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Rapport définitif - Rapport No. 320, Mars 2000

Cas no 2033 (Uruguay) - Date de la plainte: 16-JUIN -99 - Clos

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  1. 818. La plainte figure dans une communication de l'Assemblée intersyndicale des travailleurs - Congrès national des travailleurs (PIT-CNT) du 16 juin 1999. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication datée du 30 novembre 1999.
  2. 819. L'Uruguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 820. Dans sa communication du 16 juin 1999, l'Assemblée intersyndicale des travailleurs - Congrès national des travailleurs (PIT-CNT) explique que l'entreprise Gaseba Uruguay SA (Groupe gaz de France) est une entreprise privée, titulaire d'une concession de service public pour la distribution de gaz transporté par canalisation et qu'en mars 1996 l'Union autonome des ouvriers et des employés du gaz (UAOEGAS), qui est l'organisation syndicale des travailleurs de Gaseba Uruguay SA, s'est vue obligée d'informer les travailleurs, les organes de l'Etat et l'opinion publique des effets sur la santé des travailleurs d'une substance appelée "Amerzine" que Gaseba Uruguay SA avait commencé à utiliser. L'UAOEGAS a notamment donné des informations sur les mesures préventives et les mesures de sécurité que devraient prendre les personnes qui manipulaient cette substance, ce que l'entreprise refusait de faire. Les faits dénoncés par l'organisation syndicale ont été vérifiés par les services de l'inspection du travail du ministère du Travail et de la Sécurité sociale lors d'une inspection effectuée sur le lieu de travail, le 9 mai 1996. Lors de cette inspection (dont le procès-verbal est joint en annexe), il a été établi que l'"Amerzine" était utilisée, qu'il s'agissait d'une substance nocive et qu'aucune mesure de sécurité indispensable pour son utilisation n'était prise. En conséquence, l'inspection du travail a interdit à Gaseba Uruguay SA d'utiliser l'"Amerzine" et lui a accordé un délai de dix jours pour trouver une solution de remplacement.
  2. 821. Le PIT-CNT ajoute que, dans un premier temps, l'entreprise Gaseba Uruguay SA a porté plainte, au pénal, contre les dirigeants et militants syndicaux qui avaient obtenu des échantillons du produit avec lequel ils travaillaient. La justice pénale a déclaré, en accord avec le ministère public, qu'aucune infraction n'avait été commise (l'organisation plaignante joint en annexe le document de cette décision). Sa tentative pour intimider les dirigeants et les militants syndicaux en les dénonçant à la justice pénale ayant échoué, Gaseba Uruguay SA a, le 15 mars 1996, annoncé leur licenciement aux dirigeants syndicaux et aux travailleurs suivants: Pablo Fernández, Wilson Sequeira, Walter Suárez Pi et Alejandro Acosta, qui avaient tous contribué activement à dénoncer l'utilisation de l'"Amerzine".
  3. 822. Le PIT-CNT affirme aussi que le 7 décembre 1996 l'entreprise a annoncé le licenciement de 33 autres travailleurs, qui étaient tous affiliés au syndicat, quatre d'entre eux faisant partie du comité exécutif du syndicat. Quelques-uns des travailleurs touchés par cette seconde vague de licenciements ont accepté par la suite de quitter l'entreprise en échange d'une indemnité compensatoire. D'autres ont rejeté cette offre, notamment Luis Puig, qui est actuellement président de l'UAOEGAS, Washington Beltrán, qui est secrétaire général du syndicat, et Angel García, qui fait partie du comité exécutif du syndicat depuis 1997 et était précédemment délégué de section.
  4. 823. Vu, d'une part, les besoins de la population et, d'autre part, le fait qu'une interruption du service aurait pu avoir de graves conséquences en raison de l'ancienneté et du mauvais état des canalisations, le syndicat a décidé de mener une action syndicale énergique, sans toutefois recourir à la grève, et d'accepter la médiation du ministère du Travail. A l'issue d'un long processus auquel le ministère du Travail a participé activement, plusieurs personnes licenciées ont opté pour la solution généralement proposée par le ministère du Travail, à savoir quitter l'entreprise en échange d'une indemnité.
