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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 324, Mars 2001

Cas no 2080 (Venezuela (République bolivarienne du)) - Date de la plainte: 09-MARS -00 - Clos

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  1. 995. La plainte figure dans une communication du Syndicat des travailleurs du métro de Caracas (SITRAMECA) en date du 9 mars 2000. Le gouvernement a répondu par des communications des 11 septembre 2000 et 16 février 2001.
  2. 996. Le Venezuela a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 997. Dans sa communication du 9 mars 2000, le Syndicat des travailleurs du métro de Caracas (SITRAMECA) indique que, le 1er septembre 1999, les deux syndicats du métro de Caracas (SITRAMECA et ASUTMETRO) se sont réunis en assemblée générale extraordinaire en vue d'opérer leur regroupement. SITRAMECA ajoute que ce processus d'unification a été contesté devant les tribunaux de la République en raison de graves erreurs juridiques qui en ont entraîné la dénaturation et la délégitimation et ont laissé sans protection les travailleurs du métro de Caracas, car l'entreprise ne reconnaît pas SITRAMECA; en conséquence, les deux organisations syndicales sont en train de passer des accords en vue de mettre en place un nouveau processus d'unification conforme aux lois en vigueur et de garantir une défense efficace des intérêts et des droits des travailleurs.
  2. 998. L'organisation plaignante ajoute qu'en date du 23 novembre 1999 le gouvernement de la République, par le truchement du ministre du Travail, a pris un arrêté ne portant pas de numéro par lequel il dissout une organisation syndicale en l'intégrant à une autre et légalise de manière arbitraire le processus d'unification qui avait été entrepris entre les deux syndicats, à savoir l'Association unitaire des travailleurs du métro de Caracas (ASUTMETRO) et le Syndicat des travailleurs du métro de Caracas (SITRAMECA), commettant ainsi un acte d'ingérence manifeste dans des affaires de nature syndicale, en violation des normes du travail applicables à cette procédure. D'après l'organisation plaignante, l'arrêté du ministre du Travail constitue une ingérence dans les affaires internes des organisations syndicales en question. Comme un processus d'unification avait été engagé entre ces dernières, c'est à elles qu'il revient de régler un éventuel conflit, et non à un haut fonctionnaire du gouvernement qui, en agissant comme il l'a fait, a violé l'article 3 de la convention no 87. En outre, par son acte, le ministre du Travail a dissous une organisation syndicale en l'intégrant à une autre, violant également l'article 4 de la convention no 87. L'organisation plaignante joint copie de l'acte du ministre du Travail en date du 23 novembre 1999.

B. Réponses du gouvernement

B. Réponses du gouvernement
  1. 999. Dans ses communications des 11 septembre 2000 et 16 février 2001, le gouvernement rejette catégoriquement la plainte, estimant que la décision de dissoudre ASUTMETRO a été prise de façon totalement libre et indépendante par l'assemblée du 26 août 1999, qui comptait un nombre de travailleurs suffisant pour pouvoir délibérer valablement. La proclamation de l'irréversibilité de l'unité syndicale contenue dans une résolution du 1er septembre 1999 de SITRAMECA et d'ASUTMETRO résulte du libre exercice de la liberté syndicale, et les élections se sont elles aussi déroulées sans intervention ni ingérence du gouvernement. Dans son arrêté, le ministre du Travail ne nomme pas les membres du comité syndical, il se borne simplement à indiquer l'identité des personnes désignées à l'issue du scrutin.
