à un licenciement. Enfin, l’organisation plaignante a expliqué qu’au cours de la négociation du Conseil de concertation économique et sociale le 31 mars 2000 la proposition d’amendement de la loi no 2/1991 concernant l’obligation de présenter une liste des travailleurs participant à la grève, faite par la Confédération des syndicats de la République slovaque, avait été rejetée.
  4. 484. Dans une communication récente, datée du 26 juillet 2001, l’organisation plaignante a reconnu qu’à la suite de négociations le gouvernement avait accepté d’amender les articles 17(1) et (5) de la loi, qu’en vertu de la loi modifiée toute décision d’appel à la grève serait soumise au consentement de plus de la moitié des travailleurs participant au scrutin en faveur de la grève ou contre celle-ci, et que le syndicat ne serait plus tenu de communiquer une liste des employés participant à la grève. Toutefois, l’organisation plaignante a expliqué que le recours à la grève n’était possible que dans le contexte de la négociation d’une convention collective. En outre, depuis le dépôt de la plainte, un nouveau conflit social a éclaté entre la ZSR et l’organisation plaignante à propos de la restructuration de la Société des chemins de fer de la République slovaque, et, une fois de plus, la direction de la ZSR a eu recours à l’intimidation pour dissuader les travailleurs d’exercer leur droit de grève.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 485. Dans sa communication du 24 mai 2001, le gouvernement a indiqué qu’en 1999, conformément aux observations faites par la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, il préparait des amendements à la loi no 2/1991. Le gouvernement négociait les amendements proposés en consultation avec les partenaires sociaux ainsi que sur la base des recommandations de l’OIT. Les propositions d’amendements seraient soumises au Parlement slovaque à la fin de mai 2001. On trouvera ci-après les amendements en question. L’article 17(1) prévoit, entre autres dispositions, que la grève doit être approuvée par une majorité absolue ou sans équivoque des suffrages exprimés par les salariés. L’article 17(8)(c) prévoit que le syndicat doit notifier l’employeur par écrit au moins trois jours ouvrables avant le début de la grève et doit fournir à ce dernier une liste des représentants du syndicat habilités à représenter les participants à la grève. L’article 17(9) prévoit que le syndicat doit donner à l’employeur, au moins deux jours ouvrables avant le début de la grève, des renseignements qui lui permettront de prendre les mesures nécessaires à la poursuite des activités et des services essentiels pendant la grève; les activités et les services essentiels sont ceux dont l’interruption mettrait en danger la vie et la santé des salariés ou d’autres personnes et pourrait entraîner des dommages pour les machines, l’équipement et les instruments dont le fonctionnement, du fait de leurs caractéristiques, ne peut pas être interrompu.
  2. 486. Le gouvernement a ensuite expliqué l’objet de chacun de ces amendements. Il a déclaré que l’amendement de l’article 17(1) était en conformité avec le point de vue exprimé par la commission d’experts dans son étude d’ensemble de 1994, puisque la grève ne serait décidée qu’en fonction des suffrages exprimés par les travailleurs. En outre, la majorité et le quorum requis avaient été fixés à un niveau raisonnable, à savoir une majorité absolue ou sans équivoque — soit plus de la moitié des suffrages. Cette formule était un compromis accepté par les partenaires sociaux après les discussions menées en février et mars 2001.
  3. 487. Quant aux amendements contenus aux paragraphes (8) et (9) de l’article 17, le gouvernement a expliqué que la suppression de l’obligation pour le syndicat de fournir une liste des travailleurs participant à la grève avait pour objet d’éliminer la possibilité pour les employeurs de commettre des actes de discrimination antisyndicale à l’encontre des grévistes, ce qui était une des principales préoccupations des divers syndicats. L’énoncé proposé des paragraphes (8) et (9) de l’article 17 était une fois de plus le résultat d’un compromis obtenu au cours des discussions d’experts dans le cadre du partenariat social, ainsi qu’un effort en vue de se conformer aux vues exprimées par la commission d’experts de l’OIT et aux conventions de l’OIT.
  4. 488. En ce qui concerne les allégations d’intimidation et de violation des droits syndicaux au sein de la ZSR, le gouvernement a expliqué que le ministère du Travail, des Affaires sociales et de la Famille, avec la participation des partenaires sociaux (à savoir la Confédération des syndicats de la République slovaque et la Fédération des syndicats d’employeurs), avait mené des investigations quant au respect des droits syndicaux au sein de la ZSR. Ces investigations ont été menées conformément aux dispositions pertinentes du Code du travail du 18 décembre 2000 au 25 janvier 2001. Le bien-fondé des allégations d’intimidation et de menace de licenciement de certains travailleurs par la direction de la ZSR n’a pas pu être démontré dans les établissements de la société où les investigations ont été menées.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 489. Le comité note que le présent cas se rapporte à des allégations concernant une législation qui restreindrait le droit de grève ainsi qu’à des allégations d’intimidation et de violation des droits syndicaux au sein de la Société des chemins de fer de la République slovaque (ZSR).