  5. 824. S'agissant des travailleurs qui avaient fait l'objet d'un licenciement antisyndical et qui n'ont pas accepté l'indemnité susmentionnée, deux accords ont été conclus grâce à l'intervention du ministère du Travail. Le premier (dont le plaignant joint le texte en annexe) a été conclu le 4 mai 1996. Il porte sur le premier groupe de travailleurs licenciés. Cet accord a annulé les licenciements illicites notifiés par l'entreprise le 15 mars 1996 et les a remplacés par une suspension, pendant trois ans, du contrat de travail de chacun des quatre travailleurs intéressés, à savoir: MM. Fernández, Sequeira, Suárez Pi et Acosta, qui étaient tous des dirigeants syndicaux. L'accord prévoyait que pendant ces trois années ils continueraient de percevoir leur salaire, mais devraient s'abstenir de toute activité dans l'entreprise. En outre, ils se sont engagés à ne pas représenter le syndicat lors des contacts que ce dernier pourrait avoir avec l'entreprise pendant ces trois années. Si l'organisation syndicale a accepté ces restrictions, c'est parce qu'en échange il a été réaffirmé que les licenciements antiyndicaux sont nuls et que les travailleurs ainsi licenciés doivent être réintégrés.
  6. 825. Le deuxième accord, conclu le 12 mars 1997, également avec la participation du ministère du Travail, concerne les travailleurs à qui l'entreprise avait notifié leur licenciement le 7 décembre 1996 (document joint en annexe par l'organisation plaignante). Cet accord prévoit qu'une partie des travailleurs licenciés accepte leur situation en échange d'une indemnité; un deuxième groupe de travailleurs est réintégré; et un troisième groupe de travailleurs perçoit une allocation de chômage sans qu'il soit mis fin à leur contrat de travail avec l'entreprise. Certains points de cet accord n'ont pas encore été appliqués étant donné que la période pendant laquelle une partie des travailleurs perçoit l'allocation de chômage n'est pas encore écoulée.
  7. 826. Le PIT-CNT indique que le 3 mai 1999, c'est-à-dire le jour même où s'achevait la période de suspension du contrat de travail de MM. Pablo Fernández, Wilson Sequeira, Walter Suárez Pi et Alejandro Acosta, Gaseba Uruguay SA notifiait à chacun de ces travailleurs leur licenciement pour "mauvaise conduite notoire". L'entreprise procédait ainsi une nouvelle fois à des licenciements antisyndicaux, comme le montrent à l'évidence les circonstances suivantes:
    • -- toutes les personnes licenciées sont des dirigeants syndicaux;
    • -- il s'agit des personnes qui, en mars 1996, ont participé activement à la dénonciation de la pratique de l'entreprise consistant à utiliser des substances nocives pour la santé des travailleurs sans prendre les mesures de sécurité nécessaires;
    • -- il s'agit de personnes qui avaient déjà fait l'objet de licenciements antisyndicaux et que l'entreprise a accepté de réintégrer en échange de la suspension de leur contrat de travail pendant une période de trois ans;
    • -- le motif du licenciement - mauvaise conduite notoire du travailleur (qui est le motif exigé par la législation uruguayenne) - est absurde étant donné qu'il s'agit de travailleurs qui, pendant les trois dernières années, ont été tenus à l'écart de leurs lieux de travail.
