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Rapport définitif - Rapport No. 323, Novembre 2000

Cas no 2074 (Cameroun) - Date de la plainte: 07-JANV.-00 - Clos

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  1. 132. La plainte qui fait l'objet du présent cas figure dans des communications de la Confédération syndicale des travailleurs du Cameroun (CSTC) datées des 7 janvier et 27 mars 2000. Dans des communications des 15 et 18 février 2000, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et l'Organisation de l'unité syndicale africaine (OUSA) se sont respectivement associées à la plainte de la CSTC.
  2. 133. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication du 27 avril 2000.
  3. 134. Le Cameroun a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 135. Dans sa communication du 7 janvier 2000, le président confédéral de la CSTC, M. Benoît Essiga, indique que la CSTC a réuni du 7 au 9 avril 1999 les assises de son congrès extraordinaire dans le but notamment d'élire son bureau exécutif. Ce congrès s'est déroulé en présence de nombreux observateurs, dont certains du ministère de l'Emploi, du Travail et de la Prévoyance sociale ainsi que du ministère de l'Intérieur. D'après le plaignant, ces observateurs ont fait des rapports confirmant la bonne tenue et le bon déroulement des travaux.
  2. 136. Toutefois, le plaignant allègue que le ministre de l'Emploi, du Travail et de la Prévoyance sociale a par la suite posé des actes contestant les résultats du congrès de la CSTC. Parmi ces actes, le plaignant évoque des déclarations tendancieuses dans les médias audiovisuelles d'Etat dans lesquelles le ministre aurait notamment affirmé que la CSTC ne disposait pas d'un bureau exécutif malgré la tenue du congrès d'avril 1999. De plus, le plaignant évoque l'empêchement fait à ses dirigeants élus de mener les activités lors de la fête du 1er mai 1999, le refus de consulter la CSTC pour la désignation du délégué travailleur à la 87e Conférence internationale du Travail de juin 1999 et enfin le refus d'inviter la CSTC à la cérémonie solennelle de présentation des voeux de Nouvel An au chef de l'Etat.
  3. 137. En outre, le plaignant affirme qu'une villa appartenant à la CSTC aurait été investie de force par le ministère du Travail qui y aurait installé un dirigeant de la Fédération nationale indépendante de l'énergie et de l'eau du Cameroun, non affiliée à la CSTC, M. Abena Fouda. Enfin, le plaignant allègue que trois dirigeants de la CSTC dont lui-même auraient fait l'objet d'une arrestation arbitraire avant d'être relaxés grâce à la pression internationale.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 138. Dans sa communication du 7 avril 2000, le gouvernement réitère sa position de neutralité et de non-ingérence face au bicéphalisme qui perdure selon lui au niveau des instances dirigeantes de la CSTC. Il réaffirme n'avoir jamais souhaité cette situation et attend toujours qu'un bureau confédéral unique, mis en place conformément aux statuts de cette confédération, soit présenté. Le gouvernement rappelle que plus de 500 syndicats, organisés sur le plan géographique et sectoriel au Cameroun, exercent librement leurs activités, tant au sein des entreprises qu'avec les autorités administratives. De plus, la grande majorité de ces syndicats, enregistrés ou non, sont affiliés à la CSTC ou s'en réclament. Ainsi, le gouvernement déclare qu'il est inexact de prétendre que les droits syndicaux sont violés au Cameroun et insiste sur le fait que les turpitudes individuelles ou de groupes pour diriger la CSTC ne sauraient occulter la réalité de la liberté syndicale dans le pays.
  2. 139. S'agissant de l'allégation dénonçant les déclarations tendancieuses du ministre de l'Emploi, et notamment de la remise en question du bureau exécutif de la CSTC suite au congrès d'avril 1999, le gouvernement rappelle qu'il a adressé au Directeur général du BIT une lettre portant à sa connaissance l'évolution de la crise au sein de la CSTC dans laquelle il soulignait que le congrès d'avril 1999 semblait avoir été le congrès d'une seule faction de la CSTC. En effet, malgré la médiation de tierces parties qui a abouti à la signature d'un communiqué conjoint par les leaders des deux factions (MBAPPE/SOMBES et BAKOT/ESSIGA), la faction MBAPPE/SOMBES n'a pas pris part aux travaux de ce congrès au motif que les dispositions statutaires et les accords contenus dans le communiqué conjoint étaient violés, notamment celles relatives à la convocation des délégués. Ainsi, le gouvernement estime que la reconnaissance du bureau élu lors de ce congrès comme interlocuteur représentant la CSTC aurait constitué justement une ingérence dans les affaires internes de cette confédération syndicale.
  3. 140. S'agissant de l'allégation relative aux manifestations du 1er mai 1999, le gouvernement affirme que M. Essiga et les responsables de sa faction, qui sont les auteurs de la présente plainte, ont participé activement aux manifestations de ce jour à Yaoundé (défilé, meeting, discours).