  2. 1000. Le gouvernement explique qu'en date du 20 août 1999 a été signé un accord entre les directions de l'Association unitaire des travailleurs du métro de Caracas (ASUTMETRO) et du Syndicat des travailleurs du métro de Caracas (SITRAMECA), d'une part, et les membres de l'Assemblée nationale constituante, d'autre part, en vue d'engager un processus de regroupement des deux syndicats. Le 26 août, ASUTMETRO a organisé une assemblée ordinaire conformément à l'accord du 20 août 1999, au cours de laquelle il a été décidé, entre autres choses, que ce syndicat serait automatiquement dissous une fois élue la nouvelle direction issue du processus électoral unitaire. Le 1er septembre 1999 a eu lieu la première assemblée générale unitaire extraordinaire qui a réuni un nombre suffisant de représentants des deux organismes syndicaux susmentionnés et au cours de laquelle ont été prises certaines décisions, par exemple:
  3. 1. La présente assemblée générale unitaire des travailleurs du métro se proclame formellement et de fait comme l'instance souveraine suprême qui déclare irréversible l'unité syndicale, la nomination d'une nouvelle direction syndicale issue de l'organisation d'une élection unitaire…
  4. 2. L'assemblée générale unitaire décide que toutes ses résolutions lient l'ensemble des travailleurs du métro et désigne comme garants de leur application effective les travailleurs eux-mêmes et les dirigeants des deux syndicats…
  5. 7. Dans un délai maximal de 45 jours à compter d'aujourd'hui (1er septembre 1999), l'assemblée générale unitaire des travailleurs pourra organiser une élection unitaire donnant le droit de vote à tous les travailleurs couverts par une convention collective, qu'ils soient ou non membres de l'un des deux (2) syndicats de l'entreprise, sous la forme d'une consultation universelle, directe et secrète de la base.
  6. 8. Il est décidé de créer une commission électorale préparatoire chargée de diriger et d'organiser l'élection, composée de neuf (9) travailleurs élus démocratiquement au sein de la présente assemblée générale unitaire; les travailleurs élus ne devront exercer aucune fonction dans les instances syndicales de l'entreprise ou dans le processus électoral unitaire…
  7. 1001. Le gouvernement déclare qu'à l'issue d'un recours judiciaire le tribunal a prononcé la nullité de l'assemblée dont la validité était contestée, les exigences de l'article 431 de la loi organique du travail n'ayant pas été respectées; le ministère du Travail a décidé de s'abstenir de donner une opinion concernant l'avis que les dirigeants syndicaux doivent donner à l'entreprise, étant donné que la Cour suprême de justice n'a pas encore rendu jugement dans le cadre d'un nouveau recours judiciaire qui lui a été soumis. Le gouvernement ajoute qu'à l'issue de cette assemblée a été publié le communiqué unitaire no 1 contenant les 12 résolutions prises, qui a été signé par MM. Francisco Torrealba (signataire de la plainte déposée auprès du Comité de la liberté syndicale) pour SITRAMECA et Oscar Aparicio pour ASUTMETRO. Ce communiqué, publié le 15 septembre 1999, indiquait aux travailleurs le délai de dépôt des candidatures et les conditions à remplir. Le scrutin a été ouvert le 20 octobre 1999 en présence des membres de la commission électorale unitaire, qui ont eux-mêmes clos le scrutin et donné les noms des personnes élues au comité exécutif et au tribunal disciplinaire. Le 25 octobre de la même année, la commission a fait prêter serment aux membres du nouveau comité exécutif et du tribunal disciplinaire.
  8. 1002. Cependant, le gouvernement ajoute qu'avant la prestation de serment plusieurs candidats insatisfaits avaient déposé des réclamations qui ont donné lieu, en date du 13 octobre 1999, à une décision de la commission électorale unitaire dont voici les points essentiels:
  9. 1. La commission jouit d'une autorité et d'une autonomie pleines et entières pour faire avancer de manière irréversible le processus électoral unitaire, conformément au mandat que lui a confié l'assemblée générale unitaire du 1er septembre 1999.
  10. 3. Compte tenu de la nature de ce processus, le cadre légal de son action est constitué par les résolutions de l'assemblée générale unitaire extraordinaire du 1er septembre, laquelle n'a prévu aucune interdiction concernant les candidatures.
  11. 4 La commission a reçu avec retard les documents invoqués à l'appui des réclamations présentées à l'encontre de certains candidats.