  8. 827. Le PIT-CNT souligne que ces faits ont été portés à la connaissance du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, mais que celui-ci n'a pas ordonné la réintégration des militants syndicaux licenciés et n'a rien fait pour empêcher que les licenciements illicites ne deviennent un fait accompli; il s'agit là d'un manquement à la convention no 98. La politique du gouvernement, qui consiste à faciliter la conclusion d'accords prévoyant le versement d'indemnités compensatoires aux travailleurs licenciés pour activités syndicales, au lieu d'imposer la réintégration de ces travailleurs, est connue des employeurs et publiquement réaffirmée par les porte-parole du gouvernement. Une telle politique s'avère contre-productive. En effet, pour un mauvais employeur disposé à commettre des actes de discrimination antisyndicale, le paiement d'une indemnité ou d'une amende, même importante, est un "coût" insignifiant par rapport au "bénéfice", à savoir parvenir à détruire l'organisation syndicale.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 828. Dans sa communication du 30 novembre 1999, le gouvernement indique que dans ses allégations le PIT-CNT dénonce en fait le prétendu non-respect par le gouvernement de son obligation de protéger les travailleurs contre les atteintes à la liberté syndicale, en l'occurrence le licenciement par l'entreprise Gaseba Uruguay SA de deux groupes de travailleurs. En effet, dans un premier temps, l'entreprise susmentionnée a notifié le licenciement de quatre employés, MM. Pablo Fernández, Wilson Sequeira, Walter Suárez Pi et Alejandro Acosta. Elle a ensuite notifié le licenciement de trois autres travailleurs, MM. Luis Puig, Washington Beltrán et Angel García. Ces licenciements se sont échelonnés sur une période de trois ans, et le gouvernement estime que ces faits ne suffisent pas à sanctionner Gaseba Uruguay SA pour violation de la liberté syndicale.
  2. 829. Le gouvernement indique que le licenciement de Pablo Fernández, Wilson Sequeira, Walter Suárez Pi et Alejandro Acosta était dû à la commission d'actes qualifiés par l'entreprise de "mauvaise conduite notoire". Ces licenciements ont ensuite été suspendus par un accord en date du 4 mai 1996, par lequel l'entreprise s'engageait à continuer à verser, pendant une période de trois ans, leur rémunération à ces travailleurs, ceux-ci étant dispensés d'accomplir des tâches dans l'entreprise et empêchés de pénétrer dans les locaux de l'entreprise ou dans les lieux où celle-ci effectue des travaux. Il est vrai également que l'entreprise a rendu compte à la justice pénale des faits qui l'ont amenée à licencier les quatre travailleurs pour "mauvaise conduite notoire". Il faut à ce propos savoir que dans l'ordonnancement juridique de l'Uruguay, le juge pénal n'est pas lié par les décisions du juge du travail, et vice versa. Le gouvernement précise qu'à l'expiration du délai de trois ans prévu dans l'accord du 4 mai 1996 Gaseba Uruguay SA a confirmé sa décision antérieure de licencier ces quatre travailleurs, qui auraient dérobé des photos et du matériel dans les locaux de l'entreprise et auraient à cette occasion agressé le personnel de surveillance. Il convient à ce propos de préciser que le personnel de Gaseba Uruguay SA, ou de toute autre entreprise, peut, s'il a des doutes sur la nature et les caractéristiques des produits utilisés par l'employeur ou sur l'état des installations, en informer anonymement l'organe compétent, à savoir l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale, qui a rang de Direction au sein du ministère du Travail et de la Sécurité sociale. La loi habilite en effet les inspecteurs du travail à "pénétrer librement et sans préavis, à toute heure du jour ou de la nuit, en tous lieux où sont occupés des travailleurs; ... prendre des échantillons de substances et de matériaux utilisés ou manipulés dans l'établissement en vue de les analyser et de les soumettre à une expertise technique, à condition d'informer l'employeur ou son représentant que les substances ou les matériaux qui ont été pris ou sortis l'ont été à cette fin". La loi no 15903 du 10 novembre 1997 établit les peines encourues par l'employeur qui ne respecte pas les normes du travail: avertissement, amende (d'un montant pouvant aller jusqu'à 50 salaires journaliers des travailleurs concernés par l'infraction) ou fermeture de l'établissement pour une durée maximale de six jours avec obligation de verser les salaires (art. 289). Ces sanctions s'appliquent sans délai et, en cas d'amende, il est possible de saisir les comptes bancaires de l'employeur au moyen d'une communication à la Banque centrale de l'Uruguay, ce qui constitue une exception particulière au secret bancaire (art. 290).