  4. 141. S'agissant de l'allégation relative à la présentation des voeux au chef de l'Etat, le gouvernement estime que la présentation des voeux de Nouvel An ne relève pas de la liberté syndicale ou des droits syndicaux.
  5. 142. S'agissant de l'occupation de la villa de la CSTC, mise à la disposition de cette dernière par le gouvernement, par le président de la Fédération nationale des travailleurs de l'énergie et de l'eau du Cameroun affilié à la CSTC, M. Abena Fouda, mais partisan de la faction rivale dirigée par MM. Mbappe et Sombes, le gouvernement observe qu'il s'agit d'une affaire opposant les deux factions de la CSTC et qu'elle est en instance devant les autorités judiciaires. Le gouvernement signale toutefois, pour témoigner de sa non-ingérence dans les affaires syndicales, que M. Essiga et ses partisans ont occupé par la violence les locaux du siège de la CSTC, qui sont aussi une propriété de l'Etat mise gracieusement à la disposition de la CSTC depuis plusieurs années.
  6. 143. S'agissant des allégations d'arrestations dites arbitraires de dirigeants d'une des factions de la CSTC, le gouvernement précise qu'elles font suite à des actes commis par M. Essiga et ses collègues qui relèvent du droit pénal, et ce suite à une plainte déposée par la faction rivale de la CSTC pour tentative d'assassinat, vol aggravé, menaces sous condition et violation de domicile contre la personne du secrétaire général de la CSTC, M. Abena Fouda, qui occupait régulièrement la maison.
  7. 144. Enfin, le gouvernement déclare que toutes les allégations de cette plainte sont le fruit d'un dirigeant syndical victime du syndrome d'illégitimité puisqu'il est permis de constater qu'un bureau confédéral parallèle de la CSTC est actif tant sur le plan national qu'international.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 145. Le comité observe que le présent cas concerne des allégations de discrimination envers un syndicat et de détentions arbitraires de dirigeants syndicaux. Le comité note également que plusieurs des questions soulevées dans la plainte ont trait à un différend au sein d'une organisation syndicale. A cet égard, le comité rappelle qu'il a examiné des allégations similaires dans le cadre du cas no 1969 lors d'une plainte déposée par la CSTC contre le gouvernement du Cameroun. A cette époque, le comité avait rappelé qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur des conflits internes à une organisation syndicale, sauf si le gouvernement intervenait d'une manière pouvant affecter l'exercice des droits syndicaux et le fonctionnement normal d'une organisation. N'ayant pas compétence pour traiter des différends opposant les diverses tendances syndicales, le comité avait toutefois noté les efforts de médiation entrepris par le gouvernement à cet égard et lui avait demandé de poursuivre ses efforts en consultation avec les organisations concernées afin de permettre aux travailleurs de choisir librement leurs représentants. (Voir 311e rapport, paragr. 144 et 145. )
  2. 146. Dans le présent cas, le comité observe que les allégations relatives aux déclarations du ministre du Travail selon lesquelles la CSTC ne dispose pas d'un bureau exécutif unique malgré la tenue du congrès d'avril 1999, celles relatives au refus d'inviter la CSTC à la cérémonie de présentation des voeux de Nouvel An au chef de l'Etat, au conflit concernant l'occupation de la villa de fonction de la CSTC ainsi qu'au refus de consulter la CSTC pour la désignation du délégué travailleur à la 87e Conférence internationale du Travail de juin 1999 sont toutes liées à la question de la direction de la CSTC qui fait l'objet de contestations internes depuis la fin de 1997. A cet égard, le comité note que, cette année encore, une protestation concernant la désignation du délégué des travailleurs du Cameroun pour la 88e Conférence internationale du Travail a été déposée devant la Commission de vérification des pouvoirs par la CSTC. A ce stade, le comité estime opportun de se référer à la décision de la Commission de vérification des pouvoirs de la 88e Conférence. Dans sa décision, cette commission a noté les précisions fournies par M. Essiga concernant les conflits internes qui ont eu lieu au sein de la CSTC depuis 1997 et qui ont conduit à la convocation d'un congrès extraordinaire en 1999 en vue de tenter de réconcilier les factions rivales. Ce congrès, au cours duquel M. Essiga a été élu président de la CSTC, a été contesté par la faction rivale qui a allégué des irrégularités dans la procédure, irrégularités qui n'ont toujours pas été confirmées par les tribunaux. A cet effet, bien qu'il puisse exister des doutes sur la légitimité des différents bureaux élus depuis la scission au sein de la direction de la CSTC en 1997, la commission a estimé que les informations disponibles cette année n'étaient pas de nature à mettre en cause la validité des résultats du congrès unitaire de 1999, auquel le gouvernement était représenté. Toutefois, il était tout aussi raisonnable de croire, compte tenu des informations disponibles, qu'une partie du bureau de la CSTC se soit scindée de la confédération. La commission a considéré que ces conflits internes, bien que n'étant pas de son ressort mais de celui des autorités nationales compétentes, avaient en l'espèce une incidence sur l'examen de la conformité de la désignation de la délégation des travailleurs avec les dispositions de la Constitution de l'OIT. Cependant, la commission a décidé de ne pas retenir la protestation de la CSTC, voulant croire que le gouvernement ainsi que toutes les parties intéressées au sein de la CSTC trouveraient les moyens d'assurer qu'à l'avenir la désignation de la délégation des travailleurs à la Conférence puisse être faite en accord avec l'organisation la plus représentative des travailleurs tout entière.