  12. 5. Ces réclamations auraient dû être soumises à l'assemblée générale unitaire extraordinaire du 1er septembre 1999 en vue de préciser les conditions à remplir pour postuler.
  13. 1003. L'arrêté du ministre du Travail en date du 23 novembre 1999 ne fait que rendre compte des résultats de l'élection et reconnaître la légitimité du processus d'unification des syndicats (le 10 décembre 1999, un travailleur de l'entreprise s'est pourvu contre cet arrêté devant la Cour suprême de justice; la procédure en est au stade préliminaire et le gouvernement communiquera le jugement dès qu'il aura été rendu).
  14. 1004. A cet égard, force est de constater qu'au cours de l'assemblée générale unitaire extraordinaire du 1er septembre 1999, au cours de laquelle le regroupement des deux syndicats a été proclamé, décision a été prise d'organiser une élection unitaire à laquelle tous les travailleurs, membres ou non des deux syndicats existants de l'entreprise, pourraient participer. Il a également été décidé de centrer le processus d'unification sur le syndicat comptant le plus grand nombre de membres, ASUTMETRO ayant décidé de se dissoudre dans le but d'assurer l'unité syndicale. Les allégations selon lesquelles le ministère du Travail est responsable de la dissolution de l'organisation syndicale sont totalement fallacieuses, car cette dissolution résulte en réalité d'une décision libre et indépendante d'ASUTMETRO, comme il appert de l'accord du 20 août 1999. Le gouvernement rejette donc de manière catégorique l'accusation fallacieuse de violation de l'article 4 de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
  15. 1005. La décision de se regrouper prise de manière concertée par ces syndicats est un parfait exemple de recours au principe de la liberté syndicale, consacré par la convention no 87, qui permet aux organisations de travailleurs de s'organiser comme elles l'entendent et d'élire librement leurs représentants. En agissant ainsi, ces syndicats n'ont fait qu'exercer certaines des fonctions qui constituent leur raison d'être. Il est d'une importance capitale de reconnaître et de renforcer les organismes véritablement représentatifs de la classe ouvrière du Venezuela afin de créer les conditions d'un véritable dialogue social.
  16. 1006. D'autre part, l'arrêté du ministre du Travail se borne à prendre acte des résultats du scrutin du 20 octobre 1999 organisé dans les règles par la commission électorale unitaire et à indiquer les identités des personnes élues au comité exécutif et au tribunal disciplinaire. Simple acte administratif, et non normatif, cet arrêté ne constitue pas une nomination, par le gouvernement du Venezuela, des membres de ces deux organes.
  17. 1007. Par ailleurs, il semble que l'arrêté en question soit conforme à l'article 91 de la Constitution (abrogée) de la République du Venezuela, qui garantit les droits des membres des syndicats de travailleurs et du patronat, car il a été pris alors que ladite Constitution était encore en vigueur. Il est par ailleurs conforme à l'article 95 de la nouvelle Constitution approuvée par référendum populaire du 15 décembre 1999 et entrée en vigueur le 30 décembre de la même année (publication au Journal officiel sous le no 36.860). Cette disposition constitutionnelle est tout à fait conforme à la convention no 87, car elle prévoit que les organisations syndicales ne doivent pas faire l'objet d'actes d'intervention dans leurs affaires, de suspension ou de dissolution par voie administrative, les travailleurs étant protégés contre tout acte de discrimination ou d'ingérence contraire à l'exercice de ce droit.
  18. 1008. Si un groupe dissident de SITRAMECA n'était pas d'accord avec les résultats des élections, il aurait dû les contester devant les autorités judiciaires compétentes, et non s'attaquer à l'arrêté du ministère du Travail, car celui-ci ne constitue nullement une ingérence dans les affaires des syndicats concernés.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1009. Le comité observe que dans le cas d'espèce, l'organisation plaignante conteste un acte du ministre du Travail en date du 23 novembre 1999 qui, à son avis, a pour effet de dissoudre une organisation syndicale du métro de Caracas et de l'intégrer à une autre, légalisant de manière arbitraire un processus d'unification entre les deux syndicats.