  3. 830. Les travailleurs ne peuvent donc arguer d'aucun vide juridique pour justifier leur comportement. Par ailleurs, l'administration du travail ne dispose d'aucun document attestant que les travailleurs en question ont nié les faits que leur impute l'entreprise. Comme il n'existe aucune décision administrative ou judiciaire jugeant infondé le licenciement des intéressés pour "mauvaise conduite notoire", le gouvernement n'a pas jugé bon d'appliquer, à travers le système de l'administration du travail, des sanctions pour violation de la liberté syndicale.
  4. 831. S'agissant du licenciement de MM. Luis Puig, Washington Beltrán et Angel García, le gouvernement déclare que, le 7 décembre 1996, Gaseba Uruguay SA a annoncé le licenciement de 34 travailleurs pour cause de restructuration fonctionnelle et administrative de l'entreprise. Il s'en est suivi un conflit entre le syndicat et l'entreprise qui, grâce à la médiation du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, sont parvenus à un accord écrit le 12 mars 1997 (le gouvernement annexe le texte de cet accord à sa communication). Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a également effectué d'office une enquête sur l'éventuel caractère antisyndical des licenciements annoncés par l'entreprise. Dans sa décision du 20 juillet 1998, l'accord par lequel les parties ont mis fin au conflit a été pris en compte en tant qu'élément de preuve. Cet accord prévoyait la réintégration de quatre représentants du syndicat, y compris son président (M. Miguel Vela), et la suspension, pendant douze mois, du contrat de travail des 14 autres travailleurs qui ont accepté de percevoir l'allocation de chômage. En outre, l'entreprise s'engageait à réintégrer 11 de ces travailleurs à l'expiration dudit délai et à verser une indemnité aux trois travailleurs qui ne seraient pas repris. A l'issue de l'enquête qu'il a menée pour déterminer si Gaseba Uruguay SA se livrait à des pratiques antisyndicales, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a conclu, dans sa décision du 20 juillet 1998, que le caractère antisyndical des licenciements survenus le 7 décembre 1996 n'était pas établi, et a classé l'affaire (le gouvernement annexe à sa communication une copie de cette décision). Cette conclusion du ministère du Travail et de la Sécurité sociale est corroborée par le paragraphe 7 du document signé conjointement, le 12 mars 1997, par l'entreprise et par le syndicat, qui se lit comme suit: "Les parties confirment que les conventions nos 87, 98 et 154 sont pleinement en vigueur, sans préjudice de l'accomplissement des obligations découlant du contrat de travail." Les parties ont ainsi voulu indiquer que l'accord qui mettait fin au conflit qui les opposait et qui prévoyait que trois travailleurs ne seraient pas repris ne constituait pas une atteinte aux conventions internationales nos 87, 98 et 154. Quinze mois plus tard, analysant le même fait, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale est parvenu à la même conclusion que les parties, à savoir qu'il n'y avait pas eu violation des normes internationales du travail susmentionnées. Le gouvernement indique que la décision de Gazeba Uruguay SA de ne pas reprendre les trois travailleurs au bout de douze mois avait déjà été acceptée par les autorités du syndicat de l'entreprise (UAOEGAS) et le PIT-CNT, ainsi qu'il ressort de l'accord en date du 12 mars 1997.