  3. 147. Pour sa part, le comité note que, selon l'information fournie par le plaignant lui-même en annexe de sa plainte, la Fédération nationale des syndicats des travailleurs de l'eau et de l'électricité du Cameroun, présidée par M. Abena Fouda et affiliée à la CSTC selon ce dernier, mais contestée par M. Essiga, compte environ 4 500 adhérents répartis dans 29 syndicats. Cette fédération a approuvé sans réserve les démarches pour l'organisation d'un congrès unitaire de la CSTC en avril 1999. Toutefois, elle s'est vu refuser par la commission d'organisation des congrès de la CSTC des 7, 8 et 9 avril 1999 de jouir de tous les droits reconnus aux organisations confédérées. A la lecture des informations disponibles au dossier, il ressort en outre que la CSTC a accumulé une dette de plus de 16 millions de francs CFA envers la fédération dont M. Fouda est le président. A la lumière de ce qui précède, le comité se voit dans l'obligation de réitérer sa position antérieure, à savoir qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur les allégations découlant des conflits internes à une organisation syndicale, sauf si le gouvernement est intervenu d'une manière qui pourrait affecter l'exercice des droits syndicaux. A cet égard, le comité estime que les allégations relatives à la non-invitation lors des voeux du Nouvel An et au partage de la villa de fonction entre les factions de la CSTC ne présentent pas d'éléments constituant des violations des droits syndicaux. En ce qui concerne la désignation du délégué travailleur à la Conférence internationale du Travail, le comité prend note des conclusions de la Commission de vérification des pouvoirs et estime dans ces conditions que cet aspect du cas n'appelle pas d'examen plus approfondi. De l'avis du comité, seules les déclarations du ministre du Travail selon lesquelles la CSTC ne possède pas de bureau exécutif pourraient constituer une forme d'ingérence et affecter le fonctionnement normal de cette organisation. Le comité prie donc le gouvernement de s'abstenir dans l'avenir de se livrer à des actes discriminatoires ou de formuler des déclarations qui pourraient constituer une forme d'ingérence dans les affaires internes de la CSTC.
  4. 148. S'agissant des allégations relatives aux manifestations du 1er mai 1999, le comité observe les versions tout à fait contradictoires de l'organisation plaignante et du gouvernement. Dans ces circonstances, le comité n'est pas en mesure de tirer des conclusions et ne peut que rappeler que les syndicats devraient avoir le droit d'organiser librement les réunions qu'ils désirent pour célébrer le 1er mai, pourvu qu'ils respectent les dispositions prises par les autorités pour assurer l'ordre public. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 135.)
  5. 149. S'agissant des allégations d'arrestation arbitraire de trois dirigeants syndicaux de la CSTC, dont M. Essiga lui-même, et qui auraient été relaxés depuis, le comité note que, selon le gouvernement, ces arrestations auraient fait suite à une plainte déposée par M. Abena Fouda et relevait essentiellement du droit pénal. A la lecture du procès-verbal de la plainte, il apparaît que M. Essiga et d'autres dirigeants de la CSTC se sont introduits de nuit dans la villa de fonction de la CSTC en défonçant les portes et qu'ils étaient armés de machettes avec lesquelles ils ont menacé la famille de M. Fouda. Toutefois, le tribunal de première instance de Yaoundé a statué en date du 16 décembre 1999 en se déclarant incompétent et en renvoyant les parties à mieux se pourvoir. Dans ces circonstances, le comité ne peut que rappeler aux parties en conflit que, si des personnes menant des activités syndicales ou exerçant des fonctions syndicales ne peuvent prétendre à l'immunité vis-à-vis de la législation pénale ordinaire, les activités syndicales ne devraient pas en elles-mêmes servir de prétexte aux pouvoirs publics pour arrêter ou détenir arbitrairement des syndicalistes. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 83.)

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 150. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:
    • Suite aux déclarations des autorités publiques selon lesquelles la CSTC ne posséderait pas de bureau exécutif, le comité prie le gouvernement de s'abstenir dans l'avenir de se livrer à des actes discriminatoires ou de formuler des déclarations qui pourraient constituer une forme d'ingérence dans les affaires internes de la CSTC.
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