  2. 490. En ce qui concerne l’aspect législatif de ce cas, le comité observe qu’en 1999 la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations avait formulé des observations sur certaines dispositions de la loi no 2/1991 relative à la négociation collective. Le comité note qu’à la suite de ces observations le gouvernement a proposé des amendements à la loi, en particulier à l’article 17(1), qui disposait initialement que le nombre de suffrages en faveur de la grève devait être supérieur à la moitié des travailleurs visés par la convention collective, et à l’article 17(5), en vertu de laquelle le syndicat était tenu de fournir à l’employeur une liste comportant le nom des travailleurs en grève. Le comité note que, selon le gouvernement, les nouveaux amendements à l’article 17 sont le résultat d’un compromis auquel il est parvenu après avoir mené des consultations et des négociations avec les partenaires sociaux. L’organisation plaignante a déclaré que sa proposition d’amender la loi avait été rejetée en mars 2000, ce qui l’avait conduite à présenter sa plainte en juillet 2000, mais le comité note que, selon le gouvernement, ces consultations ont eu lieu au début de 2001 et ont abouti au compromis relatif au projet d’amendement actuel qui devait être soumis au Parlement slovaque à la fin mai 2001. L’organisation plaignante a ultérieurement reconnu ces faits dans une récente communication de juillet 2001. Le comité note qu’en vertu du nouvel article 17(1) la décision de faire grève doit être approuvée à la majorité absolue des suffrages exprimés par les travailleurs, ce qui est conforme aux principes de la liberté syndicale.
  3. 491. En ce qui concerne l’article 17(5), le comité prend bonne note de la volonté du gouvernement de mettre sa législation en pleine conformité avec les conventions nos 87 et 98, mais observe que l’article 17(8)(c), tel qu’amendé, invite les syndicats à fournir à l’employeur une liste des représentants du syndicat habilité à représenter les participants à la grève. Tout en reconnaissant que cette disposition constitue une avancée puisque précédemment le syndicat devait fournir la liste de tous les participants à la grève, le comité considère néanmoins que l’application pratique de la disposition en question pourrait conduire à une discrimination ou à des représailles à l’encontre des représentants syndicaux dont le nom figurerait sur la liste. Le comité rappelle que la protection contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux si l’on veut qu’ils puissent remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance. En outre, le comité tient à insister sur le fait que les intérêts professionnels et économiques que les travailleurs défendent par le droit de grève se rapportent non seulement à l’obtention de meilleures conditions de travail ou aux revendications collectives d’ordre professionnel, mais englobent également la recherche de solutions aux questions politiques, économiques et sociales et aux problèmes qui se posent à l’entreprise, et qui intéressent directement les travailleurs. [Voir Recueil de décisions et de principes du comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 479 et 724.] En conséquence, le comité prie le gouvernement de tenir pleinement compte de ces principes lors de la rédaction des amendements à l’article 17 afin de mettre sa législation en pleine conformité avec les principes de la liberté syndicale. Le comité veut croire que tous les amendements pertinents à la loi no 2/1991 relative à la négociation collective seront adoptés prochainement, et il invite le gouvernement à le tenir informé à cet égard. Il attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.
  4. 492. En ce qui concerne les allégations d’intimidation et de violation des droits syndicaux au sein de la ZSR, le comité prend note de l’affirmation du gouvernement selon laquelle une enquête a été menée entre décembre 2000 et janvier 2001 dans certains établissements de la ZSR. L’enquête, qui a été menée en collaboration avec les partenaires sociaux, n’a pas pu démontrer le bien-fondé de ces allégations. Néanmoins, compte tenu des déclarations publiques faites par la direction de la ZSR, apparues pour certaines dans les médias slovaques, et compte tenu des nouvelles allégations d’intimidation dans le contexte de la restructuration de la ZSR, le comité tient à rappeler que nul ne devrait faire l’objet de sanctions pour avoir déclenché ou tenté de déclencher une grève légitime. En outre, si le respect des principes de la liberté syndicale requiert que les pouvoirs publics fassent preuve d’une grande retenue en ce qui concerne toute intervention dans les affaires internes des syndicats, il est encore plus important que les employeurs fassent de même et veillent à ce que l’appartenance syndicale d’un travailleur ou l’exercice par ce dernier d’activités syndicales légitimes ne lui porte pas préjudice dans son emploi. Le comité veut croire que le gouvernement tiendra pleinement compte de ces principes à l’avenir.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 493. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de tenir pleinement compte des principes de la liberté syndicale lors de la rédaction des amendements à la loi no 2/1991 relative à la négociation collective, notamment en ce qui concerne l’article 17. Il veut croire que tous les amendements pertinents à ladite loi seront adoptés prochainement et invite le gouvernement à le tenir informé à ce sujet.
    • b) Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.
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