  5. 832. En résumé, le gouvernement affirme, à propos des quatre premiers licenciements, dus selon l'entreprise à une "mauvaise conduite notoire", qu'à l'évidence les parties n'ont pas voulu, dans le document daté du 4 mai 1996, préciser ce qui se passerait à l'expiration du délai de trois ans, et la décision finale de licencier ces personnes prise par l'entreprise est conforme à la position de départ de l'entreprise. L'administration du travail dispose de moyens juridiques et matériels pour faire respecter les normes relatives à la sécurité et à l'hygiène au travail; il est donc inadmissible que les travailleurs agissent pour leur propre compte. En outre, rien n'indique que les travailleurs en question aient jamais nié les faits que leur impute l'entreprise; en conséquence, l'administration du travail ne peut se prononcer sur un contentieux qui en fin de compte relève de la compétence des juridictions du travail. Pour ce qui est des trois licenciements survenus à l'expiration du délai de douze mois prévu dans l'accord du 12 mars 1997, il est évident qu'il ne s'agit pas d'une mesure discriminatoire à l'encontre du syndicat, puisque ces licenciements étaient prévus dans le document où les deux parties reconnaissent que les conventions nos 87, 98 et 154 de l'OIT sont mises en application. C'est pourquoi le gouvernement demande que soient rejetées les allégations de l'organisation plaignante.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 833. Le comité note que dans le présent cas l'organisation plaignante a affirmé que l'entreprise Gaseba Uruguay SA a procédé au licenciement antisyndical de sept dirigeants syndicaux. S'agissant du licenciement des dirigeants syndicaux, Pablo Fernández, Wilson Sequeira, Walter Suárez Pi et Alejandro Acosta, le comité relève que, d'après l'organisation plaignante, si ces travailleurs ont été licenciés ce n'est pas, comme l'affirme l'entreprise, pour "mauvaise conduite notoire", mais parce qu'ils ont contribué activement à informer l'opinion publique que Gaseba Uruguay SA avait commencé à utiliser l'"Amerzine", une substance dangereuse pour la santé des travailleurs; la justice pénale, en accord avec le ministère public, a déclaré qu'aucune infraction n'avait été commise. Le comité prend note de l'information du gouvernement selon laquelle la "mauvaise conduite notoire" a consisté, pour les quatre dirigeants syndicaux, à agresser le personnel de surveillance qui les avait surpris en train de dérober des photos et du matériel dans les locaux de l'entreprise (ces faits que l'entreprise impute aux travailleurs susmentionnés n'ont pas été niés par ces derniers). Le gouvernement indique que les dirigeants syndicaux auraient pu s'adresser à l'inspection du travail et que la législation du travail prévoit des sanctions en cas de non-respect des normes relatives à la sécurité et à la santé au travail (avertissement, amende ou fermeture de l'établissement avec obligation de payer les salaires). Les travailleurs ne peuvent donc arguer d'un vide juridique pour justifier leurs actes et il est inadmissible qu'ils aient agi pour leur propre compte. Le comité note également que le document du 4 mai 1996, signé conjointement par les parties, prévoit que le licenciement des quatre dirigeants syndicaux sera suspendu, que l'entreprise continuera à leur verser leurs salaires et leurs autres prestations pendant une période de trois ans, période pendant laquelle ils seront dispensés d'accomplir des tâches dans l'entreprise et n'auront pas le droit de pénétrer dans les locaux de l'entreprise ou dans les lieux où celle-ci effectue des travaux. Le gouvernement déclare qu'à cette occasion les parties n'ont pas voulu préciser ce qui se passerait à l'expiration du délai de trois ans et que la décision de licencier ces travailleurs prise par l'entreprise au bout de trois ans est conforme à sa position de départ.
  2. 834. Le comité note que l'accord du 4 mai 1996 dispose ce qui suit:
  3. 1. Le contrat de travail, qui lie MM. Pablo Fernández, Wilson Sequeira, Walter Suárez Pi et Alejandro Acosta, est suspendu pendant trois ans à compter de ce jour.
  4. 2. En conséquence, les employés susmentionnés sont dispensés d'accomplir des tâches ou des fonctions, quelles qu'elles soient, au sein de l'entreprise, sans préjudice du versement par celle-ci de leur rémunération à toutes les personnes susmentionnées, versement qui se fera au ministère du Travail avant le cinquième jour ouvrable de chaque mois.