  2. 1010. Le comité prend note par ailleurs des déclarations du gouvernement selon lesquelles: 1) les organisations syndicales ASUTMETRO et SITRAMECA ont conclu un accord de regroupement, ASUTMETRO ayant décidé à cette fin, et de son plein gré, de se dissoudre, comme il ressort de l'acte du 20 août 1999; des membres de l'Assemblée nationale constituante ont participé à l'élaboration de cet accord; 2) l'assemblée générale unitaire extraordinaire du 1er septembre a décidé d'organiser une élection unitaire à laquelle tous les travailleurs, qu'ils soient ou non membres de l'un des deux syndicats, pourraient participer, et décidé de concentrer le processus d'unification sur le syndicat comportant le plus grand nombre de membres, ASUTMETRO ayant décidé de se dissoudre dans le but d'assurer l'unité syndicale; 3) dans son arrêté du 23 novembre 1999 (qui fait l'objet d'un recours devant le Tribunal suprême de justice), le ministre du Travail s'est borné à rendre compte de l'élection organisée le 20 octobre 1999 par la commission électorale unitaire et à indiquer l'identité des personnes élues au comité exécutif et au tribunal disciplinaire; cet acte administratif ne fait que reproduire les résultats du scrutin; 4) avant la prestation de serment des personnes élues, les candidats insatisfaits ont, semble-t-il, déposé des réclamations auxquelles la commission électorale n'a pas fait droit; 5) l'autorité judiciaire a prononcé la nullité de l'assemblée du 1er septembre 1999, mais un appel a été interjeté contre cette décision auprès de la Cour suprême de justice.
  3. 1011. Le comité souhaite mettre en relief dans la succession des faits relatés par le gouvernement un élément de grande importance, à savoir qu'il s'agit d'un processus électoral unitaire dans lequel les travailleurs du métro de Caracas, qu'ils soient membres ou non des organisations ASUTMETRO et SITRAMECA, pouvaient exercer leur droit de vote. Le comité considère que ce fait, qu'il ait été voulu ou non par les syndicats en question, invalide à lui seul le processus de regroupement syndical et la nomination des organes syndicaux. Selon le comité, l'acte du ministre du Travail, qui "reconnaît comme légitime le processus d'unification des deux syndicats de la S.A. Métro de Caracas et l'élection du nouveau comité exécutif du Syndicat des travailleurs du métro de Caracas", viole le principe le plus élémentaire de la liberté syndicale, en vertu duquel seuls les membres des organisations syndicales doivent décider de leur structure et de la composition de leurs organes. Le comité rejette énergiquement ce type de pratique et invite instamment le gouvernement à respecter la convention no 87 et à ne pas s'ingérer dans les affaires internes des organisations syndicales. Le comité porte à l'attention du gouvernement les articles 2 et 3 de la convention no 87:
    • Article 2
    • Les travailleurs et les employeurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières.
    • Article 3
  4. 1. Les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action.
  5. 2. Les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal.
  6. 1012. Dans ces conditions et tenant compte des recours judiciaires engagés, le comité espère que les autorités judiciaires annuleront l'acte du ministre du Travail en date du 23 novembre 2000, ainsi que le processus d'unification syndicale entrepris entre SITRAMECA et ASUTMETRO; le comité invite instamment le gouvernement à faire en sorte que ce processus ne puisse être mis en œuvre qu'à l'initiative des membres des deux organisations. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à ce sujet.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1013. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Constatant que le gouvernement a violé la convention no 87, le comité espère que les autorités judiciaires annuleront l'acte du ministre du Travail en date du 23 novembre 2000, ainsi que le processus d'unification syndicale entrepris entre SITRAMECA et ASUTMETRO, et prie instamment le gouvernement de veiller à ce que ce processus ne puisse être mis en œuvre qu'à l'initiative des membres des deux organisations.
    • b) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à ce sujet.
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