  5. 3. MM. Pablo Fernández, Wilson Sequeira, Walter Suárez Pi et Alejandro Acosta ne sont pas autorisés à pénétrer dans les locaux de l'entreprise ou dans les lieux où celle-ci effectue des travaux. De même, pendant la durée de la suspension, le PIT-CNT et l'UAOEGAS seront tenus de veiller à ce que les personnes susmentionnées ne participent pas aux pourparlers entre le syndicat et l'entreprise Gaseba, quel que soit le cadre dans lequel ces pourparlers pourraient se dérouler.
  6. 4. Les parties conviennent de mettre en place sans délai une table de négociation en vue d'élaborer une convention collective qui réglemente le salaire et les autres conditions de travail.
  7. 5. L'UAOEGAS s'engage à annuler toutes les mesures syndicales actuellement mises en oeuvre.
  8. 6. Si l'une quelconque des parties ne s'acquittait pas des obligations contractées dans le présent accord, à l'exception de l'obligation de verser les rémunérations, cet accord serait automatiquement tenu pour non avenu.
    • Le comité conclut que l'accord du 4 mai 1996 reste muet sur ce qui se passerait à la fin des trois années de suspension (rémunérées) du contrat de travail des quatre dirigeants syndicaux. Le comité partage toutefois l'opinion du gouvernement selon laquelle l'organisation syndicale et les quatre dirigeants syndicaux en question auraient pu et auraient dû faire appel à l'inspection du travail pour qu'elle constate la présence de la substance nocive "Amerzine" et prenne les mesures de protection appropriées, au lieu d'agir pour leur propre compte en agressant le personnel de surveillance qui les avait surpris en train de dérober des photos et du matériel dans les locaux de l'entreprise, outrepassant ainsi leurs droits syndicaux. Cela dit, compte tenu du fait que l'action menée par les dirigeants en question avait pour objet de protéger la santé du personnel, le comité estime que ces excès auraient pu entraîner des sanctions disciplinaires, mais pas la plus grave - le licenciement - puisqu'il existe des circonstances atténuantes et que l'accord entre les parties pouvait être interprété comme excluant la confirmation postérieure des licenciements initiaux des quatre dirigeants. Dans ces conditions, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, le comité demande instamment au gouvernement de prendre des initiatives pour rapprocher les parties en vue de parvenir à une solution concernant la situation des quatre dirigeants syndicaux qui soit satisfaisante pour les deux parties.
  9. 835. S'agissant du licenciement des dirigeants syndicaux Luis Puig, Washington Beltrán et Angel García, licenciés le 7 décembre 1996 avec 30 autres travailleurs, le comité note que d'après l'organisation plaignante les parties ont, le 12 mars 1997, signé, avec la participation du ministère du Travail, un accord prévoyant que les personnes licenciées qui acceptent leur situation recevront une indemnité, qu'un autre groupe sera réintégré et qu'un troisième groupe (dont font partie les trois dirigeants mentionnés) composé des personnes qui refusent d'accepter l'indemnité compensatoire percevra une allocation de chômage, mais sans qu'il soit mis fin à leur contrat de travail avec l'entreprise. Le comité note, d'une part, que, d'après le gouvernement, il ne ressort pas de l'enquête menée par le ministère du Travail que le licenciement des trois dirigeants syndicaux soit une mesure discriminatoire antisyndicale et, d'autre part, que la non-réintégration par l'entreprise des trois travailleurs à l'issue de la période de douze mois (au cours de laquelle ils ont perçu l'allocation de chômage) avait déjà été acceptée par le Syndicat UAOEGAS, comme en témoigne le protocole d'accord du 12 mars 1997 dans lequel "les parties confirment que les conventions nos 87, 98 et 154 sont pleinement en vigueur sans préjudice de l'accomplissement des obligations découlant du contrat de travail". Par ailleurs, l'entreprise a, dans l'enquête réalisée par le ministère du Travail, relevé les points suivants: 1) les pertes financières ont rendu nécessaires une restructuration et des réductions de personnel; d'où le licenciement, pour des raisons strictement économiques, de 33 travailleurs; 2) la majorité des personnes touchées n'était pas des dirigeants syndicaux; bien au contraire, puisque sur les trente trois personnes licenciées, seules quatre possédaient cette qualité; 3) pour déterminer qui serait licencié, l'entreprise a tenu compte du dossier personnel de chacun et de l'ancienneté dans le poste de travail. De même, il ressort du protocole d'accord du 12 mars 1997 que le conflit s'est achevé avec la réintégration de la majorité des travailleurs, parmi lesquels figurait le président de l'UAOEGAS. S'agissant de la situation des trois autres dirigeants et de l'autre groupe de travailleurs licenciés, la clause no 4 de l'accord susmentionné dispose ce qui suit:
    • Quatrièmement, les autres personnes touchées par la décision du 7 décembre 1996 percevront une allocation de chômage, période pendant laquelle elles recevront, de la part de l'Office national de l'emploi et/ou d'autres organismes publics compétents, la requalification qui convient. A l'issue de la période pendant laquelle elles percevront les allocations de chômage et qui pourrait être éventuellement prolongée par le pouvoir exécutif à la demande du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, l'entreprise s'engage à réintégrer 11 personnes de son choix, sauf si le nombre de personnes ayant opté pour un départ volontaire s'élève précisément à 11; dans ce cas, l'entreprise serait déliée de son engagement. Le nombre de réintégrations ou de départs volontaires ne pourra être supérieur à 11. La situation des personnes restantes sera examinée par une commission tripartite constituée à cette seule fin et composée d'un représentant des travailleurs, d'un représentant de l'entreprise et du Directeur national du travail ou d'une personne qu'il aura choisie pour le représenter ... Si la décision de la commission tripartite est favorable aux travailleurs, ceux-ci seront définitivement dégagés de toute obligation à l'égard de l'entreprise et recevront une indemnité équivalant à deux fois et demie l'indemnité prévue par la loi. Si la décision leur est favorable, les travailleurs auront droit à un congé extraordinaire, en attendant d'être réintégrés, sauf s'ils ont signé un autre contrat de travail avec un tiers, et percevront la totalité des salaires qu'ils auraient perçus s'ils avaient été en activité, et ce pendant une durée maximum de douze mois. Le paiement de ces salaires aura lieu au ministère du Travail et de la Sécurité sociale où l'entreprise aura déposé les sommes correspondantes. A l'expiration de ce délai, si l'entreprise n'a pas réintégré les travailleurs, ceux-ci seront déliés de toute obligation à son égard et auront le droit de percevoir une indemnité de licenciement équivalant au double de celle visée dans la deuxième clause. Si lors de la première réunion la commission a tranché en faveur des travailleurs, elle se réunira une seconde fois six mois plus tard pour réexaminer la situation des travailleurs. Si sa décision est une nouvelle fois favorable aux travailleurs, ceux-ci continueront à bénéficier du congé extraordinaire. Dans le cas contraire, ils seront définitivement déliés de toute obligation à l'égard de l'entreprise et percevront l'indemnité de licenciement prévue dans la deuxième clause.
  10. 836. Dans ces conditions, le comité conclut, d'une part, qu'il n'existe pas d'éléments suffisants pour affirmer que le licenciement des dirigeants syndicaux est lié à leurs fonctions ou à leurs activités syndicales et, d'autre part, que ledit licenciement s'est produit dans le cadre du protocole d'accord du 12 mars 1997.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 837. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité demande instamment au gouvernement de prendre des initiatives pour rapprocher les parties en vue de parvenir à une solution concernant la situation des dirigeants syndicaux Pablo Fernández, Wilson Sequeira, Walter Suárez et Alejandro Acosta qui soit satisfaisante pour les deux parties.
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